Texte intégral
P. Cohen.- Les jeunes et la contestation du projet de réforme des retraites. La jeunesse est-elle réellement dans le mouvement au-delà des quelques dizaines de milliers de lycéens mobilisés ? A-t-elle des raisons objectives de dénoncer une réforme censée sauver lavenir de leurs retraites ? On en débat avec le président de lUNEF, J.-B. Prévost, bonjour.
J.-B. Prévost : Bonjour.
Et pour vous donner la réplique, B. Apparu, secrétaire dÉtat au logement, après avoir présidé les jeunes RPR, cétait il y a une quinzaine dannées. B. Apparu, bonjour.
B. Apparu : Bonjour.
Vos appels sont bienvenus au standard de France Inter 01 45 24 7000. J.-B. Prévost, dabord on va parler de cette journée à laquelle vous appelez demain, journée daction dans les lycées, enfin pas dans les lycées, aux portes des lycées qui sont fermées normalement pour vacances scolaires et dans les universités. Pourquoi le mouvement a pris chez les lycéens et pas chez les étudiants jusquà présent à votre avis ?
J.-B. Prévost : Je ne partage pas cet avis. La mobilisation étudiante a démarré plus tard que dans les lycées pour une raison assez simple : cest que le calendrier de la rentrée universitaire, cest que les étudiants rentrent à la fin du mois de septembre contrairement aux lycéens. Par contre je ne vois pas de raison aujourdhui dopposer un jeune de 16 ans à un étudiant de 20 ans, dans ses inquiétudes face à lavenir et dans leurs désaccords face à une réforme qui va les pénaliser lors de lentrée dans le marché de lemploi. Et nous aujourdhui je constate que manifestement le Gouvernement ne nous entend toujours pas et ne nous laisse pas dautre choix que de poursuivre cette mobilisation. Donc on appelle évidemment à participer à la journée de jeudi 28 octobre aux côtés des salariés, et dici là, à multiplier les initiatives de mobilisation dans les universités avec les salariés et également par des rassemblements, des sit-in. Donc on va passer le cap des vacances parce que nous sentons une grande détermination aujourdhui dans la jeunesse.
B. Apparu, cette détermination des jeunes, vous la sentez aujourdhui dans le pays ?
B. Apparu : Il y a effectivement une mobilisation dun certain nombre de lycéens et dun certain nombre détudiants qui est à écouter, cest une évidence pour nous. Là encore ne généralisons pas, dire LA jeunesse est dans la rue, les choses sont un peu plus nuancées que ça, un peu plus relatives que ça. Ma volonté nest clairement pas de minimiser la participation étudiante et lycéenne à ces mouvements, mais il faudrait quon arrête de dire à un moment ou un autre que tous les salariés sont dans la rue, ou que tous les étudiants sont dans la rue, là encore je le vois dans ma région, je le vois dans les différents débats que jai pu avoir ce week-end avec un certain nombre de lycéens, les choses sont partagées dans la jeunesse. Il y en a un certain nombre qui se disent : pourquoi est-ce que moi je vais devoir travailler jusquà 62 ans, alors que je vais probablement avoir du mal à rentrer dans la vie active ? Il y a ce débat là du côté de la jeunesse.
Cest une vraie question.
B. Apparu : Cest une vraie question. Et puis il y en a dautres qui effectivement considèrent quon na pas le choix et quil faut faire cette réforme, si eux-mêmes veulent avoir une retraite. Parce que le débat de fond, il est quand même là, quand on fait une réforme comme ça, on ne la fait pas pour se faire plaisir, on ne la fait pas pour embêter les gens, on la fait parce quà un moment ou un autre, si cette réforme ne sapplique pas, les jeunes qui aujourdhui manifestent nauront pas de retraite demain, cest ça la réalité.
Cette mobilisation des jeunes, cest une surprise pour le gouvernement B. Apparu ?
B. Apparu : Non ce nest pas nécessairement une surprise parce quil y a toujours dans ce type de manifestations à un moment ou à un autre les jeunes qui arrivent...
Vous avez tout fait pour que les jeunes ne descendent pas dans la rue.
B. Apparu : On la eu en 95, on la eu en 2003, ça arrive de façon assez habituelle, assez classique, et ce nest pas choquant dailleurs. Que les jeunes sinterrogent, aient des attentes par rapport à leur avenir et par rapport à leurs retraites, ça me paraît évident.
J.-B. Prévost : Cest déjà un discours qui a radicalement changé. Moi je me rappelle, la semaine dernière, lensemble du Gouvernement comme un seul homme disait aux jeunes : ce nest pas votre place dans la rue, laissez les gens décider pour vous etc. Ce que disent les jeunes...
B. Apparu : Absolument pas, là cest une caricature...
J.-B. Prévost : Non, non, jai entendu le discours, la manipulation, votre place nest pas dans la rue...
B. Apparu : Personne na jamais dit ça. Lun nempêche pas lautre...
J.-B. Prévost : Eh bien, on pourrait en discuter. Moi ce que je veux juste dire, cest quaujourdhui il y a 84 % des 18/25 ans qui se déclarent opposés au report à 62 ans de lâge légal. Pour des raisons de fond, cest que cette réforme va non seulement dégrader leurs conditions dentrée dans lemploi, mais elle va aussi les priver du droit à une retraite demain. Nous, on fait une proposition qui na pas été entendu par le Gouvernement, on avait demandé à être reçu par E. Woerth, il nous a fermé la porte au nez au mois de mai : prendre en compte les années détudes, les périodes de stages, les périodes dinactivité forcées dans le calcul des annuités parce que les jeunes aujourdhui sont plus précaires et se forment plus que par le passé. Cest comme ça quon ouvre le droit à une retraite aux jeunes, pas en leur serinant quon réforme pour eux. Ecoutez ce quils sont en train de vous dire, ils sont en train de vous dire que cest la génération de la crise, la génération du chômage, la génération qui naccepte pas que son droit à la formation ne soit pas reconnu, elle na pas besoin de leçon, elle a besoin dêtre entendu aujourdhui cette génération.
B. Apparu là-dessus, sur la proposition de prendre en compte les indemnités.
B. Apparu : Je vais y arriver, mais le gouvernement na pas plus de leçon à recevoir des mouvements syndicalistes...
J.-B. Prévost : Ce serait bien quil ouvre le dialogue déjà, ce serait pas mal...
B. Apparu : Parce quà un moment ou à un autre, personne et pas les syndicats étudiants, vu leur audience, nont le monopole de lécoute des jeunes. Ca nous arrive aussi...
J.-B. Prévost : Non, mais cest pas mal de négocier vous savez, ce nest pas un gros mot le mot négociations.
B. Apparu : Mais personne ne vous dit le contraire.
J.-B. Prévost : Dialogue, ouverture desprit. On ne réforme pas un pays contre la population...
B. Apparu : Vous avez raison et louverture desprit qui consiste à dire : « on ne touche à rien et cest très bien comme ça » ce nest pas non plus une ouverture desprit, permettez moi de vous le dire.
J.-B. Prévost : Cest un peu plus compliqué ce que je viens de vous proposer.
B. Apparu : Sur la proposition qui est faite, on peut en discuter, simplement là encore...
J.-B. Prévost : Cest nouveau.
B. Apparu : Ecoutons ce qui vient dêtre dit, on vient de nous dire à linstant prendre en compte toutes les années détudes. Je fais un calcul bête et méchant, daccord...
J.-B. Prévost : Financez-le par le fonds de réserve, je réponds tout de suite.
B. Apparu : Je fais un calcul bête et méchant. On est en train de dire dans notre projet, il faut passer l???âge de la retraite de 60 à 62 ans, daccord. Le PS nous dit, si jai bien entendu quil faut allonger la durée de cotisation. Et la proposition que nous avons là, cest de réduire de 5 ans, de 5 ans, pas de deux ans, la durée de cotisation. Pourquoi ? Parce que si prenez un Bac plus 5...
J.-B. Prévost : B. Apparu, cest moi qui vais payer votre retraite, jai quand même le droit à une retraite en retour non ?
B. Apparu : Cest bien pour ça quon fait la réforme.
J.-B. Prévost : Cest moi qui vais cotiser pendant 40 ans pour votre pension à vous.
B. Apparu : Si on veut éviter que vous payiez deux fois, cest-à-dire que vous payez...
J.-B. Prévost : Mais là je paie deux fois : je nai pas de boulot en début de carrière et jen aurai encore moins avec votre réforme, et je nai pas de retraite demain...
B. Apparu : Si vous voulez me laisser finir un instant, en réalité la proposition qui est faite cest quoi ? Cest quaujourdhui si on nous dit on prend les années détudes en compte, eh bien on va prendre 5 années détudes en compte pour les étudiants.
Cest 5 années détudes en moyenne ?
B. Apparu : Non, ce nest pas 5 années détudes en moyenne mais pour ceux qui seront à bac + 5...
Vous jouez à faire peur.
B. Apparu : Non, non, je ne joue pas à faire pas peur. Comme lobjectif de la France cest davoir 50 % dune génération diplômés de lenseignement supérieur, ça veut dire que nous souhaitons dans cette proposition là, si jentends bien, réduire de fait lâge de la retraite de trois ans, ça ne me paraît pas franchement lidée la plus...
Daccord pour vous ce nest pas finançable. On va aller...
B. Apparu : Pas finançable, impossible tout simplement.
On va au standard de France Inter, deux interventions dauditeurs, lune que je signale dans ma voix parce que lauditeur nest pas au téléphone, Pierre de Courbevoie qui nous dit « je trouve ça très bien que les jeunes sengagent dans la lutte, cest un premier pas dans leur devoir de citoyens. Je trouve incompréhensible que lon ose les accuser et les critiquer par rapport à leur engagement. » A linverse, Yves qui nous appelle de Trébeurden, bonjour Yves.
Yves : Oui bonjour à tous, merci de me recevoir dans votre émission. Je vous appelle de Trébeurden dans les Côte dArmor. Oui je dénonce les pratiques fascistes des lycéens et des étudiants.
Fasciste ! On va peut-être éviter fasciste Yves.
Yves : Je rappelle la loi à J.-B. Prévost, qui semble lignorer : étudiants et lycéens disposent du droit de manifester bien sûr, mais il leur est interdit dempêcher les autres élèves et étudiants dentrer dans létablissement, même après une AG ayant soit disant voté le blocage, dincendier des poubelles ou de sopposer physiquement à ceux, CRS, parents, proviseurs, président duniversité qui tentent de démonter leurs barricades. J.-B. Prévost, vous voulez organiser la chienlit dans le pays, je vous le rappelle, vos pratiques sont des pratiques fascistes, dans la mesure où le fascisme dans sa définition élémentaire est limposition de sa propre loi par la violence et la barbarie.
Bon ! Et bien voilà, le fascisme a fait irruption dans le débat. Merci Yves pour cette intervention. J.-B. Prévost, au moins sinon sur le fascisme au moins sur les méthodes de blocage des établissements, que ce soit des lycées ou des universités, cest-à-dire le fait pour une minorité dempêcher la majorité détudier.
J.-B. Prévost : Je constate que très majoritairement les étudiants dans les universités, lorsquils votent le blocage dans des assemblées générales importantes, cest uniquement aujourdhui les jours de manifestations. Ils votent comme un seul lhomme le lendemain le déblocage de létablissement. Pourquoi ? Les étudiants ont bien compris que cette mobilisation elle se menait aux côtés des salariés...
Ce qui nétait pas le cas dans les lycées.
J.-B. Prévost : Non mais le ministère de lEducation nationale, lorsquil communiquait sur les chiffres de lycées bloqués, indiquait à chaque fois quils étaient débloqués à 11h30. Donc moi à lUNEF, moi ce à quoi jappelle, ce nest pas à bloquer les établissements, cest à ce que les jeunes se mettent en mouvement aux côtés des salariés et je préfère par exemple, des opérations de barrages filtrants qui permettent à tous dêtre informés, de se mobiliser et également à ceux qui veulent aller en cours dy aller. Mais je crois quaujourdhui la situation de blocage, si on en parle très sérieusement cest quoi ? Cest lattitude du Gouvernement : vote « bloqué » au Sénat, bloqué comme blocage. Ce nest pas moi qui linvente. Quand on ferme les portes au dialogue de cette manière-là, depuis le début de cette crise, il y a un moment donné il ne faut pas sétonner quon ait effectivement une crise de nerfs dans le pays et cest aujourdhui ce à quoi a poussé le Gouvernement. Moi je pense que maintenant, malheureusement, nous navons pas dautres choix que de continuer.
B. Apparu ?
B. Apparu : Moi le sens de la nuance de lUNEF mimpressionnera toujours dans ce que lon vient tentendre à linstant. Que vous dire ? Le blocage, évidemment, le Gouvernement est totalement opposé à toutes les formes de blocages...
J.-B. Prévost : Sauf le vote bloqué au Sénat.
B. Apparu : Ce nest pas un vote bloqué cest un vote unique. Cest un vote unique, si vous voulez bien vous en rappeler, après je crois 130 heures de débats et trois semaines de débats...
J.-B. Prévost : Et pas beaucoup de négociations.
B. Apparu : Non mais là encore, je suis désolé de vous dire, au Sénat ou à lAssemblée ce ne sont pas des lieux de négociations...La négociation elle a eu lieu avant...
J.-B. Prévost : La démocratie politique ne peut pas ignorer la démocratie sociale.
B. Apparu : Mais personne ne vous dit le contraire, cest bien pour ça...
J.-B. Prévost : Moi en tant que responsable de lUNEF, jai demandé à être reçu par le ministre du travail, jamais je nai été reçu.
B. Apparu : Cest bien pour ça que nous avons fait les deux, que dans un premier temps, il y a eu le principe de la démocratie sociale pendant trois mois de négociations avec les partenaires sociaux. Il se trouve quon na pas trouvé daccord avec les partenaires sociaux, ça arrive, ce nest pas le drame du siècle et à partir de ce moment là, la démocratie politique a pris la suite, et jusquà preuve du contraire en France, cest la démocratie politique qui lemporte à terme. Je voudrais revenir sur un point qui a été évoqué tout à lheure...
Sur les blocages simplement, répondre sur les blocages.
B. Apparu : Sur les blocages, vous dire tout simplement que bien évidemment je suis fondamentalement opposé aux blocages. Le principe même du blocage est par essence anti démocratique.
Donc on fait grève, on ne va pas aux cours, on vote avec ses pieds mais on ne bloque pas, on ninterdit pas lentrée des établissements.
B. Apparu : On fait grève, cest compréhensible.
J.-B. Prévost : Mais cest nouveau ça, vous nous avez expliqué quon nallait pas dans la rue.
B. Apparu : Mais personne ne vous a dit ça, je suis désolé, personne ne vous a dit ça.
J.-B. Prévost : N. Morano me la dit.
B. Apparu : Non. Peut-être quil y en a un ou deux qui vous lont dit, mais personne, vous navez pas eu une expression gouvernementale disant : non ce nest pas normal que les jeunes descendent dans la rue.
On pourrait le trouver B. Apparu.
B. Apparu : Mais non.
Au tout début du mouvement ça peut se retrouver.
B. Apparu : Non, je suis désolé, quau tout début du mouvement on ait rappelé quil y avait effectivement potentiellement -et on la malheureusement vu encore ces dernières semaines - des problèmes de sécurité pour les jeunes, quon ait rappelé...
J.-B. Prévost : Parlons-en de ça, parlons en des forces de lordre dans les manifestations.
Alors justement jai une question là-dessus, cest Eric qui nous appelle de Fayence dans le Var, Eric est-il là bonsoir.
Eric : Bonjour. Oui je suis là. Avant tout je voulais rappeler quand même aux gens qui critiquent par rapport au mouvement que ce soit la Sécu, la retraite, les congés payés, sil ny avait pas eu des gens qui fassent des luttes dans la rue, qui sengagent véritablement, qui fassent des blocages, jamais le patronat, jamais le Gouvernement naurait accordé aucuns droits sociaux. Cest à chaque fois grâce à des luttes quon a obtenu ce quon a obtenu. Alors que maintenant des gens descendent dans la rue, dautres générations pour les défendre, ça me semble moi, plutôt sain pour une démocratie. Ma question, elle se pose par rapport au président de lUNEF. Jaurais voulu savoir ce quil pensait de la présence de la police dans les manifs, parce que jai été assez surpris moi, de voir des gens qui étaient apparemment des manifestants, sortir des brassards de policiers. Jai été assez surpris de voir des vidéos où on voit clairement que les policiers en civil protègent des casseurs pour détruire lambiance de la manifestation. Et jai été particulièrement choqué moi qui ait 50 ans et qui ai deux gamins de 25 ans qui sont dans les manifs, de voir ce qui sest passé sur la place Belle-cour, on nen a pas beaucoup parlé, mais où on a enfermé 500 jeunes sur une place pour après les matraquer, leur balancer des gaz lacrymogènes. Je vous jure que jai 50 ans, je ne suis pas violent de nature, mais jai été révolté par lattitude de la police.
Eric merci pour cet appel, J.-B. Prévost, président de lUNEF ?
J.-B. Prévost : Ecoutez, je crois quil faut que le Gouvernement sexplique, moi jexige des explications du ministre de lIntérieur sur les consignes qui auraient été données aux forces de lordre pour faire monter la pression et la tension à légard des jeunes. Ce nest pas normal dutiliser des flash-ball face à des lycéens de 16 ans. Ce ne sont pas des incidents isolés, cest une simultanéité de problèmes. Donc moi je ne rentrerai pas dans le piège de la peur, je constate dailleurs que tout a été fait pour montrer les images de la place Belle-cour, les 300 personnes avec des hélicoptères au-dessus et les forces de lordre autour, il y a des problèmes quil faut condamner, et je constate que ça, ça a fait la une des JT. Le même jour, nous organisions une manifestation avec 17 000 jeunes, lycéens et étudiants à Paris, on en a un peu sur 36 25/10/2010 12:59 moins parlé, sans aucun incident. Donc je demande aujourdhui des explications et je me pose de très sérieuses questions sur la stratégie du Gouvernement qui a consisté dans un premier temps à dire aux jeunes « vous navez pas à être dans la rue », et dans un second temps à dire, comme vient de le répéter B. Apparu : « de toute façon, il y a des problèmes de sécurité, et ce sont des casseurs ». Moi je ne rentrerais pas dans le piège de la peur et jappelle les jeunes qui sont en colère, qui sexpriment de toutes les manières et je condamne un certain nombre dactes notamment brûler une voiture, un abri bus, ça ne sert pas le mouvement, à sengager et à faire preuve de responsabilité, à être plus malin que le pouvoir, pour la suite du mouvement.
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire quand vous dites que le Gouvernement fait monter la pression.
B. Apparu : Il est en train de dire grosso modo que les journalistes sont à la botte du Gouvernement.
J.-B. Prévost : Non, je suis en train de dire...
Quand vous dites que la police et le Gouvernement ont fait monter la pression, ça veut dire quoi, ça veut dire que cest eux qui ont provoqué la casse ?
J.-B. Prévost : Ecoutez je constate que par exemple dans les lycées à Lille qui ont été bloqués, il y avait dix lycées bloqués, les cinq lycées de centre ville, il ny a eu aucun problème, les cinq lycées de Lille Sud, les forces de lordre étaient là en uniforme et sont intervenus dès le matin, dans les lycées jugés plutôt chauds. Je constate quà Caen, il y a eu un tir tendu de gaz lacrymogène dans la tête dun jeune qui a été blessé. Le même jour, je constate quà Paris, à Montreuil, il y a eu un jeune qui a failli perdre un oeil, donc je me dis juste quil ny a pas eu un incident isolé, mais très tôt dans la mobilisation, une simultanéité de problèmes et je constate également que B. Hortefeux a dit quil fallait désormais faire usage modéré de la force...
B. Apparu : Ah ! Ca devient légèrement contradictoire.
J.-B. Prévost : ... Est-ce que ça sous entend que jusquà présent ce nétait pas le cas ?
B. Apparu : Ca devient légèrement contradictoire.
J.-B. Prévost : ...Donc le Gouvernement doit aujourdhui sexpliquer sur les relations entre les forces de lordre et les jeunes.
Eh bien il est en face de vous le Gouvernement. B. Apparu ?
B. Apparu : Jaimerais bien que lUNEF nous explique plus précisément et plus clairement ce que lon vient dentendre. Si jai bien entendu, ce quon vient de nous évoquer par exemple sur la place Belle-cour et sur Lyon avec les hélicoptères, les images diffusées aux 20 heures, alors que de leur côté ils faisaient une grande manifestation pacifique. Donc si je comprends bien, cest le Gouvernement qui décide, cest ce que jai entendu...
J.-B. Prévost : Non. Je me pose des questions.
B. Apparu : Vous vous posez des questions, peu importe, à ce moment-là justement cest pour cela que je vous la pose de façon plus clairement. Je vous demande la chose suivante : est-ce que oui ou non, vous venez de nous dire que cest le Gouvernement qui maîtrise les 20h00 et qui organise la diffusion de vidéos ? Je trouve que ce quon vient de dire là est quand même juste une caricature intégrale de la réalité des choses.
J.-B. Prévost : Juste un exemple, B. Apparu, vous connaissez bien lhistoire, je constate que quand le pouvoir veut éviter des incidents, il sait sorganiser. En 2006, jétais à lUNEF, le ministre de lIntérieur de lépoque qui sappelait N. Sarkozy je crois, avait réuni à deux reprises les services dordre des organisations de jeunesse et des syndicats de salariés pour éviter les incidents dans les manifestations de jeunes.
Cétait le mouvement anti CPE.
J.-B. Prévost : Je constate que ça na toujours pas été le cas, donc je me pose aujourdhui des questions et je demande au Gouvernement des explications.
B. Apparu : Donc si je comprends bien, le deuxième point qui a été évoqué à linstant, après linstrumentalisation, si jai bien compris des médias, le deuxième point, grosso modo ce que nous a dit J.-L. Mélenchon, il y a quelques jours dans une caricature totalement délirante : bien évidemment le gouvernement protège les casseurs, cest ce que jai cru comprendre...
J.-B. Prévost : Je nai pas dit ça moi. B. Apparu : Ce nest pas très loin.
Très vite, une question de J.-F. Achilli.
J.-F. Achilli : Justement, J.-L. Mélenchon parle très précisément de personnes infiltrées, je le cite, « qui jettent des pierres, brisent des vitrines et ensuite sortent des brassards de police ». Il cite des témoignages. Vrai ou faux ?
B. Apparu : Totalement faux et totalement délirant. Je sais bien quà chaque fois quon a des manifestations en France, forcément cest le pouvoir qui instrumentalise, cest le pouvoir qui organise les casseurs, et qui bien évidemment maîtrise les médias, tout ça dans un grand jeu de rôles que je trouve, voilà.... Que vous dire de plus ? Cest débile tout simplement, cest absurde, ça na aucun sens. Et là encore, ce côté totalement manichéen, « nous manifestants, on est totalement blancs et totalement gentils » et « ce gouvernement est totalement noir, instrumentalise les casseurs, organise les JT » et dans quelques secondes on va nous dire bien évidemment quon veut remettre tous les petits enfants au travail, arrêtons ce manichéisme totalement absurde.
Merci B. Apparu, merci J.-B. Prévost, président de lUNEF.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 8 novembre 2010
J.-B. Prévost : Bonjour.
Et pour vous donner la réplique, B. Apparu, secrétaire dÉtat au logement, après avoir présidé les jeunes RPR, cétait il y a une quinzaine dannées. B. Apparu, bonjour.
B. Apparu : Bonjour.
Vos appels sont bienvenus au standard de France Inter 01 45 24 7000. J.-B. Prévost, dabord on va parler de cette journée à laquelle vous appelez demain, journée daction dans les lycées, enfin pas dans les lycées, aux portes des lycées qui sont fermées normalement pour vacances scolaires et dans les universités. Pourquoi le mouvement a pris chez les lycéens et pas chez les étudiants jusquà présent à votre avis ?
J.-B. Prévost : Je ne partage pas cet avis. La mobilisation étudiante a démarré plus tard que dans les lycées pour une raison assez simple : cest que le calendrier de la rentrée universitaire, cest que les étudiants rentrent à la fin du mois de septembre contrairement aux lycéens. Par contre je ne vois pas de raison aujourdhui dopposer un jeune de 16 ans à un étudiant de 20 ans, dans ses inquiétudes face à lavenir et dans leurs désaccords face à une réforme qui va les pénaliser lors de lentrée dans le marché de lemploi. Et nous aujourdhui je constate que manifestement le Gouvernement ne nous entend toujours pas et ne nous laisse pas dautre choix que de poursuivre cette mobilisation. Donc on appelle évidemment à participer à la journée de jeudi 28 octobre aux côtés des salariés, et dici là, à multiplier les initiatives de mobilisation dans les universités avec les salariés et également par des rassemblements, des sit-in. Donc on va passer le cap des vacances parce que nous sentons une grande détermination aujourdhui dans la jeunesse.
B. Apparu, cette détermination des jeunes, vous la sentez aujourdhui dans le pays ?
B. Apparu : Il y a effectivement une mobilisation dun certain nombre de lycéens et dun certain nombre détudiants qui est à écouter, cest une évidence pour nous. Là encore ne généralisons pas, dire LA jeunesse est dans la rue, les choses sont un peu plus nuancées que ça, un peu plus relatives que ça. Ma volonté nest clairement pas de minimiser la participation étudiante et lycéenne à ces mouvements, mais il faudrait quon arrête de dire à un moment ou un autre que tous les salariés sont dans la rue, ou que tous les étudiants sont dans la rue, là encore je le vois dans ma région, je le vois dans les différents débats que jai pu avoir ce week-end avec un certain nombre de lycéens, les choses sont partagées dans la jeunesse. Il y en a un certain nombre qui se disent : pourquoi est-ce que moi je vais devoir travailler jusquà 62 ans, alors que je vais probablement avoir du mal à rentrer dans la vie active ? Il y a ce débat là du côté de la jeunesse.
Cest une vraie question.
B. Apparu : Cest une vraie question. Et puis il y en a dautres qui effectivement considèrent quon na pas le choix et quil faut faire cette réforme, si eux-mêmes veulent avoir une retraite. Parce que le débat de fond, il est quand même là, quand on fait une réforme comme ça, on ne la fait pas pour se faire plaisir, on ne la fait pas pour embêter les gens, on la fait parce quà un moment ou un autre, si cette réforme ne sapplique pas, les jeunes qui aujourdhui manifestent nauront pas de retraite demain, cest ça la réalité.
Cette mobilisation des jeunes, cest une surprise pour le gouvernement B. Apparu ?
B. Apparu : Non ce nest pas nécessairement une surprise parce quil y a toujours dans ce type de manifestations à un moment ou à un autre les jeunes qui arrivent...
Vous avez tout fait pour que les jeunes ne descendent pas dans la rue.
B. Apparu : On la eu en 95, on la eu en 2003, ça arrive de façon assez habituelle, assez classique, et ce nest pas choquant dailleurs. Que les jeunes sinterrogent, aient des attentes par rapport à leur avenir et par rapport à leurs retraites, ça me paraît évident.
J.-B. Prévost : Cest déjà un discours qui a radicalement changé. Moi je me rappelle, la semaine dernière, lensemble du Gouvernement comme un seul homme disait aux jeunes : ce nest pas votre place dans la rue, laissez les gens décider pour vous etc. Ce que disent les jeunes...
B. Apparu : Absolument pas, là cest une caricature...
J.-B. Prévost : Non, non, jai entendu le discours, la manipulation, votre place nest pas dans la rue...
B. Apparu : Personne na jamais dit ça. Lun nempêche pas lautre...
J.-B. Prévost : Eh bien, on pourrait en discuter. Moi ce que je veux juste dire, cest quaujourdhui il y a 84 % des 18/25 ans qui se déclarent opposés au report à 62 ans de lâge légal. Pour des raisons de fond, cest que cette réforme va non seulement dégrader leurs conditions dentrée dans lemploi, mais elle va aussi les priver du droit à une retraite demain. Nous, on fait une proposition qui na pas été entendu par le Gouvernement, on avait demandé à être reçu par E. Woerth, il nous a fermé la porte au nez au mois de mai : prendre en compte les années détudes, les périodes de stages, les périodes dinactivité forcées dans le calcul des annuités parce que les jeunes aujourdhui sont plus précaires et se forment plus que par le passé. Cest comme ça quon ouvre le droit à une retraite aux jeunes, pas en leur serinant quon réforme pour eux. Ecoutez ce quils sont en train de vous dire, ils sont en train de vous dire que cest la génération de la crise, la génération du chômage, la génération qui naccepte pas que son droit à la formation ne soit pas reconnu, elle na pas besoin de leçon, elle a besoin dêtre entendu aujourdhui cette génération.
B. Apparu là-dessus, sur la proposition de prendre en compte les indemnités.
B. Apparu : Je vais y arriver, mais le gouvernement na pas plus de leçon à recevoir des mouvements syndicalistes...
J.-B. Prévost : Ce serait bien quil ouvre le dialogue déjà, ce serait pas mal...
B. Apparu : Parce quà un moment ou à un autre, personne et pas les syndicats étudiants, vu leur audience, nont le monopole de lécoute des jeunes. Ca nous arrive aussi...
J.-B. Prévost : Non, mais cest pas mal de négocier vous savez, ce nest pas un gros mot le mot négociations.
B. Apparu : Mais personne ne vous dit le contraire.
J.-B. Prévost : Dialogue, ouverture desprit. On ne réforme pas un pays contre la population...
B. Apparu : Vous avez raison et louverture desprit qui consiste à dire : « on ne touche à rien et cest très bien comme ça » ce nest pas non plus une ouverture desprit, permettez moi de vous le dire.
J.-B. Prévost : Cest un peu plus compliqué ce que je viens de vous proposer.
B. Apparu : Sur la proposition qui est faite, on peut en discuter, simplement là encore...
J.-B. Prévost : Cest nouveau.
B. Apparu : Ecoutons ce qui vient dêtre dit, on vient de nous dire à linstant prendre en compte toutes les années détudes. Je fais un calcul bête et méchant, daccord...
J.-B. Prévost : Financez-le par le fonds de réserve, je réponds tout de suite.
B. Apparu : Je fais un calcul bête et méchant. On est en train de dire dans notre projet, il faut passer l???âge de la retraite de 60 à 62 ans, daccord. Le PS nous dit, si jai bien entendu quil faut allonger la durée de cotisation. Et la proposition que nous avons là, cest de réduire de 5 ans, de 5 ans, pas de deux ans, la durée de cotisation. Pourquoi ? Parce que si prenez un Bac plus 5...
J.-B. Prévost : B. Apparu, cest moi qui vais payer votre retraite, jai quand même le droit à une retraite en retour non ?
B. Apparu : Cest bien pour ça quon fait la réforme.
J.-B. Prévost : Cest moi qui vais cotiser pendant 40 ans pour votre pension à vous.
B. Apparu : Si on veut éviter que vous payiez deux fois, cest-à-dire que vous payez...
J.-B. Prévost : Mais là je paie deux fois : je nai pas de boulot en début de carrière et jen aurai encore moins avec votre réforme, et je nai pas de retraite demain...
B. Apparu : Si vous voulez me laisser finir un instant, en réalité la proposition qui est faite cest quoi ? Cest quaujourdhui si on nous dit on prend les années détudes en compte, eh bien on va prendre 5 années détudes en compte pour les étudiants.
Cest 5 années détudes en moyenne ?
B. Apparu : Non, ce nest pas 5 années détudes en moyenne mais pour ceux qui seront à bac + 5...
Vous jouez à faire peur.
B. Apparu : Non, non, je ne joue pas à faire pas peur. Comme lobjectif de la France cest davoir 50 % dune génération diplômés de lenseignement supérieur, ça veut dire que nous souhaitons dans cette proposition là, si jentends bien, réduire de fait lâge de la retraite de trois ans, ça ne me paraît pas franchement lidée la plus...
Daccord pour vous ce nest pas finançable. On va aller...
B. Apparu : Pas finançable, impossible tout simplement.
On va au standard de France Inter, deux interventions dauditeurs, lune que je signale dans ma voix parce que lauditeur nest pas au téléphone, Pierre de Courbevoie qui nous dit « je trouve ça très bien que les jeunes sengagent dans la lutte, cest un premier pas dans leur devoir de citoyens. Je trouve incompréhensible que lon ose les accuser et les critiquer par rapport à leur engagement. » A linverse, Yves qui nous appelle de Trébeurden, bonjour Yves.
Yves : Oui bonjour à tous, merci de me recevoir dans votre émission. Je vous appelle de Trébeurden dans les Côte dArmor. Oui je dénonce les pratiques fascistes des lycéens et des étudiants.
Fasciste ! On va peut-être éviter fasciste Yves.
Yves : Je rappelle la loi à J.-B. Prévost, qui semble lignorer : étudiants et lycéens disposent du droit de manifester bien sûr, mais il leur est interdit dempêcher les autres élèves et étudiants dentrer dans létablissement, même après une AG ayant soit disant voté le blocage, dincendier des poubelles ou de sopposer physiquement à ceux, CRS, parents, proviseurs, président duniversité qui tentent de démonter leurs barricades. J.-B. Prévost, vous voulez organiser la chienlit dans le pays, je vous le rappelle, vos pratiques sont des pratiques fascistes, dans la mesure où le fascisme dans sa définition élémentaire est limposition de sa propre loi par la violence et la barbarie.
Bon ! Et bien voilà, le fascisme a fait irruption dans le débat. Merci Yves pour cette intervention. J.-B. Prévost, au moins sinon sur le fascisme au moins sur les méthodes de blocage des établissements, que ce soit des lycées ou des universités, cest-à-dire le fait pour une minorité dempêcher la majorité détudier.
J.-B. Prévost : Je constate que très majoritairement les étudiants dans les universités, lorsquils votent le blocage dans des assemblées générales importantes, cest uniquement aujourdhui les jours de manifestations. Ils votent comme un seul lhomme le lendemain le déblocage de létablissement. Pourquoi ? Les étudiants ont bien compris que cette mobilisation elle se menait aux côtés des salariés...
Ce qui nétait pas le cas dans les lycées.
J.-B. Prévost : Non mais le ministère de lEducation nationale, lorsquil communiquait sur les chiffres de lycées bloqués, indiquait à chaque fois quils étaient débloqués à 11h30. Donc moi à lUNEF, moi ce à quoi jappelle, ce nest pas à bloquer les établissements, cest à ce que les jeunes se mettent en mouvement aux côtés des salariés et je préfère par exemple, des opérations de barrages filtrants qui permettent à tous dêtre informés, de se mobiliser et également à ceux qui veulent aller en cours dy aller. Mais je crois quaujourdhui la situation de blocage, si on en parle très sérieusement cest quoi ? Cest lattitude du Gouvernement : vote « bloqué » au Sénat, bloqué comme blocage. Ce nest pas moi qui linvente. Quand on ferme les portes au dialogue de cette manière-là, depuis le début de cette crise, il y a un moment donné il ne faut pas sétonner quon ait effectivement une crise de nerfs dans le pays et cest aujourdhui ce à quoi a poussé le Gouvernement. Moi je pense que maintenant, malheureusement, nous navons pas dautres choix que de continuer.
B. Apparu ?
B. Apparu : Moi le sens de la nuance de lUNEF mimpressionnera toujours dans ce que lon vient tentendre à linstant. Que vous dire ? Le blocage, évidemment, le Gouvernement est totalement opposé à toutes les formes de blocages...
J.-B. Prévost : Sauf le vote bloqué au Sénat.
B. Apparu : Ce nest pas un vote bloqué cest un vote unique. Cest un vote unique, si vous voulez bien vous en rappeler, après je crois 130 heures de débats et trois semaines de débats...
J.-B. Prévost : Et pas beaucoup de négociations.
B. Apparu : Non mais là encore, je suis désolé de vous dire, au Sénat ou à lAssemblée ce ne sont pas des lieux de négociations...La négociation elle a eu lieu avant...
J.-B. Prévost : La démocratie politique ne peut pas ignorer la démocratie sociale.
B. Apparu : Mais personne ne vous dit le contraire, cest bien pour ça...
J.-B. Prévost : Moi en tant que responsable de lUNEF, jai demandé à être reçu par le ministre du travail, jamais je nai été reçu.
B. Apparu : Cest bien pour ça que nous avons fait les deux, que dans un premier temps, il y a eu le principe de la démocratie sociale pendant trois mois de négociations avec les partenaires sociaux. Il se trouve quon na pas trouvé daccord avec les partenaires sociaux, ça arrive, ce nest pas le drame du siècle et à partir de ce moment là, la démocratie politique a pris la suite, et jusquà preuve du contraire en France, cest la démocratie politique qui lemporte à terme. Je voudrais revenir sur un point qui a été évoqué tout à lheure...
Sur les blocages simplement, répondre sur les blocages.
B. Apparu : Sur les blocages, vous dire tout simplement que bien évidemment je suis fondamentalement opposé aux blocages. Le principe même du blocage est par essence anti démocratique.
Donc on fait grève, on ne va pas aux cours, on vote avec ses pieds mais on ne bloque pas, on ninterdit pas lentrée des établissements.
B. Apparu : On fait grève, cest compréhensible.
J.-B. Prévost : Mais cest nouveau ça, vous nous avez expliqué quon nallait pas dans la rue.
B. Apparu : Mais personne ne vous a dit ça, je suis désolé, personne ne vous a dit ça.
J.-B. Prévost : N. Morano me la dit.
B. Apparu : Non. Peut-être quil y en a un ou deux qui vous lont dit, mais personne, vous navez pas eu une expression gouvernementale disant : non ce nest pas normal que les jeunes descendent dans la rue.
On pourrait le trouver B. Apparu.
B. Apparu : Mais non.
Au tout début du mouvement ça peut se retrouver.
B. Apparu : Non, je suis désolé, quau tout début du mouvement on ait rappelé quil y avait effectivement potentiellement -et on la malheureusement vu encore ces dernières semaines - des problèmes de sécurité pour les jeunes, quon ait rappelé...
J.-B. Prévost : Parlons-en de ça, parlons en des forces de lordre dans les manifestations.
Alors justement jai une question là-dessus, cest Eric qui nous appelle de Fayence dans le Var, Eric est-il là bonsoir.
Eric : Bonjour. Oui je suis là. Avant tout je voulais rappeler quand même aux gens qui critiquent par rapport au mouvement que ce soit la Sécu, la retraite, les congés payés, sil ny avait pas eu des gens qui fassent des luttes dans la rue, qui sengagent véritablement, qui fassent des blocages, jamais le patronat, jamais le Gouvernement naurait accordé aucuns droits sociaux. Cest à chaque fois grâce à des luttes quon a obtenu ce quon a obtenu. Alors que maintenant des gens descendent dans la rue, dautres générations pour les défendre, ça me semble moi, plutôt sain pour une démocratie. Ma question, elle se pose par rapport au président de lUNEF. Jaurais voulu savoir ce quil pensait de la présence de la police dans les manifs, parce que jai été assez surpris moi, de voir des gens qui étaient apparemment des manifestants, sortir des brassards de policiers. Jai été assez surpris de voir des vidéos où on voit clairement que les policiers en civil protègent des casseurs pour détruire lambiance de la manifestation. Et jai été particulièrement choqué moi qui ait 50 ans et qui ai deux gamins de 25 ans qui sont dans les manifs, de voir ce qui sest passé sur la place Belle-cour, on nen a pas beaucoup parlé, mais où on a enfermé 500 jeunes sur une place pour après les matraquer, leur balancer des gaz lacrymogènes. Je vous jure que jai 50 ans, je ne suis pas violent de nature, mais jai été révolté par lattitude de la police.
Eric merci pour cet appel, J.-B. Prévost, président de lUNEF ?
J.-B. Prévost : Ecoutez, je crois quil faut que le Gouvernement sexplique, moi jexige des explications du ministre de lIntérieur sur les consignes qui auraient été données aux forces de lordre pour faire monter la pression et la tension à légard des jeunes. Ce nest pas normal dutiliser des flash-ball face à des lycéens de 16 ans. Ce ne sont pas des incidents isolés, cest une simultanéité de problèmes. Donc moi je ne rentrerai pas dans le piège de la peur, je constate dailleurs que tout a été fait pour montrer les images de la place Belle-cour, les 300 personnes avec des hélicoptères au-dessus et les forces de lordre autour, il y a des problèmes quil faut condamner, et je constate que ça, ça a fait la une des JT. Le même jour, nous organisions une manifestation avec 17 000 jeunes, lycéens et étudiants à Paris, on en a un peu sur 36 25/10/2010 12:59 moins parlé, sans aucun incident. Donc je demande aujourdhui des explications et je me pose de très sérieuses questions sur la stratégie du Gouvernement qui a consisté dans un premier temps à dire aux jeunes « vous navez pas à être dans la rue », et dans un second temps à dire, comme vient de le répéter B. Apparu : « de toute façon, il y a des problèmes de sécurité, et ce sont des casseurs ». Moi je ne rentrerais pas dans le piège de la peur et jappelle les jeunes qui sont en colère, qui sexpriment de toutes les manières et je condamne un certain nombre dactes notamment brûler une voiture, un abri bus, ça ne sert pas le mouvement, à sengager et à faire preuve de responsabilité, à être plus malin que le pouvoir, pour la suite du mouvement.
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire quand vous dites que le Gouvernement fait monter la pression.
B. Apparu : Il est en train de dire grosso modo que les journalistes sont à la botte du Gouvernement.
J.-B. Prévost : Non, je suis en train de dire...
Quand vous dites que la police et le Gouvernement ont fait monter la pression, ça veut dire quoi, ça veut dire que cest eux qui ont provoqué la casse ?
J.-B. Prévost : Ecoutez je constate que par exemple dans les lycées à Lille qui ont été bloqués, il y avait dix lycées bloqués, les cinq lycées de centre ville, il ny a eu aucun problème, les cinq lycées de Lille Sud, les forces de lordre étaient là en uniforme et sont intervenus dès le matin, dans les lycées jugés plutôt chauds. Je constate quà Caen, il y a eu un tir tendu de gaz lacrymogène dans la tête dun jeune qui a été blessé. Le même jour, je constate quà Paris, à Montreuil, il y a eu un jeune qui a failli perdre un oeil, donc je me dis juste quil ny a pas eu un incident isolé, mais très tôt dans la mobilisation, une simultanéité de problèmes et je constate également que B. Hortefeux a dit quil fallait désormais faire usage modéré de la force...
B. Apparu : Ah ! Ca devient légèrement contradictoire.
J.-B. Prévost : ... Est-ce que ça sous entend que jusquà présent ce nétait pas le cas ?
B. Apparu : Ca devient légèrement contradictoire.
J.-B. Prévost : ...Donc le Gouvernement doit aujourdhui sexpliquer sur les relations entre les forces de lordre et les jeunes.
Eh bien il est en face de vous le Gouvernement. B. Apparu ?
B. Apparu : Jaimerais bien que lUNEF nous explique plus précisément et plus clairement ce que lon vient dentendre. Si jai bien entendu, ce quon vient de nous évoquer par exemple sur la place Belle-cour et sur Lyon avec les hélicoptères, les images diffusées aux 20 heures, alors que de leur côté ils faisaient une grande manifestation pacifique. Donc si je comprends bien, cest le Gouvernement qui décide, cest ce que jai entendu...
J.-B. Prévost : Non. Je me pose des questions.
B. Apparu : Vous vous posez des questions, peu importe, à ce moment-là justement cest pour cela que je vous la pose de façon plus clairement. Je vous demande la chose suivante : est-ce que oui ou non, vous venez de nous dire que cest le Gouvernement qui maîtrise les 20h00 et qui organise la diffusion de vidéos ? Je trouve que ce quon vient de dire là est quand même juste une caricature intégrale de la réalité des choses.
J.-B. Prévost : Juste un exemple, B. Apparu, vous connaissez bien lhistoire, je constate que quand le pouvoir veut éviter des incidents, il sait sorganiser. En 2006, jétais à lUNEF, le ministre de lIntérieur de lépoque qui sappelait N. Sarkozy je crois, avait réuni à deux reprises les services dordre des organisations de jeunesse et des syndicats de salariés pour éviter les incidents dans les manifestations de jeunes.
Cétait le mouvement anti CPE.
J.-B. Prévost : Je constate que ça na toujours pas été le cas, donc je me pose aujourdhui des questions et je demande au Gouvernement des explications.
B. Apparu : Donc si je comprends bien, le deuxième point qui a été évoqué à linstant, après linstrumentalisation, si jai bien compris des médias, le deuxième point, grosso modo ce que nous a dit J.-L. Mélenchon, il y a quelques jours dans une caricature totalement délirante : bien évidemment le gouvernement protège les casseurs, cest ce que jai cru comprendre...
J.-B. Prévost : Je nai pas dit ça moi. B. Apparu : Ce nest pas très loin.
Très vite, une question de J.-F. Achilli.
J.-F. Achilli : Justement, J.-L. Mélenchon parle très précisément de personnes infiltrées, je le cite, « qui jettent des pierres, brisent des vitrines et ensuite sortent des brassards de police ». Il cite des témoignages. Vrai ou faux ?
B. Apparu : Totalement faux et totalement délirant. Je sais bien quà chaque fois quon a des manifestations en France, forcément cest le pouvoir qui instrumentalise, cest le pouvoir qui organise les casseurs, et qui bien évidemment maîtrise les médias, tout ça dans un grand jeu de rôles que je trouve, voilà.... Que vous dire de plus ? Cest débile tout simplement, cest absurde, ça na aucun sens. Et là encore, ce côté totalement manichéen, « nous manifestants, on est totalement blancs et totalement gentils » et « ce gouvernement est totalement noir, instrumentalise les casseurs, organise les JT » et dans quelques secondes on va nous dire bien évidemment quon veut remettre tous les petits enfants au travail, arrêtons ce manichéisme totalement absurde.
Merci B. Apparu, merci J.-B. Prévost, président de lUNEF.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 8 novembre 2010