Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, à Europe 1 le 3 juin 2010, sur la position gouvernementale par rapport aux terrains et aux maisons ayant subi la tempête Xynthia et sur la lutte contre la pollution de l'eau.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- J.-L. Borloo, bienvenu, bonjour. Aidez-nous à voir clair, est-ce que vous confirmez que l'Etat renonce à détruire systématiquement toutes les 1.510 maisons situées dans les zones touchées par la tempête Xynthia ?
 
Merci de pouvoir, à nouveau, clarifier tout ça, comme je l'ai fait d'ailleurs à votre micro, il y a deux, trois mois.
 
Oui, avec M. Grossiord, ici.
 
Absolument, en avril. Je rappelle : 53 morts et des tas de gens traumatisés dans la nuit, dans la panique, et des gens qui nous disent : "attendez, non seulement, on a des morts dans notre village ou dans notre ville, mais en plus, on va être complètement ruiné, parce que notre bien n'a plus de valeur". Nous avons donc tout de suite défini un certain nombre de zones dites noires, au début, de solidarité - je l'avais appelé comme ça - ici même. C'est quoi ces zones ? Ces zones, c'est toute personne qui veut vendre son bien, ce bien est acheté par l'Etat à la valeur d'avant la tempête, et sans tenir compte du risque.
 
Ça, vous le confirmez aujourd'hui ?
 
Ça, ça, c'est confirmé...
 
Et ça se fait, ça devrait se faire même plus vite...
 
Et ces zones, elles sont délimitées, que les auditeurs de Vendée et de Charente-Maritime soient parfaitement rassurés, on ne les modifie pas. J'observe d'ailleurs que, en Vendée, c'est plus de 520 maisons qui ont été visitées, qui font l'objet de propositions par l'Etat, et j'observe d'ailleurs qu'un certain nombre ont d'ores et déjà été acceptées, et je crois que tout le monde considère que le prix qui a été proposé est strictement conforme dans l'intérêt des gens...
 
Mais est-ce que ça veut dire...
 
Attendez, ça, c'est les zones. Ensuite, lorsque les gens ne souhaitent pas vendre leur bien - je rappelle que, après le traumatisme, on voulait protéger le patrimoine des gens, dans ces zones - nous avons toujours dit qu'il y aurait des commissaires enquêteurs, pour une expertise contradictoire, au cas par cas, pour regarder, pour ceux qui ne souhaitaient pas vendre à l'Etat, ce qu'on devait faire, raser ou ne pas raser, au cas par cas, si quelqu'un est sur une butte, si c'est un ancien patrimoine, bref...
 
Ceux qui le veulent pourront rester chez eux...
 
Non, les commissaires enquêteurs regardent le degré de dangerosité au cas par cas, contradictoirement, comme le veut la loi française, et comme nous nous y sommes engagés. Il y aura donc ensuite une enquête publique, elle aussi, publique par nature, et contradictoire pour regarder s'il y a des cas où il y aurait des expropriations, c'est un problème de danger. S'il y a danger, on ne laissera pas les gens. Et le danger, Monsieur Elkabbach, ce n'est pas le danger de Xynthia seulement, c'est le danger de demain, s'il y a à la fois un événement grave, on ne laissera pas des gens en danger.
 
Donc, l'état ne cèdera pas à des propriétaires qui voudraient rester s'ils prennent des risques ?
 
Non, s'il y a un... mais vous savez, c'est du bon sens élémentaire, voilà. Donc il y a danger, bon, je redis : les zones, elles ne bougent pas, ce sont des zones qui ouvrent droit à ce que des gens puissent demander à l'Etat de racheter... je rappelle que c'est une opération où nous avons mis 400 millions d'euros. Jamais, jamais, en France, une opération de protection du patrimoine des gens, qui avaient subi une catastrophe aussi importante, n'avait été faite.
 
Voilà, c'est clair, enfin, je pense que c'est clair. F. Fillon, Premier ministre, annonce un coup de rabot de 10% sur les niches fiscales, et même certaines suppressions. Est-ce que vous êtes concerné, par exemple, le bonus/malus écologie, est-ce qu'il est supprimé ?
 
Ecoutez, je ne pense pas que le bonus/malus soit concerné, puisque par nature, il est équilibré, le bonus étant financé par le malus.
 
Mais il a coûté cher...
 
Non, pas très, très cher, à vrai dire. C'est un vrai succès, c'est ce qui explique d'ailleurs l'amélioration du classement de la France dans sa politique environnementale notamment...
 
Nous avons dit bravo, mais en quoi vous êtes concerné, J.-L. Borloo ?
 
Eh bien, on en parlera avec le Premier ministre. A partir du moment où il y a un certain nombre de gens qui bénéficient de plusieurs niches fiscales, que ces personnes-là voient leur avantage fiscal raboté partiellement ne me paraît pas en soi scandaleux.
 
Est-ce que la crise n'est pas en train de flinguer l'écologie ?
 
Non, c'est l'inverse, c'est l'inverse. C'est quoi la crise ? En gros, c'est quand on dépense plus que ce qu'on peut dépenser, quand on n'est pas précautionneux et quand on ne fait pas d'économies. La crise nous oblige à faire des économies d'énergie, à avoir une économie plus respectueuse de l'environnement, et donc la sortie de crise, elle sera respectueuse des énergies et de l'environnement ou elle ne le sera pas.
 
A partir de demain, vous lancez quatre journées de la mer, des lacs, des océans et des rivières, c'est formidable, ça, c'est vrai ; la science et la recherche marine, les métiers, les perspectives des mers et des océans. La France est-elle en train de redécouvrir qu'elle est une puissance maritime avec des côtes sur l'Atlantique, la Méditerranée, etc. ?
 
Ecoutez, la France est la deuxième zone exclusive marine du monde, c'est absolument considérable, et de l'autre côté, la mer et les océans, c'est à la fois les principales richesses de l'humanité, et en même temps, c'est en très grande fragilité. Il suffit de regarder ce qui se passe au large des Etats-Unis, pour se rendre sur les côtes...
 
Oui, oui, on voit dans quel état elle est, malade, souillée, blessée, et surtout par l'homme, au passage...
 
Et donc nous avons décidé, après le Grenelle de l'Environnement, de faire un Grenelle de la Mer, pour regarder l'ensemble des problématiques d'énergie marine, des bateaux du futur, la traçabilité des hydrocarbures, la recherche en matière de biodiversité, bref, la France est une puissance maritime. Donc on a créé des alliances de recherche autour de l'IFREMER, on lance un certain nombre de programmes d'investissement dans ce domaine. C'est vrai qu'on a, à la fois, cette espèce de génie marin, des marins, des aventuriers de la littérature, mais en même temps, une forme de dos tourné un peu à la mer et les océans.
 
Et il faut la redécouvrir...
 
Et d'ailleurs, je rappelle qu'une partie de la pollution, 90% de la pollution, vient de la terre.
 
Alors, selon des rapports, plusieurs rapports, le Rhône, la Saône, la Moselle, la Somme, le Rhin et surtout la Seine sont si pollués qu'ils sont devenus aujourd'hui des dangers sanitaires. Est-ce que vous envisagez d'interdire la consommation de poissons de certains fleuves, et en particulier, de la Seine ?
 
Oui, bien sûr. Seine, le Rhône notamment. Alors, il y a plusieurs sujets qu'il ne faut pas mélanger. On a un sujet, qui sont les PCB, interdits depuis vingt ans, mais les sédiments sont tels que c'est extrêmement préoccupant. Et puis, il y a plus généralement, Monsieur Elkabbach, nous avons -les fleuves et les rivières, c'est fait pour couler, bon - nous avons entre 50 et 60.000 obstacles de tailles, très, très différentes : un vieux pilier de pont qui est là, abandonné, c'est des obstacles qui empêchent la bonne circulation. Nous lançons donc un programme de libération des mers et des rivières en France, en commençant par les 5.000 premiers projets...
 
Et vous allez interdire de vendre et de consommer, mais pas de pêcher ?
 
Ah non, non, c'est de vendre et de consommer.
 
Le président de la République, lui-même, s'y met, et il préparait hier le Forum mondial de l'eau, qui est prévu pour mars 2012 à Marseille, chez J.-C. Gaudin, et il a dit : toutes les quinze secondes, un enfant meurt dans le monde à cause de l'eau sale ; l'eau tue plus que les guerres, la famine et le sida. C'est pourquoi il veut faire de l'eau un bien, une ressource protégée à l'échelle planétaire, est-ce que la France a les moyens ?
 
Le Forum mondial de l'eau, c'est la France, c'est Marseille qui l'organise cette année, c'est le sixième, mais tout ne va pas se passer à Marseille. Nous lançons à partir d'aujourd'hui, dans chaque pays du monde, un débat, un peu type "Grenellien", collège à cinq, pour la... le temps de l'eau facile est terminé. Je rappelle que c'est la première ressource de l'homme, avec l'énergie, que c'est en danger, que nous sommes en danger, il faut absolument protéger l'eau.
 
Ça peut provoquer des guerres. Deux questions politiques...
 
Eh bien, vous savez, il y a huit millions de personnes qui meurent d'eau insalubre dans le monde tous les ans...
 
J.-L. Borloo, les élus UMP de Paris lancent un appel à F. Fillon pour qu'il s'annonce candidat à Paris au plus vite. Est-ce que vous signez l'appel vous aussi ?
 
Ah ben, au plus vite, ça serait bien qu'il reste à Matignon un peu, ils sont gentils. Non, l'élection c'est en 2014, mais ça serait évidemment un formidable candidat.
 
F. Fillon, maire de Paris éventuellement, ce serait bien ?
 
Ah, ce serait bien, oui.
 
Oui, mais pas...
 
Mais il faut lui demander à lui, très franchement...
 
Oui, oui, on lui demandera. Mais il ne laisserait pas Matignon en octobre pour quelqu'un qui s'appellerait J.-L. Borloo ?
 
Journaux et invités du matin - Dept. Revues de presse - 01 42 75 54 41 Page 12 sur 22 https://rpa.applications.pm.gouv.fr/journaux_et_invites.php3?date=2010-06-03 03/06/2010 Non, non, non, je crois que la question ne se pose pas.
 
Et un candidat centriste en 2012 qui s'appellerait Borloo ?
 
Ah ben, décidément, ce matin, vous êtes en forme ! Mais vous avez parlé du classement : la France, septième au plan environnemental. C'est très bien, j'espère qu'on sera premier l'année prochaine. Il y a un deuxième chiffre qui est tombé ce matin : les réductions de gaz à effet de serre de la France en 2009 : moins 13,5%, nous avons sept ans d'avance sur nos obligations de Kyoto, voilà...
 
Ça, c'est pour ne pas répondre, est-ce que vous êtes favorable à la présence d'un candidat centriste en 2012 ?
 
Pourquoi pas.
 
M.-O. Fogiel : Merci J.-L. Borloo. On va s'arrêter-là. Merci Jean- Pierre, et à demain.
 
Mais on a compris ! M.-O. Fogiel : On a bien compris. Rien compris du tout.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 juin 2010