Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur le rôle des villes moyennes dans l'enseignement supérieur, Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 24 juin 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Michel Mercier - Ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Circonstance : Déplacement à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 24 juin 2010

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire de Tarbes,
Mesdames et messieurs les maires,
Mesdames et messieurs les présidents et directeurs,
Mesdames et messieurs,

Je voudrais vous dire aujourd'hui le plaisir qui est le mien de conclure vos travaux sur l'apport des villes moyennes à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'innovation à Tarbes. J'en profite pour remercier Gérard TREMEGE pour l'accueil et le soutien qu'il a apporté à cette manifestation, sa ville étant particulièrement impliquée dans ces actions.
Après les hypothèses qui ont posé les fondations de l'expérimentation des villes moyennes en matière d'enseignement supérieur et de recherche, après les témoignages sur les étapes et le chemin parcourus pendant deux ans, il me revient de tirer le bilan de vos travaux et de tracer des perspectives.
L'aménagement du territoire vise l'avenir, et l'enseignement supérieur lui même prépare l'avenir, il était donc naturel que ce sujet passionne l'universitaire que je reste, l'élu local que je demeure et le ministre que je suis.
Les villes moyennes sont un des lieux privilégiés d'un développement du territoire qui intègre toutes les dimensions de l'homme, comme travailleur, mais aussi comme étudiant ou chercheur. C'est pourquoi les expérimentations que nous évaluons aujourd'hui mettent en lumière l'intérêt de cette conjonction. On oppose trop souvent le rural et l'urbain, oubliant facilement les espaces intermédiaires que sont les villes moyennes, creusets d'activités, lieux de proximités, espaces de développement harmonieux, et surtout lieux de vie « à l'échelle humaine ».


1/ L'enseignement supérieur et la recherche sont un enjeu majeur de l'aménagement de notre territoire
Le caractère essentiel du développement universitaire résulte du nécessaire renforcement de filières donnant aux étudiants des débouchés, des emplois, l'adaptation du monde universitaire à l'économie passe donc, pour moi, par une adaptation de l'université aux territoires, à leur avenir économique.
En un mot l'Université est un acteur majeur d'un bassin d'emploi.
C'est pourquoi le gouvernement a défendu la réforme de l'université avec la loi LRU relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007.
La réforme des universités était attendue, elle était nécessaire pour plus d'adaptation à son environnement économique et des moyens plus adaptés.
Quelle est la recette des universités qui réussissent dans les grands pays industrialisés ? Autonomie, gouvernance élargie, partenariats multiples.
De même que la décentralisation a été un formidable moteur de développement pour les collectivités, de même l'autonomie des universités est déjà, et sera un moteur d'ouverture et d'adaptation à la concurrence mondiale.
La réforme vise à rendre l'université plus souple, mieux adaptée aux besoins des étudiants, mieux en prise avec le marché de l'emploi, ouverte sur le monde de l'entreprise. L'université est un moteur pour l'ensemble de notre société. Pour mieux répondre à ces objectifs, la loi LRU entend donner aux universités la liberté et les moyens d'être plus réactives, en phase avec les nouvelles exigences de la société.
Pourquoi ?

* Aucun jeune de doit sortir de l'université sans diplôme.
Chaque année 90 000 étudiants quittent le système de formation sans diplôme.
50% des inscrits en première année à l'université ne passent pas en deuxième année * Les formations universitaires doivent être en prise directe avec le marché de l'emploi.
Un an après l'obtention de leur diplôme, 53% des diplômés de l'université bac +4 recherchent toujours un emploi.

* Nous devons répondre également à la concurrence accrue des universités étrangères.
Dans le cadre de cette importante mutation pour notre système universitaire, il était indispensable d'appréhender le rôle des villes moyennes. C'est ce que les expérimentations illustrent.
La réussite des expérimentations est le signe d'une convergence entre les universités et les villes moyennes
Le thème de l'enseignement supérieur et de la recherche est celui qui a mobilisé le nombre le plus important de villes moyennes : la moitié d'entre elles, si l'on inclut Castres qui a jeté des ponts entre la santé et la formation universitaire. L'enseignement supérieur est un facteur de reconversion économique (industrielles, militaires) et de rétention des jeunes, car il leur permet un avenir.
Il faut aussi souligner le rôle des clusters d'enseignement supérieur, au service de l'économie, de la recherche et des territoires.
Les clusters d'enseignement supérieur et de recherche des villes moyennes ont des caractéristiques communes, illustration de leur valeur ajoutée à l'excellence nationale.
Ainsi, Tarbes cultive sa collaboration de recherche avec un grand groupe privé sur une niche très précise ; Albi s'insère dans un réseau de villes et négocie sa relation à Toulouse ; Auch, le plus petit site de l'expérimentation, joue sur une niche transdisciplinaire qui la met en prise directe avec le milieu rural et le pôle de compétitivité ; Castres décline sa filière e-santé sur une école d'ingénieurs, un hôpital innovant pour l'Hospitalisation A Domicile et un technopôle ; Troyes connaît un succès retentissant avec l'Université de Technologie de Troyes; Roanne s'appuie sur une tradition industrielle et explore en même temps une spécialisation nouvelle et porteuse. Je ne peux citer tous les chemins spécifiques et en même temps génériques empruntés par les villes qui ont relevé le défi de l'expérimentation.


2/ Je veux rappeler le rôle d'équilibre, d'aménagement et de développement que doivent jouer les villes moyennes dans la recomposition de notre système d'enseignement supérieur.
La réorganisation de notre système national universitaire était une ardente obligation afin de renforcer la compétitivité de notre pays dans un contexte de concurrence toujours plus forte.
Il faut maintenant veiller à ce que les métropoles universitaires constituent des locomotives pour les territoires qui les environnent, en particulier les villes moyennes.
L'expérimentation a ainsi permis de tracer les grandes lignes de ce qui permettra de favoriser ces synergies.

a) D'abord rappeler que les villes moyennes constituent des espaces d'équilibre et de développement essentiels pour notre pays
Au carrefour de la métropole, de la grande ville et du monde rural, elles ont naturellement une fonction d'équilibre.
Nous connaissons bien l'attractivité propre des villes moyennes, résultat d'une qualité « écologique » intrinsèque, résultat d'un réel « exode urbain ».
Le cadre de vie et le confort territorial sont un élément fondamental de localisation, qui explique les résultats du recensement de 2006 et l'attraction migratoire exercée par les rivages et les territoires ruraux ou périurbains.
Dans ce développement, l'aspect universitaire est essentiel. Je n'oublie d'ailleurs pas que la première Université de technologie, pionnière par excellence, est née à Compiègne, il y a de cela plusieurs décennies, et qu'elle accueillait déjà des étudiants chinois au début des années 80...
Les villes moyennes peuvent être le lieu d'un équilibre entre le monde universitaire et le territoire et l'économie.

b) Quels enseignements pour demain ?
Au vu de la réussite de cette expérimentation, nous pouvons résumer les ingrédients de la réussite, qui sont ceux même que nous prônons pour aménager le territoire.
D'abord, il faut faire du « sur mesure » en s'appuyant sur tous les acteurs locaux, privés et publics. Comme je le répète, ce n'est pas depuis Paris que l'on définit la façon dont les territoires doivent s'organiser.
C'est pourquoi nous avons confié le rôle d'ensemblier de l'expérimentation aux élus des villes moyennes, particulièrement aux intercommunalités, même si la compétence de l'enseignement supérieur et de la recherche relève exclusivement de l'Etat. Ce choix s'est révélé judicieux. Les collectivités ont su développer des stratégies originales et porteuses.
Mais il faut aussi poser de grands principes. A ce titre, il me paraît tout à fait essentiel de favoriser un meilleur pilotage de l'offre de formation et de recherche sur les territoires.
D'abord par une articulation au sein du Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur entre les entités de la métropole et celles qui sont localisées dans les villes moyennes.
Mais pour que ces liens soient efficaces, il faut que l'offre d'enseignement supérieur et la recherche dans les villes moyennes s'organise et se structure. Pas nécessairement par la création d'une entité mais aussi par des projets communs.
Le pilotage, la cohérence sont déterminants de la même manière que nous avons encouragé cela au sein des pôles de compétitivité.

Pour organiser ce pilotage, il faudra mesurer l'apport des villes moyennes au système d'enseignement supérieur de recherche qui participe de cette excellence nationale que le Gouvernement encourage. Un ensemble de critères doit être pris en compte :

  • la qualité de la recherche académique,
  • la visibilité et l'attractivité internationale (les universités technologiques de Compiègne et Troyes sont appelées à fonder l'université technologique de Shangaï).
  • le taux d'encadrement des étudiants
  • le niveau de réussite en licence,
  • l'insertion professionnelle des étudiants sur un marché du travail qui n'est pas seulement local.

Ceux qui croient le monde universitaire en crise se trompent, nous assistons au contraire à un renouveau exceptionnel des universités françaises, renforcé par la loi LRU.
L'aménagement du territoire, ce n'est pas déployer des établissements ou des formations supérieures sur tout le territoire. C'est, au contraire, organiser l'offre pour l'adapter aux erritoires et aux besoins. Les villes moyennes doivent trouver toute leur place dans cette recomposition.
Ce sujet est central. J'aurai l'occasion de m'en entretenir prochainement avec Valérie Pécresse.

Source http://www.datar.gouv.fr, le 5 juillet 2010