Texte intégral
J. Wittenberg.- Bonjour à tous. Et bonjour à vous, en effet, C. Jouanno.
Bonjour.
En cette période où beaucoup sont désormais en vacances, on va bien sûr parler de l'environnement, qui entoure ces vacances, en particulier celui des plages. D'abord, un mot peut-être sur l'actualité, sur ce qui se passe aux Etats-Unis ; on l'a entendu dans le journal, de nouvelles fuites de pétrole ont été observées dans le Golfe du Mexique ; est-ce à dire que, selon les informations que vous avez, la marée noire n'est pas finie ?
Non, la marée noire n'est pas finie. C'est l'une des plus grosses catastrophes écologiques qu'on ait connues, c'est deux fois l'Amoco Cadiz, et surtout, ça met en question le système de forage en eaux très profondes, puisque là, on est 1.500 mètres sous l'eau, et en plus, 3.000, 3.500 mètres sous terre. Ça met en question ces forages en eaux très profondes, et les futurs forages dans les pôles contre lesquels s'il y a le moindre incident, on ne sait pas réagir.
Ce sont des techniques qu'il faudrait abandonner selon vous ?
Ce sont des techniques qu'il faudrait abandonner, ou en tout cas, que ce soit le dernier, absolument, le dernier recours. Ça met quand même vraiment en question l'ensemble de notre modèle de développement.
Alors, on revient donc en France avec une autre pollution du littoral, vous vous rendez aujourd'hui dans les Côtes d'Armor pour parler d'un phénomène, ou plutôt, d'un fléau, qui ne cesse d'augmenter : ce sont les fameuses algues vertes, c'est désagréable et c'est surtout très dangereux.
Effectivement, ces fameuses algues vertes, eh bien, c'est l'année dernière, à la suite d'un décès que j'avais demandé une expertise pour savoir si elles étaient vraiment toxiques, et on a réalisé qu'effectivement elles étaient hautement toxiques quand elles sont en phase de décomposition. D'où l'engagement de l'Etat, qui a été annoncé par le Premier ministre...
Et il y en a de plus en plus.
Il y en a de plus en plus, c'est un phénomène historique, qui s'explique en fait par trois phénomènes : il faut de l'azote, enfin, des nitrates dans l'eau, issus des effluents d'élevage ou des problèmes d'assainissement ; il faut que cette eau arrive dans une baie peu profonde, et une température de l'ordre de 20 degrés. Donc on a huit baies qui sont touchées, essentiellement en Bretagne.
En Bretagne, quelle est donc effectivement la principale cause, vous venez d'expliquer le phénomène, mais est-ce que c'est le rejet par les producteurs de porcs de Bretagne - ils sont stigmatisés - de lisier, qui provoque donc ces nitrates dans l'eau ou bien, est-ce que c'est le réchauffement climatique, là aussi, le réchauffement de la mer en l'occurrence ?
C'est d'abord les rejets d'élevage, même si -il faut être totalement transparent - on est dans des eaux qui respectent globalement les normes européennes, à part trois cas, on est dans des eaux qui respectent les normes européennes. Donc c'est vraiment un phénomène très spécifique qui concerne la Bretagne, on ne peut pas attribuer ça directement au réchauffement climatique...
Donc ce sont les producteurs de porcs...
Donc c'est lié à l'élevage, mais on ne peut pas les incriminer directement, enfin, aussi « violemment », entre guillemets, parce qu'il y a déjà eu des efforts de faits, il y a une réduction de près de 18% des nitrates dans l'eau, et comme je vous le dis, le problème c'est qu'on respecte les normes. Donc il faut aller beaucoup plus loin que les normes européennes, et réduire encore de plus de la moitié, voire diviser par trois ces nitrates dans les eaux pour essayer de régler ce problème. Mais il faudra des années.
Mais n'y a-t-il pas eu déjà des entailles à la réglementation ? On se souvient que vous aviez déjà proposé des textes contre la prolifération des algues vertes, et puis, il y a eu des amendements qui étaient moins contraignants pour les éleveurs.
Alors, très clairement, on a fait un plan, on a lancé un plan, et on va avec B. Le Maire aujourd'hui voir sur le terrain ce qui se passe, avec le ramassage des algues qui est payé par l'Etat, la méthanisation du lisier pour éviter qu'il aille ensuite dans les eaux, et un plan de prévention agricole. Effectivement, pendant la loi de modernisation agricole, il y a eu un amendement qui prévoyait, qui demandait, grosso modo, que les élevages ne soient plus soumis à un système d'enquête publique quand ils étaient supérieurs à 2.000 porcs, de l'ordre de 2.000 porcs, alors qu'aujourd'hui...
En clair, qu'ils aient moins de contraintes ?
Qu'ils aient moins de contraintes alors qu'aujourd'hui, il y a une procédure très lourde à partir de 450 porcs. Donc ça a été refusé, le ministre de l'Agriculture s'y est vraiment opposé. On peut comprendre qu'il y ait une volonté d'avoir des règles moins compliquées, en tout cas, plus claires, mais un assouplissement...
Mais c'est un bras de fer entre vous et le ministère de l'Agriculture quand même...
Ce n'est pas avec le ministère de l'Agriculture, un assouplissement, il en est hors de question. J'ajoute que ça mettrait en plus l'opprobre sur la profession agricole elle-même, ce n'est pas dans son intérêt, et il y a beaucoup de leaders qui le savent très, très bien.
Alors, on parle de cette pollution effectivement aux algues vertes, globalement, est-ce que les plages françaises sont plutôt plus propres qu'avant ou vous dressez un constat inquiétant aujourd'hui, en ce milieu d'été 2010 ?
La France est dans les champions dans la déclaration du nombre de plages, donc elles sont globalement plus propres. Il y a des tas de problèmes, puisqu'on a la liste effectivement des plages à problèmes. On a des normes qui se renforcent avec une nouvelle directive européenne qu'on est en train de mettre en place, c'est vrai, on contrôle de plus en plus. Et ça, c'est une bonne chose.
Vous le disiez, il y a une liste, le quotidien France Soir a dressé la liste des trente plages à éviter, on ne va pas faire leur publicité pour ne pas les stigmatiser, mais enfin, il y en a un petit peu pour tous les goûts : hydrocarbure, pollution bactériologique, radioactivité parfois. Pourquoi ces plages ne sont-elles pas fermées par les pouvoirs publics ?
Parce que là, on n'est pas sur des problèmes sanitaires lourds, voilà, il y a des pollutions, on n'est pas sur des risques, si vous vous baignez, vous n'allez pas tout de suite ressortir plein de boutons, donc ça, c'est le premier point. Le deuxième point, ce qu'il faut savoir, c'est qu'en général, pourquoi on a des plages polluées et des eaux polluées ? Ça vient essentiellement de la terre, ça vient essentiellement des problèmes d'assainissement qu'on est aussi en train de régler. En 2007, on avait 146 grosses stations d'épuration qui n'étaient pas aux normes, il n'y en a plus que quatre qui n'ont pas commencé leurs travaux.
L'été, c'est aussi la sécheresse. Est-ce que le ministère de l'Environnement, de l'Ecologie plus exactement, est optimiste ? On a eu beaucoup de précipitations en 2010, pourtant, il y a déjà une quinzaine de départements qui ont appliqué les restrictions d'eau...
l y en a vingt-trois.
Vingt-trois même désormais. A quoi on s'attend en cet été 2010 ?
C'est difficile de faire des prévisions, on sera forcément sur un été assez difficile en terme de sécheresse, c'est toujours localisé dans les mêmes endroits, on connaît toujours les causes, des prélèvements au-delà des capacités des nappes. Donc on a changé la norme, parce que, auparavant, ce qu'on faisait, il y avait des prélèvements, et puis au bout d'un moment, il n'y avait plus d'eau, donc on arr??tait d'autoriser les prélèvements. Là, on dit : voilà, grosso modo, on sait qu'il y a tels volumes d'eau dans cette région, donc vous ne pourrez pas prélever au-deçà de cette quantité, et vous vous débrouillez entre vous pour les attribuer.
Mais c'est un phénomène qui s'accélère, la sécheresse en France ?
C'est un phénomène qui s'accélère et qui a vocation, malheureusement, à s'accélérer avec les changements climatiques.
Le Grenelle de l'Environnement, est-ce qu'il pâtit aujourd'hui de la rigueur annoncée, confirmée par F. Fillon ? On sait que des mesures fiscales étaient prévues pour l'écologie ; est-ce que tout cela ne va pas rester lettre morte, puisque, aujourd'hui, il faut faire des économies partout ? Soyons clairs là-dessus.
Soyons clairs, par rapport aux mesures qu'on avait envisagées dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, pour l'instant, il n'y a rien qui est remis en question. On en profite, au contraire, pour verdir les mesures existantes. C'est-à-dire pour imposer des critères écologiques sur les mesures existantes dans tous les domaines. Moi, je vais juste vous donner un exemple dans mon ministère, c'est normal de participer à cet effort budgétaire, c'est tout à fait normal, et je ne fais pas partie des ministres qui vont dire...
On croyait que c'était une priorité l'écologique...
Oui, oui, non, mais, je vais vous dire très clairement comment ça se passe, moi, je ne fais pas partie des ministres qui vont dire : les autres font et moi je ne fais pas. Donc dans mes deux gros domaines, il y a un domaine eau et biodiversité et il y a un domaine risques. Sur l'eau et la biodiversité, pas d'augmentation de budget cette année, pas de baisse, mais pas d'augmentation de budget, parce qu'il y a un temps de concertation qui est très long. Par contre, sur les risques...
Ça, vous le regrettez quand même ?
Non, je ne le regrette pas parce que je sais que le temps de concertation est très long, donc les futurs parcs, on ne les ouvrira pas nécessairement cette année, on le sait très bien. Par contre, sur les risques, là, on a une grosse priorité, donc on augmente de 13%, sur les prochaines années, le budget.
On vous a entendue. Merci beaucoup C. Jouanno.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 juillet 2010