Texte intégral
Pour une régulation européenne des marchés de dérivés de matières premières
L'extrême volatilité des prix des matières premières constitue un frein à la stabilité financière et à la reprise. Elle renchérit le coût de l'assurance contre les risques de marché et décourage les investissements. Alors que les produits dérivés ont été conçus au départ comme des instruments de couverture du risque, ils sont aujourd'hui une des causes de la forte volatilité des prix des matières premières. Il existe des effets de contagion de la sphère financière à la sphère physique : ce ne sont plus seulement les variations des "fondamentaux" qui gouvernent les prix des matières premières mais bien les mouvements observés sur les marchés dérivés.
Les marchés de matières premières et assimilés (pétrole, gaz, métaux, matières agricoles, quotas de CO2) sont de plus en plus financiarisés : les volumes échangés sur les marchés financiers du pétrole sont trente-cinq fois supérieurs à ceux échangés sur les marchés physiques. Or ces marchés dérivés spécifiques sont insuffisamment contrôlés. C'est pourquoi le G20 de Pittsburgh, en septembre 2009, s'est engagé dans la voie de la régulation de ces marchés.
Le 15 avril dernier, je soulignais déjà la nécessité d'une régulation des marchés d'instruments financiers dérivés de matières premières. Sur la base des rapports de M. Chevalier sur la volatilité des prix du pétrole et de M. Prada sur la régulation des marchés du CO2 qui m'ont été remis en début d'année, je proposais d'avancer au niveau européen sous la forme, par exemple, d'une directive d'encadrement ad hoc.
Je voudrais ici détailler, quelques idées, sur le sujet, qui pourront faire l'objet d'une discussion approfondie avec les régulateurs français (Autorité des marchés financiers, Commission de régulation de l'énergie), puis d'un document de réflexion à transmettre à la Commission européenne à l'été.
Un principe, d'abord : l'Europe doit s'engager dès maintenant dans la régulation de ces marchés.
Certains marchés de matières premières ont une dimension européenne, comme par exemple le marché européen du CO2 ou celui de l'électricité. En ce qui concerne le marché pétrolier qui est mondial, des efforts utiles peuvent aussi être faits au niveau européen : aucun cadre européen n'existe qui prévoit l'échange systématique d'informations sur les marchés concernés entre les régulateurs financiers et les régulateurs sectoriels. Sur ce sujet, les Etats-Unis ont d'ores et déjà mis en oeuvre des règles opérationnelles sous la supervision d'une autorité dédiée.
Au niveau européen, les travaux en matière de régulation financière (sur les instruments financiers, sur les abus de marché) auront aussi des implications pour l'encadrement des marchés dérivés de matières premières. Mais leur complexité et leur spécificité requièrent un texte spécifique.
Cinq axes me semblent devoir guider la réflexion en vue d'un texte européen spécifique :
- Le champ d'application du texte devrait être large, et chercher à couvrir l'ensemble des dérivés de matières premières ou assimilés. Les quotas de CO2, sans être des produits de base, partagent certaines de leurs caractéristiques.
- Le texte devrait assurer l'encadrement et la surveillance de tous les acteurs des marchés dérivés de matières premières. Certains acteurs ne sont aujourd'hui pas suffisamment surveillés. Certains traders spécialisés sur les marchés de produits de base ne sont pas couverts par la réglementation financière européenne.
- Le texte devrait définir un régime de sanction et de répression des abus de marché. Ce régime permettrait de lutter contre les conflits d'intérêts et confierait au régulateur la possibilité de définir des limites de position.
- Le texte devrait assurer la transparence du marché et l'encadrement des transactions de gré à gré.
- Le texte devrait enfin mettre en place une architecture de surveillance efficace des marchés dérivés de produits de base qui s'articule avec un suivi des marchés physiques. Lorsqu'il n'existe pas de régulateur sectoriel, les compétences des régulateurs financiers pourraient être étendues à la surveillance des transactions réalisées sur le marché au comptant. Lorsqu'il est possible de s'appuyer sur un régulateur sectoriel, une coopération forte avec le régulateur financier doit être instaurée. Une approche différenciée par marché est nécessaire pour fixer de manière adaptée la frontière entre la surveillance exercée par le régulateur sectoriel et le régulateur financier.
Ce sujet a aussi une portée internationale, au-delà des frontières de l'Europe. La plupart des marchés de matières premières ont une dimension mondiale. La France souhaite donc porter le sujet au G20. Un objectif de la Présidence française, en 2010-2011, sera d'avancer de façon tangible et efficace sur la régulation des marchés de matières premières.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juin 2010
L'extrême volatilité des prix des matières premières constitue un frein à la stabilité financière et à la reprise. Elle renchérit le coût de l'assurance contre les risques de marché et décourage les investissements. Alors que les produits dérivés ont été conçus au départ comme des instruments de couverture du risque, ils sont aujourd'hui une des causes de la forte volatilité des prix des matières premières. Il existe des effets de contagion de la sphère financière à la sphère physique : ce ne sont plus seulement les variations des "fondamentaux" qui gouvernent les prix des matières premières mais bien les mouvements observés sur les marchés dérivés.
Les marchés de matières premières et assimilés (pétrole, gaz, métaux, matières agricoles, quotas de CO2) sont de plus en plus financiarisés : les volumes échangés sur les marchés financiers du pétrole sont trente-cinq fois supérieurs à ceux échangés sur les marchés physiques. Or ces marchés dérivés spécifiques sont insuffisamment contrôlés. C'est pourquoi le G20 de Pittsburgh, en septembre 2009, s'est engagé dans la voie de la régulation de ces marchés.
Le 15 avril dernier, je soulignais déjà la nécessité d'une régulation des marchés d'instruments financiers dérivés de matières premières. Sur la base des rapports de M. Chevalier sur la volatilité des prix du pétrole et de M. Prada sur la régulation des marchés du CO2 qui m'ont été remis en début d'année, je proposais d'avancer au niveau européen sous la forme, par exemple, d'une directive d'encadrement ad hoc.
Je voudrais ici détailler, quelques idées, sur le sujet, qui pourront faire l'objet d'une discussion approfondie avec les régulateurs français (Autorité des marchés financiers, Commission de régulation de l'énergie), puis d'un document de réflexion à transmettre à la Commission européenne à l'été.
Un principe, d'abord : l'Europe doit s'engager dès maintenant dans la régulation de ces marchés.
Certains marchés de matières premières ont une dimension européenne, comme par exemple le marché européen du CO2 ou celui de l'électricité. En ce qui concerne le marché pétrolier qui est mondial, des efforts utiles peuvent aussi être faits au niveau européen : aucun cadre européen n'existe qui prévoit l'échange systématique d'informations sur les marchés concernés entre les régulateurs financiers et les régulateurs sectoriels. Sur ce sujet, les Etats-Unis ont d'ores et déjà mis en oeuvre des règles opérationnelles sous la supervision d'une autorité dédiée.
Au niveau européen, les travaux en matière de régulation financière (sur les instruments financiers, sur les abus de marché) auront aussi des implications pour l'encadrement des marchés dérivés de matières premières. Mais leur complexité et leur spécificité requièrent un texte spécifique.
Cinq axes me semblent devoir guider la réflexion en vue d'un texte européen spécifique :
- Le champ d'application du texte devrait être large, et chercher à couvrir l'ensemble des dérivés de matières premières ou assimilés. Les quotas de CO2, sans être des produits de base, partagent certaines de leurs caractéristiques.
- Le texte devrait assurer l'encadrement et la surveillance de tous les acteurs des marchés dérivés de matières premières. Certains acteurs ne sont aujourd'hui pas suffisamment surveillés. Certains traders spécialisés sur les marchés de produits de base ne sont pas couverts par la réglementation financière européenne.
- Le texte devrait définir un régime de sanction et de répression des abus de marché. Ce régime permettrait de lutter contre les conflits d'intérêts et confierait au régulateur la possibilité de définir des limites de position.
- Le texte devrait assurer la transparence du marché et l'encadrement des transactions de gré à gré.
- Le texte devrait enfin mettre en place une architecture de surveillance efficace des marchés dérivés de produits de base qui s'articule avec un suivi des marchés physiques. Lorsqu'il n'existe pas de régulateur sectoriel, les compétences des régulateurs financiers pourraient être étendues à la surveillance des transactions réalisées sur le marché au comptant. Lorsqu'il est possible de s'appuyer sur un régulateur sectoriel, une coopération forte avec le régulateur financier doit être instaurée. Une approche différenciée par marché est nécessaire pour fixer de manière adaptée la frontière entre la surveillance exercée par le régulateur sectoriel et le régulateur financier.
Ce sujet a aussi une portée internationale, au-delà des frontières de l'Europe. La plupart des marchés de matières premières ont une dimension mondiale. La France souhaite donc porter le sujet au G20. Un objectif de la Présidence française, en 2010-2011, sera d'avancer de façon tangible et efficace sur la régulation des marchés de matières premières.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juin 2010