Texte intégral
Mesdames et Messieurs, bonjour. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Je vais repartir pour la France et je vous salue tous. Nous nous connaissons depuis longtemps, pour certains d'entre vous, et vous ne vous étonnerez pas que je sois venu au Liban parce que c'est un pays que j'aime, et c'est un pays dont j'aime tous les habitants, de toutes les communautés et de toutes les régions du Liban.
Je suis venu porter le message, le message que la France est aux côtés du peuple libanais et de la légalité libanaise. Je suis venu écouter tous les Libanais représentés dans les partis. J'ai entendu tout le monde. J'ai passé des heures avec eux. Et je suis très impressionné par ce que j'ai entendu. Au-delà de la rumeur et des inquiétudes, mes interlocuteurs m'ont livré des analyses précises, des analyses fondées, et finalement toutes ces précisions, toutes ces analyses, sont la preuve de l'existence et de la force d'un pays, le Liban.
J'ai rencontré, bien sûr, tous les responsables, mais j'en avais vu certains récemment, le président Sleiman par exemple. Avec le président Nicolas Sarkozy qui m'a envoyé ici, nous nous étions entretenus longuement avec Michel Sleiman à Montreux. Nous avons vu plus récemment encore, à Paris, le président de l'Assemblée nationale Nabih Berry. Nous nous sommes entretenus à Paris ; nous ne l'avons pas fait ici parce qu'il se trouvait dans le Sud. Ce n'était donc pas possible mais j'étais avec son frère, Mahmoud Berry, pour un déjeuner de travail et je connais sa position. J'ai rencontré le Premier ministre Saad Hariri ; je lui ai remis une lettre du président Sarkozy qui l'invite à Paris. Et puis j'ai rencontré tous les représentants des partis.
Qu'est-ce que je conclus de tout cela ? Qu'il faut soutenir, être aux côtés - comme la France s'y est toujours employée - de l'Etat libanais dans toutes ses composantes. Etre à ses côtés quoi qu'il arrive et je pense qu'il n'arrivera rien de très fâcheux. Je connais l'attitude des uns et des autres face à ce qui a été - je vous le rappelle - une décision de la communauté internationale dans son ensemble, je veux parler de la création du Tribunal spécial pour le Liban.
Après l'assassinat du Premier ministre, M. Rafic Hariri, la communauté internationale - les Libanais d'abord - a décidé de la création de ce Tribunal spécial pour le Liban. C'est ainsi que la justice internationale se manifeste. Elle s'est, de mon point de vue, selon mon expérience, manifesté dans les mêmes conditions dans les Balkans, en Afrique, avec parfois des difficultés politiques et des incompréhensions. Dans les Balkans, c'était au coeur de l'Europe, Mesdames et Messieurs. Et nous avons accepté le fonctionnement de cette justice. Que les Français, qui n'étaient pas directement impliqués l'aient accepté, que les Anglais l'aient accepté, que les Espagnols l'aient accepté, que tout le monde l'ait accepté, cela n'est pas étonnant. Ce qui est difficile, en ce moment, c'est de l'accepter pour soi-même dans son propre pays. Pourtant, tout le monde voulait savoir quel était la réalité et la vérité sur l'assassinat du Premier ministre libanais, M. Rafic Hariri.
Je sais que certains sont plus inquiets que d'autres. Je sais qu'il faut beaucoup expliquer, mais je suis venu ici, devant vous, affirmer que la France se trouve aux côtés des Libanais, et soutient la marche en avant du Tribunal spécial pour le Liban, pour le bénéfice de tous les Libanais, parce qu'il ne peut y avoir d'impunité. Aucune communauté particulière n'est visée. Je ne connais pas l'acte d'accusation, je ne l'ai jamais lu, je n'en sais rien. Il en va toujours ainsi de la justice internationale. Elle avance, personne ne peut l'influencer ; je le sais d'expérience.
Voilà Mesdames et Messieurs, c'était difficile à dire mais nécessaire. La France n'abandonne pas. Denis Pietton, notre ambassadeur de France fait un travail formidable, voit tout le monde, nous informe bien sûr. J'ai voulu à nouveau ressentir cette atmosphère très particulière du Liban : comprendre les inquiétudes, tenter d'y palier, à notre mesure. Nous avons accompagné le Liban depuis le début et ce n'est pas fini. Nous continuerons.
Si vous voulez me poser des questions particulières, j'y répondrai avec le plus de précision possible. Mais attention, je ne vais pas m'occuper des affaires intérieures du Liban ; il y a en assez du Tribunal comme cela. La France soutient ce Tribunal comme elle soutient le Liban de façon indéfectible. Nous sommes des amis et nous avons des sentiments pour chacun des Libanais qui sont très différents de ce que nous avons avec les autres pays.
Q - Le Hezbollah veut boycotter le TSL, qu'il accuse d'être politisé. Que répondez-vous à cela ?
R - Madame, c'est une très mauvaise question. Vous attendez-vous à ce que je réponde à cela ? Le Tribunal international représente les Nations unies et la justice internationale - qui est une jeune réalité. Et je peux vous en garantir, par l'expérience acquise dans d'autres circonstances - je l'ai dit en Afrique, au Kossovo, en Bosnie -, l'impartialité, dans la mesure où un Tribunal peut être impartial, tribunaux nationaux, comme tribunaux internationaux.
Oui, je pense que c'est une mauvaise question, parce qu'il n'est pas question de partialité dans cette démarche. Encore une fois, dans cette démarche, nous ne connaissons ni les résultats ni l'acte d'accusation. Personne ne peut nous accuser pour le moment, ni vous ni moi, de connaître quelque chose de précis. Attendons. Je ne sais pas quand cet acte sera rendu public, mais je crois que raisonnablement et de façon très tranquille, il faut l'attendre. Et puis nous verrons bien. Nous verrons bien, rien n'est fait. Pourquoi cette inquiétude ? Est-ce que vous êtes contre la recherche des assassins du Premier ministre ? Personne n'était contre, pourquoi le seriez vous maintenant ? Je ne sais pas ce qu'il y a dans cet acte d'accusation, attendons.
Q - On évoque des manifestations et des protestations populaires organisées par le «8 mars» après l'acte d'accusation. Etes-vous inquiet ?
R - Je ne le souhaite pas. J'entends les protestations, j'entends les mises en garde. Je ne comprends pas pourquoi une communauté plus qu'une autre serait désignée par le Tribunal dans un acte d'accusation que nous ne connaissons pas. Pour protester contre des preuves alléguées, il faut qu'elles soient alléguées. Il faut les connaître, attendons de les connaître. Je n'en sais rien mais ce que je dis, c'est que j'ai eu cette expérience très souvent et, à terme, on s'aperçoit que dans les pires circonstances la justice en passant fait du bien à tous et à la société surtout qui en a besoin. Ce serait la négation de l'Etat libanais que de se détruire soi-même avant même de savoir de quoi il s'agit. Et j'ai confiance dans l'Etat libanais.
Q - Pourquoi comparez-vous le Liban au Kosovo et au Rwanda ? Les situations sont très différentes.
R - Je ne compare pas les crimes commis. Mais je pense qu'en effet c'était dur pour les Serbes. Oui, je crois qu'en effet il était très dur d'accepter l'idée d'un Tribunal international ; c'était encore pire que vous ne le pensez. C'était non seulement dur de l'accepter, mais aussi d'y participer. Madame, pas de compétition d'horreur ; les guerres se ressemblent, elles sont effrayantes. Arrêtons.
Q - Pourquoi la France soutient-elle le TSL alors qu'il va semer la zizanie au Liban ?
R - Madame, je ne comprends pas votre question. La France ne le sait pas et la France n'est pas seule, il y a la communauté internationale dans son entier. Il y a des gens qui se sont abstenus, mais personne a voté contre, n'est-ce pas ? Et que je sache, le Liban a non seulement approuvé, mais était à l'initiative de cette idée parce que les Libanais étaient horrifiés par ce qui s'était passé dans les rues de Beyrouth au moment de l'assassinat de Rafic Hariri. La France n'est pas seule, au contraire, il y a toute la communauté internationale représentée aux Nations unies. Et puis il y a d'autres tribunaux spéciaux, pour le Rwanda, pour l'ex-Yougoslavie, il y a la Cour pénale internationale. Beaucoup de gens sont dans cette situation, de nombreux pays aussi.
La France aime le Liban, je l'ai dit. La France soutient le Liban dans son unité et dans toutes ses composantes. Les partis que j'ai rencontrés, de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud, font tous partie de ce Liban que nous soutenons, que nous aimons, aux côtés duquel nous voulons nous trouver. Et vous verrez, cela se passera bien.
Q - Etes-vous venu avec une solution ou une initiative pour sortir de cette crise ?
R - Mais Madame, des crises politiques, j'en ai connu de pires dans votre pays. Il y a eu depuis des élections ; il y a un gouvernement, un président. Il n'y a pas longtemps dans cette salle, nous nous lamentions, les uns et les autres, parce qu'il n'y avait pas eu d'élections et qu'il n'y avait ni président, ni gouvernement. Tout cela est derrière nous; c'est un progrès considérable. Vous êtes toujours dans l'inquiétude et - pardonnez-moi, avec tout le respect que j'ai pour vous - dans le négatif. Mais ce n'est pas négatif la justice, ce n'est pas négatif de considérer que l'Etat sortira plus fort, ce n'est pas négatif de prendre des exemples, comme je les ai pris. Au contraire, dans tous les pays dont j'ai parlé, l'Etat et sorti plus fort. Il y a, au-dessus ou à côté - vous n'allez pas m'accuser d'être excessif -, des lois d'un pays, les droits de l'Homme et la communauté internationale qui maintenant intervient. Ce n'est pas toujours fait adroitement - je le sais, j'ai éprouvé ce sentiment -, mais c'est une justice dont tout le monde se félicite après, je vous assure. Nous verrons bien. Voilà, on va pouvoir considérer, discuter et ne pas être dans l'inquiétude permanente. Je ne sais pas du tout si ces actes d'accusation vont être proposés demain, après demain, dans trois mois, je n'en sais rien.
Q - Quel message vous a transmis le Hezbollah ?
R - Je crois que les responsables du Hezbollah pensent qu'ils seront davantage visés que d'autres. Je connais bien sûr la place du Hezbollah dans la vie publique libanaise, et leurs éventuelles préoccupations à l'égard des conséquences du processus en cours. Mais je connais aussi la population et les Libanais autour du Hezbollah, et je crois que la communauté internationale est en train de leur offrir un grand espoir. Vous savez que j'ai été le premier à inviter le Hezbollah en France, à la Celle Saint-Cloud où nous nous sommes entretenus tous ensemble. Si c'est possible et nécessaire, nous pourrons recommencer avec l'ensemble des parties.
Q - On parle d'un remaniement ministériel en France. Serez-vous concerné ?
R - Je n'arrête pas d'y penser.
Q - Y aura-t-il une autre réunion «Celle Saint-Cloud 2» en France ?
R - Ecoutez Madame, je suis prêt. Je ne suis pas venu pour leur proposer un autre week-end de travail en France mais je suis prêt ; oui pourquoi pas ? Si c'était utile, bien sûr.
Q - Monsieur le Ministre, avez-vous peur pour l'avenir du Liban ?
R - Oh, vous savez, j'ai souvent eu peur pour l'avenir du Liban. J'ai souvent constaté l'extrême violence et les terribles désarrois des Libanais emportés par des années de confrontations dans tout le pays. Et puis à chaque fois, le Liban s'en est sorti. A chaque fois son existence a été renforcée. Et très honnêtement, il faut demander aussi à notre ambassadeur ce qu'il en pense, moi je ne suis pas là tous les jours même si, en pensée je suis souvent là. A chaque fois, j'ai compris que le Liban, sa personnalité politique, sa légalité s'en sortait. Oui je crois à l'avenir du Liban. Parfois j'ai des inquiétudes. En ce moment j'en ai quelques unes. Mais j'ai connu d'autres crises plus graves encore.
Q - (inaudible)
R - Mais nous soutenons non seulement la démarche, mais le Tribunal. Nous participons, comme beaucoup d'autres, à son financement.
Q - Vous avez invité le général Aoun à venir en France. Pourquoi n'avez-vous pas invité Samir Geagea, si vous considérez que vous êtes à égale distance de tous les partis ? Et convaincu le général Aoun de quitter l'autre camp, de soutenir le TSL ?
R - Nous recevrons, le président de la République l'a dit, tous les responsables des principaux partis libanais ici en France, pas seulement le Général Aoun. C'est très clair. Mais j'ai vu ici Samir Geagea et j'ai vu d'autres chefs de partis.
Q - Pourquoi ne pas reprendre le travail engagé à La Celle Saint-Cloud ?
R - Ce n'est pas la même situation. Il y a trois ans, nous n'avions ni gouvernement, ni élections - je vous l'ai dit -, ni président. Il y avait un premier ministre, Fouad Siniora, bien sûr. C'était le prolongement de quelque chose qui n'existait plus puisque les ministres ne se réunissaient plus. Maintenant, c'est complètement différent. Il y a eu des élections qui ont permis de désigner un président et un Premier ministre à la République libanaise, et des ministres qui se sont réunis la semaine dernière et continueront de le faire. Je ne veux pas me mêler des équilibres politiques, c'est pour cela que je dis tout simplement qu'aucune communauté n'est visée, aucune région du pays spécialement. Cela j'en suis sûr. A entendre certains, on a l'impression, si vous voulez, que la communauté internationale viendrait violer une souveraineté. C'est le contraire. L'expression de cette souveraineté s'était manifestée avant la création du Tribunal, n'est-ce pas ? Et puis il y a eu une enquête internationale, et puis il y a eu ce vote du Conseil de sécurité qui a crée ce Tribunal spécial pour le Liban. Maintenant c'est l'affaire de ce Tribunal, et je vous assure que nous n'avons absolument aucun moyen de l'influencer.
Q - (inaudible)
R - Vous pouvez négliger le fait que l'on assassine un Premier ministre. Moi je ne le néglige pas. Il est capital pour l'équilibre du Liban que ce genre de crime ne soit pas impuni.
Q - (inaudible)
R - Mais je ne me sentais pas accusé, je me sens réagir comme un Libanais. Bon à propos de réagir comme un Libanais, il y a une réaction qui m'a fait de la peine, c'est celle de la presse, et puis il y a une réaction qui m'a fait plaisir, c'est celle de Nabih Berry. Nabih Berry et moi nous connaissons depuis 1976 et même si je ne m'abuse 1973, depuis la création du comité des déshérités. Je connais Nabih Berry très bien, c'est mon ami. Pourquoi nous serions-nous disputés ? Pourquoi cette rencontre aurait-elle été orageuse ? Mais pourquoi grand Dieu ? C'est entièrement faux. Pourquoi inventer cela ? Donc mon ami Nabih Berry, par l'intermédiaire en plus de son frère, Mahmoud que j'ai vu à Beyrouth m'a demandé de rectifier.
Q - (inaudible)
R - Hier, au-delà des consultations, ce qui s'est passé d'intéressant au Conseil de sécurité ce sont les déclarations des membres du Conseil qui ont tous marqué leur soutien au Tribunal spécial pour le Liban. Nous ne pouvons pas avoir voté la création du tribunal, et aujourd'hui, voter contre nous-mêmes. Nous ne pouvons pas être parjures. C'est moi qui ai fait le discours, sur la création à Rome de la Cour pénale internationale je l'ai fait au nom de la France. Comment voulez-vous que je me prononce ensuite contre ma propre parole et la parole de mon pays ? Je suis ministre des Affaires étrangères et européennes. Je respecte la parole de la France, c'est tellement évident. Vous allez voir, je vous le dis avec une amitié profonde et parfois un peu colérique, un peu libanaise, je vous le dit, cela va se passer beaucoup mieux que vous ne le pensez.
Q - Si le Liban annule au Parlement toute coopération avec le TSL...
R - Je suis désolé, je ne veux pas entrer dans les détails, ce n'est pas possible, pas possible tout simplement. Le Tribunal international agit au nom de la communauté internationale. La communauté internationale, à propos d'autres tribunaux qui visaient d'autres pays, a, bien sûr, eu à faire face à des réactions, des réticences et des rejets, mais je crois qu'elle a fait son travail, de manière très positive. Je continue à trouver que cet épisode-là va être dépassé très vite, et pour le bénéfice, pour le meilleur de la légalité libanaise, de son existence et de sa marche en avant. Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010
Je suis venu porter le message, le message que la France est aux côtés du peuple libanais et de la légalité libanaise. Je suis venu écouter tous les Libanais représentés dans les partis. J'ai entendu tout le monde. J'ai passé des heures avec eux. Et je suis très impressionné par ce que j'ai entendu. Au-delà de la rumeur et des inquiétudes, mes interlocuteurs m'ont livré des analyses précises, des analyses fondées, et finalement toutes ces précisions, toutes ces analyses, sont la preuve de l'existence et de la force d'un pays, le Liban.
J'ai rencontré, bien sûr, tous les responsables, mais j'en avais vu certains récemment, le président Sleiman par exemple. Avec le président Nicolas Sarkozy qui m'a envoyé ici, nous nous étions entretenus longuement avec Michel Sleiman à Montreux. Nous avons vu plus récemment encore, à Paris, le président de l'Assemblée nationale Nabih Berry. Nous nous sommes entretenus à Paris ; nous ne l'avons pas fait ici parce qu'il se trouvait dans le Sud. Ce n'était donc pas possible mais j'étais avec son frère, Mahmoud Berry, pour un déjeuner de travail et je connais sa position. J'ai rencontré le Premier ministre Saad Hariri ; je lui ai remis une lettre du président Sarkozy qui l'invite à Paris. Et puis j'ai rencontré tous les représentants des partis.
Qu'est-ce que je conclus de tout cela ? Qu'il faut soutenir, être aux côtés - comme la France s'y est toujours employée - de l'Etat libanais dans toutes ses composantes. Etre à ses côtés quoi qu'il arrive et je pense qu'il n'arrivera rien de très fâcheux. Je connais l'attitude des uns et des autres face à ce qui a été - je vous le rappelle - une décision de la communauté internationale dans son ensemble, je veux parler de la création du Tribunal spécial pour le Liban.
Après l'assassinat du Premier ministre, M. Rafic Hariri, la communauté internationale - les Libanais d'abord - a décidé de la création de ce Tribunal spécial pour le Liban. C'est ainsi que la justice internationale se manifeste. Elle s'est, de mon point de vue, selon mon expérience, manifesté dans les mêmes conditions dans les Balkans, en Afrique, avec parfois des difficultés politiques et des incompréhensions. Dans les Balkans, c'était au coeur de l'Europe, Mesdames et Messieurs. Et nous avons accepté le fonctionnement de cette justice. Que les Français, qui n'étaient pas directement impliqués l'aient accepté, que les Anglais l'aient accepté, que les Espagnols l'aient accepté, que tout le monde l'ait accepté, cela n'est pas étonnant. Ce qui est difficile, en ce moment, c'est de l'accepter pour soi-même dans son propre pays. Pourtant, tout le monde voulait savoir quel était la réalité et la vérité sur l'assassinat du Premier ministre libanais, M. Rafic Hariri.
Je sais que certains sont plus inquiets que d'autres. Je sais qu'il faut beaucoup expliquer, mais je suis venu ici, devant vous, affirmer que la France se trouve aux côtés des Libanais, et soutient la marche en avant du Tribunal spécial pour le Liban, pour le bénéfice de tous les Libanais, parce qu'il ne peut y avoir d'impunité. Aucune communauté particulière n'est visée. Je ne connais pas l'acte d'accusation, je ne l'ai jamais lu, je n'en sais rien. Il en va toujours ainsi de la justice internationale. Elle avance, personne ne peut l'influencer ; je le sais d'expérience.
Voilà Mesdames et Messieurs, c'était difficile à dire mais nécessaire. La France n'abandonne pas. Denis Pietton, notre ambassadeur de France fait un travail formidable, voit tout le monde, nous informe bien sûr. J'ai voulu à nouveau ressentir cette atmosphère très particulière du Liban : comprendre les inquiétudes, tenter d'y palier, à notre mesure. Nous avons accompagné le Liban depuis le début et ce n'est pas fini. Nous continuerons.
Si vous voulez me poser des questions particulières, j'y répondrai avec le plus de précision possible. Mais attention, je ne vais pas m'occuper des affaires intérieures du Liban ; il y a en assez du Tribunal comme cela. La France soutient ce Tribunal comme elle soutient le Liban de façon indéfectible. Nous sommes des amis et nous avons des sentiments pour chacun des Libanais qui sont très différents de ce que nous avons avec les autres pays.
Q - Le Hezbollah veut boycotter le TSL, qu'il accuse d'être politisé. Que répondez-vous à cela ?
R - Madame, c'est une très mauvaise question. Vous attendez-vous à ce que je réponde à cela ? Le Tribunal international représente les Nations unies et la justice internationale - qui est une jeune réalité. Et je peux vous en garantir, par l'expérience acquise dans d'autres circonstances - je l'ai dit en Afrique, au Kossovo, en Bosnie -, l'impartialité, dans la mesure où un Tribunal peut être impartial, tribunaux nationaux, comme tribunaux internationaux.
Oui, je pense que c'est une mauvaise question, parce qu'il n'est pas question de partialité dans cette démarche. Encore une fois, dans cette démarche, nous ne connaissons ni les résultats ni l'acte d'accusation. Personne ne peut nous accuser pour le moment, ni vous ni moi, de connaître quelque chose de précis. Attendons. Je ne sais pas quand cet acte sera rendu public, mais je crois que raisonnablement et de façon très tranquille, il faut l'attendre. Et puis nous verrons bien. Nous verrons bien, rien n'est fait. Pourquoi cette inquiétude ? Est-ce que vous êtes contre la recherche des assassins du Premier ministre ? Personne n'était contre, pourquoi le seriez vous maintenant ? Je ne sais pas ce qu'il y a dans cet acte d'accusation, attendons.
Q - On évoque des manifestations et des protestations populaires organisées par le «8 mars» après l'acte d'accusation. Etes-vous inquiet ?
R - Je ne le souhaite pas. J'entends les protestations, j'entends les mises en garde. Je ne comprends pas pourquoi une communauté plus qu'une autre serait désignée par le Tribunal dans un acte d'accusation que nous ne connaissons pas. Pour protester contre des preuves alléguées, il faut qu'elles soient alléguées. Il faut les connaître, attendons de les connaître. Je n'en sais rien mais ce que je dis, c'est que j'ai eu cette expérience très souvent et, à terme, on s'aperçoit que dans les pires circonstances la justice en passant fait du bien à tous et à la société surtout qui en a besoin. Ce serait la négation de l'Etat libanais que de se détruire soi-même avant même de savoir de quoi il s'agit. Et j'ai confiance dans l'Etat libanais.
Q - Pourquoi comparez-vous le Liban au Kosovo et au Rwanda ? Les situations sont très différentes.
R - Je ne compare pas les crimes commis. Mais je pense qu'en effet c'était dur pour les Serbes. Oui, je crois qu'en effet il était très dur d'accepter l'idée d'un Tribunal international ; c'était encore pire que vous ne le pensez. C'était non seulement dur de l'accepter, mais aussi d'y participer. Madame, pas de compétition d'horreur ; les guerres se ressemblent, elles sont effrayantes. Arrêtons.
Q - Pourquoi la France soutient-elle le TSL alors qu'il va semer la zizanie au Liban ?
R - Madame, je ne comprends pas votre question. La France ne le sait pas et la France n'est pas seule, il y a la communauté internationale dans son entier. Il y a des gens qui se sont abstenus, mais personne a voté contre, n'est-ce pas ? Et que je sache, le Liban a non seulement approuvé, mais était à l'initiative de cette idée parce que les Libanais étaient horrifiés par ce qui s'était passé dans les rues de Beyrouth au moment de l'assassinat de Rafic Hariri. La France n'est pas seule, au contraire, il y a toute la communauté internationale représentée aux Nations unies. Et puis il y a d'autres tribunaux spéciaux, pour le Rwanda, pour l'ex-Yougoslavie, il y a la Cour pénale internationale. Beaucoup de gens sont dans cette situation, de nombreux pays aussi.
La France aime le Liban, je l'ai dit. La France soutient le Liban dans son unité et dans toutes ses composantes. Les partis que j'ai rencontrés, de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud, font tous partie de ce Liban que nous soutenons, que nous aimons, aux côtés duquel nous voulons nous trouver. Et vous verrez, cela se passera bien.
Q - Etes-vous venu avec une solution ou une initiative pour sortir de cette crise ?
R - Mais Madame, des crises politiques, j'en ai connu de pires dans votre pays. Il y a eu depuis des élections ; il y a un gouvernement, un président. Il n'y a pas longtemps dans cette salle, nous nous lamentions, les uns et les autres, parce qu'il n'y avait pas eu d'élections et qu'il n'y avait ni président, ni gouvernement. Tout cela est derrière nous; c'est un progrès considérable. Vous êtes toujours dans l'inquiétude et - pardonnez-moi, avec tout le respect que j'ai pour vous - dans le négatif. Mais ce n'est pas négatif la justice, ce n'est pas négatif de considérer que l'Etat sortira plus fort, ce n'est pas négatif de prendre des exemples, comme je les ai pris. Au contraire, dans tous les pays dont j'ai parlé, l'Etat et sorti plus fort. Il y a, au-dessus ou à côté - vous n'allez pas m'accuser d'être excessif -, des lois d'un pays, les droits de l'Homme et la communauté internationale qui maintenant intervient. Ce n'est pas toujours fait adroitement - je le sais, j'ai éprouvé ce sentiment -, mais c'est une justice dont tout le monde se félicite après, je vous assure. Nous verrons bien. Voilà, on va pouvoir considérer, discuter et ne pas être dans l'inquiétude permanente. Je ne sais pas du tout si ces actes d'accusation vont être proposés demain, après demain, dans trois mois, je n'en sais rien.
Q - Quel message vous a transmis le Hezbollah ?
R - Je crois que les responsables du Hezbollah pensent qu'ils seront davantage visés que d'autres. Je connais bien sûr la place du Hezbollah dans la vie publique libanaise, et leurs éventuelles préoccupations à l'égard des conséquences du processus en cours. Mais je connais aussi la population et les Libanais autour du Hezbollah, et je crois que la communauté internationale est en train de leur offrir un grand espoir. Vous savez que j'ai été le premier à inviter le Hezbollah en France, à la Celle Saint-Cloud où nous nous sommes entretenus tous ensemble. Si c'est possible et nécessaire, nous pourrons recommencer avec l'ensemble des parties.
Q - On parle d'un remaniement ministériel en France. Serez-vous concerné ?
R - Je n'arrête pas d'y penser.
Q - Y aura-t-il une autre réunion «Celle Saint-Cloud 2» en France ?
R - Ecoutez Madame, je suis prêt. Je ne suis pas venu pour leur proposer un autre week-end de travail en France mais je suis prêt ; oui pourquoi pas ? Si c'était utile, bien sûr.
Q - Monsieur le Ministre, avez-vous peur pour l'avenir du Liban ?
R - Oh, vous savez, j'ai souvent eu peur pour l'avenir du Liban. J'ai souvent constaté l'extrême violence et les terribles désarrois des Libanais emportés par des années de confrontations dans tout le pays. Et puis à chaque fois, le Liban s'en est sorti. A chaque fois son existence a été renforcée. Et très honnêtement, il faut demander aussi à notre ambassadeur ce qu'il en pense, moi je ne suis pas là tous les jours même si, en pensée je suis souvent là. A chaque fois, j'ai compris que le Liban, sa personnalité politique, sa légalité s'en sortait. Oui je crois à l'avenir du Liban. Parfois j'ai des inquiétudes. En ce moment j'en ai quelques unes. Mais j'ai connu d'autres crises plus graves encore.
Q - (inaudible)
R - Mais nous soutenons non seulement la démarche, mais le Tribunal. Nous participons, comme beaucoup d'autres, à son financement.
Q - Vous avez invité le général Aoun à venir en France. Pourquoi n'avez-vous pas invité Samir Geagea, si vous considérez que vous êtes à égale distance de tous les partis ? Et convaincu le général Aoun de quitter l'autre camp, de soutenir le TSL ?
R - Nous recevrons, le président de la République l'a dit, tous les responsables des principaux partis libanais ici en France, pas seulement le Général Aoun. C'est très clair. Mais j'ai vu ici Samir Geagea et j'ai vu d'autres chefs de partis.
Q - Pourquoi ne pas reprendre le travail engagé à La Celle Saint-Cloud ?
R - Ce n'est pas la même situation. Il y a trois ans, nous n'avions ni gouvernement, ni élections - je vous l'ai dit -, ni président. Il y avait un premier ministre, Fouad Siniora, bien sûr. C'était le prolongement de quelque chose qui n'existait plus puisque les ministres ne se réunissaient plus. Maintenant, c'est complètement différent. Il y a eu des élections qui ont permis de désigner un président et un Premier ministre à la République libanaise, et des ministres qui se sont réunis la semaine dernière et continueront de le faire. Je ne veux pas me mêler des équilibres politiques, c'est pour cela que je dis tout simplement qu'aucune communauté n'est visée, aucune région du pays spécialement. Cela j'en suis sûr. A entendre certains, on a l'impression, si vous voulez, que la communauté internationale viendrait violer une souveraineté. C'est le contraire. L'expression de cette souveraineté s'était manifestée avant la création du Tribunal, n'est-ce pas ? Et puis il y a eu une enquête internationale, et puis il y a eu ce vote du Conseil de sécurité qui a crée ce Tribunal spécial pour le Liban. Maintenant c'est l'affaire de ce Tribunal, et je vous assure que nous n'avons absolument aucun moyen de l'influencer.
Q - (inaudible)
R - Vous pouvez négliger le fait que l'on assassine un Premier ministre. Moi je ne le néglige pas. Il est capital pour l'équilibre du Liban que ce genre de crime ne soit pas impuni.
Q - (inaudible)
R - Mais je ne me sentais pas accusé, je me sens réagir comme un Libanais. Bon à propos de réagir comme un Libanais, il y a une réaction qui m'a fait de la peine, c'est celle de la presse, et puis il y a une réaction qui m'a fait plaisir, c'est celle de Nabih Berry. Nabih Berry et moi nous connaissons depuis 1976 et même si je ne m'abuse 1973, depuis la création du comité des déshérités. Je connais Nabih Berry très bien, c'est mon ami. Pourquoi nous serions-nous disputés ? Pourquoi cette rencontre aurait-elle été orageuse ? Mais pourquoi grand Dieu ? C'est entièrement faux. Pourquoi inventer cela ? Donc mon ami Nabih Berry, par l'intermédiaire en plus de son frère, Mahmoud que j'ai vu à Beyrouth m'a demandé de rectifier.
Q - (inaudible)
R - Hier, au-delà des consultations, ce qui s'est passé d'intéressant au Conseil de sécurité ce sont les déclarations des membres du Conseil qui ont tous marqué leur soutien au Tribunal spécial pour le Liban. Nous ne pouvons pas avoir voté la création du tribunal, et aujourd'hui, voter contre nous-mêmes. Nous ne pouvons pas être parjures. C'est moi qui ai fait le discours, sur la création à Rome de la Cour pénale internationale je l'ai fait au nom de la France. Comment voulez-vous que je me prononce ensuite contre ma propre parole et la parole de mon pays ? Je suis ministre des Affaires étrangères et européennes. Je respecte la parole de la France, c'est tellement évident. Vous allez voir, je vous le dis avec une amitié profonde et parfois un peu colérique, un peu libanaise, je vous le dit, cela va se passer beaucoup mieux que vous ne le pensez.
Q - Si le Liban annule au Parlement toute coopération avec le TSL...
R - Je suis désolé, je ne veux pas entrer dans les détails, ce n'est pas possible, pas possible tout simplement. Le Tribunal international agit au nom de la communauté internationale. La communauté internationale, à propos d'autres tribunaux qui visaient d'autres pays, a, bien sûr, eu à faire face à des réactions, des réticences et des rejets, mais je crois qu'elle a fait son travail, de manière très positive. Je continue à trouver que cet épisode-là va être dépassé très vite, et pour le bénéfice, pour le meilleur de la légalité libanaise, de son existence et de sa marche en avant. Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2010