Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur le développement des pôles métropolitains dans le cadre de la politique de l'aménagement du territoire et de la réforme des collectivités locales, à Nancy le 3 décembre 2009.

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Circonstance : 30ème rencontre nationale des agences d'urbanisme à Nancy (Meurthe-et-Moselle) le 3 décembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher André ROSSINOT,
Monsieur le Président de l'AMGVF, Michel DESTOT,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis particulièrement heureux d'être aujourd'hui à Nancy, dans ta ville, cher André Rossinot, pour la 30ème Rencontre Nationale des Agences d'Urbanisme, qui cette année est couplée avec la 8ème Biennale des villes et des urbanistes d'Europe.
Et je suis d'autant plus heureux que, depuis mon arrivée au ministère de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de m'exprimer sur les villes.
Vos rencontres viennent donc à point nommé !
Je voudrais d'abord souligner le rôle moteur des agences d'urbanisme et de la FNAU dans l'aménagement du territoire
- Un outil au service de l'Etat et des collectivités territoriales. La FNAU participe au conseil de l'observation des territoires de la DATAR (elle a ainsi apporté sa contribution à l'étude menée par la DIACT, au premier semestre 2009, sur les effets structurants des lignes ferrées à grande vitesse sur l'aménagement du territoire.
- Creusets d'une approche pluridisciplinaires sur les questions d'urbanisme et de planification
- Lieux de concertation et de mise en cohérence, de production de savoir, outil de gouvernance urbaine, les agences sont un appui en matière d'aménagement urbain au service des élus.
- Rendre hommage à la FNAU qui fête cette année ses 30 ans - son assemblée constitutive s'est tenue le 11 décembre 1979 - ; la FNAU anime un réseau dense formé d'experts et publie des études et des travaux qui font référence.
- La FNAU a adhéré en octobre 2008 à la Mission Opérationnelle Transfrontalière (MOT) et travaille à un projet d'observatoire des territoires transfrontaliers sous l'égide de la DATAR.
- Elle mène également, sous l'égide du Ministère des Affaires Etrangères, des actions internationales afin de coordonner la participation française en matière de développement urbain.
Tout ce travail que vous menez est emblématique de l'importance du fait urbain dans nos sociétés.
Le fait urbain est un condensé de modernité, qui cristallise les questionnements, les doutes, les peurs, les espoirs aussi
L'avènement du fait urbain
En Europe, les villes accueillent plus de 80 % de la population, mais on ne compte que peu de métropoles (Paris, Londres...). L'Europe s'est davantage construite sur un réseau de villes intermédiaires.
En France, plus de 80 % de la population est urbaine. Et même si l'on constate un mouvement de repeuplement des espaces et territoires ruraux, c'est encore les villes qui connaissent la croissance de la population la plus importante.
Le fait urbain n'est d'ailleurs pas nouveau, mais s'inscrit dans la longue durée chère à Braudel.
Alors que notre manière de faire et d'administrer les territoires a varié dans le temps (des provinces et pays d'avant 1789 aux départements, régions, pays...), les villes sont demeurées tout en évoluant, en se transformant évidemment.
Elles ont joué un rôle essentiel dans la richesse des nations (des villes états, villes comptoirs ou marchés aux métropoles d'aujourd'hui), dans l'invention et la promotion des idées nouvelles, des progrès scientifiques, sociétaux, politiques...Aujourd'hui encore, la ville globale, à travers les métropoles, fait bouger les lignes. Transformant les villes, leur économie et leur sociologie, la globalisation fait aussi émerger de nouveaux acteurs politiques, on voit ainsi apparaître une « société civile globale » transnationale dont la culture et les pratiques politiques sont inédites.
Le fait urbain questionne, voire inquiète.
En effet, le développement urbain contemporain créé des contraintes importantes qui sont autant de nouveaux défis à relever :
- Étalement urbain
- Multiplication des déplacements
- encombrements,
- lutte contre le réchauffement climatique
- économie d'énergie et de ressources
- pollution
- cohésion sociale et solidarité
- privatisation de l'espace public
Ce sont autant de problèmes qui sont prioritaires et auxquels nous tentons - vous tentez - de trouver des solutions. Car ces enjeux appellent des solutions innovantes et, à très court terme, en matière de modèle de ville (taille, densité, mixité) mais aussi de gouvernance, d'approche à l'échelle des grands territoires et de coopération.
Mais le questionnement peut prendre une autre dimension. Car ce n'est plus la ville, périmètre circonscrit par une continuité du bâti qui questionne, mais bien le fait urbain dont l'extension dépasse largement ces limites et touche nos autres types d'espace, périurbain et rural.
- L'homogénéisation des modes de vie,
- l'essor des mobilités,
- les besoins et demandes des mêmes services,
- la recherche des mêmes aménités par les citoyens, quel que soit leur lieu d'habitation...
Tout semble indiquer une généralisation du fait urbain bien au-delà de la ville. De là à remettre en cause nos catégories spatiales pour penser l'urbain non plus en le cantonnant à la ville, mais en lien avec l'ensemble des territoires, et en particulier les territoires ruraux. Je crois à l'alliance entre territoires ruraux et territoires urbains. Elle doit accompagner la mobilité des populations qui vivent et qui travaillent sur des territoires de plus en plus interdépendants. Le fait urbain questionne donc aujourd'hui nos manières de penser et de faire l'aménagement du territoire. Au-delà de l'espace qu'il représente, c'est un mode de vie. Les évolutions territoriales et sociétales nous invitent à dépasser les anciennes oppositions, dont celle « urbain/rural » n'est pas la moindre, pour penser complémentarité, continuité, lien, et alliance entre les territoires.
Car le développement des villes doit aussi prendre en compte les espaces périurbains, qui ont un potentiel économique et écologique à valoriser et à protéger. Les formes urbaines des villes de demain doivent prendre en compte cette nouvelle donne.
Organisation d'une nouvelle gouvernance : les espaces de faible densité dont la vocation est définie par les ressources agricoles, forestières et environnementales, sont complémentaires des villes intermédiaires et des grandes métropoles. L'équilibre de ces systèmes à la bonne échelle territoriale est fondamentale.
C'est tout l'intérêt des rencontres de la FNAU de contribuer à mobiliser davantage d'élus à côté des experts, de mutualiser les réflexions, de renforcer les relations avec les grandes associations d'élus et de dégager des positions communes, des réponses concrètes au développement des villes de demain, à la restructuration de l'espace territorial (alliance urbain et rural) pour un développement équilibré et durable du territoire.
La ville de demain
Mais revenons à la ville, aux villes, européennes, dont vous avez choisi de débattre durant ces trois jours dédiés également à la Biennale des villes et des urbanistes d'Europe. Nous savons qu'elles vont se transformer en continuant à jouer un rôle fondamental dans nos sociétés.
Nous souhaitons que ces villes soient attractives pour tous et donc que nous régulions mieux, voire réglions certaines difficultés majeures, et notamment les enjeux liés à la cohésion sociale, à la cohérence territoriale et la qualité environnementale. C'est à ces trois défis simultanés que la ville de demain devra répondre.
Surmonter ces difficultés est une condition nécessaire pour inventer et construire la ville durable. Un processus politique et des lois ambitieuses (Le Grenelle) ont été lancés. De nombreuses réflexions, de nombreuses expérimentations sur le terrain, dont vous êtes les acteurs majeurs, sont en cours. Je pense notamment au protocole d'engagements réciproques que la FNAU a signé avec l'Etat le 23 octobre 2008. Ce protocole détermine cinq engagements permettant « d'aller résolument vers la ville durable » :
- maîtriser l'urbanisation et renouveler la ville sur la ville
- développer une offre de logements adaptée aux besoins actuels et futurs de l'ensemble de la population
- introduire et développer la nature dans les espaces urbains
- promouvoir des politiques durables de mobilité
- construire des outils partagés d'observation et d'évaluation.
Ces engagements sont essentiels pour accompagner la mise en oeuvre du « plan ville durable : EcoQuartiers-EcoCités » issu du Grenelle de l'Environnement, dans laquelle les agences d'urbanisme doivent avoir un rôle de premier ordre auprès de l'Etat, et dont mon collègue Benoist Apparu vous parlera certainement plus en détails demain.
Voilà ce que je souhaitais évoquer devant vous aujourd'hui. Je tiens à adresser mes remerciements et mes félicitations au Maire de Nancy et Président de la FNAU, André Rossinot, pour l'organisation de ces journées.
J'en profite pour souligner l'innovation que constitue le "pôle métropolitain", avant la lettre, qu'est le Sillon lorrain.
Vous le savez, le projet de réforme des collectivités locales comporte un important volet "métropolitain" avec la création des métropoles et des pôles métropolitains. Or le "Sillon Lorrain", autour de Nancy et Metz, est un ensemble urbain qui correspond parfaitement à notre vision des pôles métropolitains, c'est à dire des réseaux de villes ayant des projets et des intérêts communs sur un territoire étendu. Il faut donner aux métropoles qui existent ou qui veulent exister le cadre légal pour leur développement.
Car, comme l'a rappelé le président de la République la semaine dernière en recevant les maires de France, « la question des métropoles est une question centrale ». C'est un challenge fondamental pour notre pays. Au-delà des décisions législatives, c'est un beau sujet d'aménagement du territoire que nous devons approfondir ensemble, élus, experts, urbanistes, pour définir les contours des villes de demain. L'ensemble des thèmes que vous allez aborder, mais aussi les exemples de métropoles européennes choisies, montrent bien l'actualité et l'urgence de cette réflexion.
A ce titre, la DATAR vient de se voir confier une mission orientée sur les métropoles, sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir ultérieurement.
Je crois que notre expérience de la ville - plusieurs siècles de construction, d'innovation, de culture - nous précédent et constituent un atout essentiel pour penser et construire les villes européennes de demain. Ces journées de réflexion, je n'en doute pas, contribueront à « animer » les villes européennes et à perpétuer le « génie urbain », que Nancy illustre à merveille, en renouvelant sans cesse leurs contours.
Source http://www.datar.gouv.fr, le 30 juin 2010