Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, à La Chaine Info le 13 septembre 2010, sur la politique à l'égard des Roms et l'augmentation de la TVA sur les offres Internet-télévision-téléphone (triple play).

Prononcé le

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- N. Kosciusko-Morizet, bonjour.
 
Bonjour.
 
Une circulaire du ministère de l'Intérieur datée du 5 août ciblait expressément les Roms dans le cadre de l'opération de démantèlement des campements sauvages. Est-ce que le Gouvernement nous a menti ?
 
Ecoutez il y a beaucoup d'hypocrisie sur ce sujet. On a dit et on le redit que les Roms qui sont en situation illégale doivent partir comme tout étranger qui est en situation illégale. Maintenant, quand on parle de campement sauvage, d'installation illégale sur les terrains à proximité de villages, on sait bien que très souvent ce sont des Roms, c'est ce qui apparaît dans cette circulaire.
 
Là, il y avait une consigne quand même anti Roms.
 
C'est ce qui apparaît dans cette circulaire, évacuation de campement illégal, on sait bien que très souvent ce sont des Roms. Mais le fond du dossier qui est évacuer les campements illégaux, quelles que soient les personnes qui les habitent, mais très souvent ce sont des Roms. Evacuer les campements illégaux conformément à la loi, conformément au traité européen, il est public depuis le début, tout le monde le sait, on le fait et c'est légal.
 
Et pourtant le Parlement européen demande l'arrêt de ces expulsions.
 
Il ne s'agit pas comme le disent certains Européens d'expulsions en masse, d'expulsions collectives, tous les dossiers sont regardés individuellement dossier par dossier. Ce n'est pas parce qu'il y a des avions pour des raisons d'organisation, des avions dans lesquels plusieurs personnes se retrouvent ensemble, ça n'est pas des expulsions collectives, c'est faux, tout ceci est légal. J'ajoute qu'il y a beaucoup d'hypocrisie de la part de l'Europe, pourquoi ? Parce qu'énormément de pays d'Europe ont durci leurs conditions d'accueil des Roms, c'est la raison pour laquelle depuis quelques années en France, on a un afflux de Roms, c'est que les pays voisins ont durci leurs conditions d'accès. Il y a en Europe, je crois, 12 millions de Roms, et un énorme problème d'intégration de cette population dans son pays d'origine. Chacun se renvoie la balle, personne n'en parlait au niveau européen, c'est la France qui la première il y a deux ans a commencé à dire : écoutez, il faut qu'on parle du problème des Roms en Europe. Et qu'est-ce qui se passait ? On donne des sommes considérables au titre de l'insertion européenne, de l'aide à ces pays qui sont la Roumanie et la Bulgarie et on s'est rendu compte que l'on utilisait presque rien pour l'insertion de leurs propres populations chez elles. Eh bien aujourd'hui, on change tout ça et on commence chez elles, en Roumanie et en Bulgarie, on investit l'argent européen pour pouvoir insérer ces populations là où elles sont.
 
Mais est-ce que vous ne craignez pas que le Conseil d'Etat annule à la suite de cette circulaire apparemment illégale toutes les expulsions prononcées ?
 
On verra ce que fait le Conseil d'Etat mais les expulsions elles mêmes, elles sont naturellement légales. Elles sont faites sur la base de l'occupation illégale d'un terrain. Je rappelle que le droit au séjour, par exemple n'est pas un droit total et qui dépasse les autres. Le droit au séjour il est soumis au respect de l'ordre public, il est soumis au fait de ne pas peser à l'excès sur le système social du pays d'accueil. Tout ça ce sont des bases légales, bien connues, transparentes et j'ajoute, reconnues de l'Union européenne.
 
E. Besson dit : « Je n'étais pas au courant de cette circulaire ». Zizanie dans le Gouvernement.
 
C'est une circulaire qui dépend du ministère de l'Intérieur, mais il y a un peu d'hypocrisie encore une fois autour de cette circulaire, on parle d'évacuer des campements illégaux, c'est vrai que très souvent les campements illégaux sont des campements de Roms, il faut un peu sortir de ces questions là et regarder au fond du dossier. Et le fond du dossier, c'est que la France sort pour elle-même de l'hypocrisie, qui voulait qu'on renvoie sur les élus locaux le problème, parce que moi je l'ai vécue, comme élue local, l'affaire des campements de Roms. Alors tout le monde se voile les yeux, personne n'est au courant, et vous comme élu local, vous vous retrouvez là avec votre campement, il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'électricité, il y a beaucoup de violences, la police ne veut pas y aller, enfin bon. Et en fait c'est vous l'élu local, de droite ou de gauche, qui vous vous retrouvez à gérer. Moi, je suis contente qu'on sorte de cette hypocrisie-là en France et qu'on en sorte en Europe parce qu'il y a de l'hypocrisie en Europe sur le sujet.
 
Le PS soutient l'engagement solennel de S. Royal : la retraite à 60 ans sera rétablie en 2012 si la gauche gagne ; colère sociale prévient F. Hollande, vous craigniez cette mobilisation ?
 
Colère communiste aussi, parce que ce qu'on a vu ce week-end, c'est une division entre le Parti Socialiste et le Parti Communiste, une division qui de mon point de vue illustre le caractère non raisonnable de leur position. Le Parti Socialiste dit : on remettra la retraite à 60 ans, mais compte tenu des déséquilibres financiers, il y aura une maxi décote et le Parti Communiste dit : une maxi décote est inacceptable, on veut une retraite à 60 ans pour tous à taux plein, ce qui financièrement n'est pas tenable. Qu'est-ce que ça montre ? Ça montre bien que la seule proposition vraiment réaliste et raisonnable compte tenu des équilibres démographiques qui sont là, auxquels on ne peut rien, c'est la proposition du Gouvernement : on vit beaucoup plus longtemps, il faut travailler un peu plus longtemps.
 
Dans votre domaine le numérique, la TVA va augmenter sur les offres triple play, comme on dit en bon Français, Internet, télévision, téléphone, 19,6. Qu'allez-vous faire pour que les consommateurs ne paient pas l'augmentation de TVA ?
 
La situation est la suivante : aujourd'hui, sur un triple play, on considère forfaitairement que la moitié, c'est de la télé et la télé c'est de la TVA à 5,5, téléphonie plus Internet, c'est TVA à 19,6. Bruxelles depuis plusieurs mois nous dit : vous ne pouvez pas considérer que c'est forfaitaire parce que ce n'est pas vrai, parce qu'il y a des gens pour lesquels, c'est beaucoup moins que 50 % la télé et il y a même des gens auxquels on fait payer une box, un triple play Internet et ils sont trop loin du répartiteur. Ils ont un ADSL trop faible pour pouvoir regarder la télé, donc en quelque sorte on leur fait une ventile, un peu de vente forcée si vous voulez. On leur fait acheter une partie d'abonnement télé, certes avec un abonnement à taux réduits, mais de toute façon ils ne peuvent pas la regarder. Moi, ce que je dis aux opérateurs, c'est que je comprends que vous ne soyez pas contents de l'augmentation de la TVA sur la palette télé du triple play, mais vous saviez très bien qu'on ne pouvait pas rester comme ça puisque cette forfaitisation de la partie télé était quelque chose qui était contesté par Bruxelles, et de toute façon, il reste la possibilité d'avoir une offre déliée en quelque sorte, une partie Internet plus téléphonie, et une option télé. Cela permettra à tous ceux qui sont loin du répartiteur de ne pas choisir l'option télé et de ne pas payer pour quelque chose à laquelle de toute façon ils n'ont pas accès.
 
Vous voulez un forfait 2 plus 1 en fait ?
 
C'est une possibilité, moi je dis que c'est une possibilité et ça fera d'ailleurs baisser la facture pour les consommateurs qui eux sont trop loin du répartiteur et ne peuvent de toute façon pas techniquement avoir la télé.
 
A l'UMP, R. Dati choisit J.-F. Copé. Elle dit : voilà c'est le bon choix pour l'UMP. Vous aviez fonctionné un temps en duo avec R. Dati, c'est votre choix aussi J.-F. Copé, il faut qu'il prenne la tête du parti ?
 
B. Le Maire qui a signé une tribune avec J.-F. Copé a dit là-dessus ce week-end quelque chose d'extrêmement censée ; il a dit : mais la succession de X. Bertrand n'est pas ouverte.
 
Ce sera bien d'élire le secrétaire général ?
 
Alors c'est le président de l'UMP qui...
 
Il n'est pas élu puisqu'il est président de la République...
 
Eh bien il a été élu, il y a une légitimité, le patron de l'UMP, c'est son président, le secrétaire général, il est l'ordonnateur, l'organisateur.
 
Il ne faut pas changer ?
 
On ne peut pas avoir deux personnes élues différentes à la tête d'une même organisation, ça, ça pose un vrai problème.
 
F. Fillon plébiscité pour rester à Matignon : 55 % des Français, 86 % des sympathisants UMP selon l'IFOP. Vous êtes pour son maintien comme Premier ministre ?
 
Ce ne sont pas les ministres qui décident de ces choses-là, vous savez.
 
Mais votre sentiment, votre préférence ?
 
Mon sentiment, c'est que c'est une très bonne nouvelle pour l'ensemble de la majorité que le Premier ministre aujourd'hui soit populaire et ça peut être une très bonne nouvelle aussi s'il est dans d'autres fonctions parce que la popularité, on l'emporte avec soi.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 septembre 2010