Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur la réduction des inégalités sociales et territoriales en matière de santé et le respect des droits des patients, Marseille le 30 août 2010.

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Circonstance : Assises du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) à Marseille les 30 et 31 août 2010

Texte intégral

Monsieur le Président du CISS, cher Christian,
Monsieur le Président du CISS PACA, cher Michel Lecarpentier,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je tenais à ouvrir ce matin en votre compagnie cette journée de travaux du Collectif inter-associatif sur la santé. Nous avons déjà beaucoup oeuvré ensemble, cher Christian, chers tous, sur de nombreux dossiers, et cette collaboration s'est toujours avérée, quoique sans complaisance, précieuse et constructive. J'y suis très attachée.
J'ai bien entendu ce que vous avez dit, et notamment les préoccupations que vous avez exprimées. Notre rencontre intervient fort opportunément en cette rentrée, propice à de nouveaux élans et à des ambitions renouvelées au service de la santé de tous nos concitoyens, des élans et des ambitions dont je veux vous faire part.
1) Tout d'abord, et je sais combien cet impératif est ici partagé, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé doit constituer une priorité absolue. Malgré la progression générale de l'espérance de vie, et de l'espérance de vie sans incapacité, des disparités subsistent voire s'accentuent entre les catégories sociales et entre les territoires. Les seules différences liées aux comportements individuels ne suffisent pas à expliquer cet état de fait. De nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte : les conditions socio-économiques, le contexte résidentiel, la diversité des trajectoires personnelles et professionnelles en sont quelques exemples. C'est souvent dès l'enfance que se cristallisent ces facteurs d'inégalités.
On ne peut prévenir les inégalités sociales de santé que par des réponses coordonnées, au plus près du cadre de vie des personnes, en déployant des actions toujours mieux ciblées. C'est d'ailleurs l'objectif du contrat local de santé, prévu par la loi HPST comme une modalité de partenariat stratégique en la matière entre ARS et élus locaux.
Mais lutter contre les inégalités sociales de santé devra aussi être le principe général de la prochaine loi de santé publique, qui actualisera la loi quinquennale de santé publique de 2004. Elle en fera une stratégie nationale à part entière, en conciliant deux approches indispensables : la prise en compte des problèmes de santé des plus vulnérables, d'une part ; la réduction globale des inégalités sociales de santé, qui touchent l'ensemble de la population, d'autre part.
Plus largement, une nouvelle loi de santé publique pourrait représenter le vecteur d'une politique nationale de santé publique ambitieuse qui réponde à de nouveaux défis : les inégalités que je viens d'évoquer ; une mortalité prématurée particulièrement élevée, notamment chez les hommes ; une espérance de vie sans incapacité plutôt basse par rapport à d'autres pays européens. Il faut aussi prendre en compte l'évolution des risques sanitaires liée aux modifications des modes de vie. Je pense par exemple à l'obésité.
Il s'agit de concevoir une loi courte mais ambitieuse, structurante, lisible. Ambitieuse, car elle aura pour objectif de modifier les déterminants sociaux de santé et les déterminants de l'accès à la prévention et aux soins. C'est une dimension essentielle.
Structurante, parce qu'elle permettra d'organiser et de faire reconnaître un secteur particulier, qui est celui de la prévention et notamment de l'éducation pour la santé.
Lisible, grâce à une gouvernance renforcée qui permettra de couvrir l'ensemble des problématiques de santé, mais aussi de définir quelques priorités majeures. Vous faisiez référence tout à l'heure à cette nécessité, cher Christian Saout.
Il s'agit donc de relever deux défis : définir quelques priorités-clés, et décloisonner les logiques verticales de programmation, afin d'offrir à tous nos concitoyens une approche plus globale et plus transversale des questions de santé.
Cette notion de valorisation des démarches multisectorielles et transversales est essentielle. Les politiques d'emploi, d'éducation, d'urbanisme... ont des effets considérables sur les déterminants sociaux de santé, principaux leviers contre l'apparition et le renforcement des inégalités de santé.
Le ministère de la santé doit être en la matière le promoteur d'une prise de conscience partagée, afin d'insuffler la nécessité de prendre en considération la santé dans toutes les politiques. Vous pouvez compter sur mon implication personnelle en la matière.
D'ores et déjà, la loi HPST a donné le « la » en prévoyant la création, auprès de l'ARS, d'une commission de coordination des politiques de santé dans le domaine de la prévention, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile.
2) En luttant résolument contre les inégalités, nos politiques doivent être des politiques de justice, et j'ai bien entendu les différentes inquiétudes que vous avez exprimées.
Concernant les dépassements d'honoraires, je suis convaincue de la nécessité d'encadrer cette pratique. C'est la raison pour laquelle j'ai imposé un calendrier aux partenaires conventionnels. Le protocole d'accord signé le 15 octobre 2009 comporte des avancées incontestables. Toutefois, certains aspects nécessitent en effet encore d'être précisés. J'y suis très attentive, sachez-le, comme je suis attentive à la lutte contre les refus de soins ; je tiens d'ailleurs à saluer la qualité du travail effectué par la Conférence nationale de santé à ce propos.
J'ai aussi tenu à augmenter l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, facteur décisif d'accès aux soins : grâce à la loi HPST, elle est passée à 500 euros pour les personnes âgées de plus de 60 ans et son montant a été doublé pour les 16-25 ans. J'ai mis en place cette année un dispositif de tiers-payant social, qui permet aux bénéficiaires de l'ACS d'éviter d'avoir à faire l'avance de frais sur leurs dépenses de soins. Les efforts fournis portent aujourd'hui leurs fruits : on constate une augmentation de 40 % du nombre de chèques santé délivrés depuis 2007. Les personnes aidées devraient ainsi dépasser les 600 000 cette année.
C'est ce même impératif de justice qui guide les négociations pour l'amélioration de la convention AERAS, lancées en janvier dernier. Je suis très vigilante sur le fait que cette convention évolue à la hauteur des espoirs qu'elle suscite, car il s'agit d'un combat politique et social de premier ordre. Les points que vous soulevez sont du reste en bonne voie d'aboutissement.
Mener une politique de justice, c'est aussi veiller à ce que chaque patient bénéficie d'une prise en charge globale, coordonnée et lisible. La complexité croissante des prises en charge impose de nouvelles formes d'exercice professionnel. De plus en plus de professionnels de santé s'engagent dans des projets de regroupements pluridisciplinaires. Cette perspective est plébiscitée, à condition qu'elle repose sur un véritable projet de santé. J'ai souhaité conforter ces initiatives par des mesures dans la loi HPST et par le développement de nouveaux modes de rémunération. Il s'agit maintenant de se focaliser sur la mise en application de ces mesures pour chaque patient.
Enfin, concernant l'Aide médicale d'Etat, le principe d'une participation des bénéficiaires de l'AME à leurs dépenses de soins avait été instauré en 2002, mais les projets initialement envisagés risquaient de se traduire par une augmentation des refus de soins à l'encontre des bénéficiaires de l'AME. L'instauration d'un timbre forfaitaire annuel par bénéficiaire adulte constituerait une application plus juste du principe d'une participation financière des bénéficiaires de l'AME, préservant une prise en charge intégrale des dépenses de soins de ceux-ci, et exonérant les enfants mineurs de cette participation. Toutefois, compte tenu du niveau de ressources annuelles des bénéficiaires du dispositif, et soucieuse d'éviter des phénomènes de renoncement aux soins entraînant, à terme, des coûts de prise en charge d'autant plus élevés que ces personnes auraient retardé le recours aux soins, j'ai demandé à l'IGAS et à l'IGS de me faire part de leur analyse sur les modalités d'application d'une telle mesure. La mission me remettra ses conclusions au plus tard le 30 novembre prochain.
3) Chers amis, il est un projet auquel je tiens beaucoup et que je veux vous présenter, pour ainsi dire « en exclusivité », à l'occasion de cette rentrée. Vous le savez, j'ai souhaité faire de la dynamisation de la démocratie sanitaire et du respect des droits des patients l'une des clés de voûte de ma politique.
Cette volonté irrigue du reste l'ensemble de la loi HPST, qui confère aux usagers une place renforcée dans la gouvernance du système de santé et dans la participation au processus de décision en santé, notamment par leur présence au sein des CRSA et des conférences de territoires. Je ne reviendrai pas plus longuement sur ce sujet que j'ai déjà largement évoqué avec vous, mais je voudrais souligner l'importance et le caractère inédit de ce nouvel édifice qui donne aux usagers une parole et une place inégalées.
Dans un rapport de juin 2009, la Conférence nationale de santé soulignait l'importance de mieux faire connaître les droits des patients. J'ai pris de nombreuses initiatives en la matière.
A titre d'exemple, en 2010, un espace internet dédié aux droits des patients et usagers du système de santé a été mis en place sur le site internet du ministère. De la même manière, un Prix des droits des usagers du système de santé a été créé, pour distinguer ses actions exemplaires la matière. Sa première édition, conçue pour la Journée européenne des droits des patients, a été couronnée de succès, révélant la vitalité de notre démocratie sanitaire. Une réflexion a également été menée autour d'outils d'évaluation de l'application des droits, en lien avec les ARS.
En 2011, je souhaite aller plus loin encore et faire de cette année « l'année des patients et de leurs droits ». Marina Carrère d'Encausse a accepté d'être la présidente des différents travaux qui jalonneront cette année, et je tiens à vous remercier, cher Christian Saout, d'en être l'un des rapporteurs aux côtés de Christine d'Autume. Trois axes de réflexion et d'action vont être privilégiés.
Tout d'abord, je souhaite que les droits des patients soient mieux connus et mieux utilisés par nos concitoyens. Aujourd'hui ces droits sont insuffisamment appropriés et revendiqués. J'ai donc lancé en juillet dernier une mission qui aura pour objectif de renforcer la visibilité, l'effectivité et la promotion des droits. Elle devra également suggérer des voies de dynamisation de la participation des usagers à la décision publique. J'ai tenu à ce que trois sujets soient particulièrement traités : la réduction de l'asymétrie d'information entre les usagers et les acteurs du système de santé, la prise en considération des personnes les plus vulnérables dans l'information sur les droits et leur application, et enfin les moyens mis à la disposition des usagers et de leurs représentations. Ce dernier point est naturellement important pour vous, je le sais.
Je veux aussi permettre à chacun de bénéficier d'une prise en charge de qualité, au plus près de ses besoins, dans le respect de sa dignité et de sa singularité. A ce titre, je veux promouvoir la bientraitance dans les établissements de santé. La relation soignant-soigné est riche et sensible, et je souhaite que ce travail soit mieux connu et reconnu, développé et valorisé. Certains moments sont particulièrement importants en matière de bientraitance : je pense par exemple à l'accueil, à l'assistance dans certains besoins fondamentaux, ou encore au traitement de la douleur. Là encore une mission vient d'être lancée, dans le but de mieux comprendre les facteurs de bientraitance, de faire des préconisations visant améliorer la qualité du service vis-à-vis des patients et de leurs proches, de favoriser le dialogue et de participer à la diffusion de bonnes pratiques. La plate-forme de propositions servira de base à l'animation de débats en région, tout au long de l'année 2011.
Enfin, nous le constatons tous, les aspirations de nos concitoyens vis-à-vis de leur santé évoluent substantiellement : ils souhaitent à la fois être mieux informés sur leur santé, et participer davantage à leur prise en charge et aux décisions qui les concernent. Internet est devenu une source d'information majeure en santé. Par ailleurs, les modes de prise en charge ont considérablement évolué, du fait de nouvelles voies de responsabilisation du patient, du développement de l'ambulatoire ou encore de l'essor des techniques favorisant les coopérations entre professionnels. Je souhaite que nous analysions de manière plus approfondie ces évolutions, qui modifient le positionnement du patient et la relation soignant-soigné, afin d'adapter au mieux notre système de santé, notamment en termes d'organisation de l'offre de soins, de formation des professionnels ou encore d'accompagnement des aidants. C'est donc tout l'objectif du troisième axe de travail que j'ai lancé. Là encore, je tiens à ce que soit examinée avec une particulière attention la question des inégalités dans la capacité de s'informer et d'agir vis-à-vis de sa santé.
Ces trois missions devront rendre leurs travaux pour la fin de l'année 2010, et déboucheront à la fois sur des préconisations concrètes et des propositions d'événements qui jalonneront l'année 2011.
Votre engagement et votre motivation constitueront, comme ils l'ont toujours fait, un facteur essentiel de succès de cette démarche que j'ai souhaité initier.
C'est pourquoi je compte sur vous toutes et vous tous pour faire de cette année des patients et de leurs droits une grande et belle réussite !
Je vous remercie.Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 31 août 2010