Texte intégral
Au lendemain de la manifestation organisée contre la réforme des retraites, j'ai pensé qu'il était utile de faire un point ensemble. Cette manifestation était annoncée, elle avait été préparée de longue date. Je considère qu'elle traduit les débats que provoque la réforme des retraites dans notre pays.
Les décisions que nous avons à prendre pour sauvegarder les régimes de retraite sont des décisions lourdes. Je veux rappeler que ce ne sont pas les premières. En 1993, nous avons porté de 37,5 annuités à 40 la durée de cotisation pour une retraite à taux plein dans le secteur privé. En 2003, nous avons aligné la durée de cotisation des fonctionnaires et des salariés du privé et nous avons engagé une augmentation progressive de la durée de cotisation proportionnelle à l'allongement de la durée de la vie. Et en 2007, nous avons réformé les régimes spéciaux.
Je veux rappeler que à chacune de ces réformes il y a eu des manifestations, il y a eu des grèves, il y a eu des contestations. Et pourtant personne aujourd'hui ne parle de revenir à 37 annuités et demi... ou presque ... Personne ne réclame la restauration des régimes spéciaux. Je veux dire que ces réformes, qui ont été contestées en leur temps, elles sont admises par tout le monde, y compris par ceux qui les ont combattues, souvent avec le plus de force.
Chacun donc reconnaît que ces réformes, même si elles étaient difficiles, même si elles ont été contestées, elles étaient nécessaires. Et elles doivent aujourd'hui être complétées. Le Gouvernement comprend les inquiétudes. Le gouvernement écoute l'avis des Français. Il écoute l'avis des Français qui ont manifesté, comme il écoute l'avis des Français qui n'ont pas manifesté. Il écoute l'avis de ceux qui veulent le maintien du départ à la retraite à 60 ans, mais aussi de ceux qui font remarquer qu'à 62 ans nous aurons encore l'un des âges de départ à la retraite les plus précoces de tous les pays européens. Le Gouvernement ne méprise aucun avis et surtout pas celui des partenaires sociaux avec lesquels nous dialoguons en permanence. La mobilisation syndicale doit nous conduire à redoubler nos efforts d'explication, elle doit nous conduire à analyser les critiques et les propositions qui ont été faites par les uns et par les autres, mais je veux dire solennellement qu'aucune mobilisation ne règlera le problème démographique que pose la question des retraites. Quelles que soient les oppositions, quelles que soient leurs forces, le gouvernement a le devoir d'assurer le financement des retraites des Français. Et ce financement nous savons tous qu'il ne peut, pour l'essentiel, être assuré que par l'allongement de la durée de travail.
Je crois d'ailleurs qu'une très grande majorité de Français le comprend. On peut tourner le sujet dans tous les sens, on peut faire miroiter toutes les alternatives possibles, dont celle d'augmenter massivement les impôts, on en revient toujours à un moment ou à un autre au seul paramètre véritablement efficace pour sauver nos retraites de la faillite, c'est le relèvement de l'âge de la retraite.
Nous ne sommes pas seuls au monde. Nous sommes en Europe où tous les pays ont engagé des réformes pour augmenter progressivement l'âge d'ouverture des droits à la retraite. C'est ainsi que l'Allemagne, l'Espagne, les Pays Bas, aujourd'hui le Royaume Uni ont engagé des processus, ou travaillent sur des processus qui visent à passer de 65 ans à 67 ans. Je rappelle que nous proposons aux Français de passer de 60 à 62.
Dans les cortèges, beaucoup de manifestants ont, sans doute de bonne foi, réclamé d'asseoir le financement de nos retraites sur une taxation lourde du capital. Je veux leur répondre : au-delà des montants très insuffisants qu'une telle mesure pourrait rapporter, c'est méconnaître le principe même de la répartition, celui qui fait l'objet du pacte social qui a été conclu au lendemain de la Libération et qui est fondé sur le travail et la productivité de chacun d'entre nous au service de la solidarité. Si nos retraites devaient demain dépendre des flux financiers, ça voudrait dire que nous mettrions notre système par répartition en situation d'être dépendant du cours de la Bourse ? Ou d'être dépendant des stratégies de délocalisation financière des grandes sociétés internationales ? C'est exactement le contraire du pacte social que chacun pourtant prétend vouloir défendre.
Les responsables du Parti socialiste, qui ont hier battu le pavé, savent parfaitement bien que l'allongement de la durée d'activité est nécessaire. Et je veux dire combien je regrette la posture qui est la leur et qui ne doit pas leurrer les Français. Contrairement à ce qu'ils affirment, nous allons rééquilibrer nos régimes de retraite dès 2018. Et afin de pérenniser cet équilibre, nous avons prévu un rendez vous en 2018 pour envisager la suite de cette réforme. Bien sûr nous aurions pu prendre des décisions jusqu'en 2030 ou jusqu'en 2050, comme certains nous le réclament, mais nous avons estimé qu'il était plus sage, compte tenu de l'évolution de la situation économique, de la situation démographique ; et surtout plus démocratique - il y aura deux élections présidentielles d'ici 2018 - de prévoir un rendez vous en 2018 pour poursuivre l'évolution de nos régimes de retraite, en fonction non plus seulement des prévisions, mais des réalités économiques et démographiques.
Le projet qui est porté par Eric Woerth est un projet équilibré et qui doit pouvoir nourrir un consensus responsable, au sein de notre société. C'est une réforme juste, tant en ce qui concerne l'effort qui est demandé aux salariés du privé, comme aux fonctionnaires, qu'en ce qui concerne la prise en compte des carrières longues ou de la pénibilité. J'ai noté, avec beaucoup d'intérêt, que le Parti socialiste s'inquiétait des carrières longues. C'est une nouveauté, puisqu'il a combattu de toutes ses forces la réforme de 2003 qui a permis le départ anticipé de plus de 500 000 Français qui avaient commencé à travailler à 14, à 15 et à 16 ans. Le Parti socialiste devrait se réjouir de la proposition que nous avons retenue de l'étendre à tous ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans. C'est donc un dispositif plus généreux que celui qui existait dans la réforme de 2003.
Avec notre réforme, aucun Français ayant commencé à travailler avant 18 ans ne sera obligé de partir à la retraite après 60 ans. C'est une avancée sociale, et madame AUBRY - qui n'a pas de mot assez dur pour qualifier notre projet - devrait se poser une question. Elle a exercé le pouvoir. Qu'a-t-elle fait pour les carrières longues ? Rien. Rien d'ailleurs comme sur tous les autres sujets touchant à la retraite. Les propos francs et lucides de Michel ROCARD sur notre réforme sont un encouragement et c'est un signe que le souci de l'intérêt général - au-delà des postures des partis - peut transcender les clivages.
L'intérêt général nous commande de ne pas transiger sur les principaux paramètres de la réforme : le passage de l'âge légal à 62 ans, le relèvement de 65 à 67 ans de l'âge de départ à taux plein, et le calendrier fixé à 2018. Ces points là ne peuvent pas être remis en cause et ils ne le seront pas parce que nous savons bien que, sans eux, il n'y a aucun moyen sérieux de sauvegarder nos régimes de retraite.
Alors, est-ce à dire qu'il n'y a pas de sujet de discussion avec les partenaires sociaux ? Bien sur que non. Eric WOERTH va poursuivre la concertation avec tous ceux qui le souhaiteront pour ajuster nos décisions, pour prendre en compte les propositions qui permettent d'améliorer le projet gouvernemental, mais en respectant son équilibre général. Le projet de loi, je l'ai dit, prolonge le dispositif carrières longues créé en 2003. Il propose un dispositif de prévention et de compensation de la pénibilité. On peut estimer que 100 000 personnes pourront bénéficier de ces deux dispositifs chaque année. Nous sommes prêts à examiner, avec les partenaires sociaux, comment compléter, améliorer, adapter ces dispositions.
Des questions se posent notamment s'agissant de la pénibilité. J'en cite quelques unes : comment anticiper une maladie liée à la pénibilité qui se déclarerait plusieurs années après sa retraite ? Comment renforcer encore davantage les actions de prévention des entreprises ? Comment favoriser des carrières plus diverses, adaptées à la situation de chacun ? Voilà des pistes de réflexion communes.
Il y a un autre sujet sur lequel pourrait se nouer une discussion, c'est celle du très grand nombre d'assurés qui relève de plusieurs régimes de retraite. Ce système peut avoir des conséquences positives pour certains, c'est-à-dire des règles plus favorables du calcul de la durée d'assurance. Mais dans beaucoup de cas ce système a des conséquences négatives. La réforme de 2003 a posé le principe de l'égalité de traitement entre les cotisants et elle a prévu, pour certains régimes, une « proratisation » dans le calcul de la période de référence, pour le calcul du salaire moyen qui sert lui-même à calculer le montant de la retraite.
Il n'en reste pas moins, qu'il y a encore des différences de traitement qui persistent et nous sommes prêts à regarder avec les organisations syndicales ensemble les points sur lesquels il y a des inégalités de traitement en faveur ou en défaveur de ce qu'on appelle les poly-pensionnés. Il y a sûrement des améliorations à trouver.
Voilà ! Les carrières longues, la pénibilité, les poly-pensionnés, ce sont des questions qui montrent que le projet reste ouvert à la concertation et à la recherche en commun de solutions adaptées. Mais il ne peut pas être question de revenir en arrière sur ce qui est le fondement même de la réforme : une augmentation progressive de la durée d'activité de tous les salariés, accompagnée d'une répartition équitable des efforts. Le Gouvernement va donc continuer à avancer pas à pas. Nous écoutons tout le monde, mais nous n'esquivons pas nos responsabilités. Avec le Président de la République nous faisons simplement notre devoir. Nos objectifs sont connus, notre calendrier l'est aussi. Le projet de loi sera présenté au conseil des ministres du 13 juillet et commencera alors son examen par le Parlement qui pourra procéder aux ajustements nécessaires.
Mesdames, Messieurs, je ne donnerai pas une vision complète des efforts et des réformes que nous devons réaliser, si je n'évoquais pas le redressement de nos finances publiques que le Gouvernement est en train d'arrêter pour les 3 prochaines années. Nous avons un niveau de dette publique qui résulte des déficits accumulés sans interruption depuis plus de 30 ans, en période de croissance comme en période de ralentissement économique. Plus encore qu'en d'autres circonstances, l'instabilité de l'environnement économique mondial et les attaques spéculatives dirigées contre certains états de la Zone Euro, conduisent la France à montrer le chemin à suivre plutôt qu'à subir. Dans le contexte très instable que nous connaissons, nous devons tenir nos engagements et nous devons montrer que nous nous en donnons collectivement les moyens. Ce qui est en jeu, c'est la crédibilité financière de la France, c'est la qualité de notre signature, donc le niveau auquel nous empruntons et c'est ultimement, au fond, une part de la souveraineté nationale.
Tous partenaires européens ont pris des engagements de redressement de leurs comptes publics. C'est ce que nous avons également fait. Les objectifs de finances publiques sont connus depuis le début de l'année, ils sont exigeants et je veux dire qu'ils n'ont pas changé. Revenir d'ici à 2013 à un déficit inférieur à 3%, avec une première étape à 6% dès 2011. Cela signifie quoi ? Cela signifie que nous allons réduire l'an prochain le déficit de 40 milliards d'euros. Comment allons-nous y parvenir ? D'abord, en mettant fin aux mesures exceptionnelles décidées dans le cadre du plan de relance ; ça représente une économie de 15 milliards d'euros. Ensuite, parce que nous attendons de la reprise économique mondiale, telle qu'elle est prévue par la plupart des experts, une recette supplémentaire de l'ordre de 10 milliards d'euros. Enfin, nous ferons un effort d'au moins 5 milliards d'euros sur les niches fiscales et sociales et je veux vous indiquer ce matin que, en fonction de la situation, cet effort pourra être porté jusqu'à 8,5 milliards pour la période 2011 - 2013.
La réforme des retraites que j'ai évoquée contribue, elle aussi, si elle est adoptée, au rétablissement de nos comptes dès l'an prochain. Enfin, l'effort que nous sommes en train de décider sera sans précédent, l'augmentation des dépenses d'assurance maladie sera contenue à 2,9%, ce qui ne s'est jamais produit auparavant. Pour l'Etat, les dépenses seront gelées en valeurs hors charges intérêts de la dette et hors pensions, nous poursuivrons notre politique de non remplacement de 1 départ sur 2 à la retraite dans la Fonction Publique, de l'Etat et nous réduisons les dépenses de fonctionnement courant de 10% en 3 ans, avec un objectif impératif de - 5% la première année, donc pour le budget 2011. Enfin, les concours de l'Etat aux collectivités locales seront strictement reconduits en valeurs pour les 3 prochaines années. J'ajoute que nous les aiderons à contenir leurs dépenses, en mettant en place un moratoire sur les nouvelles normes et en engageant, s'agissant des départements, la réforme de la dépendance, du financement de la dépendance.
Depuis 2 semaines, dans cet esprit, je rencontre chacun des ministres du Gouvernement pour mettre en oeuvre ce cadrage très ambitieux. C'est évidemment un exercice budgétaire bien plus exigeant que tous les précédents, mais c'est aussi un exercice qui progresse plus rapidement que les années précédentes, parce que chacun comprend bien la nécessité de faire des efforts. Vous connaîtrez les résultats de ces arbitrages la semaine prochaine. J'insiste sur le fait que le cadrage imparti sera respecté et que les économies prévues seront réalisées. Il n'est pas question de biaiser, l'effort sur la dépense publique est un impératif catégorique, c'est la seule façon d'échapper à la hausse des impôts. Il y aura donc des choix difficiles à assumer. Je sais bien qu'en général les Français comprennent la nécessité de contenir les dépenses publiques mais que, en même temps, ils sont souvent enclin à contester les mesures concrètes lorsqu'elles sont effectivement traduites en terme concret. Je sais que ces résistances, qui sont souvent reprises par les parlementaires lors des débats sur la Loi de Finance, sont autant de témoignages de l'attachement qui est le nôtre au service public. Alors, à nous de proposer et d'expliquer ce que nous choisirons d'inscrire dans le budget pour illustrer que les économies faites ne portent pas atteinte à la qualité du service public, qu'elles sont possibles sans nous renier et sans mettre en cause ne particulier les solidarités essentielles.
Mais je veux dire devant vous ce matin, qu'il ne faut pas attendre de moi une faiblesse, qui serait coupable et qui exposerait la France. Il faut casser la spirale de l'endettement et, pour cela, il faudra bien un peu de courage pour mieux cibler nos politiques, qu'il s'agisse du logement, qu'il s'agisse de l'aide aux entreprises, de la défense ou même de l'éducation nationale où nous pouvons mieux organiser le service public sans diminuer ou sans déqualifier l'offre pédagogique. Bien sûr rien ne se fera sans le concours des fonctionnaires, ceux qui servent l'Etat depuis longtemps savent qu'il a déjà beaucoup changé au cours des décennies passées, il ne s'agit pas d'une approche comptable de la réforme mais d'une évolution nécessaire dans un contexte de crise.
Je sais que certains se demandent si ces efforts de réduction de la dépense publique ne risquent pas de freiner la reprise de la croissance dans notre pays. Je veux dire que c'est tout le contraire. Au moment où nous sortons de la crise, les niveaux de déficit et d'endettement ce sont des sources d'inquiétude pour l'avenir et, s'ils n'étaient pas réduits, ils conduiraient nos concitoyens et nos entreprises à faire des choix qui seront des choix de protection, qui seront des choix de repli, qui seront des choix d'anticipation des augmentations d'impôts à venir, qui iraient clairement contre la croissance, contre le développement, contre l'investissement et contre l'emploi. Et c'est cette indispensable confiance qui soutiendra la consommation, au lieu de pousser nos concitoyens à épargner par crainte de l'avenir. C'est cette même confiance qui nous permettra, également, de conserver des taux d'intérêts à des niveaux durablement bas, favorables au redémarrage de l'investissement des entreprises et des particuliers.
Nous avons bâti notre plan sur une prévision de croissance pour 2011 qui est ambitieuse, à 2,5%. Je veux vous dire que l'expérience passée a montré que les rebonds sont souvent d'autant plus puissants que la crise préalable a été profonde. Après la récession de 1975 qui avait été de - 1%, la croissance de 76 avait été de + 4,4 et de 77 de + 3,6. Après la récession de 1993 qui avait été seulement de 0,9%, nous avions tablé en 94 sur une croissance de 1,4, elle a finalement été de 2,2% en 94 et de 2,1% en 1995. Il est donc trop tôt pour envisager de modifier la prévision, il est préférable d'attendre le chiffre de croissance du deuxième trimestre, qui sera publié à la mi-août pour, le cas échéant, aviser en vue du projet de Loi de Finance en septembre. Et je veux le dire sans hésitation, si la croissance devait se révéler un peu moins dynamique que prévu, nous ne devrions pas reculer devant la nécessité de réaliser des efforts supplémentaires et, comme je viens de l'indiquer, d'aller plus loin dans la réduction des niches fiscales et sociales.
Mais à ce jour ce que l'on constate c'est que la croissance de l'économie française s'est accélérée à la sortie de l'hiver. Les enquêtes auprès des chefs d'entreprise montrent une amélioration du climat des affaires depuis le mois de mars. La production manufacturière vient d'enregistrer 4 mois consécutifs de progression et en mai la consommation des ménages a montré des signes de reprise. L'INSEE prévoit une croissance au deuxième trimestre de 0,5%. J'espère que les résultats du trimestre seront bons et je suis convaincu que cette année notre croissance atteindra bien la prévision gouvernementale, soit 1,4%, qui correspond d'ailleurs à la prévision de la plupart des organismes spécialisés. J'en veux pour preuve que les recettes de l'Etat sont conformes aux prévisions initiales, les performances de l'économie française seront cette année encore plus élevées que celles de la Zone Euro même. Bien entendu ça n'est pas suffisant, comme vient de nous le rappeler le chiffre du chômage pour le mois de mai. Il faut que nous atteignions une croissance supérieure à 2%. C'est tout l'objectif de la politique que nous poursuivons.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les réflexions que je voulais vous livrer avant de répondre à vos questions.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir sur votre agenda concernant les retraites. Vous avez dit que le projet de loi du Gouvernement serait présenté le 13 juillet, vous avez également fait un certain nombre d'ouvertures aux partenaires sociaux après les manifestations d'hier, autrement dit allez-vous engager ces discussions avant l'approbation par le conseil des ministres de votre projet de loi ou bien laissez-vous cela à la discrétion de la discussion parlementaire ?
FRANÇOIS FILLON
Je vais vous répondre les deux ! S'il y a matière et opportunité pour discuter avec les organisations syndicales d'ici le 13 juillet, nous sommes tout à fait ouverts à modifier tel ou tel point du texte, il est plus probable, compte tenu de l'ampleur des sujets que j'ai évoqués tout à l'heure et de leur technicité, que ces discussions vont se prolonger tout au long de l'été et que ce sera donc dans le cadre du débat parlementaire qu'on pourra intégrer les modifications éventuelles proposées par les uns ou par les autres.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, en général vous laissez vos ministres porter les réformes, vous prenez la parole pour la première fois aujourd'hui sur les retraites, Eric WOERTH n'est pas à vos côtés. Est-ce que, pendant que ce ministre est un petit peu plongé dans l'affaire BETTENCOURT, est-ce que Monsieur Eric WOERTH est aujourd'hui toujours audible dans le cadre de cette réforme importante ?
FRANÇOIS FILLON
Je fais un métier très, très difficile ! Quand je ne m'exprime pas, on explique que naturellement le Premier ministre est en dehors du dossier des retraites et, quand je m'exprime, on explique que le ministre en charge du dossier des retraites a perdu toute main sur ce dossier. Evidemment tout ça n'a aucun sens, Eric WOERTH conduit cette réforme, c'est d'ailleurs lui qui s'est exprimé hier soir à l'issue de cette manifestation, c'est lui qui va recevoir les organisations syndicales et poursuivre la discussion, c'est lui qui présentera au conseil des ministres le projet de loi, c'est lui qui défendra devant les commissions parlementaires, puis devant l'Assemblée Nationale et le Sénat, cette réforme très, très importante, il est normal, après une manifestation importante comme celle qui s'est déroulée hier et à la veille d'un conseil des ministres qui va adopter le texte, que, au nom du Gouvernement, j'exprime la position qui est celle du Gouvernement et, comme vous avez pu le constater, j'ai voulu aujourd'hui parler des retraites et des comptes publics et, sauf à m'entourer de la moitié du Gouvernement, il était préférable que je le fasse seul.
JOURNALISTE
Justement Eric WOERTH et Georges TRON recevaient ce matin les syndicats de fonctionnaires, ceux-ci ont compris que la hausse de 0,5% du point d'indice qui leur avait été promise il y a 2 ans pour le 1er juillet prochain n'aurait pas lieu, en tout cas pas tout de suite, le communiqué des ministres n'est pas tout à fait aussi clair, est-ce que vous pouvez nous préciser les choses ? Est-ce que cette hausse aura lieu le 1er juillet ou plus tard, ou pas du tout et qu'en est-il pour les 3 années qui suivent ?
FRANÇOIS FILLON
Alors je veux dire sur ce point que l'engagement a bien été pris par le Gouvernement d'augmenter le point d'indice de 0,5% au 1er juillet et cet engagement n'est pas remis en cause, simplement, nous avons voulu - comme nous le faisons d'ailleurs depuis maintenant plus de 2 ans - faire un bilan avec les organisations syndicales de l'ensemble des sujets touchant au pouvoir d'achat des fonctionnaires et à leur rémunération. En effet il n'y a pas que le point d'indice qui intervient dans le calcul de la rémunération des fonctionnaires et si je prends l'exemple de l'année 2009, la rémunération moyenne des fonctionnaires a augmenté de 3,8... 3,7%, comme il y a eu une inflation extrêmement faible en 2009 cela veut dire que le gain de pouvoir d'achat des fonctionnaires a été supérieur à 3%, nettement supérieur à 3%. Donc, cette question du point d'indice ne peut pas focaliser tous les débats. Mais je confirme qu'il y a bien un engagement du Gouvernement sur l'augmentation au mois de juillet, que cet engagement n'est pas remis en cause, mais qu'il faut que les discussions se poursuivent avec les partenaires sociaux dans un contexte économique et financier très difficile qui conduit quand même - et je pense que les fonctionnaires Français l'auront bien remarqué - presque tous les autres pays européens à prendre des décisions, soit de gel, soit de baisse des rémunérations des fonctionnaires, nous n'avons pas proposé de baisse des rémunérations des fonctionnaires, mais c'est quand même ce contexte financier dans lequel se déroule ce débat.
JOURNALISTE
Le rapport de la Cour des Comptes souligne l'importance du déficit, en disant que 5 points de PIB sont dus au déficit structurel et donc suggère non seulement des économies mais des économies fiscales. Est-ce que vous écartez toute mesure fiscale, toute augmentation des impôts, on parle par exemple de revenir sur la baisse de la TVA sur les restaurateurs et, plus généralement, est-ce qu'on peut faire quelque chose sur la TVA ?
FRANÇOIS FILLON
Non ! Mais vous avez bien entendu dans mon propos que nous entendions supprimer ou réduire un grand nombre de niches fiscales ou sociales, ce sont donc bien des augmentations d'impôts - il faut appeler les choses par leur nom - mais ce ne sont pas des augmentations générales, des impôts qui pèsent sur les ménages ou sur les entreprises. Parce que s'agissant de ces impôts, je veux parler de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés, de la TVA, enfin de l'ensemble de la fiscalité, nous sommes déjà à des niveaux qui sont parmi les plus élevés, sinon les plus élevés de tous les pays européens et, comme je rappelle que nous vivons dans un espace qui est ouvert, avec pour un certain nombre de pays européens la même monnaie, nous ne pouvons pas continuer à augmenter des impôts comme la TVA ou comme les impôts qui pèsent sur les entreprises sans prendre des risques majeurs pour l'emploi et pour la consommation. Donc, c'est sur la réduction d'avantages fiscaux qui avaient été décidés depuis des années et des années - par tous les gouvernements d'ailleurs - que nous allons agir, j'ai dit tout à l'heure que l'objectif initial c'était 5 milliards de réduction des niches fiscales et sociales en 2011, on pourra, si la situation l'exige, aller plus loin et j'ai évoqué tout à l'heure devant vous un chiffre qui pourrait monter jusqu'à 8 milliards et demi et on est là parfaitement en concordance avec, comment dirais-je, la tonalité du rapport de la Cour des Comptes.
JOURNALISTE
Oui ! Monsieur le Premier ministre, bonjour. On assiste à une accumulation d'affaires visant vos ministres, des affaires en tout genre, je vous épargnerais la liste ici. Je voudrais savoir, est-ce que ce n'est pas inquiétant pour l'image dégradée de votre Gouvernement et est-ce que, deuxièmement, accessoirement, est-ce que ça ne complique pas votre tâche dans la mise en oeuvre des réformes ?
FRANÇOIS FILLON
Alors je me suis exprimé sur cette question il y a quelques jours devant le Parlement et je voudrais revenir au fond sur ce que j'ai dit. Les hommes politiques et les ministres évidemment au premier rang ont un devoir d'exemplarité et de transparence, dans l'histoire récente de nos institutions on a fait des progrès sur le chemin de l'exemplarité et de la transparence et je veux quand même rappeler qu'il n'y a pas si longtemps que les salaires des ministres étaient complétés par les fonds secrets. J'entendais récemment Madame AUBRY expliquer que, lorsqu'elle était ministre, les ministres étaient moins bien payés qu'aujourd'hui, c'est évidemment un mensonge - et elle le sait très bien - puisque chaque membre du Gouvernement recevait une enveloppe de fonds secrets, cela a été supprimé et c'est une bonne chose. Il n'y a pas si longtemps l'Elysée, la Présidence de la République, ne faisait l'objet d'aucun contrôle financier, sous Charles de GAULLE, sous Valéry GISCARD d'ESTAING, sous François MITTERRAND, sous Jacques CHIRAC, pas un seul contrôle financier sur la Présidence de la République. Désormais la Cour des Comptes contrôle la Présidence de la République tous les ans. Donc on a fait des progrès, mais il y en a encore à faire, et un certain nombre d'erreurs, de défaillances, de manquements qui ont été révélés, souvent d'ailleurs par la presse, dont c'est le rôle, montrent que nous devons progresser en terme d'exemplarité et de transparence. J'avais déjà, en arrivant ici, pris un certain nombre de mesures, qui ont été appliquées, je pense par exemple à la fiscalisation de l'avantage que représente les logements de fonction qui n'existait pas avant mon Gouvernement. Je pense à la limitation des dépenses des cabinets, je pense à une réglementation beaucoup plus sévère des déplacements et notamment des déplacements à l'étranger des ministres qui doit faire l'objet désormais d'une décision du cabinet du Premier ministre, mais il y a encore manifestement des règles qui doivent être précisées, qui doivent être durcies, qui doivent être modifiées.
Je suis en train de préparer, avec le Président de la République, et nous vous ferons savoir ces mesures dans les prochains jours, de nouvelles règles, qui vont durcir, qui vont préciser les conditions d'accès aux logements de fonction, qui vont préciser les conditions dans lesquelles se passent les déplacements des membres du gouvernement, en France comme à l'étranger, qui vont concerner également le nombre de collaborateurs de cabinets. C'est un combat que tous les gouvernements ont connu, que tous les Premiers ministres ont connu, j'avais fixé à 20 le nombre des collaborateurs pour chaque ministre et un peu moins pour chaque secrétaire d'Etat, naturellement tout cela a été bousculé au fil du temps, on va revenir à des règles plus strictes. Je crois que c'est le sens de l'Histoire, c'est ce qu'attendent nos concitoyens, c'est la progression normale du fonctionnement des institutions politiques, que de prendre ces décisions. J'ajoute qu'elles devraient naturellement s'étendre à l'ensemble des responsables politiques, et en particulier à tous les parlementaires et à tous ceux qui gèrent des grandes collectivités locales.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, la Cour des Comptes souligne que si votre réforme des retraites pourrait en effet équilibrer les comptes en 2018, il y a un lourd déficit à combler d'ici là. Et ce n'est pas elle qui le dit, mais beaucoup pensent que le Fonds de Réserve des Retraites ne suffirait pas à combler ce déficit jusque là. Comment pensez-vous procéder ?
FRANÇOIS FILLON
Vous avez raison. Nous allons prendre des décisions qui vont être annoncées simultanément avec les décisions budgétaires pour apurer le déficit passé des comptes sociaux, et en particulier celui des retraites. Eric WOERTH a déjà évoqué l'utilisation du Fonds de Réserve des Retraites, mais il y aura d'autres mesures qui seront des mesures de recettes et qui seront annoncées dans quelques jours. Mais le déficit sera intégralement comblé parce que naturellement on ne peut pas simplement se préoccuper de la situation en 2018 et laisser courir un déficit qui pèse aujourd'hui lourdement sur les finances publiques.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, excusez-moi, je voudrais revenir sur le traitement des fonctionnaires. Je n'ai pas bien compris votre réponse. Est-ce qu'au 1er juillet, le traitement, la hausse de 0,5% s'applique, oui ou non ?
FRANÇOIS FILLON
Je vous ai dit que l'engagement du gouvernement n'était pas remis en cause, mais que nous voulions en discuter avec les partenaires sociaux. Et donc il faudra bien qu'on discute avec les partenaires sociaux de l'ensemble des sujets. Mais l'engagement n'est pas remis en cause pour le 1er juillet.
JOURNALISTE
L'engagement n'est pas remis en cause, mais est-ce que, oui ou non, il est effectif au 1er juillet ? La question est toute simple...
FRANÇOIS FILLON
Eh bien la réponse est toute simple, la réponse c'est il y a aura une discussion avec les partenaires sociaux. On n'est pas dans un système où on ne discute pas.
JOURNALISTE
Donc la réponse c'est non au 1er juillet, ce n'est pas acté ?
FRANÇOIS FILLON
Non, la réponse c'est l'engagement du gouvernement n'est pas remis en cause. Il suffit que tout le monde veuille bien s'assoir autour de la table pour en discuter, parce qu'il y a d'autres sujets, et à ce moment-là l'engagement sera respecté. Voilà la réponse. La vie ce n'est pas aussi binaire que oui ou non. C'est comme ça.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre. Jusque là vous ne parliez pas de politique de rigueur, maintenant vous annoncez une augmentation des impôts par le biais des niches fiscales, est-ce que, comme l'a fait hier Christine LAGARDE dans LES ECHOS, à demi-mots, même assez clairement, on peut aujourd'hui parler de politique de rigueur ? Est-ce que ce mot tabou tombe ? Et la deuxième question c'est : vous avez annoncé... la semaine prochaine, le cadrage budgétaire, vous allez tailler dans les dépenses publiques, notamment dans l'Education. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples, est-ce que vous allez accélérer le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, notamment dans l'Education nationale ?
FRANÇOIS FILLON
Non non, nous n'allons pas accélérer le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, j'ai dit tout à l'heure que nous allions tenir l'engagement, pour la troisième année consécutive, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Vous verrez les décisions lorsqu'elles seront complètement arbitrées et rendues publiques. Mais je veux revenir sur ce débat. Encore une fois, il faut appeler les choses par leur nom. Il y a des pays qui baissent les rémunérations des fonctionnaires, il y a des pays qui licencient des fonctionnaires, il y a des pays qui réduisent de façon drastique les dépenses publiques, il y a des pays qui augmentent de plusieurs points la TVA, cela s'appelle une politique de rigueur. Si on était amené, un jour, à conduire une politique comme celle-là, oui, je dirais c'est une politique de rigueur. Pour l'instant, ce que nous essayons de faire, c'est d'éviter cette politique-là. C'est pour cela que le débat a un sens. Et de faire en sorte que, en gelant les dépenses publiques, en réduisant par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux les effectifs de la Fonction publique, en supprimant un certain nombre d'avantages fiscaux, on puisse atteindre l'objectif de réduction du déficit en touchant le moins possible aux acquis de la croissance. C'est la politique sérieuse, responsable que l'on conduit. Il y a une autre étape si cette politique-là échouait, et c'est alors une politique de rigueur. Mais tous les efforts que je fais, tous les efforts que nous faisons avec le Président de la République, sont destinés à éviter d'atteindre cette autre étape.
JOURNALISTE
La Cour des Comptes rappelle que le déficit de l'Assurance Maladie est de 10 milliards et que le passage de l'Ondam de 2,3 à 2,9, c'est 150 millions. Est-ce que c'est assez ?
FRANÇOIS FILLON
Non, bien sûr que ce n'est pas assez, mais... ce que nous allons faire c'est limiter globalement le déficit de l'Assurance Maladie, avec les mesures de la réforme des retraites, et avec les mesures que nous sommes en train de prendre sur les hôpitaux, sur l'organisation des soins. Il y a une étape à venir qui est très importante sur tous ces sujets, qui est la réforme de la dépendance et la création d'un cinquième risque, il y a donc encore un chantier qui est ouvert devant nous, pour arriver à l'équilibre sur ces sujets.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre bonjour. Est-ce que dans les pistes envisagées pour la moralisation de la vie politique, limiter le nombre de membres du gouvernement, le nombre de ministres, est une piste que vous envisagez, est-ce que cela ne vous facilitera pas la tâche dans votre exercice de cadrage budgétaire actuellement ?
FRANÇOIS FILLON
Je ne peux pas me renier. J'ai écrit autrefois que ce serait bien de fixer dans un texte organique le nombre de ministères, leur intitulé, leurs compétences, et j'avais fixé autour de 15 le nombre des membres du gouvernement, auxquels il faut rajouter naturellement un certain nombre de secrétaires d'Etat, notamment pour faire face à une charge de travail qui est créée par la réforme de la Constitution en termes de présence au Parlement, c'est toujours l'objectif idéal que j'aimerai atteindre.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, s'agissant du nombre de collaborateurs dans les cabinets, vous avez rappelé votre engagement de 20, est-ce que cet engagement est toujours valable ou est-ce que vous voulez le mettre un petit peu plus haut ? Et enfin, est-ce que vous appliquerez cette règle, sachant qu'il y a deux membres du gouvernement qui ont plus de 40 collaborateurs, vous et Jean-Louis BORLOO ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, la règle ne concernait évidemment pas le Premier ministre ni le Président de la République, compte tenu du caractère général des missions qui sont les leurs. Mais vous le saurez dans quelques jours, puisque nous sommes en train de travailler à ces mesures, et que nous prendrons des mesures de limitation des membres des cabinets ministériels.
JOURNALISTE
Vous avez parlé tout à l'heure de défaillances et d'erreurs révélées dans la presse, sur lesquelles il fallait progresser. Patrice de MAISTRE, le gestionnaire de la fortune de Liliane BETTENCOURT, a évoqué un chèque de 10 000 euros versé à Eric WOERTH pour le récompenser d'un coup de pouce dans le cadre de l'Auditorium André BETTENCOURT. Dans le même temps Nicolas PERRUCHOT, député de la majorité, auteur d'un rapport pour la commission des Finances sur les paradis fiscaux, demande la démission, hier, d'Eric WOERTH. Alors ma question est la suivante : est-ce qu'Eric WOERTH a touché, ou non, de l'argent de Liliane BETTENCOURT, si oui, à quel titre ? Est-ce au titre de l'UMP ou à titre particulier ? Merci.
FRANÇOIS FILLON
Je pense d'abord que vous devriez être très prudente dans les mots que vous utilisez. On ne peut pas dire des choses comme cela, 10 000 euros touchés par monsieur WOERTH, qui a contesté avec la plus grande énergie cette affirmation qui n'a absolument aucun sens. Eric WOERTH n'a commis, je l'ai dit devant le Parlement, aucune espèce de faute, il n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses fonctions de ministre du Budget. Toutes ces assertions sont parfaitement inexactes, et je pense qu'elles seront suivies d'un certain nombre de conséquences en termes judiciaires. Eric WOERTH a été certainement le ministre de la Vème République qui a le bilan, ou en tout cas un de ceux, qui a le bilan le plus fort en matière de lutte contre la fraude fiscale. Et beaucoup de ceux qui aujourd'hui, notamment à gauche, sont prompts à donner des leçons, n'ont pas tout à fait le même bilan à présenter. Donc, moi j'ai une totale confiance dans le ministre du Travail, et je veux inviter chacun à un peu plus de prudence avant d'affirmer des choses qui sont manifestement des choses inexactes. Voilà. Merci beaucoup mesdames et messieurs.
Source http://www.gouvernement.fr, le 28 juin 2010
Les décisions que nous avons à prendre pour sauvegarder les régimes de retraite sont des décisions lourdes. Je veux rappeler que ce ne sont pas les premières. En 1993, nous avons porté de 37,5 annuités à 40 la durée de cotisation pour une retraite à taux plein dans le secteur privé. En 2003, nous avons aligné la durée de cotisation des fonctionnaires et des salariés du privé et nous avons engagé une augmentation progressive de la durée de cotisation proportionnelle à l'allongement de la durée de la vie. Et en 2007, nous avons réformé les régimes spéciaux.
Je veux rappeler que à chacune de ces réformes il y a eu des manifestations, il y a eu des grèves, il y a eu des contestations. Et pourtant personne aujourd'hui ne parle de revenir à 37 annuités et demi... ou presque ... Personne ne réclame la restauration des régimes spéciaux. Je veux dire que ces réformes, qui ont été contestées en leur temps, elles sont admises par tout le monde, y compris par ceux qui les ont combattues, souvent avec le plus de force.
Chacun donc reconnaît que ces réformes, même si elles étaient difficiles, même si elles ont été contestées, elles étaient nécessaires. Et elles doivent aujourd'hui être complétées. Le Gouvernement comprend les inquiétudes. Le gouvernement écoute l'avis des Français. Il écoute l'avis des Français qui ont manifesté, comme il écoute l'avis des Français qui n'ont pas manifesté. Il écoute l'avis de ceux qui veulent le maintien du départ à la retraite à 60 ans, mais aussi de ceux qui font remarquer qu'à 62 ans nous aurons encore l'un des âges de départ à la retraite les plus précoces de tous les pays européens. Le Gouvernement ne méprise aucun avis et surtout pas celui des partenaires sociaux avec lesquels nous dialoguons en permanence. La mobilisation syndicale doit nous conduire à redoubler nos efforts d'explication, elle doit nous conduire à analyser les critiques et les propositions qui ont été faites par les uns et par les autres, mais je veux dire solennellement qu'aucune mobilisation ne règlera le problème démographique que pose la question des retraites. Quelles que soient les oppositions, quelles que soient leurs forces, le gouvernement a le devoir d'assurer le financement des retraites des Français. Et ce financement nous savons tous qu'il ne peut, pour l'essentiel, être assuré que par l'allongement de la durée de travail.
Je crois d'ailleurs qu'une très grande majorité de Français le comprend. On peut tourner le sujet dans tous les sens, on peut faire miroiter toutes les alternatives possibles, dont celle d'augmenter massivement les impôts, on en revient toujours à un moment ou à un autre au seul paramètre véritablement efficace pour sauver nos retraites de la faillite, c'est le relèvement de l'âge de la retraite.
Nous ne sommes pas seuls au monde. Nous sommes en Europe où tous les pays ont engagé des réformes pour augmenter progressivement l'âge d'ouverture des droits à la retraite. C'est ainsi que l'Allemagne, l'Espagne, les Pays Bas, aujourd'hui le Royaume Uni ont engagé des processus, ou travaillent sur des processus qui visent à passer de 65 ans à 67 ans. Je rappelle que nous proposons aux Français de passer de 60 à 62.
Dans les cortèges, beaucoup de manifestants ont, sans doute de bonne foi, réclamé d'asseoir le financement de nos retraites sur une taxation lourde du capital. Je veux leur répondre : au-delà des montants très insuffisants qu'une telle mesure pourrait rapporter, c'est méconnaître le principe même de la répartition, celui qui fait l'objet du pacte social qui a été conclu au lendemain de la Libération et qui est fondé sur le travail et la productivité de chacun d'entre nous au service de la solidarité. Si nos retraites devaient demain dépendre des flux financiers, ça voudrait dire que nous mettrions notre système par répartition en situation d'être dépendant du cours de la Bourse ? Ou d'être dépendant des stratégies de délocalisation financière des grandes sociétés internationales ? C'est exactement le contraire du pacte social que chacun pourtant prétend vouloir défendre.
Les responsables du Parti socialiste, qui ont hier battu le pavé, savent parfaitement bien que l'allongement de la durée d'activité est nécessaire. Et je veux dire combien je regrette la posture qui est la leur et qui ne doit pas leurrer les Français. Contrairement à ce qu'ils affirment, nous allons rééquilibrer nos régimes de retraite dès 2018. Et afin de pérenniser cet équilibre, nous avons prévu un rendez vous en 2018 pour envisager la suite de cette réforme. Bien sûr nous aurions pu prendre des décisions jusqu'en 2030 ou jusqu'en 2050, comme certains nous le réclament, mais nous avons estimé qu'il était plus sage, compte tenu de l'évolution de la situation économique, de la situation démographique ; et surtout plus démocratique - il y aura deux élections présidentielles d'ici 2018 - de prévoir un rendez vous en 2018 pour poursuivre l'évolution de nos régimes de retraite, en fonction non plus seulement des prévisions, mais des réalités économiques et démographiques.
Le projet qui est porté par Eric Woerth est un projet équilibré et qui doit pouvoir nourrir un consensus responsable, au sein de notre société. C'est une réforme juste, tant en ce qui concerne l'effort qui est demandé aux salariés du privé, comme aux fonctionnaires, qu'en ce qui concerne la prise en compte des carrières longues ou de la pénibilité. J'ai noté, avec beaucoup d'intérêt, que le Parti socialiste s'inquiétait des carrières longues. C'est une nouveauté, puisqu'il a combattu de toutes ses forces la réforme de 2003 qui a permis le départ anticipé de plus de 500 000 Français qui avaient commencé à travailler à 14, à 15 et à 16 ans. Le Parti socialiste devrait se réjouir de la proposition que nous avons retenue de l'étendre à tous ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans. C'est donc un dispositif plus généreux que celui qui existait dans la réforme de 2003.
Avec notre réforme, aucun Français ayant commencé à travailler avant 18 ans ne sera obligé de partir à la retraite après 60 ans. C'est une avancée sociale, et madame AUBRY - qui n'a pas de mot assez dur pour qualifier notre projet - devrait se poser une question. Elle a exercé le pouvoir. Qu'a-t-elle fait pour les carrières longues ? Rien. Rien d'ailleurs comme sur tous les autres sujets touchant à la retraite. Les propos francs et lucides de Michel ROCARD sur notre réforme sont un encouragement et c'est un signe que le souci de l'intérêt général - au-delà des postures des partis - peut transcender les clivages.
L'intérêt général nous commande de ne pas transiger sur les principaux paramètres de la réforme : le passage de l'âge légal à 62 ans, le relèvement de 65 à 67 ans de l'âge de départ à taux plein, et le calendrier fixé à 2018. Ces points là ne peuvent pas être remis en cause et ils ne le seront pas parce que nous savons bien que, sans eux, il n'y a aucun moyen sérieux de sauvegarder nos régimes de retraite.
Alors, est-ce à dire qu'il n'y a pas de sujet de discussion avec les partenaires sociaux ? Bien sur que non. Eric WOERTH va poursuivre la concertation avec tous ceux qui le souhaiteront pour ajuster nos décisions, pour prendre en compte les propositions qui permettent d'améliorer le projet gouvernemental, mais en respectant son équilibre général. Le projet de loi, je l'ai dit, prolonge le dispositif carrières longues créé en 2003. Il propose un dispositif de prévention et de compensation de la pénibilité. On peut estimer que 100 000 personnes pourront bénéficier de ces deux dispositifs chaque année. Nous sommes prêts à examiner, avec les partenaires sociaux, comment compléter, améliorer, adapter ces dispositions.
Des questions se posent notamment s'agissant de la pénibilité. J'en cite quelques unes : comment anticiper une maladie liée à la pénibilité qui se déclarerait plusieurs années après sa retraite ? Comment renforcer encore davantage les actions de prévention des entreprises ? Comment favoriser des carrières plus diverses, adaptées à la situation de chacun ? Voilà des pistes de réflexion communes.
Il y a un autre sujet sur lequel pourrait se nouer une discussion, c'est celle du très grand nombre d'assurés qui relève de plusieurs régimes de retraite. Ce système peut avoir des conséquences positives pour certains, c'est-à-dire des règles plus favorables du calcul de la durée d'assurance. Mais dans beaucoup de cas ce système a des conséquences négatives. La réforme de 2003 a posé le principe de l'égalité de traitement entre les cotisants et elle a prévu, pour certains régimes, une « proratisation » dans le calcul de la période de référence, pour le calcul du salaire moyen qui sert lui-même à calculer le montant de la retraite.
Il n'en reste pas moins, qu'il y a encore des différences de traitement qui persistent et nous sommes prêts à regarder avec les organisations syndicales ensemble les points sur lesquels il y a des inégalités de traitement en faveur ou en défaveur de ce qu'on appelle les poly-pensionnés. Il y a sûrement des améliorations à trouver.
Voilà ! Les carrières longues, la pénibilité, les poly-pensionnés, ce sont des questions qui montrent que le projet reste ouvert à la concertation et à la recherche en commun de solutions adaptées. Mais il ne peut pas être question de revenir en arrière sur ce qui est le fondement même de la réforme : une augmentation progressive de la durée d'activité de tous les salariés, accompagnée d'une répartition équitable des efforts. Le Gouvernement va donc continuer à avancer pas à pas. Nous écoutons tout le monde, mais nous n'esquivons pas nos responsabilités. Avec le Président de la République nous faisons simplement notre devoir. Nos objectifs sont connus, notre calendrier l'est aussi. Le projet de loi sera présenté au conseil des ministres du 13 juillet et commencera alors son examen par le Parlement qui pourra procéder aux ajustements nécessaires.
Mesdames, Messieurs, je ne donnerai pas une vision complète des efforts et des réformes que nous devons réaliser, si je n'évoquais pas le redressement de nos finances publiques que le Gouvernement est en train d'arrêter pour les 3 prochaines années. Nous avons un niveau de dette publique qui résulte des déficits accumulés sans interruption depuis plus de 30 ans, en période de croissance comme en période de ralentissement économique. Plus encore qu'en d'autres circonstances, l'instabilité de l'environnement économique mondial et les attaques spéculatives dirigées contre certains états de la Zone Euro, conduisent la France à montrer le chemin à suivre plutôt qu'à subir. Dans le contexte très instable que nous connaissons, nous devons tenir nos engagements et nous devons montrer que nous nous en donnons collectivement les moyens. Ce qui est en jeu, c'est la crédibilité financière de la France, c'est la qualité de notre signature, donc le niveau auquel nous empruntons et c'est ultimement, au fond, une part de la souveraineté nationale.
Tous partenaires européens ont pris des engagements de redressement de leurs comptes publics. C'est ce que nous avons également fait. Les objectifs de finances publiques sont connus depuis le début de l'année, ils sont exigeants et je veux dire qu'ils n'ont pas changé. Revenir d'ici à 2013 à un déficit inférieur à 3%, avec une première étape à 6% dès 2011. Cela signifie quoi ? Cela signifie que nous allons réduire l'an prochain le déficit de 40 milliards d'euros. Comment allons-nous y parvenir ? D'abord, en mettant fin aux mesures exceptionnelles décidées dans le cadre du plan de relance ; ça représente une économie de 15 milliards d'euros. Ensuite, parce que nous attendons de la reprise économique mondiale, telle qu'elle est prévue par la plupart des experts, une recette supplémentaire de l'ordre de 10 milliards d'euros. Enfin, nous ferons un effort d'au moins 5 milliards d'euros sur les niches fiscales et sociales et je veux vous indiquer ce matin que, en fonction de la situation, cet effort pourra être porté jusqu'à 8,5 milliards pour la période 2011 - 2013.
La réforme des retraites que j'ai évoquée contribue, elle aussi, si elle est adoptée, au rétablissement de nos comptes dès l'an prochain. Enfin, l'effort que nous sommes en train de décider sera sans précédent, l'augmentation des dépenses d'assurance maladie sera contenue à 2,9%, ce qui ne s'est jamais produit auparavant. Pour l'Etat, les dépenses seront gelées en valeurs hors charges intérêts de la dette et hors pensions, nous poursuivrons notre politique de non remplacement de 1 départ sur 2 à la retraite dans la Fonction Publique, de l'Etat et nous réduisons les dépenses de fonctionnement courant de 10% en 3 ans, avec un objectif impératif de - 5% la première année, donc pour le budget 2011. Enfin, les concours de l'Etat aux collectivités locales seront strictement reconduits en valeurs pour les 3 prochaines années. J'ajoute que nous les aiderons à contenir leurs dépenses, en mettant en place un moratoire sur les nouvelles normes et en engageant, s'agissant des départements, la réforme de la dépendance, du financement de la dépendance.
Depuis 2 semaines, dans cet esprit, je rencontre chacun des ministres du Gouvernement pour mettre en oeuvre ce cadrage très ambitieux. C'est évidemment un exercice budgétaire bien plus exigeant que tous les précédents, mais c'est aussi un exercice qui progresse plus rapidement que les années précédentes, parce que chacun comprend bien la nécessité de faire des efforts. Vous connaîtrez les résultats de ces arbitrages la semaine prochaine. J'insiste sur le fait que le cadrage imparti sera respecté et que les économies prévues seront réalisées. Il n'est pas question de biaiser, l'effort sur la dépense publique est un impératif catégorique, c'est la seule façon d'échapper à la hausse des impôts. Il y aura donc des choix difficiles à assumer. Je sais bien qu'en général les Français comprennent la nécessité de contenir les dépenses publiques mais que, en même temps, ils sont souvent enclin à contester les mesures concrètes lorsqu'elles sont effectivement traduites en terme concret. Je sais que ces résistances, qui sont souvent reprises par les parlementaires lors des débats sur la Loi de Finance, sont autant de témoignages de l'attachement qui est le nôtre au service public. Alors, à nous de proposer et d'expliquer ce que nous choisirons d'inscrire dans le budget pour illustrer que les économies faites ne portent pas atteinte à la qualité du service public, qu'elles sont possibles sans nous renier et sans mettre en cause ne particulier les solidarités essentielles.
Mais je veux dire devant vous ce matin, qu'il ne faut pas attendre de moi une faiblesse, qui serait coupable et qui exposerait la France. Il faut casser la spirale de l'endettement et, pour cela, il faudra bien un peu de courage pour mieux cibler nos politiques, qu'il s'agisse du logement, qu'il s'agisse de l'aide aux entreprises, de la défense ou même de l'éducation nationale où nous pouvons mieux organiser le service public sans diminuer ou sans déqualifier l'offre pédagogique. Bien sûr rien ne se fera sans le concours des fonctionnaires, ceux qui servent l'Etat depuis longtemps savent qu'il a déjà beaucoup changé au cours des décennies passées, il ne s'agit pas d'une approche comptable de la réforme mais d'une évolution nécessaire dans un contexte de crise.
Je sais que certains se demandent si ces efforts de réduction de la dépense publique ne risquent pas de freiner la reprise de la croissance dans notre pays. Je veux dire que c'est tout le contraire. Au moment où nous sortons de la crise, les niveaux de déficit et d'endettement ce sont des sources d'inquiétude pour l'avenir et, s'ils n'étaient pas réduits, ils conduiraient nos concitoyens et nos entreprises à faire des choix qui seront des choix de protection, qui seront des choix de repli, qui seront des choix d'anticipation des augmentations d'impôts à venir, qui iraient clairement contre la croissance, contre le développement, contre l'investissement et contre l'emploi. Et c'est cette indispensable confiance qui soutiendra la consommation, au lieu de pousser nos concitoyens à épargner par crainte de l'avenir. C'est cette même confiance qui nous permettra, également, de conserver des taux d'intérêts à des niveaux durablement bas, favorables au redémarrage de l'investissement des entreprises et des particuliers.
Nous avons bâti notre plan sur une prévision de croissance pour 2011 qui est ambitieuse, à 2,5%. Je veux vous dire que l'expérience passée a montré que les rebonds sont souvent d'autant plus puissants que la crise préalable a été profonde. Après la récession de 1975 qui avait été de - 1%, la croissance de 76 avait été de + 4,4 et de 77 de + 3,6. Après la récession de 1993 qui avait été seulement de 0,9%, nous avions tablé en 94 sur une croissance de 1,4, elle a finalement été de 2,2% en 94 et de 2,1% en 1995. Il est donc trop tôt pour envisager de modifier la prévision, il est préférable d'attendre le chiffre de croissance du deuxième trimestre, qui sera publié à la mi-août pour, le cas échéant, aviser en vue du projet de Loi de Finance en septembre. Et je veux le dire sans hésitation, si la croissance devait se révéler un peu moins dynamique que prévu, nous ne devrions pas reculer devant la nécessité de réaliser des efforts supplémentaires et, comme je viens de l'indiquer, d'aller plus loin dans la réduction des niches fiscales et sociales.
Mais à ce jour ce que l'on constate c'est que la croissance de l'économie française s'est accélérée à la sortie de l'hiver. Les enquêtes auprès des chefs d'entreprise montrent une amélioration du climat des affaires depuis le mois de mars. La production manufacturière vient d'enregistrer 4 mois consécutifs de progression et en mai la consommation des ménages a montré des signes de reprise. L'INSEE prévoit une croissance au deuxième trimestre de 0,5%. J'espère que les résultats du trimestre seront bons et je suis convaincu que cette année notre croissance atteindra bien la prévision gouvernementale, soit 1,4%, qui correspond d'ailleurs à la prévision de la plupart des organismes spécialisés. J'en veux pour preuve que les recettes de l'Etat sont conformes aux prévisions initiales, les performances de l'économie française seront cette année encore plus élevées que celles de la Zone Euro même. Bien entendu ça n'est pas suffisant, comme vient de nous le rappeler le chiffre du chômage pour le mois de mai. Il faut que nous atteignions une croissance supérieure à 2%. C'est tout l'objectif de la politique que nous poursuivons.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les réflexions que je voulais vous livrer avant de répondre à vos questions.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir sur votre agenda concernant les retraites. Vous avez dit que le projet de loi du Gouvernement serait présenté le 13 juillet, vous avez également fait un certain nombre d'ouvertures aux partenaires sociaux après les manifestations d'hier, autrement dit allez-vous engager ces discussions avant l'approbation par le conseil des ministres de votre projet de loi ou bien laissez-vous cela à la discrétion de la discussion parlementaire ?
FRANÇOIS FILLON
Je vais vous répondre les deux ! S'il y a matière et opportunité pour discuter avec les organisations syndicales d'ici le 13 juillet, nous sommes tout à fait ouverts à modifier tel ou tel point du texte, il est plus probable, compte tenu de l'ampleur des sujets que j'ai évoqués tout à l'heure et de leur technicité, que ces discussions vont se prolonger tout au long de l'été et que ce sera donc dans le cadre du débat parlementaire qu'on pourra intégrer les modifications éventuelles proposées par les uns ou par les autres.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, en général vous laissez vos ministres porter les réformes, vous prenez la parole pour la première fois aujourd'hui sur les retraites, Eric WOERTH n'est pas à vos côtés. Est-ce que, pendant que ce ministre est un petit peu plongé dans l'affaire BETTENCOURT, est-ce que Monsieur Eric WOERTH est aujourd'hui toujours audible dans le cadre de cette réforme importante ?
FRANÇOIS FILLON
Je fais un métier très, très difficile ! Quand je ne m'exprime pas, on explique que naturellement le Premier ministre est en dehors du dossier des retraites et, quand je m'exprime, on explique que le ministre en charge du dossier des retraites a perdu toute main sur ce dossier. Evidemment tout ça n'a aucun sens, Eric WOERTH conduit cette réforme, c'est d'ailleurs lui qui s'est exprimé hier soir à l'issue de cette manifestation, c'est lui qui va recevoir les organisations syndicales et poursuivre la discussion, c'est lui qui présentera au conseil des ministres le projet de loi, c'est lui qui défendra devant les commissions parlementaires, puis devant l'Assemblée Nationale et le Sénat, cette réforme très, très importante, il est normal, après une manifestation importante comme celle qui s'est déroulée hier et à la veille d'un conseil des ministres qui va adopter le texte, que, au nom du Gouvernement, j'exprime la position qui est celle du Gouvernement et, comme vous avez pu le constater, j'ai voulu aujourd'hui parler des retraites et des comptes publics et, sauf à m'entourer de la moitié du Gouvernement, il était préférable que je le fasse seul.
JOURNALISTE
Justement Eric WOERTH et Georges TRON recevaient ce matin les syndicats de fonctionnaires, ceux-ci ont compris que la hausse de 0,5% du point d'indice qui leur avait été promise il y a 2 ans pour le 1er juillet prochain n'aurait pas lieu, en tout cas pas tout de suite, le communiqué des ministres n'est pas tout à fait aussi clair, est-ce que vous pouvez nous préciser les choses ? Est-ce que cette hausse aura lieu le 1er juillet ou plus tard, ou pas du tout et qu'en est-il pour les 3 années qui suivent ?
FRANÇOIS FILLON
Alors je veux dire sur ce point que l'engagement a bien été pris par le Gouvernement d'augmenter le point d'indice de 0,5% au 1er juillet et cet engagement n'est pas remis en cause, simplement, nous avons voulu - comme nous le faisons d'ailleurs depuis maintenant plus de 2 ans - faire un bilan avec les organisations syndicales de l'ensemble des sujets touchant au pouvoir d'achat des fonctionnaires et à leur rémunération. En effet il n'y a pas que le point d'indice qui intervient dans le calcul de la rémunération des fonctionnaires et si je prends l'exemple de l'année 2009, la rémunération moyenne des fonctionnaires a augmenté de 3,8... 3,7%, comme il y a eu une inflation extrêmement faible en 2009 cela veut dire que le gain de pouvoir d'achat des fonctionnaires a été supérieur à 3%, nettement supérieur à 3%. Donc, cette question du point d'indice ne peut pas focaliser tous les débats. Mais je confirme qu'il y a bien un engagement du Gouvernement sur l'augmentation au mois de juillet, que cet engagement n'est pas remis en cause, mais qu'il faut que les discussions se poursuivent avec les partenaires sociaux dans un contexte économique et financier très difficile qui conduit quand même - et je pense que les fonctionnaires Français l'auront bien remarqué - presque tous les autres pays européens à prendre des décisions, soit de gel, soit de baisse des rémunérations des fonctionnaires, nous n'avons pas proposé de baisse des rémunérations des fonctionnaires, mais c'est quand même ce contexte financier dans lequel se déroule ce débat.
JOURNALISTE
Le rapport de la Cour des Comptes souligne l'importance du déficit, en disant que 5 points de PIB sont dus au déficit structurel et donc suggère non seulement des économies mais des économies fiscales. Est-ce que vous écartez toute mesure fiscale, toute augmentation des impôts, on parle par exemple de revenir sur la baisse de la TVA sur les restaurateurs et, plus généralement, est-ce qu'on peut faire quelque chose sur la TVA ?
FRANÇOIS FILLON
Non ! Mais vous avez bien entendu dans mon propos que nous entendions supprimer ou réduire un grand nombre de niches fiscales ou sociales, ce sont donc bien des augmentations d'impôts - il faut appeler les choses par leur nom - mais ce ne sont pas des augmentations générales, des impôts qui pèsent sur les ménages ou sur les entreprises. Parce que s'agissant de ces impôts, je veux parler de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés, de la TVA, enfin de l'ensemble de la fiscalité, nous sommes déjà à des niveaux qui sont parmi les plus élevés, sinon les plus élevés de tous les pays européens et, comme je rappelle que nous vivons dans un espace qui est ouvert, avec pour un certain nombre de pays européens la même monnaie, nous ne pouvons pas continuer à augmenter des impôts comme la TVA ou comme les impôts qui pèsent sur les entreprises sans prendre des risques majeurs pour l'emploi et pour la consommation. Donc, c'est sur la réduction d'avantages fiscaux qui avaient été décidés depuis des années et des années - par tous les gouvernements d'ailleurs - que nous allons agir, j'ai dit tout à l'heure que l'objectif initial c'était 5 milliards de réduction des niches fiscales et sociales en 2011, on pourra, si la situation l'exige, aller plus loin et j'ai évoqué tout à l'heure devant vous un chiffre qui pourrait monter jusqu'à 8 milliards et demi et on est là parfaitement en concordance avec, comment dirais-je, la tonalité du rapport de la Cour des Comptes.
JOURNALISTE
Oui ! Monsieur le Premier ministre, bonjour. On assiste à une accumulation d'affaires visant vos ministres, des affaires en tout genre, je vous épargnerais la liste ici. Je voudrais savoir, est-ce que ce n'est pas inquiétant pour l'image dégradée de votre Gouvernement et est-ce que, deuxièmement, accessoirement, est-ce que ça ne complique pas votre tâche dans la mise en oeuvre des réformes ?
FRANÇOIS FILLON
Alors je me suis exprimé sur cette question il y a quelques jours devant le Parlement et je voudrais revenir au fond sur ce que j'ai dit. Les hommes politiques et les ministres évidemment au premier rang ont un devoir d'exemplarité et de transparence, dans l'histoire récente de nos institutions on a fait des progrès sur le chemin de l'exemplarité et de la transparence et je veux quand même rappeler qu'il n'y a pas si longtemps que les salaires des ministres étaient complétés par les fonds secrets. J'entendais récemment Madame AUBRY expliquer que, lorsqu'elle était ministre, les ministres étaient moins bien payés qu'aujourd'hui, c'est évidemment un mensonge - et elle le sait très bien - puisque chaque membre du Gouvernement recevait une enveloppe de fonds secrets, cela a été supprimé et c'est une bonne chose. Il n'y a pas si longtemps l'Elysée, la Présidence de la République, ne faisait l'objet d'aucun contrôle financier, sous Charles de GAULLE, sous Valéry GISCARD d'ESTAING, sous François MITTERRAND, sous Jacques CHIRAC, pas un seul contrôle financier sur la Présidence de la République. Désormais la Cour des Comptes contrôle la Présidence de la République tous les ans. Donc on a fait des progrès, mais il y en a encore à faire, et un certain nombre d'erreurs, de défaillances, de manquements qui ont été révélés, souvent d'ailleurs par la presse, dont c'est le rôle, montrent que nous devons progresser en terme d'exemplarité et de transparence. J'avais déjà, en arrivant ici, pris un certain nombre de mesures, qui ont été appliquées, je pense par exemple à la fiscalisation de l'avantage que représente les logements de fonction qui n'existait pas avant mon Gouvernement. Je pense à la limitation des dépenses des cabinets, je pense à une réglementation beaucoup plus sévère des déplacements et notamment des déplacements à l'étranger des ministres qui doit faire l'objet désormais d'une décision du cabinet du Premier ministre, mais il y a encore manifestement des règles qui doivent être précisées, qui doivent être durcies, qui doivent être modifiées.
Je suis en train de préparer, avec le Président de la République, et nous vous ferons savoir ces mesures dans les prochains jours, de nouvelles règles, qui vont durcir, qui vont préciser les conditions d'accès aux logements de fonction, qui vont préciser les conditions dans lesquelles se passent les déplacements des membres du gouvernement, en France comme à l'étranger, qui vont concerner également le nombre de collaborateurs de cabinets. C'est un combat que tous les gouvernements ont connu, que tous les Premiers ministres ont connu, j'avais fixé à 20 le nombre des collaborateurs pour chaque ministre et un peu moins pour chaque secrétaire d'Etat, naturellement tout cela a été bousculé au fil du temps, on va revenir à des règles plus strictes. Je crois que c'est le sens de l'Histoire, c'est ce qu'attendent nos concitoyens, c'est la progression normale du fonctionnement des institutions politiques, que de prendre ces décisions. J'ajoute qu'elles devraient naturellement s'étendre à l'ensemble des responsables politiques, et en particulier à tous les parlementaires et à tous ceux qui gèrent des grandes collectivités locales.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, la Cour des Comptes souligne que si votre réforme des retraites pourrait en effet équilibrer les comptes en 2018, il y a un lourd déficit à combler d'ici là. Et ce n'est pas elle qui le dit, mais beaucoup pensent que le Fonds de Réserve des Retraites ne suffirait pas à combler ce déficit jusque là. Comment pensez-vous procéder ?
FRANÇOIS FILLON
Vous avez raison. Nous allons prendre des décisions qui vont être annoncées simultanément avec les décisions budgétaires pour apurer le déficit passé des comptes sociaux, et en particulier celui des retraites. Eric WOERTH a déjà évoqué l'utilisation du Fonds de Réserve des Retraites, mais il y aura d'autres mesures qui seront des mesures de recettes et qui seront annoncées dans quelques jours. Mais le déficit sera intégralement comblé parce que naturellement on ne peut pas simplement se préoccuper de la situation en 2018 et laisser courir un déficit qui pèse aujourd'hui lourdement sur les finances publiques.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, excusez-moi, je voudrais revenir sur le traitement des fonctionnaires. Je n'ai pas bien compris votre réponse. Est-ce qu'au 1er juillet, le traitement, la hausse de 0,5% s'applique, oui ou non ?
FRANÇOIS FILLON
Je vous ai dit que l'engagement du gouvernement n'était pas remis en cause, mais que nous voulions en discuter avec les partenaires sociaux. Et donc il faudra bien qu'on discute avec les partenaires sociaux de l'ensemble des sujets. Mais l'engagement n'est pas remis en cause pour le 1er juillet.
JOURNALISTE
L'engagement n'est pas remis en cause, mais est-ce que, oui ou non, il est effectif au 1er juillet ? La question est toute simple...
FRANÇOIS FILLON
Eh bien la réponse est toute simple, la réponse c'est il y a aura une discussion avec les partenaires sociaux. On n'est pas dans un système où on ne discute pas.
JOURNALISTE
Donc la réponse c'est non au 1er juillet, ce n'est pas acté ?
FRANÇOIS FILLON
Non, la réponse c'est l'engagement du gouvernement n'est pas remis en cause. Il suffit que tout le monde veuille bien s'assoir autour de la table pour en discuter, parce qu'il y a d'autres sujets, et à ce moment-là l'engagement sera respecté. Voilà la réponse. La vie ce n'est pas aussi binaire que oui ou non. C'est comme ça.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre. Jusque là vous ne parliez pas de politique de rigueur, maintenant vous annoncez une augmentation des impôts par le biais des niches fiscales, est-ce que, comme l'a fait hier Christine LAGARDE dans LES ECHOS, à demi-mots, même assez clairement, on peut aujourd'hui parler de politique de rigueur ? Est-ce que ce mot tabou tombe ? Et la deuxième question c'est : vous avez annoncé... la semaine prochaine, le cadrage budgétaire, vous allez tailler dans les dépenses publiques, notamment dans l'Education. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples, est-ce que vous allez accélérer le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, notamment dans l'Education nationale ?
FRANÇOIS FILLON
Non non, nous n'allons pas accélérer le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, j'ai dit tout à l'heure que nous allions tenir l'engagement, pour la troisième année consécutive, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Vous verrez les décisions lorsqu'elles seront complètement arbitrées et rendues publiques. Mais je veux revenir sur ce débat. Encore une fois, il faut appeler les choses par leur nom. Il y a des pays qui baissent les rémunérations des fonctionnaires, il y a des pays qui licencient des fonctionnaires, il y a des pays qui réduisent de façon drastique les dépenses publiques, il y a des pays qui augmentent de plusieurs points la TVA, cela s'appelle une politique de rigueur. Si on était amené, un jour, à conduire une politique comme celle-là, oui, je dirais c'est une politique de rigueur. Pour l'instant, ce que nous essayons de faire, c'est d'éviter cette politique-là. C'est pour cela que le débat a un sens. Et de faire en sorte que, en gelant les dépenses publiques, en réduisant par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux les effectifs de la Fonction publique, en supprimant un certain nombre d'avantages fiscaux, on puisse atteindre l'objectif de réduction du déficit en touchant le moins possible aux acquis de la croissance. C'est la politique sérieuse, responsable que l'on conduit. Il y a une autre étape si cette politique-là échouait, et c'est alors une politique de rigueur. Mais tous les efforts que je fais, tous les efforts que nous faisons avec le Président de la République, sont destinés à éviter d'atteindre cette autre étape.
JOURNALISTE
La Cour des Comptes rappelle que le déficit de l'Assurance Maladie est de 10 milliards et que le passage de l'Ondam de 2,3 à 2,9, c'est 150 millions. Est-ce que c'est assez ?
FRANÇOIS FILLON
Non, bien sûr que ce n'est pas assez, mais... ce que nous allons faire c'est limiter globalement le déficit de l'Assurance Maladie, avec les mesures de la réforme des retraites, et avec les mesures que nous sommes en train de prendre sur les hôpitaux, sur l'organisation des soins. Il y a une étape à venir qui est très importante sur tous ces sujets, qui est la réforme de la dépendance et la création d'un cinquième risque, il y a donc encore un chantier qui est ouvert devant nous, pour arriver à l'équilibre sur ces sujets.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre bonjour. Est-ce que dans les pistes envisagées pour la moralisation de la vie politique, limiter le nombre de membres du gouvernement, le nombre de ministres, est une piste que vous envisagez, est-ce que cela ne vous facilitera pas la tâche dans votre exercice de cadrage budgétaire actuellement ?
FRANÇOIS FILLON
Je ne peux pas me renier. J'ai écrit autrefois que ce serait bien de fixer dans un texte organique le nombre de ministères, leur intitulé, leurs compétences, et j'avais fixé autour de 15 le nombre des membres du gouvernement, auxquels il faut rajouter naturellement un certain nombre de secrétaires d'Etat, notamment pour faire face à une charge de travail qui est créée par la réforme de la Constitution en termes de présence au Parlement, c'est toujours l'objectif idéal que j'aimerai atteindre.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, s'agissant du nombre de collaborateurs dans les cabinets, vous avez rappelé votre engagement de 20, est-ce que cet engagement est toujours valable ou est-ce que vous voulez le mettre un petit peu plus haut ? Et enfin, est-ce que vous appliquerez cette règle, sachant qu'il y a deux membres du gouvernement qui ont plus de 40 collaborateurs, vous et Jean-Louis BORLOO ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, la règle ne concernait évidemment pas le Premier ministre ni le Président de la République, compte tenu du caractère général des missions qui sont les leurs. Mais vous le saurez dans quelques jours, puisque nous sommes en train de travailler à ces mesures, et que nous prendrons des mesures de limitation des membres des cabinets ministériels.
JOURNALISTE
Vous avez parlé tout à l'heure de défaillances et d'erreurs révélées dans la presse, sur lesquelles il fallait progresser. Patrice de MAISTRE, le gestionnaire de la fortune de Liliane BETTENCOURT, a évoqué un chèque de 10 000 euros versé à Eric WOERTH pour le récompenser d'un coup de pouce dans le cadre de l'Auditorium André BETTENCOURT. Dans le même temps Nicolas PERRUCHOT, député de la majorité, auteur d'un rapport pour la commission des Finances sur les paradis fiscaux, demande la démission, hier, d'Eric WOERTH. Alors ma question est la suivante : est-ce qu'Eric WOERTH a touché, ou non, de l'argent de Liliane BETTENCOURT, si oui, à quel titre ? Est-ce au titre de l'UMP ou à titre particulier ? Merci.
FRANÇOIS FILLON
Je pense d'abord que vous devriez être très prudente dans les mots que vous utilisez. On ne peut pas dire des choses comme cela, 10 000 euros touchés par monsieur WOERTH, qui a contesté avec la plus grande énergie cette affirmation qui n'a absolument aucun sens. Eric WOERTH n'a commis, je l'ai dit devant le Parlement, aucune espèce de faute, il n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses fonctions de ministre du Budget. Toutes ces assertions sont parfaitement inexactes, et je pense qu'elles seront suivies d'un certain nombre de conséquences en termes judiciaires. Eric WOERTH a été certainement le ministre de la Vème République qui a le bilan, ou en tout cas un de ceux, qui a le bilan le plus fort en matière de lutte contre la fraude fiscale. Et beaucoup de ceux qui aujourd'hui, notamment à gauche, sont prompts à donner des leçons, n'ont pas tout à fait le même bilan à présenter. Donc, moi j'ai une totale confiance dans le ministre du Travail, et je veux inviter chacun à un peu plus de prudence avant d'affirmer des choses qui sont manifestement des choses inexactes. Voilà. Merci beaucoup mesdames et messieurs.
Source http://www.gouvernement.fr, le 28 juin 2010