Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Vous êtes saisis d'une proposition de loi du groupe des sénateurs communistes et apparentés ayant pour but de « garantir l'indépendance du président de la République et des membres du gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique ».
Elle vise à interdire au président de la République et aux membres du gouvernement de recevoir des dons en espèces ou en nature de la part de personnes morales et, lorsque ces dons émanent d'une personne physique, à les soumettre chaque année à une déclaration publique à la commission pour la transparence financière de la vie politique. Il y aurait lieu de procéder à cette déclaration lorsque le montant global de ces dons réalisés par une personne physique excèderait un montant fixé par la loi.
A l'origine, nous étions en présence d'une proposition de loi ordinaire.
Le contenu des dispositions relevant clairement d'une norme supérieure selon les constitutionnalistes auditionnés par le rapporteur, celui-ci avait proposé à votre commission des lois, qui l'a suivi, de déclarer cette proposition de loi irrecevable.
Cette irrecevabilité devait être confirmée par le rapporteur en séance et le gouvernement vous aurait demandé de bien vouloir la voter.
Cependant, devant cette difficulté juridique, les auteurs de la proposition de loi ont transformé celle-ci en une proposition de loi constitutionnelle qui insère dans la constitution les mêmes dispositions que celles qui figuraient dans la proposition de loi ordinaire originelle.
Compte tenu de ce changement intervenu hier, c'est donc sur le fond que le gouvernement se placera pour vous inviter à rejeter cette proposition de loi.
Cette proposition de loi et celle sur le cumul des mandats que vous avez renvoyée ce matin en commission doivent être rapprochées de quatre propositions de loi présentées par le parti socialiste devant l'Assemblée nationale, qui ont été rejetées par celle-ci il y a exactement deux semaines et ce, conformément aux souhaits du gouvernement.
Ces quatre propositions de loi étaient relatives, je le rappelle, d'une part, au cumul du mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale, d'autre part, à des dispositions portant sur la réglementation des financements privés des partis politiques et la prévention des conflits d'intérêt concernant les membres du gouvernement.
Les critiques du gouvernement à l'encontre de ces textes étaient en substance les suivantes :
- premièrement, il s'agissait de textes dont la motivation était à l'évidence politicienne ;
- deuxièmement, cette motivation avait conduit à une précipitation dans leur élaboration et en conséquence à des défauts que l'on pourrait qualifier de techniques.
Le gouvernement avait clairement indiqué devant l'Assemblée nationale par la voix de votre ancien collègue Henri de RAINCOURT que la défense de la moralité publique n'était le monopole d'aucun parti comme aurait pu le laisser supposer le titre de l'une de ces propositions de loi : « pour une République décente ».
Il avait également mis en garde les auteurs de ces propositions de loi contre les risques de démagogie.
Il avait enfin indiqué, et le ministre Michel MERCIER l'a confirmé ce matin devant vous, qu'il n'était pas hostile à ce que certaines questions évoquées dans ces différentes propositions de loi soient l'objet d'un examen moins précipité et plus approfondi permettant de parvenir à des réponses consensuelles
Ces critiques, le gouvernement peut les reprendre à l'encontre de la proposition de loi des sénateurs communistes et apparentés que nous examinons maintenant.
L'examen de cette proposition de loi est l'occasion pour le gouvernement de rappeler que notre République s'est dotée d'un ensemble solide de dispositions juridiques en matière de transparence financière de la vie politique.
Vous me permettrez d'ailleurs de faire observer que les principales lois de ce dispositif ont été votées alors que l'actuelle majorité parlementaire était aux responsabilités.
Ainsi, ce sont les lois du 11 mars 1988, sous un gouvernement dirigé par Jacques CHIRAC, et du 8 février 1995, sous un gouvernement dirigé par Edouard BALLADUR, qui , d'une part, ont réglementé le financement des campagnes électorales, d'autre part, organisé le financement des partis politiques qu'il soit privé ou public.
L'ensemble de cette réglementation est appliquée sous le contrôle de la commission nationale des comptes de campagne et des financements publics à qui l'ordonnance du 8 décembre 2003, prise sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a conféré le statut d'autorité administrative indépendante.
Mais ce dispositif ne concerne pas seulement le financement des partis politiques et des campagnes électorales : il s'intéresse également au patrimoine des membres du gouvernement et de nombreux élus.
Ainsi est-il imposé aux membres du gouvernement de réaliser notamment une déclaration de leur patrimoine à la commission pour la transparence financière de la vie politique dans les deux mois qui suivent leur nomination et dans les deux mois de leur cessation de fonctions.
A cela s'ajoute l'obligation de faire état de toutes les modifications substantielles de leur patrimoine intervenues au cours de leur présence au gouvernement.
Et, il revient à la commission pour la transparence financière de la vie politique, qui est également considérée comme une autorité administrative indépendante, d'apprécier le caractère normal ou non de l'évolution des patrimoines.
Cette commission peut d'ailleurs mettre en demeure les intéressés de donner des explications quant à certaines évolutions patrimoniales. Et, si ces explications lui paraissent insuffisantes, elle peut saisir le Premier ministre et le parquet.
S'agissant du financement des élections présidentielles, la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la République au suffrage universel reprend les dispositions de celles du 11 mars 1988 et du 8 février 1995 portant sur la transparence financière de la vie politique que je viens d'évoquer.
Enfin, en ce qui concerne le contrôle du patrimoine du président de la République, le système prévu par la loi du 6 novembre 1962 prévoit que les candidats à l'élection présidentielle doivent remettre au Conseil Constitutionnel, sous peine de nullité de leur candidature, une déclaration relative à leur situation patrimoniale.
Cette déclaration est complétée par un engagement de déposer une nouvelle déclaration à l'issue du mandat.
Ces déclarations sont publiées au journal officiel. Ainsi, tout citoyen peut être juge de l'évolution du patrimoine du président de la République pendant son mandat.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le gouvernement a beaucoup de mal à considérer que la réglementation actuelle relative au financement des campagnes électorales présidentielles et au contrôle de l'évolution du patrimoine du président de la République et des membres du gouvernement constitue un ensemble de dispositions anodines.
Et il le considère avec d'autant plus de difficulté que s'agissant de la transparence financière de l'exécutif, le budget de l'Elysée est depuis le début de l'actuel quinquennat contrôlé chaque année par la Cour des Comptes, dont le rapport est rendu public.
Contrairement à ce que soutiennent les rédacteurs de la proposition de loi dans leur exposé des motifs de celle-ci, on ne peut donc raisonnablement déplorer l'existence d'un vide juridique concernant le contrôle des relations entre l'exécutif et le monde économique et plus généralement l'absence de dispositif relatif à la transparence financière de l'exécutif.
Au contraire, nous disposons en cette matière d'un ensemble solide dont l'existence pourrait à celle seule motiver un rejet au fond de cette proposition de loi.
J'ajouterai deux éléments complémentaires à cette raison de fond qui résultent de la précipitation dans laquelle elle a été élaborée :
- premier élément : la rédaction du texte autorise des interprétations extensives qui conduiraient à des interdictions peu compréhensibles : le rapport de votre commission des lois en cite quelques uns, qu'il s'agisse des moyens matériels mis à la disposition du président de la République ou des membres du gouvernement pour assumer leurs fonctions ou de cadeaux reçus par ceux-ci dans le cadre de leurs fonctions de représentation.
- second élément : l'application des dispositions de cette proposition de loi aurait pour conséquence un contrôle de la vie quotidienne du chef de l'Etat et des membres du gouvernement largement excessif.
Je rappellerai, enfin, que le Président de la République et le gouvernement ne sont pas fermés à toute prise en considération de la notion de conflit d'intérêt dans la vie politique.
J'en veux pour preuve le décret du 10 septembre 2010, pris à la demande du président de la République, qui a créé une commission de réflexion sur cette question, s'agissant notamment des membres du gouvernement.
Cette commission, qui a commencé à travailler, doit remettre son rapport avant la fin de cette année.
Au vu de ses conclusions, nous apprécierons s'il convient de compléter les textes actuels que j'ai précédemment évoqués.
Le projet de loi organique relatif à l'élection des députés déjà déposé par le gouvernement et la proposition de loi du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale relatif à la simplification du code électoral et à la transparence financière de la vie politique pourraient constituer des vecteurs législatifs susceptibles d'accueillir d'éventuelles dispositions portant sur les conflits d'intérêts entre l'exécutif et le monde économique.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les sénateurs, le gouvernement est conduit à vous proposer un rejet de cette proposition de loi.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 29 octobre 2010
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Vous êtes saisis d'une proposition de loi du groupe des sénateurs communistes et apparentés ayant pour but de « garantir l'indépendance du président de la République et des membres du gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique ».
Elle vise à interdire au président de la République et aux membres du gouvernement de recevoir des dons en espèces ou en nature de la part de personnes morales et, lorsque ces dons émanent d'une personne physique, à les soumettre chaque année à une déclaration publique à la commission pour la transparence financière de la vie politique. Il y aurait lieu de procéder à cette déclaration lorsque le montant global de ces dons réalisés par une personne physique excèderait un montant fixé par la loi.
A l'origine, nous étions en présence d'une proposition de loi ordinaire.
Le contenu des dispositions relevant clairement d'une norme supérieure selon les constitutionnalistes auditionnés par le rapporteur, celui-ci avait proposé à votre commission des lois, qui l'a suivi, de déclarer cette proposition de loi irrecevable.
Cette irrecevabilité devait être confirmée par le rapporteur en séance et le gouvernement vous aurait demandé de bien vouloir la voter.
Cependant, devant cette difficulté juridique, les auteurs de la proposition de loi ont transformé celle-ci en une proposition de loi constitutionnelle qui insère dans la constitution les mêmes dispositions que celles qui figuraient dans la proposition de loi ordinaire originelle.
Compte tenu de ce changement intervenu hier, c'est donc sur le fond que le gouvernement se placera pour vous inviter à rejeter cette proposition de loi.
Cette proposition de loi et celle sur le cumul des mandats que vous avez renvoyée ce matin en commission doivent être rapprochées de quatre propositions de loi présentées par le parti socialiste devant l'Assemblée nationale, qui ont été rejetées par celle-ci il y a exactement deux semaines et ce, conformément aux souhaits du gouvernement.
Ces quatre propositions de loi étaient relatives, je le rappelle, d'une part, au cumul du mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale, d'autre part, à des dispositions portant sur la réglementation des financements privés des partis politiques et la prévention des conflits d'intérêt concernant les membres du gouvernement.
Les critiques du gouvernement à l'encontre de ces textes étaient en substance les suivantes :
- premièrement, il s'agissait de textes dont la motivation était à l'évidence politicienne ;
- deuxièmement, cette motivation avait conduit à une précipitation dans leur élaboration et en conséquence à des défauts que l'on pourrait qualifier de techniques.
Le gouvernement avait clairement indiqué devant l'Assemblée nationale par la voix de votre ancien collègue Henri de RAINCOURT que la défense de la moralité publique n'était le monopole d'aucun parti comme aurait pu le laisser supposer le titre de l'une de ces propositions de loi : « pour une République décente ».
Il avait également mis en garde les auteurs de ces propositions de loi contre les risques de démagogie.
Il avait enfin indiqué, et le ministre Michel MERCIER l'a confirmé ce matin devant vous, qu'il n'était pas hostile à ce que certaines questions évoquées dans ces différentes propositions de loi soient l'objet d'un examen moins précipité et plus approfondi permettant de parvenir à des réponses consensuelles
Ces critiques, le gouvernement peut les reprendre à l'encontre de la proposition de loi des sénateurs communistes et apparentés que nous examinons maintenant.
L'examen de cette proposition de loi est l'occasion pour le gouvernement de rappeler que notre République s'est dotée d'un ensemble solide de dispositions juridiques en matière de transparence financière de la vie politique.
Vous me permettrez d'ailleurs de faire observer que les principales lois de ce dispositif ont été votées alors que l'actuelle majorité parlementaire était aux responsabilités.
Ainsi, ce sont les lois du 11 mars 1988, sous un gouvernement dirigé par Jacques CHIRAC, et du 8 février 1995, sous un gouvernement dirigé par Edouard BALLADUR, qui , d'une part, ont réglementé le financement des campagnes électorales, d'autre part, organisé le financement des partis politiques qu'il soit privé ou public.
L'ensemble de cette réglementation est appliquée sous le contrôle de la commission nationale des comptes de campagne et des financements publics à qui l'ordonnance du 8 décembre 2003, prise sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a conféré le statut d'autorité administrative indépendante.
Mais ce dispositif ne concerne pas seulement le financement des partis politiques et des campagnes électorales : il s'intéresse également au patrimoine des membres du gouvernement et de nombreux élus.
Ainsi est-il imposé aux membres du gouvernement de réaliser notamment une déclaration de leur patrimoine à la commission pour la transparence financière de la vie politique dans les deux mois qui suivent leur nomination et dans les deux mois de leur cessation de fonctions.
A cela s'ajoute l'obligation de faire état de toutes les modifications substantielles de leur patrimoine intervenues au cours de leur présence au gouvernement.
Et, il revient à la commission pour la transparence financière de la vie politique, qui est également considérée comme une autorité administrative indépendante, d'apprécier le caractère normal ou non de l'évolution des patrimoines.
Cette commission peut d'ailleurs mettre en demeure les intéressés de donner des explications quant à certaines évolutions patrimoniales. Et, si ces explications lui paraissent insuffisantes, elle peut saisir le Premier ministre et le parquet.
S'agissant du financement des élections présidentielles, la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la République au suffrage universel reprend les dispositions de celles du 11 mars 1988 et du 8 février 1995 portant sur la transparence financière de la vie politique que je viens d'évoquer.
Enfin, en ce qui concerne le contrôle du patrimoine du président de la République, le système prévu par la loi du 6 novembre 1962 prévoit que les candidats à l'élection présidentielle doivent remettre au Conseil Constitutionnel, sous peine de nullité de leur candidature, une déclaration relative à leur situation patrimoniale.
Cette déclaration est complétée par un engagement de déposer une nouvelle déclaration à l'issue du mandat.
Ces déclarations sont publiées au journal officiel. Ainsi, tout citoyen peut être juge de l'évolution du patrimoine du président de la République pendant son mandat.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le gouvernement a beaucoup de mal à considérer que la réglementation actuelle relative au financement des campagnes électorales présidentielles et au contrôle de l'évolution du patrimoine du président de la République et des membres du gouvernement constitue un ensemble de dispositions anodines.
Et il le considère avec d'autant plus de difficulté que s'agissant de la transparence financière de l'exécutif, le budget de l'Elysée est depuis le début de l'actuel quinquennat contrôlé chaque année par la Cour des Comptes, dont le rapport est rendu public.
Contrairement à ce que soutiennent les rédacteurs de la proposition de loi dans leur exposé des motifs de celle-ci, on ne peut donc raisonnablement déplorer l'existence d'un vide juridique concernant le contrôle des relations entre l'exécutif et le monde économique et plus généralement l'absence de dispositif relatif à la transparence financière de l'exécutif.
Au contraire, nous disposons en cette matière d'un ensemble solide dont l'existence pourrait à celle seule motiver un rejet au fond de cette proposition de loi.
J'ajouterai deux éléments complémentaires à cette raison de fond qui résultent de la précipitation dans laquelle elle a été élaborée :
- premier élément : la rédaction du texte autorise des interprétations extensives qui conduiraient à des interdictions peu compréhensibles : le rapport de votre commission des lois en cite quelques uns, qu'il s'agisse des moyens matériels mis à la disposition du président de la République ou des membres du gouvernement pour assumer leurs fonctions ou de cadeaux reçus par ceux-ci dans le cadre de leurs fonctions de représentation.
- second élément : l'application des dispositions de cette proposition de loi aurait pour conséquence un contrôle de la vie quotidienne du chef de l'Etat et des membres du gouvernement largement excessif.
Je rappellerai, enfin, que le Président de la République et le gouvernement ne sont pas fermés à toute prise en considération de la notion de conflit d'intérêt dans la vie politique.
J'en veux pour preuve le décret du 10 septembre 2010, pris à la demande du président de la République, qui a créé une commission de réflexion sur cette question, s'agissant notamment des membres du gouvernement.
Cette commission, qui a commencé à travailler, doit remettre son rapport avant la fin de cette année.
Au vu de ses conclusions, nous apprécierons s'il convient de compléter les textes actuels que j'ai précédemment évoqués.
Le projet de loi organique relatif à l'élection des députés déjà déposé par le gouvernement et la proposition de loi du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale relatif à la simplification du code électoral et à la transparence financière de la vie politique pourraient constituer des vecteurs législatifs susceptibles d'accueillir d'éventuelles dispositions portant sur les conflits d'intérêts entre l'exécutif et le monde économique.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les sénateurs, le gouvernement est conduit à vous proposer un rejet de cette proposition de loi.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 29 octobre 2010