Texte intégral
C. Roux.- Nous allons recevoir tout de suite N. Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'Etat, chargée de la Prospective et du développement de l'économie numérique, mais elle est aussi la secrétaire générale de l'UMP. Elle sera en première ligne aujourd'hui pour la convention de l'UMP sur les retraites, alors que le Gouvernement avance en ordre dispersé et fait tomber le tabou des 60 ans. Le maître mot : pas de brutalité avant la mobilisation de jeudi. Bonjour !
Bonjour.
Alors, c'est aujourd'hui qu'on va connaître les propositions de l'UMP sur les retraites. On a le sentiment que le Gouvernement joue un petit peu à cache-cache sur la question des 60 ans. Est-ce que vous, vous diriez que l'UMP est favorable à l'idée de repousser l'âge légal de départ à la retraite ?
D'abord, je ne crois pas que le Gouvernement joue à cache-cache. Au mois d'avril, on nous disait, "la concertation va être trop courte", et maintenant, on nous dit "la concertation est trop longue", on voudrait avoir tout, tout de suite, sur la table". Le Gouvernement a simplement fixé un calendrier auquel il se tient. Du côté de l'UMP, on pense qu'il va falloir travailler plus, plus longtemps.
Jusqu'à quel âge ?
Jusqu'à quel âge, ce n'est pas à nous de le dire, et la concertation se poursuit précisément, mais on pense qu'il va falloir travailler plus longtemps. Il y a deux manières de le faire en fait, il y a trois manières de le faire : il y a l'allongement de la durée de cotisations, il y a le report de l'âge légal de la retraite, et il y a aussi tout simplement - et c'est peut-être le plus important - l'augmentation de l'âge effectif de départ en retraite. Nous, on a envie de jouer sur ces trois paramètres-là, y compris le troisième, c'est-à-dire de faire des propositions pour améliorer l'emploi des seniors.
Il y a un paramètre qui est tabou, c'est la question de l'âge des 60 ans, de l'âge légal...
On pense qu'il ne doit pas être tabou...
A. Robinet, monsieur retraite de l'UMP, dit "62 ans, ça me semble un minimum" - il est interrogé ce matin dans Les Echos. Est-ce que vous êtes sur cette ligne-là, 62 ans, c'est un minimum ?
On pense que l'âge de 60 ans ne doit pas être tabou, après, il y a plusieurs façons de le faire. Ça sonne un peu comme un absolu, un âge. Un âge, ça dépend du terme, on peut le faire de manière tuilée, voyez, dans le temps, et ce n'est pas forcément...
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le monsieur retrait de l'UMP, qui est ce matin dans Les Echos, qui dit que 62 ans, c'est un minimum...
Oui, nous, notre position politique, c'est de dire qu'il va falloir travailler plus longtemps. Il n'y a pas de tabou, et notamment, l'âge légal, ce n'est pas un tabou, nous pensons qu'il faudra l'augmenter.
M. Aubry dit qu'elle reviendra sur cette réforme si la gauche vient aux responsabilités.
M. Aubry, elle dit bien des choses. Au début, elle dit, "61, 62, pourquoi pas..." Finalement, elle dit 60. En fait, les socialistes, quand on regarde bien tout ce qu'ils disent, ils disent non à tout, pour reprendre une expression, pour détourner une expression populaire, en ce moment, c'est le Parti des "béni-non-non" sur les retraites. Non au report de l'âge légal, non à rentrer dans le débat sur la question des réformes structurelles. Et ils disent non à tout, parce qu'ils ne sont pas d'accord entre eux, parce qu'en fait, c'est ça le fond du problème. D. Strauss- Kahn, finalement, la semaine dernière, il ouvre, mais très largement, la porte de la question de l'âge légal. Sur le concept de société du "care", qu'a développé M. Aubry, "la société du soin", la sollicitude, tout de suite, on a M. Valls et d'autres qui sont montés au créneau en disant "mais c'est n'importe quoi"...
Ils font des propositions, ça ne vous a pas échappé, proposition par exemple...
Vous trouvez ?!
Une surcote si on part plus tard que l'âge légal de 60 ans. Est-ce que c'est une bonne idée d'encourager, d'être dans le volontarisme ?
Mais attendez, alors attendez, moi, je ne rentre pas là-dedans, elle existe déjà la surcote, elle a été créée par la réforme Fillon ! Ce qu'ils proposent, eux, c'est d'augmenter la surcote à un niveau tel qu'en fait, au lieu de garantir l'équilibre de régime des retraites, ils l'abîment, parce que, évidemment, quand vous augmentez très fortement la surcote, c'est sympa, mais ce n'est pas quelque chose qui va vous permettre de réduire vos déficits. Ça, ce n'est pas une proposition par exemple, c'est le contraire, je veux dire, c'est un truc démagogique, qui n'est pas dans la cible.
Il y a une mobilisation jeudi, organisée par cinq syndicats. B. Thibault ce matin fait une tribune dans Libération, et dit qu'il réclame autre chose qu'un débat à la sauvette.
Moi, je ne comprends pas l'expression "débat à la sauvette". Le débat, la concertation, elle a été lancée au mois d'avril, selon un calendrier qui a été, je veux dire, très clair, il a été public. D'abord, concertation avec les syndicats, puis le Gouvernement présente un document d'orientation, c'était le 17 mai. Puis, deuxième phase de concertation avec les syndicats, puis dépôt d'un projet de loi en Conseil des ministres, et enfin, discussions à l'Assemblée nationale et au Sénat, en septembre et en octobre. C'est un calendrier connu de tous. Et le Gouvernement s'y tient. Et les syndicats disent au début "ça va trop vite", après, ils disent que ça ne va pas assez vite, "on veut le document tout de suite"... Maintenant, ils disent finalement que ce n'est pas un vrai débat, alors que, je veux dire, la concertation, elle est tous les jours, et depuis six semaines déjà.
Pour finir sur le chapitre des retraites, est-ce que vous diriez ce matin : c'est acté, le tabou des 60 ans - pour qu'on soit bien clairs encore une fois - est terminé, et on va travailler au-delà de l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans ?
Nous, à l'UMP, on a toujours considéré que ce n'était pas un tabou...
Pour le gouvernement, vous diriez : c'est fait ?
Là, je vous parle comme secrétaire générale adjointe de l'UMP. On organise aujourd'hui notre convention et nos propositions. Je ne suis pas le ministre en charge au Gouvernement, c'est E. Woerth, et il suit son propre calendrier.
Alors revenons au gouvernement avec le dossier du numérique. Le patron de Facebook, monsieur Zuckerberg, s'est exprimé, parce qu'il y a eu pas mal de polémiques sur la protection des données privées sur Facebook. Il a dit : "dans les semaines qui viennent, nous ajouterons à Facebook un système de contrôle des informations personnelles qui sera plus simple à utiliser". Est-ce que c'est suffisant comme réponse ?
Non. Je vais vous dire, ces systèmes de contrôle qui vous permettent à vous, particuliers, d'avoir une gestion fine de vos données personnelles, c'est intéressant, mais c'est intéressant quand vous êtes déjà prêt à y consacrer du temps, quand vous êtes déjà très concerné. Le problème avec l'utilisation des données personnelles sur Internet, c'est que tous les internautes qui ne sont pas très concernés par ça, qui ne comprennent pas en fait que, Internet, eh bien, il n'y a rien de gratuit, et ça fonctionne par le dévoilement de soi-même, par la construction de profils sur les internautes, qui sont ensuite vendus à des fins de marketing. Ces internautes-là, ça ne suffit pas de leur donner des nouveaux outils pour protéger leurs propres données personnelles.
Alors qu'est-ce qu'il faut faire ?
Il faut faire ce que nous recommandons, nous, au niveau européen et au niveau français, qui est d'avoir par défaut des profils utilisateurs qui sont extrêmement protecteurs du point de vue de la vie privée. C'est-à-dire que vous, internaute, pas forcément très, très sensibilisé sur le sujet, quand vous vous inscrivez, on vous propose un profil qui est extrêmement protecteur de vos données personnelles, et puis après, une fois que vous avez pris plus de conscience de l'objet, que vous avez envie de nouvelles fonctionnalités, c'est vous qui, volontairement, choisissez de dévoiler un peu plus de vous, ça, vous le faites volontairement, ce n'est pas la même chose. Or Facebook fait le contraire. En fait, Facebook, depuis le début, a une politique de protection des données personnelles qui a plutôt tendance à se dégrader. Et qu'est-ce qu'il fait l'utilisateur ? Eh bien, il allume son Facebook et il a un petit écran qui s'affiche qui dit : "la politique de protection des données personnelles a changé, est-ce que vous voulez lire les nouvelles...", et puis, ça l'embête, et donc, il clique en disant : j'accepte sans même savoir ce qu'il a accepté.
Est-ce que le politique a un moyen de pression, on va dire un levier sur lequel intervenir, pour faire pression sur Facebook, sur ce point précis ?
Il y a des moyens de pression, et par exemple la lettre qu'on a envoyée tout à l'heure à la réunion des CNIL européenne, c'est-à-dire, il y a quelques jours, une lettre à Facebook pour dire : écoutez, on vous avait déjà demandé à l'automne d'avoir un profil par défaut protecteur des utilisateurs, vous ne l'avez pas fait, maintenant, on vous le demande un peu plus fort.
Un autre dossier chaud, on va dire : L. Page, donc qui est le cofondateur de Google, était interrogé dans Le Monde, et il disait : nous proposons des outils pour que les utilisateurs puissent contrôler l'usage que nous faisons de leurs données. Alors vous, vous avez lancé une grande consultation sur le droit à l'oubli numérique sur Internet ; est-ce que ce genre de propos vous convient, de la part du cofondateur de Google ?
Mais là aussi, c'est intéressant pour les personnes qui ont déjà conscience du problème, avoir des nouveaux outils pour gérer ses propres données. Mais un des problèmes qu'on a, c'est tous les jeunes internautes ou tous les nouveaux internautes, pas forcément jeunes, qui eux n'ont pas conscience du problème. En fait, sur Internet, il y a trois espaces : il y a un espace gratuit, il est tout petit - il y a très, très peu de choses vraiment gratuites -, il y a un espace payant, de manière officielle, et puis, il y a l'entre-deux, cette espèce de zone grise qui, en fait, n'est pas un espace gratuit, vous payez, mais vous payez par le dévoilement de vous-même. Le jeune internaute qui vient s'inscrire comme ça, il n'est pas forcément conscient de ça, il ne sait pas que toutes les traces qu'il laisse sur Internet vont être utilisées pour le profiler. Ça peut être sympathique, parce que ça vous permet d'avoir de la publicité ciblée, donc par définition, de la publicité qui vous intéresse...
Mais vous allez annoncer des mesures sur ce droit à l'oubli numérique ?
Alors, là-dessus, j'ai réuni à partir de l'automne dernier les partenaires autour de la table, à la fois ceux qui s'intéressent à l'utilisation des traces commerciales, les traces que vous laissez par défaut, et ceux qui s'intéressent aux traces que vous laissez de manière volontaire, les trucs que vous avez mis une fois, mais que vous allez pouvoir avoir envie de retirer plus tard, par exemple, au moment de l'entrée dans la vie professionnelle. Qu'est-ce que ce serait que le droit à l'oubli pour vous, sur quoi on pourrait se mettre d'accord ? Actuellement, c'est en consultation sur le site Internet du secrétariat d'Etat, éventuellement, on passera à une loi, une loi ne sera pas suffisante, parce qu'il faudra faire accepter ces principes au niveau mondial, mais une loi sera une façon d'apporter notre pierre sur ce sujet, sur lequel tous les internautes du monde sont en train de se mobiliser. Ce n'est pas un sujet seulement français, ce n'est pas un sujet seulement européen, ça concerne tout le monde.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 mai 2010
Bonjour.
Alors, c'est aujourd'hui qu'on va connaître les propositions de l'UMP sur les retraites. On a le sentiment que le Gouvernement joue un petit peu à cache-cache sur la question des 60 ans. Est-ce que vous, vous diriez que l'UMP est favorable à l'idée de repousser l'âge légal de départ à la retraite ?
D'abord, je ne crois pas que le Gouvernement joue à cache-cache. Au mois d'avril, on nous disait, "la concertation va être trop courte", et maintenant, on nous dit "la concertation est trop longue", on voudrait avoir tout, tout de suite, sur la table". Le Gouvernement a simplement fixé un calendrier auquel il se tient. Du côté de l'UMP, on pense qu'il va falloir travailler plus, plus longtemps.
Jusqu'à quel âge ?
Jusqu'à quel âge, ce n'est pas à nous de le dire, et la concertation se poursuit précisément, mais on pense qu'il va falloir travailler plus longtemps. Il y a deux manières de le faire en fait, il y a trois manières de le faire : il y a l'allongement de la durée de cotisations, il y a le report de l'âge légal de la retraite, et il y a aussi tout simplement - et c'est peut-être le plus important - l'augmentation de l'âge effectif de départ en retraite. Nous, on a envie de jouer sur ces trois paramètres-là, y compris le troisième, c'est-à-dire de faire des propositions pour améliorer l'emploi des seniors.
Il y a un paramètre qui est tabou, c'est la question de l'âge des 60 ans, de l'âge légal...
On pense qu'il ne doit pas être tabou...
A. Robinet, monsieur retraite de l'UMP, dit "62 ans, ça me semble un minimum" - il est interrogé ce matin dans Les Echos. Est-ce que vous êtes sur cette ligne-là, 62 ans, c'est un minimum ?
On pense que l'âge de 60 ans ne doit pas être tabou, après, il y a plusieurs façons de le faire. Ça sonne un peu comme un absolu, un âge. Un âge, ça dépend du terme, on peut le faire de manière tuilée, voyez, dans le temps, et ce n'est pas forcément...
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le monsieur retrait de l'UMP, qui est ce matin dans Les Echos, qui dit que 62 ans, c'est un minimum...
Oui, nous, notre position politique, c'est de dire qu'il va falloir travailler plus longtemps. Il n'y a pas de tabou, et notamment, l'âge légal, ce n'est pas un tabou, nous pensons qu'il faudra l'augmenter.
M. Aubry dit qu'elle reviendra sur cette réforme si la gauche vient aux responsabilités.
M. Aubry, elle dit bien des choses. Au début, elle dit, "61, 62, pourquoi pas..." Finalement, elle dit 60. En fait, les socialistes, quand on regarde bien tout ce qu'ils disent, ils disent non à tout, pour reprendre une expression, pour détourner une expression populaire, en ce moment, c'est le Parti des "béni-non-non" sur les retraites. Non au report de l'âge légal, non à rentrer dans le débat sur la question des réformes structurelles. Et ils disent non à tout, parce qu'ils ne sont pas d'accord entre eux, parce qu'en fait, c'est ça le fond du problème. D. Strauss- Kahn, finalement, la semaine dernière, il ouvre, mais très largement, la porte de la question de l'âge légal. Sur le concept de société du "care", qu'a développé M. Aubry, "la société du soin", la sollicitude, tout de suite, on a M. Valls et d'autres qui sont montés au créneau en disant "mais c'est n'importe quoi"...
Ils font des propositions, ça ne vous a pas échappé, proposition par exemple...
Vous trouvez ?!
Une surcote si on part plus tard que l'âge légal de 60 ans. Est-ce que c'est une bonne idée d'encourager, d'être dans le volontarisme ?
Mais attendez, alors attendez, moi, je ne rentre pas là-dedans, elle existe déjà la surcote, elle a été créée par la réforme Fillon ! Ce qu'ils proposent, eux, c'est d'augmenter la surcote à un niveau tel qu'en fait, au lieu de garantir l'équilibre de régime des retraites, ils l'abîment, parce que, évidemment, quand vous augmentez très fortement la surcote, c'est sympa, mais ce n'est pas quelque chose qui va vous permettre de réduire vos déficits. Ça, ce n'est pas une proposition par exemple, c'est le contraire, je veux dire, c'est un truc démagogique, qui n'est pas dans la cible.
Il y a une mobilisation jeudi, organisée par cinq syndicats. B. Thibault ce matin fait une tribune dans Libération, et dit qu'il réclame autre chose qu'un débat à la sauvette.
Moi, je ne comprends pas l'expression "débat à la sauvette". Le débat, la concertation, elle a été lancée au mois d'avril, selon un calendrier qui a été, je veux dire, très clair, il a été public. D'abord, concertation avec les syndicats, puis le Gouvernement présente un document d'orientation, c'était le 17 mai. Puis, deuxième phase de concertation avec les syndicats, puis dépôt d'un projet de loi en Conseil des ministres, et enfin, discussions à l'Assemblée nationale et au Sénat, en septembre et en octobre. C'est un calendrier connu de tous. Et le Gouvernement s'y tient. Et les syndicats disent au début "ça va trop vite", après, ils disent que ça ne va pas assez vite, "on veut le document tout de suite"... Maintenant, ils disent finalement que ce n'est pas un vrai débat, alors que, je veux dire, la concertation, elle est tous les jours, et depuis six semaines déjà.
Pour finir sur le chapitre des retraites, est-ce que vous diriez ce matin : c'est acté, le tabou des 60 ans - pour qu'on soit bien clairs encore une fois - est terminé, et on va travailler au-delà de l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans ?
Nous, à l'UMP, on a toujours considéré que ce n'était pas un tabou...
Pour le gouvernement, vous diriez : c'est fait ?
Là, je vous parle comme secrétaire générale adjointe de l'UMP. On organise aujourd'hui notre convention et nos propositions. Je ne suis pas le ministre en charge au Gouvernement, c'est E. Woerth, et il suit son propre calendrier.
Alors revenons au gouvernement avec le dossier du numérique. Le patron de Facebook, monsieur Zuckerberg, s'est exprimé, parce qu'il y a eu pas mal de polémiques sur la protection des données privées sur Facebook. Il a dit : "dans les semaines qui viennent, nous ajouterons à Facebook un système de contrôle des informations personnelles qui sera plus simple à utiliser". Est-ce que c'est suffisant comme réponse ?
Non. Je vais vous dire, ces systèmes de contrôle qui vous permettent à vous, particuliers, d'avoir une gestion fine de vos données personnelles, c'est intéressant, mais c'est intéressant quand vous êtes déjà prêt à y consacrer du temps, quand vous êtes déjà très concerné. Le problème avec l'utilisation des données personnelles sur Internet, c'est que tous les internautes qui ne sont pas très concernés par ça, qui ne comprennent pas en fait que, Internet, eh bien, il n'y a rien de gratuit, et ça fonctionne par le dévoilement de soi-même, par la construction de profils sur les internautes, qui sont ensuite vendus à des fins de marketing. Ces internautes-là, ça ne suffit pas de leur donner des nouveaux outils pour protéger leurs propres données personnelles.
Alors qu'est-ce qu'il faut faire ?
Il faut faire ce que nous recommandons, nous, au niveau européen et au niveau français, qui est d'avoir par défaut des profils utilisateurs qui sont extrêmement protecteurs du point de vue de la vie privée. C'est-à-dire que vous, internaute, pas forcément très, très sensibilisé sur le sujet, quand vous vous inscrivez, on vous propose un profil qui est extrêmement protecteur de vos données personnelles, et puis après, une fois que vous avez pris plus de conscience de l'objet, que vous avez envie de nouvelles fonctionnalités, c'est vous qui, volontairement, choisissez de dévoiler un peu plus de vous, ça, vous le faites volontairement, ce n'est pas la même chose. Or Facebook fait le contraire. En fait, Facebook, depuis le début, a une politique de protection des données personnelles qui a plutôt tendance à se dégrader. Et qu'est-ce qu'il fait l'utilisateur ? Eh bien, il allume son Facebook et il a un petit écran qui s'affiche qui dit : "la politique de protection des données personnelles a changé, est-ce que vous voulez lire les nouvelles...", et puis, ça l'embête, et donc, il clique en disant : j'accepte sans même savoir ce qu'il a accepté.
Est-ce que le politique a un moyen de pression, on va dire un levier sur lequel intervenir, pour faire pression sur Facebook, sur ce point précis ?
Il y a des moyens de pression, et par exemple la lettre qu'on a envoyée tout à l'heure à la réunion des CNIL européenne, c'est-à-dire, il y a quelques jours, une lettre à Facebook pour dire : écoutez, on vous avait déjà demandé à l'automne d'avoir un profil par défaut protecteur des utilisateurs, vous ne l'avez pas fait, maintenant, on vous le demande un peu plus fort.
Un autre dossier chaud, on va dire : L. Page, donc qui est le cofondateur de Google, était interrogé dans Le Monde, et il disait : nous proposons des outils pour que les utilisateurs puissent contrôler l'usage que nous faisons de leurs données. Alors vous, vous avez lancé une grande consultation sur le droit à l'oubli numérique sur Internet ; est-ce que ce genre de propos vous convient, de la part du cofondateur de Google ?
Mais là aussi, c'est intéressant pour les personnes qui ont déjà conscience du problème, avoir des nouveaux outils pour gérer ses propres données. Mais un des problèmes qu'on a, c'est tous les jeunes internautes ou tous les nouveaux internautes, pas forcément jeunes, qui eux n'ont pas conscience du problème. En fait, sur Internet, il y a trois espaces : il y a un espace gratuit, il est tout petit - il y a très, très peu de choses vraiment gratuites -, il y a un espace payant, de manière officielle, et puis, il y a l'entre-deux, cette espèce de zone grise qui, en fait, n'est pas un espace gratuit, vous payez, mais vous payez par le dévoilement de vous-même. Le jeune internaute qui vient s'inscrire comme ça, il n'est pas forcément conscient de ça, il ne sait pas que toutes les traces qu'il laisse sur Internet vont être utilisées pour le profiler. Ça peut être sympathique, parce que ça vous permet d'avoir de la publicité ciblée, donc par définition, de la publicité qui vous intéresse...
Mais vous allez annoncer des mesures sur ce droit à l'oubli numérique ?
Alors, là-dessus, j'ai réuni à partir de l'automne dernier les partenaires autour de la table, à la fois ceux qui s'intéressent à l'utilisation des traces commerciales, les traces que vous laissez par défaut, et ceux qui s'intéressent aux traces que vous laissez de manière volontaire, les trucs que vous avez mis une fois, mais que vous allez pouvoir avoir envie de retirer plus tard, par exemple, au moment de l'entrée dans la vie professionnelle. Qu'est-ce que ce serait que le droit à l'oubli pour vous, sur quoi on pourrait se mettre d'accord ? Actuellement, c'est en consultation sur le site Internet du secrétariat d'Etat, éventuellement, on passera à une loi, une loi ne sera pas suffisante, parce qu'il faudra faire accepter ces principes au niveau mondial, mais une loi sera une façon d'apporter notre pierre sur ce sujet, sur lequel tous les internautes du monde sont en train de se mobiliser. Ce n'est pas un sujet seulement français, ce n'est pas un sujet seulement européen, ça concerne tout le monde.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 mai 2010