Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le parlement, sur la proposition de loi organique se rapportant à l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale en fonction du calendrier des élections législatives et présidentielles de 2002, au Sénat le 17 avril 2001.

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Circonstance : Seconde lecture de la proposition de loi organique sur l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, au Sénat le 17 avril 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le 3 avril dernier, l'Assemblée nationale a confirmé, en seconde lecture, son vote initial du 20 décembre 2000 et a rétabli le texte de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale qu'elle avait déjà adopté. Je ne reviendrai pas sur les nombreuses interventions en première lecture devant le Sénat. Je veux simplement rappeler les principaux éléments qui doivent conduire à l'adoption de cette proposition.
Quelle est la justification de ce texte ?
La proposition de loi organique est fondée sur un principe clair : l'élection présidentielle est, depuis la réforme de 1962, l'acte politique essentiel.
Elle est ressentie comme telle par les Français ainsi que le montre l'examen comparé des taux de participation aux différentes élections. Je rappellerai sur ce point qu'au tour décisif de l'élection de 1995 le taux de participation était proche de 80 %.
Les circonstances ont conduit à un calendrier étrange et inédit où cette élection serait précédée de quelques semaines par l'élection de l'Assemblée nationale.
Cette conjoncture ne sera pas propre à 2002. L'instauration du mandat de 5 ans pour l'élection du Président de la République crée en effet les conditions d'une situation où le calendrier de 2002 peut se reproduire à chaque échéance, en 2007, 2012 et au-delà.
Cette situation comporte de graves inconvénients tant du point de vue institutionnel que du point de vue technique.
La clarté du choix des Français conduit à ce que ceux-ci élisent un Président et, par cette élection, choisissent les grandes options du quinquennat qui doit suivre sans que les élections législatives servent, par accident, de primaires à l'élection présidentielle dans le cadre de 577 circonscriptions.
La clarté du choix des Français peut-elle se satisfaire de la désignation d'un Premier ministre et de la formation d'un Gouvernement s'effectuant au mois d'avril, quelques jours avant l'élection présidentielle ? Quelle validité aurait le programme de ce Gouvernement réduit à expédier les affaires courantes dans l'attente du résultat de l'élection présidentielle ?
La logique de nos institutions consiste à permettre aux Français d'effectuer un choix politique logique et clair, et non de maintenir leur expression dans un calendrier générateur de confusion.
C'est ce qu'ont compris les initiateurs de la proposition de loi organique qui, je le rappelle, sont des personnalités connaissant bien la pratique de nos institutions au plus haut niveau et appartenant à plusieurs familles politiques.
Ce n'est pas pour autant une vision présidentialiste de nos institutions qu'il s'agit de promouvoir. Le Gouvernement est, pour sa part, très attaché au respect des prérogatives du Parlement, il en a fait la démonstration depuis le début de la législature.
L'initiative parlementaire n'a jamais été aussi forte, sous la Vème République, qu'au cours de ces dernières années ; les textes législatifs sont, pour un tiers d'entre eux, d'origine parlementaire, et quand les textes sont d'origine gouvernementale le droit d'amendement s'exerce pleinement, ce qui est la règle constitutionnelle.
Le Gouvernement n'a jamais employé, depuis 1997, les dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour imposer ses vues à l'Assemblée nationale. Cette lecture parlementaire de la Constitution ne conduit cependant pas à négliger une réalité, celle de la logique de nos institutions, qui impose de restituer une cohérence que les circonstances ont fait perdre au calendrier électoral.
Outre la question de l'équilibre et de la logique institutionnelle, il faut souligner que si l'ordre rationnel du calendrier électoral n'était pas rétabli, les difficultés techniques du calendrier actuel, soulignées par le Conseil constitutionnel, en ce qui concerne l'organisation de l'élection présidentielle, seraient pérennisées et aggravées comme le Gouvernement l'a démontré en 1ère lecture.

La solution à ces difficultés existe.
La proposition de loi organique votée par l'Assemblée nationale ouvre la possibilité de résoudre le problème d'un calendrier électoral qui n'est pas viable. Ce texte prévoit dans la rédaction issue de l'amendement de Monsieur Blessig, Député du groupe UDF, votée en première lecture par l'Assemblée nationale, de fixer l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale au troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection.
Cette formulation permet de séparer les opérations électorales des deux scrutins tout en obéissant aux impératifs de clarté politique qui veulent que, dans une telle configuration, les candidats aux élections législatives connaissent au moment du dépôt des candidatures, le résultat de l'élection présidentielle.
Cette rédaction présente l'avantage de permettre que les dépôts de candidatures s'effectuent non seulement après que seraient connus les résultats officieux de l'élection présidentielle, mais également après la proclamation officielle du résultat par le Conseil constitutionnel. Elle présente donc toutes les garanties.
J'ajoute qu'il ne saurait être fait le reproche à l'Assemblée nationale de prolonger excessivement la date d'expiration de ses pouvoirs, puisque l'Assemblée actuelle a été élue les 25 mai et 1er juin 1997 et que l'expiration des pouvoirs de cette Assemblée interviendrait le 18 juin 2002 : elle effectuerait donc une législature complète de cinq ans de juin 1997 à juin 2001.
"Nul ne sait ce qui se passera en 2002. Seule compte aujourd'hui la préservation, la consolidation même de nos institutions - le reste n'est qu'illusion" a déclaré en première lecture le Président Arthuis, c'est également l'appréciation du Gouvernement.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous demande pour le bon fonctionnement de nos institutions et l'expression claire du suffrage des Français, de voter le texte adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mai 2001)