Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur le climat social et les "contradictions de la majorité purielle", notamment au sujet des responsabilités des entreprises qui licencient et de l'application de la loi sur les 35 heures, à l'Assemblée nationale le 2 mai 2001.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
Une chose me frappe, c'est que, lorsqu'il y a débat dans ce pays, quand des questions sont abordées - y compris parfois, dans un premier temps, en des termes qui peuvent être contradictoires parce que sinon on ne voit pas pourquoi il y aurait débat -, cela ne se fait jamais par rapport aux propositions de la droite, par rapport aux propositions de l'opposition, parce que vous n'en formulez aucune.
Et nous voudrions bien, pour le bénéfice de la démocratie, pour structurer la vie politique française telle qu'elle doit l'être, pour justifier les différences qui y sont pourtant éclatantes entre nous, que vous participiez de ce débat public en avançant des propositions qui puissent justifier, là aussi, la critique.
Je m'efforcerai dans le peu de temps qui m'est laissé, de répondre à chacun de vos points, pour montrer qu'il n'y a pas de "contradictions".
Sur la question des licenciements économiques : d'abord, je voudrais faire remarquer que dans le projet de loi de modernisation sociale, nous avions anticipé pour introduire des mesures permettant d'augmenter les responsabilités des entreprises qui licencient, les droits plus importants des salariés, et qu'il est vrai que, face à une vague de licenciements décidés par des entreprises privées - je le rappelle -, le Gouvernement et sa majorité manifestent une réactivité, tirent des leçons de ce qu'ils constatent, et proposent d'introduire des dispositions nouvelles. Nous n'irons pas dans le sens d'une interdiction des licenciements parce que nous serions alors le seul pays au monde à imaginer qu'on puisse interdire par décret les licenciements. Mais nous voulons effectivement rendre les choses plus difficiles. Il n'y a pas contradiction, il y a un choix juste entre les nécessités économiques et la volonté de défendre aussi les intérêts des salariés dans les entreprises.
"Assouplissement", dites vous, du passage aux 35 heures. Mais là encore, le débat existe puisque avant 2002, ce sont les entreprises de moins de 20 salariés qui, effectivement, auront selon la loi à passer aux 35 heures. Si vous vous interrogez sur les termes, ils sont simples : nous n'ouvrirons pas ici, et le Premier ministre que je suis n'ouvrira pas ici un débat sur la modification de la loi sur les 35 heures. C'est donc dans le cadre de cette loi que les assouplissements qui peuvent très bien être trouvés seront trouvés. Voilà la réponse que nous donnons ; elle est sans contradiction.
Troisième question, la fonction publique. Là aussi, je ne vois pas de débat entre des ministres qui auraient des positions différentes. Nous ouvrons les discussions sur les 35 heures ou plutôt sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Les problèmes ne peuvent pas se poser dans les mêmes termes dans un secteur où existent la sécurité de l'emploi, la garantie du statut, et dans un secteur - le privé - où existent la précarité, le chômage. Il ne peut pas se poser dans les mêmes termes à partir du moment où on est au-dessus de 39 heures - où on était au-dessus de 39 heures - dans le privé, et où on est souvent en dessous de 39 heures réelles dans la fonction publique. C'est dans ces termes que nous poserons les discussions.
Les mérites du dialogue social : je voudrais vous indiquer que madame la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a ouvert sur les propositions faites à l'Assemblée un dialogue avec les organisations syndicales. J'ai moi-même rencontré au cours des derniers huit jours le secrétaire général de FO, de la CFDT et de la CGT. J'ai d'ailleurs l'intention de prendre avec, je pense, leur accord, des initiatives en ce qui concerne le dialogue nécessaire avec les syndicats car ce n'est pas seulement le législateur qui peut régler les problèmes sociaux dans les entreprises, y compris du point de vue des mesures qui doivent être prises.
Sur l'écotaxe : le ministre de l'Economie et des Finances vient de vous répondre excellemment. Nous rendrons les arbitrages qui sont nécessaires.
Enfin, sur la retraite, où déjà la ministre de l'Emploi vous a répondu abondamment, je peux vous assurer que, non, nous ne ferons pas reposer le système des retraites français, comme vous le souhaitez en réalité, sur la capitalisation et les fonds de pension. Nous assoirons le système par répartition. Sur la base d'un débat qui subsiste, la majorité continue et continuera à avancer.
Pour terminer, j'ai entendu deux interventions récentes de demandes de l'opposition qui s'efforçaient de caractériser le Gouvernement. L'un d'entre eux, le nouveau secrétaire général adjoint du RPR, Monsieur S. Lepeltier, voulant critiquer le Premier ministre, a dit que je me "balladurisais". Le deuxième, M. de Robien, essayant là aussi de me critiquer a dit que j'étais "droit dans mes bottes", c'est-à-dire que je me "juppéïsais". Je suis frappé de voir que quand vous cherchez comment critiquer le Gouvernement, vous ne trouvez des exemples que chez vos anciens Premiers ministres. Eh bien non ! Je ne me "balladurise" pas, je ne me "juppéïse" pas ! Avec la majorité, je continuerai à avancer pour le bien du pays !"
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mai 2001)