Texte intégral
Monsieur le Président, cher Henri NAYROU
Messieurs les Députés [Jean-Marie BINETRUY, député du Doubs ; Étienne BLANC, député de Divonne-les-Bains, Joël GIRAUD, député des Hautes-Alpes, Rémy JAQUIER, député, membre du Grand Conseil Vaudois]
Messieurs les Présidents [Dominique MAILLARD, président du directoire de RTE, François MAÏTIA, président du comité de massif des Pyrénées]
Mesdames et Messieurs [Dr Hans-Günther CLEV, directeur général de la mission opérationnelle Transfrontalière, Olivier RAZEMON, journaliste]
Chers Amis,
Je vous remercie de votre invitation, et me réjouis de pouvoir m'exprimer devant vous, à l'occasion de ce déplacement à Pontarlier.
Je remercie tout particulièrement l'Association nationale des élus de la montagne pour son accueil aujourd'hui.
Je sais le travail très important que vous accomplissez, au quotidien, pour défendre et promouvoir les intérêts des territoires de montagne et faire entendre la voix et les intérêts de nos concitoyens montagnards au sein d'institutions qui sont parfois difficiles à appréhender.
Vous le savez, depuis ma nomination il y a 15 mois au sein du Gouvernement, je n'ai eu de cesse de me battre en faveur d'une Europe moins technocratique, plus proche de nos villes et de nos territoires, plus ouverte, en un mot, au monde réel.
Sachez que je serai à vos côtés pour vous accompagner vos démarches, défendre vos intérêts, qui sont ceux de nos concitoyens, et vous aider à tirer le mieux parti des opportunités offertes par le nouveau Traité.
1/ Je voudrais, et c'est mon premier message, apporter mon total soutien à ce travail de « construction » d'un lien étroit entre la nouvelle Europe issue du Traité de Lisbonne, dont il faut bien saisir toute la complexité, et les pouvoirs locaux, dont vous, l'Association nationale des élus de montagne, comptez parmi les représentants.
La montagne constitue pour l'Europe un territoire d'une grande importance. Elle représente plus de 30 % de la superficie du territoire européen et regroupe près de 30 millions d'habitants, mais surtout elle joue un rôle considérable dans l'économie et dans la société européennes à laquelle elle apporte quelques-uns des produits et des biens sociaux et culturels les plus valorisés aujourd'hui : la nature, les produits du terroir, l'identité, l'enracinement, mais aussi une tradition, une culture. Son patrimoine est remarquable et exceptionnel. Je pense ici aux spécialités du Haut Doubs, comme les fromages Comté, Mont d'Or, Morbier...et la célèbre saucisse de MORTEAU, où j'étais tout à l'heure.
La montagne constitue à bien des égards un territoire spécifique, qui justifie certaines dispositions particulières, comme l'indemnité compensatoire de handicap naturel, cofinancée par le budget communautaire (sur le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural - FEADER) et le budget national. Cette indemnité a d'ailleurs été revalorisée par la France en utilisant les possibilités de transfert d'aides directes ouvertes par le bilan de santé de la PAC.
Cette spécificité de la montagne devra être prise en compte par la Commission lorsqu'elle élaborera ses propositions chiffrées au printemps prochain sur le budget européen post 2013, que ce soit dans le cadre de la PAC ou de la politique de cohésion.
La position de la France est en tout état de cause très claire.
Premièrement, nous défendons le maintien d'une PAC forte et équilibrée entre ses deux piliers : aides aux agriculteurs et développement rural. Dans les débats à venir, nous continuerons de plaider pour ces idées et de réunir autour d'elles les Etats favorables à la PAC, comme nous l'avons fait le 10 décembre dernier avec « l'appel de Paris » soutenu par 22 Etats.
Deuxièmement, nous sommes attachés à la politique de cohésion, car tous les élus de France savent que la politique de cohésion est le « visage » de l'Europe dans les territoires. Il ne faut pas rompre ce lien.
Troisièmement, il faudra tenir compte de la « Stratégie Europe 2020 » pour la croissance et l'emploi et mettre l'accent dans le prochain cadre financier sur les dépenses d'avenir, comme la France l'a fait avec le Grand Emprunt. Au sein de cet ensemble, les grands projets européens (ITER, Galiléo, Réseaux transeuropéens de transport...) sont une catégorie de dépenses importante et visible pour tous les citoyens, et nous les défendrons.
Certes, je n'ignore pas que la négociation sera très difficile, et qu'elle sera globale.
Nous devrons, dans cette négociation, faire valoir notre position de contributeur net, qui s'élève aujourd'hui à près de 5 Mdseuros par an, et qui est appelé à croître jusqu'à 7 Mdseuros en 2013. Compte tenu des contraintes exigeantes en matière de retour à l'équilibre des finances publiques que, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, la France s'est engagée à respecter vis-à-vis de tous ses partenaires européens, cette situation n'est plus tenable.
Il est fondamental qu'en prévision de cette grande négociation qui s'amorcera à partir du printemps 2011, les pouvoirs locaux, que vous vous mobilisiez dès à présent et fassiez entendre votre voix auprès des institutions européennes.
2/ Je voudrais en venir au thème de notre table ronde. Mon propos aujourd'hui est simple : dans le respect de sa spécificité, qui doit être dûment prise en compte, la montagne doit aujourd'hui trouver sa place dans l'économie européenne, et donc viser à être, avec ses atouts propres, un territoire compétitif, qui crée de l'emploi, qui attire des talents.
Pour cela, le renforcement de la dimension transfrontalière des territoires de montagne constitue à mon sens l'une des clés du développement de la montagne, et d'ailleurs de l'ensemble des territoires transfrontaliers français.
Le département du Doubs en constitue un exemple, au vu de la coopération transfrontalière active avec les cantons suisses de NEUCHATEL, JURA, VAUD et BERNE. Les accords bilatéraux de 2004 entre la France et la Suisse ont en particulier beaucoup favorisé la libre circulation des personnes.
Il est évident, dans le contexte de la crise, et compte tenu de la nécessité vitale pour la France, et pour l'Europe, de retrouver le chemin de la croissance et de la compétitivité, qu'aucun territoire, aucun atout, aucune piste ne doit être négligée.
C'est pour cela que dès ma prise de fonction je me suis occupé de la question transfrontalière, qui avait été laissée en friche depuis 40 ans.
La raison est simple : les défis de la compétitivité ne se bornent pas à la comparaison avec nos très grands et très lointains concurrents : je veux parler ici de nos voisins immédiats, et, en tant que département voisin de la Suisse, c'est un sujet que vous connaissez bien et que tous les travailleurs transfrontaliers vivent au quotidien.
Le rapport de la mission parlementaire composée de Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin, d'Etienne Blanc ici présent, et de Marie-Thérèse Sanchez-Schmid, députée européenne, sur la politique transfrontalière de la France, mandatée à mon initiative par le Premier ministre, est tout à fait édifiant. Cher Etienne, vous avez beaucoup travaillé, et je veux vous rendre hommage, car vous avez mis en lumière des faits et des chiffres mal connus, mais très éloquents sur la perte de compétitivité de nos territoires frontaliers : près de 300.000 frontaliers français travaillent quotidiennement dans un pays voisin, contre 10.000 frontaliers étrangers seulement effectuant le chemin inverse.
Comme je l'ai résumé, « à nos voisins la richesse, la croissance et les emplois, à nous les champs, les friches industrielles, et les charges publiques (logement, transport) ». Nous devons, face à ce constat, non pas nous refermer sur nous-mêmes dans un réflexe de protection, mais, au contraire, réfléchir à notre modèle fiscal et social et chercher des moyens de mieux partager la richesse avec nos voisins : c'est le sens des démarches que j'ai engagées avec nos amis suisses sur le statut de l'aéroport binational de Bâle-Mulhouse, et qui doivent aboutir d'ici la fin de l'année. C'est l'enjeu de l'aménagement de la zone Alzette-Belval, proche du Luxembourg. Tout ceci suppose d'innover, de lutter contre les conservatismes de toute sorte, mais ce combat ne me fait pas peur !
Comme vous le savez, à la suite du rapport, quatre groupes de travail ont été constitués sur les thématiques retenues par la mission : les mesures économiques et la compétitivité ; les services à la population ; l'organisation spatiale ; et la gouvernance. Ils doivent rendre leurs travaux fin octobre.
3/ Je suis le ministre de l'Europe, je voudrais donc profiter de ce moment ensemble pour vous parler de cette question de la compétitivité au niveau européen.
Le défi auquel l'Europe est aujourd'hui confrontée, c'est bien sûr sa capacité à tirer toutes les leçons de la crise pour retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi. Nous devons accepter de regarder la réalité en face : les pays émergents pèseront d'ici 2030 57% du PIB mondial, contre 38% en 2000. Si nous n'y prenons garde, nous, Européens, courons le risque d'une marginalisation à l'échelle de la planète. Retrouver le chemin de la croissance suppose, à mon sens, de surmonter collectivement trois grands défis :
Le premier défi, c'est de réduire les déficits publics par une vraie discipline budgétaire, sans pour autant casser la reprise de la croissance. Je tiens à vous le dire sans ambiguïté, la France respectera ses engagements européens. Nous sommes engagés dans un exercice de maîtrise de nos déficits publics, qui doit nous permettre de dégager 100 milliards d'euros d'économies en trois ans, pour réduire notre déficit public à 6% en 2011 puis à 3% en 2013.
Le deuxième défi, c'est naturellement la poursuite de la régulation financière, qui est en cours au niveau européen, mais aussi au niveau mondial. Nicolas Sarkozy a, de ce point de vue, rappelé le 25 août dernier ses trois priorités pour la future Présidence française du G20 : la réforme du système monétaire international, la lutte contre volatilité des prix des matières premières, et enfin la réforme de la gouvernance mondiale, pour mieux représenter le nouveau monde multipolaire qui est le nôtre.
Le troisième défi consiste à nous appuyer sur les politiques communes européennes pour utiliser -enfin- l'Europe comme un « multiplicateur de puissance ».
Le Président de la République a obtenu de haute lutte que la stratégie Europe 2020 reconnaisse la valeur des actifs stratégiques comme la politique agricole commune (aucune mention à l'origine), dont j'ai dit qu'elle resterait une priorité française dans le prochain cadre financier.
Le Président de la République s'est également battu pour que la stratégie Europe 2020 prévoit un volet international, afin que l'Union européenne obtienne davantage de loyauté dans les échanges internationaux et notamment une réelle réciprocité dans les échanges commerciaux. Comme l'a dit le Président de la République, il est grand temps que l'Europe cesse de faire preuve de naïveté dans les négociations internationales, que l'on parle de climat ou de commerce. Pour la première fois, les conclusions d'un Conseil européen, celui du 16 septembre dernier, à l'initiative du Président de la République, comporte le terme de « réciprocité ».
Enfin, le Président s'est enfin battu pour que la stratégie Europe 2020 pour la croissance et pour l'emploi comporte un volet industriel ambitieux et une politique de l'énergie qui ne se réduise pas à réguler le marché intérieur.
Comme le disait le Président de la République, « l'industrie occupe 13 % de la population active française, c'était encore 16 % il y a 10 ans. Nous sommes, pire, le grand pays européen le plus désindustrialisé. A ceux qui me diraient que c'est un phénomène qui touche tous les pays, non. L'industrie produit 16 % de la valeur ajoutée française contre 23 % en Italie et 30 % en Allemagne. » Nous attendons désormais, au niveau européen, et conformément aux conclusions du Conseil européen de juin, des propositions ambitieuses de la Commission dans le domaine de la politique industrielle, avec des projets concrets et sectoriels, et pas seulement une approche transversale visant à améliorer l'environnement des entreprises. Nous serons donc très attentifs à la communication que la Commission doit rendre publique sur ce sujet d'ici la fin du mois.
Restaurer notre compétitivité et mettre l'accent sur l'industrie et l'innovation, c'est tout le sens des réformes structurelles engagées en France par le Président de la République depuis 2007, à travers notamment trois chantiers majeurs :
* La réhabilitation du travail et de l'esprit d'entreprise, avec la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression de la taxe professionnelle, la création du statut de l'auto-entrepreneur, le RSA.
* L'investissement dans la croissance du futur, avec la mise en place d'un système de crédit-impôt recherche dont tout le monde nous dit qu'il est le meilleur de tous les pays de l'OCDE, la réforme de l'autonomie des universités, et enfin le Grand emprunt, programme d'investissement d'avenir qui consacre 35 milliards d'euros à l'enseignement supérieur, à la formation, à la recherche, à l'innovation. Avec l'effet de levier des autres financements privés, l'effort total d'investissement sur les technologies d'avenir va tourner autour de 60 milliards d'euros, en plus de tous les projets déjà existants. Comme le dit François FILLON, depuis deux décennies, jamais un gouvernement n'a autant misé et investi sur le futur.
* Enfin la rénovation du rôle de l'Etat actionnaire en matière industrielle, la mobilisation de l'épargne des Français pour l'industrie, et l'ouverture de l'industrie vers la jeunesse pour susciter les vocations et attirer les talents.
Laissez-moi enfin vous dire quelques mots sur la réforme des retraites. Vous le savez, elle vise un relèvement de l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans dès 2018, et le report de l'âge maximal auquel on pourra toucher sa retraite à taux plein de 65 à 67 ans. Certains disent que c'est un effort "insupportable". Je veux leur répondre que cet effort est raisonnable, au regard de notre démographie et de nos déficits. Et je compte sur le bon sens des Français pour ne pas se laisser abuser par ceux qui prétendent qu'on peut sauver nos retraites sans travailler plus longtemps.
Mais surtout, je voudrais, puisque j'ai longuement évoqué la question de la compétitivité, insister sur le point suivant : la réforme des retraites, c'est le seul moyen de ne pas décrocher par rapport à l'Allemagne, qui a fait sa réforme : l'âge d'obtention d'une pension complète, qui est déjà à 65 ans, passera à 67 ans entre 2012 et 2029.
Je voudrais vous donner un seul chiffre, qui a été rendu public mardi dernier : selon la fédération des exportateurs allemands, l'Allemagne devrait exporter l'an prochain pour plus de 1.000 milliards d'euros pour la première fois. Le commerce extérieur du deuxième exportateur mondial après la Chine devrait ainsi retrouver dès mi-2011 son niveau d'avant la crise, soit bien avant l'échéance de 2013 prévue initialement.
Le défi est donc très simple : si la France n'arrive pas à se maintenir au niveau, alors les choses risquent de devenir très compliquées, non seulement pour la France, mais aussi pour toute l'Europe.
Vous le voyez, le temps n'est plus aux discussions, mais à l'action : nous avons désormais des institutions stables, nos chefs d'Etat et de gouvernement travaillent à doter l'Europe d'une stratégie mondiale à la hauteur de ses ambitions, nous devons, maintenant, oeuvrer à obtenir des résultats concrets dans tous les domaines, en nous appuyant sur la qualité de notre tissu économique et de nos territoires.
Je vous remercie.
Source http://www.anem.org, le 9 novembre 2010
Messieurs les Députés [Jean-Marie BINETRUY, député du Doubs ; Étienne BLANC, député de Divonne-les-Bains, Joël GIRAUD, député des Hautes-Alpes, Rémy JAQUIER, député, membre du Grand Conseil Vaudois]
Messieurs les Présidents [Dominique MAILLARD, président du directoire de RTE, François MAÏTIA, président du comité de massif des Pyrénées]
Mesdames et Messieurs [Dr Hans-Günther CLEV, directeur général de la mission opérationnelle Transfrontalière, Olivier RAZEMON, journaliste]
Chers Amis,
Je vous remercie de votre invitation, et me réjouis de pouvoir m'exprimer devant vous, à l'occasion de ce déplacement à Pontarlier.
Je remercie tout particulièrement l'Association nationale des élus de la montagne pour son accueil aujourd'hui.
Je sais le travail très important que vous accomplissez, au quotidien, pour défendre et promouvoir les intérêts des territoires de montagne et faire entendre la voix et les intérêts de nos concitoyens montagnards au sein d'institutions qui sont parfois difficiles à appréhender.
Vous le savez, depuis ma nomination il y a 15 mois au sein du Gouvernement, je n'ai eu de cesse de me battre en faveur d'une Europe moins technocratique, plus proche de nos villes et de nos territoires, plus ouverte, en un mot, au monde réel.
Sachez que je serai à vos côtés pour vous accompagner vos démarches, défendre vos intérêts, qui sont ceux de nos concitoyens, et vous aider à tirer le mieux parti des opportunités offertes par le nouveau Traité.
1/ Je voudrais, et c'est mon premier message, apporter mon total soutien à ce travail de « construction » d'un lien étroit entre la nouvelle Europe issue du Traité de Lisbonne, dont il faut bien saisir toute la complexité, et les pouvoirs locaux, dont vous, l'Association nationale des élus de montagne, comptez parmi les représentants.
La montagne constitue pour l'Europe un territoire d'une grande importance. Elle représente plus de 30 % de la superficie du territoire européen et regroupe près de 30 millions d'habitants, mais surtout elle joue un rôle considérable dans l'économie et dans la société européennes à laquelle elle apporte quelques-uns des produits et des biens sociaux et culturels les plus valorisés aujourd'hui : la nature, les produits du terroir, l'identité, l'enracinement, mais aussi une tradition, une culture. Son patrimoine est remarquable et exceptionnel. Je pense ici aux spécialités du Haut Doubs, comme les fromages Comté, Mont d'Or, Morbier...et la célèbre saucisse de MORTEAU, où j'étais tout à l'heure.
La montagne constitue à bien des égards un territoire spécifique, qui justifie certaines dispositions particulières, comme l'indemnité compensatoire de handicap naturel, cofinancée par le budget communautaire (sur le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural - FEADER) et le budget national. Cette indemnité a d'ailleurs été revalorisée par la France en utilisant les possibilités de transfert d'aides directes ouvertes par le bilan de santé de la PAC.
Cette spécificité de la montagne devra être prise en compte par la Commission lorsqu'elle élaborera ses propositions chiffrées au printemps prochain sur le budget européen post 2013, que ce soit dans le cadre de la PAC ou de la politique de cohésion.
La position de la France est en tout état de cause très claire.
Premièrement, nous défendons le maintien d'une PAC forte et équilibrée entre ses deux piliers : aides aux agriculteurs et développement rural. Dans les débats à venir, nous continuerons de plaider pour ces idées et de réunir autour d'elles les Etats favorables à la PAC, comme nous l'avons fait le 10 décembre dernier avec « l'appel de Paris » soutenu par 22 Etats.
Deuxièmement, nous sommes attachés à la politique de cohésion, car tous les élus de France savent que la politique de cohésion est le « visage » de l'Europe dans les territoires. Il ne faut pas rompre ce lien.
Troisièmement, il faudra tenir compte de la « Stratégie Europe 2020 » pour la croissance et l'emploi et mettre l'accent dans le prochain cadre financier sur les dépenses d'avenir, comme la France l'a fait avec le Grand Emprunt. Au sein de cet ensemble, les grands projets européens (ITER, Galiléo, Réseaux transeuropéens de transport...) sont une catégorie de dépenses importante et visible pour tous les citoyens, et nous les défendrons.
Certes, je n'ignore pas que la négociation sera très difficile, et qu'elle sera globale.
Nous devrons, dans cette négociation, faire valoir notre position de contributeur net, qui s'élève aujourd'hui à près de 5 Mdseuros par an, et qui est appelé à croître jusqu'à 7 Mdseuros en 2013. Compte tenu des contraintes exigeantes en matière de retour à l'équilibre des finances publiques que, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, la France s'est engagée à respecter vis-à-vis de tous ses partenaires européens, cette situation n'est plus tenable.
Il est fondamental qu'en prévision de cette grande négociation qui s'amorcera à partir du printemps 2011, les pouvoirs locaux, que vous vous mobilisiez dès à présent et fassiez entendre votre voix auprès des institutions européennes.
2/ Je voudrais en venir au thème de notre table ronde. Mon propos aujourd'hui est simple : dans le respect de sa spécificité, qui doit être dûment prise en compte, la montagne doit aujourd'hui trouver sa place dans l'économie européenne, et donc viser à être, avec ses atouts propres, un territoire compétitif, qui crée de l'emploi, qui attire des talents.
Pour cela, le renforcement de la dimension transfrontalière des territoires de montagne constitue à mon sens l'une des clés du développement de la montagne, et d'ailleurs de l'ensemble des territoires transfrontaliers français.
Le département du Doubs en constitue un exemple, au vu de la coopération transfrontalière active avec les cantons suisses de NEUCHATEL, JURA, VAUD et BERNE. Les accords bilatéraux de 2004 entre la France et la Suisse ont en particulier beaucoup favorisé la libre circulation des personnes.
Il est évident, dans le contexte de la crise, et compte tenu de la nécessité vitale pour la France, et pour l'Europe, de retrouver le chemin de la croissance et de la compétitivité, qu'aucun territoire, aucun atout, aucune piste ne doit être négligée.
C'est pour cela que dès ma prise de fonction je me suis occupé de la question transfrontalière, qui avait été laissée en friche depuis 40 ans.
La raison est simple : les défis de la compétitivité ne se bornent pas à la comparaison avec nos très grands et très lointains concurrents : je veux parler ici de nos voisins immédiats, et, en tant que département voisin de la Suisse, c'est un sujet que vous connaissez bien et que tous les travailleurs transfrontaliers vivent au quotidien.
Le rapport de la mission parlementaire composée de Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin, d'Etienne Blanc ici présent, et de Marie-Thérèse Sanchez-Schmid, députée européenne, sur la politique transfrontalière de la France, mandatée à mon initiative par le Premier ministre, est tout à fait édifiant. Cher Etienne, vous avez beaucoup travaillé, et je veux vous rendre hommage, car vous avez mis en lumière des faits et des chiffres mal connus, mais très éloquents sur la perte de compétitivité de nos territoires frontaliers : près de 300.000 frontaliers français travaillent quotidiennement dans un pays voisin, contre 10.000 frontaliers étrangers seulement effectuant le chemin inverse.
Comme je l'ai résumé, « à nos voisins la richesse, la croissance et les emplois, à nous les champs, les friches industrielles, et les charges publiques (logement, transport) ». Nous devons, face à ce constat, non pas nous refermer sur nous-mêmes dans un réflexe de protection, mais, au contraire, réfléchir à notre modèle fiscal et social et chercher des moyens de mieux partager la richesse avec nos voisins : c'est le sens des démarches que j'ai engagées avec nos amis suisses sur le statut de l'aéroport binational de Bâle-Mulhouse, et qui doivent aboutir d'ici la fin de l'année. C'est l'enjeu de l'aménagement de la zone Alzette-Belval, proche du Luxembourg. Tout ceci suppose d'innover, de lutter contre les conservatismes de toute sorte, mais ce combat ne me fait pas peur !
Comme vous le savez, à la suite du rapport, quatre groupes de travail ont été constitués sur les thématiques retenues par la mission : les mesures économiques et la compétitivité ; les services à la population ; l'organisation spatiale ; et la gouvernance. Ils doivent rendre leurs travaux fin octobre.
3/ Je suis le ministre de l'Europe, je voudrais donc profiter de ce moment ensemble pour vous parler de cette question de la compétitivité au niveau européen.
Le défi auquel l'Europe est aujourd'hui confrontée, c'est bien sûr sa capacité à tirer toutes les leçons de la crise pour retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi. Nous devons accepter de regarder la réalité en face : les pays émergents pèseront d'ici 2030 57% du PIB mondial, contre 38% en 2000. Si nous n'y prenons garde, nous, Européens, courons le risque d'une marginalisation à l'échelle de la planète. Retrouver le chemin de la croissance suppose, à mon sens, de surmonter collectivement trois grands défis :
Le premier défi, c'est de réduire les déficits publics par une vraie discipline budgétaire, sans pour autant casser la reprise de la croissance. Je tiens à vous le dire sans ambiguïté, la France respectera ses engagements européens. Nous sommes engagés dans un exercice de maîtrise de nos déficits publics, qui doit nous permettre de dégager 100 milliards d'euros d'économies en trois ans, pour réduire notre déficit public à 6% en 2011 puis à 3% en 2013.
Le deuxième défi, c'est naturellement la poursuite de la régulation financière, qui est en cours au niveau européen, mais aussi au niveau mondial. Nicolas Sarkozy a, de ce point de vue, rappelé le 25 août dernier ses trois priorités pour la future Présidence française du G20 : la réforme du système monétaire international, la lutte contre volatilité des prix des matières premières, et enfin la réforme de la gouvernance mondiale, pour mieux représenter le nouveau monde multipolaire qui est le nôtre.
Le troisième défi consiste à nous appuyer sur les politiques communes européennes pour utiliser -enfin- l'Europe comme un « multiplicateur de puissance ».
Le Président de la République a obtenu de haute lutte que la stratégie Europe 2020 reconnaisse la valeur des actifs stratégiques comme la politique agricole commune (aucune mention à l'origine), dont j'ai dit qu'elle resterait une priorité française dans le prochain cadre financier.
Le Président de la République s'est également battu pour que la stratégie Europe 2020 prévoit un volet international, afin que l'Union européenne obtienne davantage de loyauté dans les échanges internationaux et notamment une réelle réciprocité dans les échanges commerciaux. Comme l'a dit le Président de la République, il est grand temps que l'Europe cesse de faire preuve de naïveté dans les négociations internationales, que l'on parle de climat ou de commerce. Pour la première fois, les conclusions d'un Conseil européen, celui du 16 septembre dernier, à l'initiative du Président de la République, comporte le terme de « réciprocité ».
Enfin, le Président s'est enfin battu pour que la stratégie Europe 2020 pour la croissance et pour l'emploi comporte un volet industriel ambitieux et une politique de l'énergie qui ne se réduise pas à réguler le marché intérieur.
Comme le disait le Président de la République, « l'industrie occupe 13 % de la population active française, c'était encore 16 % il y a 10 ans. Nous sommes, pire, le grand pays européen le plus désindustrialisé. A ceux qui me diraient que c'est un phénomène qui touche tous les pays, non. L'industrie produit 16 % de la valeur ajoutée française contre 23 % en Italie et 30 % en Allemagne. » Nous attendons désormais, au niveau européen, et conformément aux conclusions du Conseil européen de juin, des propositions ambitieuses de la Commission dans le domaine de la politique industrielle, avec des projets concrets et sectoriels, et pas seulement une approche transversale visant à améliorer l'environnement des entreprises. Nous serons donc très attentifs à la communication que la Commission doit rendre publique sur ce sujet d'ici la fin du mois.
Restaurer notre compétitivité et mettre l'accent sur l'industrie et l'innovation, c'est tout le sens des réformes structurelles engagées en France par le Président de la République depuis 2007, à travers notamment trois chantiers majeurs :
* La réhabilitation du travail et de l'esprit d'entreprise, avec la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression de la taxe professionnelle, la création du statut de l'auto-entrepreneur, le RSA.
* L'investissement dans la croissance du futur, avec la mise en place d'un système de crédit-impôt recherche dont tout le monde nous dit qu'il est le meilleur de tous les pays de l'OCDE, la réforme de l'autonomie des universités, et enfin le Grand emprunt, programme d'investissement d'avenir qui consacre 35 milliards d'euros à l'enseignement supérieur, à la formation, à la recherche, à l'innovation. Avec l'effet de levier des autres financements privés, l'effort total d'investissement sur les technologies d'avenir va tourner autour de 60 milliards d'euros, en plus de tous les projets déjà existants. Comme le dit François FILLON, depuis deux décennies, jamais un gouvernement n'a autant misé et investi sur le futur.
* Enfin la rénovation du rôle de l'Etat actionnaire en matière industrielle, la mobilisation de l'épargne des Français pour l'industrie, et l'ouverture de l'industrie vers la jeunesse pour susciter les vocations et attirer les talents.
Laissez-moi enfin vous dire quelques mots sur la réforme des retraites. Vous le savez, elle vise un relèvement de l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans dès 2018, et le report de l'âge maximal auquel on pourra toucher sa retraite à taux plein de 65 à 67 ans. Certains disent que c'est un effort "insupportable". Je veux leur répondre que cet effort est raisonnable, au regard de notre démographie et de nos déficits. Et je compte sur le bon sens des Français pour ne pas se laisser abuser par ceux qui prétendent qu'on peut sauver nos retraites sans travailler plus longtemps.
Mais surtout, je voudrais, puisque j'ai longuement évoqué la question de la compétitivité, insister sur le point suivant : la réforme des retraites, c'est le seul moyen de ne pas décrocher par rapport à l'Allemagne, qui a fait sa réforme : l'âge d'obtention d'une pension complète, qui est déjà à 65 ans, passera à 67 ans entre 2012 et 2029.
Je voudrais vous donner un seul chiffre, qui a été rendu public mardi dernier : selon la fédération des exportateurs allemands, l'Allemagne devrait exporter l'an prochain pour plus de 1.000 milliards d'euros pour la première fois. Le commerce extérieur du deuxième exportateur mondial après la Chine devrait ainsi retrouver dès mi-2011 son niveau d'avant la crise, soit bien avant l'échéance de 2013 prévue initialement.
Le défi est donc très simple : si la France n'arrive pas à se maintenir au niveau, alors les choses risquent de devenir très compliquées, non seulement pour la France, mais aussi pour toute l'Europe.
Vous le voyez, le temps n'est plus aux discussions, mais à l'action : nous avons désormais des institutions stables, nos chefs d'Etat et de gouvernement travaillent à doter l'Europe d'une stratégie mondiale à la hauteur de ses ambitions, nous devons, maintenant, oeuvrer à obtenir des résultats concrets dans tous les domaines, en nous appuyant sur la qualité de notre tissu économique et de nos territoires.
Je vous remercie.
Source http://www.anem.org, le 9 novembre 2010