Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur la coopération transfrontalière entre la France et la Suisse, Genève le 4 juin 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Michel Mercier - Ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Circonstance : Clôture des Assises transfrontalières franco-valdo-genevoises, à Genève le 4 juin 2010

Texte intégral

Monsieur le président du Grand Conseil de Genève (Guy Mettan)
Monsieur le président du Grand Conseil de Vaud (Laurent Chappuis)
Messieurs les Conseillers d'Etat,
Monsieur le député, cher Etienne Blanc,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs,

Je tiens d'abord à vous remercier, Monsieur le Président, Guy METTAN, de votre invitation à venir conclure ces assises, dans cette belle ville de Genève. Sachez que c'est pour moi un plaisir et un honneur, car j'attache une attention toute particulière à la question transfrontalière ainsi qu'aux fructueuses relations que la France entretient avec la Suisse.


1. Importance politique, économique et humaine du fait transfrontalier pour la France
Je voudrais avant tout souligner l'importance que représente la coopération transfrontalière pour le Président et le Gouvernement de la République Française.
Aujourd'hui plus de 300 000 travailleurs frontaliers français travaillent dans un pays voisin, et le phénomène s'accentue (30% d'augmentation depuis 1999). La Suisse est le premier pays concerné avec 130.000 salariés qui viennent travailler chaque jour dans votre pays.
Vous l'avez compris, pour nous, la coopération transfrontalière est un élément dynamique, une opportunité de développement, d'innovation.
Il s'agit d'une question qui touche au coeur du développement local, et des capacités économiques de nos territoires, dans leurs spécificités. Par ailleurs, nous sommes aussi attentifs à la dimension humaine, aux problèmes particuliers que rencontrent les transfrontaliers dans leur vie quotidienne et dans leurs relations avec les administrations.
C'est donc pour moi, une question centrale que j'ai à coeur de régler au bénéfice des transfrontaliers et de nos relations avec tous nos voisins et partenaires.


2. Une mission parlementaire est en cours
Le Premier ministre, sur ma proposition et celle de P. Lellouche, a confié cette mission parlementaire à Monsieur le député Etienne Blanc et Mesdames Fabienne Keller, sénatrice, en lien avec Marie Thérèse Sanchez-Schmid, députée européenne.
Un travail considérable a déjà été effectué, j'attends le rapport final dans les jours qui viennent. D'ores et déjà, le rapport d'étape esquisse 12 propositions pour la compétitivité économique des entreprises, pour la vie quotidienne des populations et aussi en matière de gouvernance pour le pilotage de cette politique.
Naturellement ces propositions feront l'objet de discussions et d'échanges sous l'égide du cabinet du Premier ministre auquel je proposerai de réunir un comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) pour arrêter ces décisions.

Nous devrons ainsi :

  • valider et approfondir certains dispositifs, je pense notamment aux mesures destinées à rééquilibrer les différentiels fiscaux et sociaux, c'est un sujet difficile et la mise en oeuvre de « zones à caractère spécial » pour le développement des entreprises demandera sans doute encore de larges concertations ;
  • mettre en oeuvre des dispositifs innovants, car les solutions et les schémas d'organisation devront être adaptés aux situations spécifiques de chaque frontière. C'est tout le sens du travail interministériel qu'anime actuellement la DATAR, il n'y a pas de solution uniforme correspondant à la diversité de ces territoires.

J'ai d'ailleurs pu, et je suis heureux de vous l'annoncer aujourd'hui, agir dans ce sens et anticiper sur les conclusions de la mission. Dans le cadre de la réforme des collectivités locales qui est en débat au Parlement, l'Assemblée Nationale, sur ma proposition, a voté l'article permettant la création de « pôles métropolitains » dans les territoires frontaliers. Par cet acte, les collectivités pourront ainsi s'associer de manière souple et originale et auront les moyens de s'organiser pour apporter une réponse cohérente aux enjeux de coopération transfrontalière.
Je tiens à souligner, à ce titre, que cette nouvelle disposition concerne directement les collectivités françaises frontalières du canton de Genève.


3. Les relations transfrontalières avec la Suisse sont un exemple de coopération durable et réussie
Dans ce cadre, la coopération avec la Suisse est donc pour nous du plus haut intérêt.
D'abord, parce que cette coopération est ancienne et a permis la création d'instruments originaux et d'infrastructures importantes comme l'aéroport de Bâle-Mulhouse, ou le centre de recherche international du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) qui est aussi un facteur extraordinaire de développement.
Par ailleurs, la Suisse est un territoire à forte tradition de coopération transfrontalière, c'est notamment le cas de l'agglomération franco-valdo-genevoise qui connaît un nouvel essor à travers son intégration au sein du Comité Régional franco-genevois (CRFG). Ce comité est né en 1973 au moment de la signature de l'accord sur la compensation financière relative aux frontaliers travaillant à Genève (120 millions d'euros en 2009 pour les départements de l'Ain et de la Haute Savoie).
C'est donc autour de cette forte valeur ajoutée économique et intellectuelle que notre coopération s'est depuis longtemps engagée.
Mais cette situation accentuée par l'explosion démographique liée au dynamisme de ce territoire, est aussi porteuse de difficultés et de certains déséquilibres, en matière économique, d'aménagement du territoire et de vie quotidienne pour les populations.
Faire des frontières un atout est donc pour moi un enjeu majeur. Et je sais que les débats que vous avez eu cet après midi dans le cadre des ces Assises permettront d'avancer vers un développement concerté et équilibré, tout particulièrement de la métropole franco-valdo-genevoise.


4. Le développement de la politique transfrontalière doit s'appuyer sur plusieurs priorités
Les clusters et les pôles de compétitivité sont des facteurs essentiels de développement et de consolidation économique dans ces territoires transfrontaliers. Ce sont des outils que j'entends développer sur tout le territoire, mais leur caractère transfrontalier et orienté vers le développement durable en fait des lieux d'innovation privilégiés.
Les pôles ont vocation à se développer à l'échelle internationale, et constituent une valeur ajoutée pour les territoires. C'est le cas de l'éco-pôle « Energivie » sur la performance énergétique des bâtiments, qui vient de recevoir la labellisation, et qui va se développer en Alsace, au Bade Wurtemberg et en Suisse au sein de la « Région métropolitaine ».
Outre l'innovation par la coopération, nous devons rechercher un meilleur équilibre des échanges entre territoires transfrontaliers. Aujourd'hui la France est majoritairement un lieu de résidence pour les salariés transfrontaliers (300 000 résidants en France travaillent dans l'Etat limitrophe). Ce déséquilibre engendre des effets directs et indirects sur l'aménagement du territoire en matière de transports, d'économie résidentielle, de flux divers et parfois de délocalisations d'entreprises. Les conséquences sur la disponibilité du foncier et les coûts des logements sont également à prendre en compte.
Certaines questions sur l'harmonisation du droit fiscal et social doivent aussi être étudiées pour faciliter et équilibrer les échanges.

Nous sommes donc attentifs à ces questions qui ont fortement mobilisé la Mission parlementaire de manière à :

  • Développer l'accessibilité et la mobilité dans les territoires transfrontaliers ; le projet de CEVA (Train de type RER Cornavin- Eaux vives - Annemasse) permettra notamment d'améliorer le réseau ferroviaire de l'agglomération franco-valdo-genevoise.
  • Développer de véritables « services publics communs » transfrontaliers (coordination de l'offre de soins et des services d'urgence, formation professionnelle, accès au logement)
  • Encourager les collectivités locales à élaborer avec leurs homologues de l'autre côté de la frontière des schémas de référence. Les pôles métropolitains que j'évoquais plus haut seront un moyen d'aller dans ce sens.

En matière de gouvernance, la coordination de nos Etats et des collectivités est un enjeu majeur. La constitution prochaine d'un Groupement Local de Coopération Transfrontalière (GLCT), que vous développez à l'échelle de l'agglomération franco-valdo-genevoise, facilitera les échanges et la gouvernance sur ce territoire.
Aujourd'hui la cohésion territoriale est au coeur des objectifs de l'Union européenne et de chacun de ses Etats.
Cette dynamique doit se développer aussi avec la Suisse. Nos deux pays ont beaucoup d'intérêts communs à développer leur coopération, des atouts et des richesses à partager de façon équilibrée pour assurer un développement harmonieux de nos territoires et la qualité de vie des populations qui y résident.
Je suis donc très heureux de conclure ce séminaire, qui est un moment important du processus de coopération engagé depuis longtemps, irréversible et porteur d'innovation et de développement.

Source http://www.datar.gouv.fr, le 21 juin 2010