Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement et à l'urbanisme, à France Inter le 25 octobre 2010, sur la mobilisation des jeunes dans la contestation du projet de réforme des retraites.

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Média : France Inter

Texte intégral

P. Cohen.- Les jeunes et la contestation du projet de réforme des retraites. La jeunesse est-elle réellement dans le mouvement au-delà des quelques dizaines de milliers de lycéens mobilisés ? A-t-elle des raisons objectives de dénoncer une réforme censée sauver l’avenir de leurs retraites ? On en débat avec le président de l’UNEF, J.-B. Prévost, bonjour.
 
J.-B. Prévost : Bonjour.
 
Et pour vous donner la réplique, B. Apparu, secrétaire d’État au logement, après avoir présidé les jeunes RPR, c’était il y a une quinzaine d’années. B. Apparu, bonjour.
 
B. Apparu : Bonjour.
 
Vos appels sont bienvenus au standard de France Inter 01 45 24 7000. J.-B. Prévost, d’abord on va parler de cette journée à laquelle vous appelez demain, journée d’action dans les lycées, enfin pas dans les lycées, aux portes des lycées qui sont fermées normalement pour vacances scolaires et dans les universités. Pourquoi le mouvement a pris chez les lycéens et pas chez les étudiants jusqu’à présent à votre avis ?
 
J.-B. Prévost : Je ne partage pas cet avis. La mobilisation étudiante a démarré plus tard que dans les lycées pour une raison assez simple : c’est que le calendrier de la rentrée universitaire, c’est que les étudiants rentrent à la fin du mois de septembre contrairement aux lycéens. Par contre je ne vois pas de raison aujourd’hui d’opposer un jeune de 16 ans à un étudiant de 20 ans, dans ses inquiétudes face à l’avenir et dans leurs désaccords face à une réforme qui va les pénaliser lors de l’entrée dans le marché de l’emploi. Et nous aujourd’hui je constate que manifestement le Gouvernement ne nous entend toujours pas et ne nous laisse pas d’autre choix que de poursuivre cette mobilisation. Donc on appelle évidemment à participer à la journée de jeudi 28 octobre aux côtés des salariés, et d’ici là, à multiplier les initiatives de mobilisation dans les universités avec les salariés et également par des rassemblements, des sit-in. Donc on va passer le cap des vacances parce que nous sentons une grande détermination aujourd’hui dans la jeunesse.
 
B. Apparu, cette détermination des jeunes, vous la sentez aujourd’hui dans le pays ?
 
B. Apparu : Il y a effectivement une mobilisation d’un certain nombre de lycéens et d’un certain nombre d’étudiants qui est à écouter, c’est une évidence pour nous. Là encore ne généralisons pas, dire LA jeunesse est dans la rue, les choses sont un peu plus nuancées que ça, un peu plus relatives que ça. Ma volonté n’est clairement pas de minimiser la participation étudiante et lycéenne à ces mouvements, mais il faudrait qu’on arrête de dire à un moment ou un autre que tous les salariés sont dans la rue, ou que tous les étudiants sont dans la rue, là encore je le vois dans ma région, je le vois dans les différents débats que j’ai pu avoir ce week-end avec un certain nombre de lycéens, les choses sont partagées dans la jeunesse. Il y en a un certain nombre qui se disent : pourquoi est-ce que moi je vais devoir travailler jusqu’à 62 ans, alors que je vais probablement avoir du mal à rentrer dans la vie active ? Il y a ce débat là du côté de la jeunesse.
 
C’est une vraie question.
 
B. Apparu : C’est une vraie question. Et puis il y en a d’autres qui effectivement considèrent qu’on n’a pas le choix et qu’il faut faire cette réforme, si eux-mêmes veulent avoir une retraite. Parce que le débat de fond, il est quand même là, quand on fait une réforme comme ça, on ne la fait pas pour se faire plaisir, on ne la fait pas pour embêter les gens, on la fait parce qu’à un moment ou un autre, si cette réforme ne s’applique pas, les jeunes qui aujourd’hui manifestent n’auront pas de retraite demain, c’est ça la réalité.
 
Cette mobilisation des jeunes, c’est une surprise pour le gouvernement B. Apparu ?
 
B. Apparu : Non ce n’est pas nécessairement une surprise parce qu’il y a toujours dans ce type de manifestations à un moment ou à un autre les jeunes qui arrivent...
 
Vous avez tout fait pour que les jeunes ne descendent pas dans la rue.
 
B. Apparu : On l’a eu en 95, on l’a eu en 2003, ça arrive de façon assez habituelle, assez classique, et ce n’est pas choquant d’ailleurs. Que les jeunes s’interrogent, aient des attentes par rapport à leur avenir et par rapport à leurs retraites, ça me paraît évident.
 
J.-B. Prévost : C’est déjà un discours qui a radicalement changé. Moi je me rappelle, la semaine dernière, l’ensemble du Gouvernement comme un seul homme disait aux jeunes : ce n’est pas votre place dans la rue, laissez les gens décider pour vous etc. Ce que disent les jeunes...
 
B. Apparu : Absolument pas, là c’est une caricature...
 
J.-B. Prévost : Non, non, j’ai entendu le discours, la manipulation, votre place n’est pas dans la rue...
 
B. Apparu : Personne n’a jamais dit ça. L’un n’empêche pas l’autre...
 
J.-B. Prévost : Eh bien, on pourrait en discuter. Moi ce que je veux juste dire, c’est qu’aujourd’hui il y a 84 % des 18/25 ans qui se déclarent opposés au report à 62 ans de l’âge légal. Pour des raisons de fond, c’est que cette réforme va non seulement dégrader leurs conditions d’entrée dans l’emploi, mais elle va aussi les priver du droit à une retraite demain. Nous, on fait une proposition qui n’a pas été entendu par le Gouvernement, on avait demandé à être reçu par E. Woerth, il nous a fermé la porte au nez au mois de mai : prendre en compte les années d’études, les périodes de stages, les périodes d’inactivité forcées dans le calcul des annuités parce que les jeunes aujourd’hui sont plus précaires et se forment plus que par le passé. C’est comme ça qu’on ouvre le droit à une retraite aux jeunes, pas en leur serinant qu’on réforme pour eux. Ecoutez ce qu’ils sont en train de vous dire, ils sont en train de vous dire que c’est la génération de la crise, la génération du chômage, la génération qui n’accepte pas que son droit à la formation ne soit pas reconnu, elle n’a pas besoin de leçon, elle a besoin d’être entendu aujourd’hui cette génération.
 
B. Apparu là-dessus, sur la proposition de prendre en compte les indemnités.
 
B. Apparu : Je vais y arriver, mais le gouvernement n’a pas plus de leçon à recevoir des mouvements syndicalistes...
 
J.-B. Prévost : Ce serait bien qu’il ouvre le dialogue déjà, ce serait pas mal...
 
B. Apparu : Parce qu’à un moment ou à un autre, personne et pas les syndicats étudiants, vu leur audience, n’ont le monopole de l’écoute des jeunes. Ca nous arrive aussi...
 
J.-B. Prévost : Non, mais c’est pas mal de négocier vous savez, ce n’est pas un gros mot le mot négociations.
 
B. Apparu : Mais personne ne vous dit le contraire.
 
J.-B. Prévost : Dialogue, ouverture d’esprit. On ne réforme pas un pays contre la population...
 
B. Apparu : Vous avez raison et l’ouverture d’esprit qui consiste à dire : « on ne touche à rien et c’est très bien comme ça » ce n’est pas non plus une ouverture d’esprit, permettez moi de vous le dire.
 
J.-B. Prévost : C’est un peu plus compliqué ce que je viens de vous proposer.
 
B. Apparu : Sur la proposition qui est faite, on peut en discuter, simplement là encore...
 
J.-B. Prévost : C’est nouveau.
 
B. Apparu : Ecoutons ce qui vient d’être dit, on vient de nous dire à l’instant prendre en compte toutes les années d’études. Je fais un calcul bête et méchant, d’accord...
 
J.-B. Prévost : Financez-le par le fonds de réserve, je réponds tout de suite.
 
B. Apparu : Je fais un calcul bête et méchant. On est en train de dire dans notre projet, il faut passer l???âge de la retraite de 60 à 62 ans, d’accord. Le PS nous dit, si j’ai bien entendu qu’il faut allonger la durée de cotisation. Et la proposition que nous avons là, c’est de réduire de 5 ans, de 5 ans, pas de deux ans, la durée de cotisation. Pourquoi ? Parce que si prenez un Bac plus 5...
 
J.-B. Prévost : B. Apparu, c’est moi qui vais payer votre retraite, j’ai quand même le droit à une retraite en retour non ?
 
B. Apparu : C’est bien pour ça qu’on fait la réforme.
 
J.-B. Prévost : C’est moi qui vais cotiser pendant 40 ans pour votre pension à vous.
 
B. Apparu : Si on veut éviter que vous payiez deux fois, c’est-à-dire que vous payez...
 
J.-B. Prévost : Mais là je paie deux fois : je n’ai pas de boulot en début de carrière et j’en aurai encore moins avec votre réforme, et je n’ai pas de retraite demain...
 
B. Apparu : Si vous voulez me laisser finir un instant, en réalité la proposition qui est faite c’est quoi ? C’est qu’aujourd’hui si on nous dit on prend les années d’études en compte, eh bien on va prendre 5 années d’études en compte pour les étudiants.
 
C’est 5 années d’études en moyenne ?
 
B. Apparu : Non, ce n’est pas 5 années d’études en moyenne mais pour ceux qui seront à bac + 5...
 
Vous jouez à faire peur.
 
B. Apparu : Non, non, je ne joue pas à faire pas peur. Comme l’objectif de la France c’est d’avoir 50 % d’une génération diplômés de l’enseignement supérieur, ça veut dire que nous souhaitons dans cette proposition là, si j’entends bien, réduire de fait l’âge de la retraite de trois ans, ça ne me paraît pas franchement l’idée la plus...
 
D’accord pour vous ce n’est pas finançable. On va aller...
 
B. Apparu : Pas finançable, impossible tout simplement.
 
On va au standard de France Inter, deux interventions d’auditeurs, l’une que je signale dans ma voix parce que l’auditeur n’est pas au téléphone, Pierre de Courbevoie qui nous dit « je trouve ça très bien que les jeunes s’engagent dans la lutte, c’est un premier pas dans leur devoir de citoyens. Je trouve incompréhensible que l’on ose les accuser et les critiquer par rapport à leur engagement. » A l’inverse, Yves qui nous appelle de Trébeurden, bonjour Yves.
 
Yves : Oui bonjour à tous, merci de me recevoir dans votre émission. Je vous appelle de Trébeurden dans les Côte d’Armor. Oui je dénonce les pratiques fascistes des lycéens et des étudiants.
 
Fasciste ! On va peut-être éviter fasciste Yves.
 
Yves : Je rappelle la loi à J.-B. Prévost, qui semble l’ignorer : étudiants et lycéens disposent du droit de manifester bien sûr, mais il leur est interdit d’empêcher les autres élèves et étudiants d’entrer dans l’établissement, même après une AG ayant soit disant voté le blocage, d’incendier des poubelles ou de s’opposer physiquement à ceux, CRS, parents, proviseurs, président d’université qui tentent de démonter leurs barricades. J.-B. Prévost, vous voulez organiser la chienlit dans le pays, je vous le rappelle, vos pratiques sont des pratiques fascistes, dans la mesure où le fascisme dans sa définition élémentaire est l’imposition de sa propre loi par la violence et la barbarie.
 
Bon ! Et bien voilà, le fascisme a fait irruption dans le débat. Merci Yves pour cette intervention. J.-B. Prévost, au moins sinon sur le fascisme au moins sur les méthodes de blocage des établissements, que ce soit des lycées ou des universités, c’est-à-dire le fait pour une minorité d’empêcher la majorité d’étudier.
 
J.-B. Prévost : Je constate que très majoritairement les étudiants dans les universités, lorsqu’ils votent le blocage dans des assemblées générales importantes, c’est uniquement aujourd’hui les jours de manifestations. Ils votent comme un seul l’homme le lendemain le déblocage de l’établissement. Pourquoi ? Les étudiants ont bien compris que cette mobilisation elle se menait aux côtés des salariés...
 
Ce qui n’était pas le cas dans les lycées.
 
J.-B. Prévost : Non mais le ministère de l’Education nationale, lorsqu’il communiquait sur les chiffres de lycées bloqués, indiquait à chaque fois qu’ils étaient débloqués à 11h30. Donc moi à l’UNEF, moi ce à quoi j’appelle, ce n’est pas à bloquer les établissements, c’est à ce que les jeunes se mettent en mouvement aux côtés des salariés et je préfère par exemple, des opérations de barrages filtrants qui permettent à tous d’être informés, de se mobiliser et également à ceux qui veulent aller en cours d’y aller. Mais je crois qu’aujourd’hui la situation de blocage, si on en parle très sérieusement c’est quoi ? C’est l’attitude du Gouvernement : vote « bloqué » au Sénat, bloqué comme blocage. Ce n’est pas moi qui l’invente. Quand on ferme les portes au dialogue de cette manière-là, depuis le début de cette crise, il y a un moment donné il ne faut pas s’étonner qu’on ait effectivement une crise de nerfs dans le pays et c’est aujourd’hui ce à quoi a poussé le Gouvernement. Moi je pense que maintenant, malheureusement, nous n’avons pas d’autres choix que de continuer.
 
B. Apparu ?
 
B. Apparu : Moi le sens de la nuance de l’UNEF m’impressionnera toujours dans ce que l’on vient t’entendre à l’instant. Que vous dire ? Le blocage, évidemment, le Gouvernement est totalement opposé à toutes les formes de blocages...
 
J.-B. Prévost : Sauf le vote bloqué au Sénat.
 
B. Apparu : Ce n’est pas un vote bloqué c’est un vote unique. C’est un vote unique, si vous voulez bien vous en rappeler, après je crois 130 heures de débats et trois semaines de débats...
 
J.-B. Prévost : Et pas beaucoup de négociations.
 
B. Apparu : Non mais là encore, je suis désolé de vous dire, au Sénat ou à l’Assemblée ce ne sont pas des lieux de négociations...La négociation elle a eu lieu avant...
 
J.-B. Prévost : La démocratie politique ne peut pas ignorer la démocratie sociale.
 
B. Apparu : Mais personne ne vous dit le contraire, c’est bien pour ça...
 
J.-B. Prévost : Moi en tant que responsable de l’UNEF, j’ai demandé à être reçu par le ministre du travail, jamais je n’ai été reçu.
 
B. Apparu : C’est bien pour ça que nous avons fait les deux, que dans un premier temps, il y a eu le principe de la démocratie sociale pendant trois mois de négociations avec les partenaires sociaux. Il se trouve qu’on n’a pas trouvé d’accord avec les partenaires sociaux, ça arrive, ce n’est pas le drame du siècle et à partir de ce moment là, la démocratie politique a pris la suite, et jusqu’à preuve du contraire en France, c’est la démocratie politique qui l’emporte à terme. Je voudrais revenir sur un point qui a été évoqué tout à l’heure...
 
Sur les blocages simplement, répondre sur les blocages.
 
B. Apparu : Sur les blocages, vous dire tout simplement que bien évidemment je suis fondamentalement opposé aux blocages. Le principe même du blocage est par essence anti démocratique.
 
Donc on fait grève, on ne va pas aux cours, on vote avec ses pieds mais on ne bloque pas, on n’interdit pas l’entrée des établissements.
 
B. Apparu : On fait grève, c’est compréhensible.
 
J.-B. Prévost : Mais c’est nouveau ça, vous nous avez expliqué qu’on n’allait pas dans la rue.
 
B. Apparu : Mais personne ne vous a dit ça, je suis désolé, personne ne vous a dit ça.
 
J.-B. Prévost : N. Morano me l’a dit.
 
B. Apparu : Non. Peut-être qu’il y en a un ou deux qui vous l’ont dit, mais personne, vous n’avez pas eu une expression gouvernementale disant : non ce n’est pas normal que les jeunes descendent dans la rue.
 
On pourrait le trouver B. Apparu.
 
B. Apparu : Mais non.
 
Au tout début du mouvement ça peut se retrouver.
 
B. Apparu : Non, je suis désolé, qu’au tout début du mouvement on ait rappelé qu’il y avait effectivement potentiellement -et on l’a malheureusement vu encore ces dernières semaines - des problèmes de sécurité pour les jeunes, qu’on ait rappelé...
 
J.-B. Prévost : Parlons-en de ça, parlons en des forces de l’ordre dans les manifestations.
 
Alors justement j’ai une question là-dessus, c’est Eric qui nous appelle de Fayence dans le Var, Eric est-il là bonsoir.
 
Eric : Bonjour. Oui je suis là. Avant tout je voulais rappeler quand même aux gens qui critiquent par rapport au mouvement que ce soit la Sécu, la retraite, les congés payés, s’il n’y avait pas eu des gens qui fassent des luttes dans la rue, qui s’engagent véritablement, qui fassent des blocages, jamais le patronat, jamais le Gouvernement n’aurait accordé aucuns droits sociaux. C’est à chaque fois grâce à des luttes qu’on a obtenu ce qu’on a obtenu. Alors que maintenant des gens descendent dans la rue, d’autres générations pour les défendre, ça me semble moi, plutôt sain pour une démocratie. Ma question, elle se pose par rapport au président de l’UNEF. J’aurais voulu savoir ce qu’il pensait de la présence de la police dans les manifs, parce que j’ai été assez surpris moi, de voir des gens qui étaient apparemment des manifestants, sortir des brassards de policiers. J’ai été assez surpris de voir des vidéos où on voit clairement que les policiers en civil protègent des casseurs pour détruire l’ambiance de la manifestation. Et j’ai été particulièrement choqué moi qui ait 50 ans et qui ai deux gamins de 25 ans qui sont dans les manifs, de voir ce qui s’est passé sur la place Belle-cour, on n’en a pas beaucoup parlé, mais où on a enfermé 500 jeunes sur une place pour après les matraquer, leur balancer des gaz lacrymogènes. Je vous jure que j’ai 50 ans, je ne suis pas violent de nature, mais j’ai été révolté par l’attitude de la police.
 
Eric merci pour cet appel, J.-B. Prévost, président de l’UNEF ?
 
J.-B. Prévost : Ecoutez, je crois qu’il faut que le Gouvernement s’explique, moi j’exige des explications du ministre de l’Intérieur sur les consignes qui auraient été données aux forces de l’ordre pour faire monter la pression et la tension à l’égard des jeunes. Ce n’est pas normal d’utiliser des flash-ball face à des lycéens de 16 ans. Ce ne sont pas des incidents isolés, c’est une simultanéité de problèmes. Donc moi je ne rentrerai pas dans le piège de la peur, je constate d’ailleurs que tout a été fait pour montrer les images de la place Belle-cour, les 300 personnes avec des hélicoptères au-dessus et les forces de l’ordre autour, il y a des problèmes qu’il faut condamner, et je constate que ça, ça a fait la une des JT. Le même jour, nous organisions une manifestation avec 17 000 jeunes, lycéens et étudiants à Paris, on en a un peu sur 36 25/10/2010 12:59 moins parlé, sans aucun incident. Donc je demande aujourd’hui des explications et je me pose de très sérieuses questions sur la stratégie du Gouvernement qui a consisté dans un premier temps à dire aux jeunes « vous n’avez pas à être dans la rue », et dans un second temps à dire, comme vient de le répéter B. Apparu : « de toute façon, il y a des problèmes de sécurité, et ce sont des casseurs ». Moi je ne rentrerais pas dans le piège de la peur et j’appelle les jeunes qui sont en colère, qui s’expriment de toutes les manières et je condamne un certain nombre d’actes notamment brûler une voiture, un abri bus, ça ne sert pas le mouvement, à s’engager et à faire preuve de responsabilité, à être plus malin que le pouvoir, pour la suite du mouvement.
 
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire quand vous dites que le Gouvernement fait monter la pression.
 
B. Apparu : Il est en train de dire grosso modo que les journalistes sont à la botte du Gouvernement.
 
J.-B. Prévost : Non, je suis en train de dire...
 
Quand vous dites que la police et le Gouvernement ont fait monter la pression, ça veut dire quoi, ça veut dire que c’est eux qui ont provoqué la casse ?
 
J.-B. Prévost : Ecoutez je constate que par exemple dans les lycées à Lille qui ont été bloqués, il y avait dix lycées bloqués, les cinq lycées de centre ville, il n’y a eu aucun problème, les cinq lycées de Lille Sud, les forces de l’ordre étaient là en uniforme et sont intervenus dès le matin, dans les lycées jugés plutôt chauds. Je constate qu’à Caen, il y a eu un tir tendu de gaz lacrymogène dans la tête d’un jeune qui a été blessé. Le même jour, je constate qu’à Paris, à Montreuil, il y a eu un jeune qui a failli perdre un oeil, donc je me dis juste qu’il n’y a pas eu un incident isolé, mais très tôt dans la mobilisation, une simultanéité de problèmes et je constate également que B. Hortefeux a dit qu’il fallait désormais faire usage modéré de la force...
 
B. Apparu : Ah ! Ca devient légèrement contradictoire.
 
J.-B. Prévost : ... Est-ce que ça sous entend que jusqu’à présent ce n’était pas le cas ?
 
B. Apparu : Ca devient légèrement contradictoire.
 
J.-B. Prévost : ...Donc le Gouvernement doit aujourd’hui s’expliquer sur les relations entre les forces de l’ordre et les jeunes.
 
Eh bien il est en face de vous le Gouvernement. B. Apparu ?
 
B. Apparu : J’aimerais bien que l’UNEF nous explique plus précisément et plus clairement ce que l’on vient d’entendre. Si j’ai bien entendu, ce qu’on vient de nous évoquer par exemple sur la place Belle-cour et sur Lyon avec les hélicoptères, les images diffusées aux 20 heures, alors que de leur côté ils faisaient une grande manifestation pacifique. Donc si je comprends bien, c’est le Gouvernement qui décide, c’est ce que j’ai entendu...
 
J.-B. Prévost : Non. Je me pose des questions.
 
B. Apparu : Vous vous posez des questions, peu importe, à ce moment-là justement c’est pour cela que je vous la pose de façon plus clairement. Je vous demande la chose suivante : est-ce que oui ou non, vous venez de nous dire que c’est le Gouvernement qui maîtrise les 20h00 et qui organise la diffusion de vidéos ? Je trouve que ce qu’on vient de dire là est quand même juste une caricature intégrale de la réalité des choses.
 
J.-B. Prévost : Juste un exemple, B. Apparu, vous connaissez bien l’histoire, je constate que quand le pouvoir veut éviter des incidents, il sait s’organiser. En 2006, j’étais à l’UNEF, le ministre de l’Intérieur de l’époque qui s’appelait N. Sarkozy je crois, avait réuni à deux reprises les services d’ordre des organisations de jeunesse et des syndicats de salariés pour éviter les incidents dans les manifestations de jeunes.
 
C’était le mouvement anti CPE.
 
J.-B. Prévost : Je constate que ça n’a toujours pas été le cas, donc je me pose aujourd’hui des questions et je demande au Gouvernement des explications.
 
B. Apparu : Donc si je comprends bien, le deuxième point qui a été évoqué à l’instant, après l’instrumentalisation, si j’ai bien compris des médias, le deuxième point, grosso modo ce que nous a dit J.-L. Mélenchon, il y a quelques jours dans une caricature totalement délirante : bien évidemment le gouvernement protège les casseurs, c’est ce que j’ai cru comprendre...
 
J.-B. Prévost : Je n’ai pas dit ça moi. B. Apparu : Ce n’est pas très loin.
 
Très vite, une question de J.-F. Achilli.
 
J.-F. Achilli : Justement, J.-L. Mélenchon parle très précisément de personnes infiltrées, je le cite, « qui jettent des pierres, brisent des vitrines et ensuite sortent des brassards de police ». Il cite des témoignages. Vrai ou faux ?
 
B. Apparu : Totalement faux et totalement délirant. Je sais bien qu’à chaque fois qu’on a des manifestations en France, forcément c’est le pouvoir qui instrumentalise, c’est le pouvoir qui organise les casseurs, et qui bien évidemment maîtrise les médias, tout ça dans un grand jeu de rôles que je trouve, voilà.... Que vous dire de plus ? C’est débile tout simplement, c’est absurde, ça n’a aucun sens. Et là encore, ce côté totalement manichéen, « nous manifestants, on est totalement blancs et totalement gentils » et « ce gouvernement est totalement noir, instrumentalise les casseurs, organise les JT » et dans quelques secondes on va nous dire bien évidemment qu’on veut remettre tous les petits enfants au travail, arrêtons ce manichéisme totalement absurde.
 
Merci B. Apparu, merci J.-B. Prévost, président de l’UNEF.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 8 novembre 2010