Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
A l'heure où s'achève l'année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et où l'Anah redéfinit profondément ses modalités d'intervention, je suis particulièrement heureux de venir ouvrir cette journée consacrée au rôle que joue l'action sur l'amélioration de l'habitat dans des politiques publiques à visée sociale, qu'il s'agisse de la santé, de la prévention de la dépendance ou encore de la lutte contre la précarité.
En effet, si l'Agence nationale de l'Habitat, qui fêtera ses 40 ans l'an prochain, est un outil singulier dans le paysage européen, la mission qu'elle porte - l'amélioration de l'habitat - est bien une préoccupation commune à l'ensemble des Etats européens.
Le vieillissement de la population, l'augmentation des dépenses d'énergie, la précarité d'une partie de la population, sont en effet des enjeux que l'on retrouve partout en Europe et qui se conjuguent avec une qualité plus ou moins bonne du parc de logement selon les pays.
Il est donc particulièrement important, et j'appelle de mes voeux qu'une journée comme celle-ci en soit le premier jalon, de croiser les expériences et les pratiques sur ces sujets, non seulement au niveau national, mais aussi au niveau européen. Je m'emploierai en ce qui me concerne à porter cette approche auprès de mes collègues européens.
Le rôle déterminant des conditions de logement sur la santé des personnes ou sur leur insertion sociale est établi depuis longtemps. La dégradation de l'habitat a ainsi des conséquences tant sur le plan sanitaire que sur la sécurité des personnes : problèmes respiratoires dus à l'humidité, accidents domestiques, risques d'incendie sont les effets les plus fréquemment rencontrés.
C'est ce qui a conduit la France à s'engager, depuis de longues années déjà, dans une intervention visant à éradiquer l'habitat indigne et insalubre. Des progrès ont été faits et la situation générale du parc de logement s'est améliorée puisque, comme le rappelait à l'instant Dominique Braye, en 20 ans, la part des logements sans confort est passée de 15 à 2%.
Une récente étude de l'INSEE montre même que l'amélioration de la qualité du logement a progressé plus vite chez les personnes les modestes, sans toutefois rattraper totalement la situation des ménages les plus aisés. D'où la nécessité de concentrer l'intervention publique sur ce parc insalubre résiduel où vivent des populations en difficulté, voire en situation d'exclusion. C'est le sens de la réorientation opérée aujourd'hui par l'Anah. Elle doit permettre de renforcer l'action incitative, en améliorant les aides aux propriétaires occupants, en complément des actions coercitives conduites par le préfet ou le maire vis-à-vis des propriétaires bailleurs de logements insalubres. La proposition de loi adoptée la semaine dernière à l'Assemblée vient renforcer cet arsenal coercitif en mettant en place une astreinte vis-à-vis des propriétaires sous le coup de travaux d'office.
Mais d'autres problématiques apparaissent qui exigent d'intervenir sur l'amélioration de l'habitat : le vieillissement de la population et l'aspiration de nos concitoyens à rester aussi longtemps que possible chez eux ; la précarité énergétique qui émerge de plus en plus comme un nouveau visage de la précarité, y compris chez des personnes qui sont propriétaires de leur logement, y compris chez les salariés, alors même que par ailleurs, l'amélioration de la performance énergétique du logement est devenu un objectif national à travers le Grenelle de l'Environnement.
Or, au-delà de l'amélioration concrète qu'elle apporte aux conditions de vie des personnes concernées, l'intervention sur le logement a un impact indéniable sur l'efficacité de certaines politiques publiques, même si, malheureusement, nous ne disposons pas encore de moyens suffisants pour le mesurer.
Adapter le logement au vieillissement est en effet un moyen de prévenir les situations de dépendance et donc de retarder une prise en charge lourde et couteuse des personnes âgées. Améliorer la performance énergétique de l'habitat, c'est améliorer la situation sanitaire des personnes qui sont par exemple en incapacité de se chauffer ; c'est apporter une réponse durable à des ménages en situation d'impayés d'énergie en rompant avec la stricte logique d'aide sociale. Remettre à niveau le logement c'est ainsi traiter, à la source, les difficultés sociales des ménages qui l'occupent.
C'est ainsi remettre à niveau un parc de logement au bénéfice des salariés et sécuriser l'accession à la propriété, cela correspond aux priorités énoncées par les partenaires sociaux dans le livre blanc d'Action logement.
La dépense de logement est donc source d'économies ultérieures et c'est cette approche, particulièrement mise en avant par le Royaume Uni, qu'il nous appartient d'approfondir pour faire face aux défis sociaux auxquels est confronté notre pays, dans un contexte de ressources toujours plus rares. Je serai donc particulièrement intéressé par le retour d'expérience des autres pays européens sur le sujet.
Une telle approche ne nous est toutefois pas totalement étrangère. Elle tend même à être de plus en plus prise en compte par les collectivités territoriales au nom même de l'efficacité de l'intervention publique dans un contexte d'accroissement des besoins sociaux. Il est ainsi particulièrement significatif que des conseils généraux décident aujourd'hui de s'engager dans des actions d'amélioration de l'habitat dans le cadre de leurs politiques d'action sociale.
Certaines de ces collectivités apporteront leur témoignage au cours de cette journée. Leur intervention est porteuse de cette nouvelle approche que j'appelle de mes voeux et nous devrons en tirer des enseignements, à l'heure où s'ouvre par exemple le grand chantier sur la dépendance.
Je terminerai mon propos en évoquant le programme national de lutte contre la précarité énergétique, aujourd'hui confié par l'Etat à l'Anah. Ce programme, dénommé « Habiter mieux », est en effet selon moi l'archétype de ce que doit être l'action publique, notamment lorsqu'elle vise les personnes les plus modestes.
Son objectif peut paraître limité, mais il est en réalité ambitieux au regard des expériences locales dores et déjà conduites dans ce domaine et des personnes que l'on veut aider qui sont souvent isolées et réticentes, du fait de leurs ressources, à s'engager dans une démarche de travaux.
Ce programme introduit, pour la première fois en France, une action systématique à l'égard de propriétaires occupants à faibles ressources, identifiés sur la base de leur situation sociale, pour les aider à réhabiliter leur logement. Le ciblage de cette intervention, ses bénéficiaires, la priorité donnée au traitement du logement pour sortir de la spirale d'aide sociale, tout comme le mode d'action retenu, définissent l'originalité de ce programme. Repérés grâce à une visite à domicile, les ménages concernés bénéficieront d'un accompagnement « clef en main » tout au long de leur démarche de travaux. Ce faisant nous espérons lever les freins tant financiers que psychologiques, bien compréhensibles pour des personnes dont la première priorité n'est pas nécessairement l'amélioration du logement, malgré l'impact important que celle-ci peut avoir sur leur santé ou sur leur pouvoir d'achat.
Le programme « Habiter mieux » illustre bien le rôle de levier que peut avoir l'amélioration de l'habitat : levier sur confort de vie des personnes et donc sur leur santé, levier pour favoriser le maintien à domicile des plus âgés, levier en terme de pouvoir d'achat grâce à la réduction de leur dépenses énergétiques, levier enfin sur l'insertion sociale des personnes et sur une meilleure prise en charge sociale grâce au repérage effectué.
Sa réussite repose sur la conjugaison d'efforts en provenance d'acteurs publics (Etat, collectivités territoriales, organismes sociaux) mais aussi privés (fournisseurs d'énergie, artisans, associations...).
Vous avez appelé, Monsieur le Président, à un décloisonnement des approches entre les acteurs de l'habitat et les acteurs des politiques sociales. Je ne peux qu'abonder dans votre sens car c'est la seule voie possible pour améliorer l'efficacité de nos politiques et faire face aux défis sociaux de notre société.
Je vous remercie donc d'être à l'initiative de cette journée et j'espère qu'elle sera propice à l'échange et à la réflexion.
Source http://www.entretiens-habitat.fr, le 14 décembre 2010
Mesdames, Messieurs,
A l'heure où s'achève l'année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et où l'Anah redéfinit profondément ses modalités d'intervention, je suis particulièrement heureux de venir ouvrir cette journée consacrée au rôle que joue l'action sur l'amélioration de l'habitat dans des politiques publiques à visée sociale, qu'il s'agisse de la santé, de la prévention de la dépendance ou encore de la lutte contre la précarité.
En effet, si l'Agence nationale de l'Habitat, qui fêtera ses 40 ans l'an prochain, est un outil singulier dans le paysage européen, la mission qu'elle porte - l'amélioration de l'habitat - est bien une préoccupation commune à l'ensemble des Etats européens.
Le vieillissement de la population, l'augmentation des dépenses d'énergie, la précarité d'une partie de la population, sont en effet des enjeux que l'on retrouve partout en Europe et qui se conjuguent avec une qualité plus ou moins bonne du parc de logement selon les pays.
Il est donc particulièrement important, et j'appelle de mes voeux qu'une journée comme celle-ci en soit le premier jalon, de croiser les expériences et les pratiques sur ces sujets, non seulement au niveau national, mais aussi au niveau européen. Je m'emploierai en ce qui me concerne à porter cette approche auprès de mes collègues européens.
Le rôle déterminant des conditions de logement sur la santé des personnes ou sur leur insertion sociale est établi depuis longtemps. La dégradation de l'habitat a ainsi des conséquences tant sur le plan sanitaire que sur la sécurité des personnes : problèmes respiratoires dus à l'humidité, accidents domestiques, risques d'incendie sont les effets les plus fréquemment rencontrés.
C'est ce qui a conduit la France à s'engager, depuis de longues années déjà, dans une intervention visant à éradiquer l'habitat indigne et insalubre. Des progrès ont été faits et la situation générale du parc de logement s'est améliorée puisque, comme le rappelait à l'instant Dominique Braye, en 20 ans, la part des logements sans confort est passée de 15 à 2%.
Une récente étude de l'INSEE montre même que l'amélioration de la qualité du logement a progressé plus vite chez les personnes les modestes, sans toutefois rattraper totalement la situation des ménages les plus aisés. D'où la nécessité de concentrer l'intervention publique sur ce parc insalubre résiduel où vivent des populations en difficulté, voire en situation d'exclusion. C'est le sens de la réorientation opérée aujourd'hui par l'Anah. Elle doit permettre de renforcer l'action incitative, en améliorant les aides aux propriétaires occupants, en complément des actions coercitives conduites par le préfet ou le maire vis-à-vis des propriétaires bailleurs de logements insalubres. La proposition de loi adoptée la semaine dernière à l'Assemblée vient renforcer cet arsenal coercitif en mettant en place une astreinte vis-à-vis des propriétaires sous le coup de travaux d'office.
Mais d'autres problématiques apparaissent qui exigent d'intervenir sur l'amélioration de l'habitat : le vieillissement de la population et l'aspiration de nos concitoyens à rester aussi longtemps que possible chez eux ; la précarité énergétique qui émerge de plus en plus comme un nouveau visage de la précarité, y compris chez des personnes qui sont propriétaires de leur logement, y compris chez les salariés, alors même que par ailleurs, l'amélioration de la performance énergétique du logement est devenu un objectif national à travers le Grenelle de l'Environnement.
Or, au-delà de l'amélioration concrète qu'elle apporte aux conditions de vie des personnes concernées, l'intervention sur le logement a un impact indéniable sur l'efficacité de certaines politiques publiques, même si, malheureusement, nous ne disposons pas encore de moyens suffisants pour le mesurer.
Adapter le logement au vieillissement est en effet un moyen de prévenir les situations de dépendance et donc de retarder une prise en charge lourde et couteuse des personnes âgées. Améliorer la performance énergétique de l'habitat, c'est améliorer la situation sanitaire des personnes qui sont par exemple en incapacité de se chauffer ; c'est apporter une réponse durable à des ménages en situation d'impayés d'énergie en rompant avec la stricte logique d'aide sociale. Remettre à niveau le logement c'est ainsi traiter, à la source, les difficultés sociales des ménages qui l'occupent.
C'est ainsi remettre à niveau un parc de logement au bénéfice des salariés et sécuriser l'accession à la propriété, cela correspond aux priorités énoncées par les partenaires sociaux dans le livre blanc d'Action logement.
La dépense de logement est donc source d'économies ultérieures et c'est cette approche, particulièrement mise en avant par le Royaume Uni, qu'il nous appartient d'approfondir pour faire face aux défis sociaux auxquels est confronté notre pays, dans un contexte de ressources toujours plus rares. Je serai donc particulièrement intéressé par le retour d'expérience des autres pays européens sur le sujet.
Une telle approche ne nous est toutefois pas totalement étrangère. Elle tend même à être de plus en plus prise en compte par les collectivités territoriales au nom même de l'efficacité de l'intervention publique dans un contexte d'accroissement des besoins sociaux. Il est ainsi particulièrement significatif que des conseils généraux décident aujourd'hui de s'engager dans des actions d'amélioration de l'habitat dans le cadre de leurs politiques d'action sociale.
Certaines de ces collectivités apporteront leur témoignage au cours de cette journée. Leur intervention est porteuse de cette nouvelle approche que j'appelle de mes voeux et nous devrons en tirer des enseignements, à l'heure où s'ouvre par exemple le grand chantier sur la dépendance.
Je terminerai mon propos en évoquant le programme national de lutte contre la précarité énergétique, aujourd'hui confié par l'Etat à l'Anah. Ce programme, dénommé « Habiter mieux », est en effet selon moi l'archétype de ce que doit être l'action publique, notamment lorsqu'elle vise les personnes les plus modestes.
Son objectif peut paraître limité, mais il est en réalité ambitieux au regard des expériences locales dores et déjà conduites dans ce domaine et des personnes que l'on veut aider qui sont souvent isolées et réticentes, du fait de leurs ressources, à s'engager dans une démarche de travaux.
Ce programme introduit, pour la première fois en France, une action systématique à l'égard de propriétaires occupants à faibles ressources, identifiés sur la base de leur situation sociale, pour les aider à réhabiliter leur logement. Le ciblage de cette intervention, ses bénéficiaires, la priorité donnée au traitement du logement pour sortir de la spirale d'aide sociale, tout comme le mode d'action retenu, définissent l'originalité de ce programme. Repérés grâce à une visite à domicile, les ménages concernés bénéficieront d'un accompagnement « clef en main » tout au long de leur démarche de travaux. Ce faisant nous espérons lever les freins tant financiers que psychologiques, bien compréhensibles pour des personnes dont la première priorité n'est pas nécessairement l'amélioration du logement, malgré l'impact important que celle-ci peut avoir sur leur santé ou sur leur pouvoir d'achat.
Le programme « Habiter mieux » illustre bien le rôle de levier que peut avoir l'amélioration de l'habitat : levier sur confort de vie des personnes et donc sur leur santé, levier pour favoriser le maintien à domicile des plus âgés, levier en terme de pouvoir d'achat grâce à la réduction de leur dépenses énergétiques, levier enfin sur l'insertion sociale des personnes et sur une meilleure prise en charge sociale grâce au repérage effectué.
Sa réussite repose sur la conjugaison d'efforts en provenance d'acteurs publics (Etat, collectivités territoriales, organismes sociaux) mais aussi privés (fournisseurs d'énergie, artisans, associations...).
Vous avez appelé, Monsieur le Président, à un décloisonnement des approches entre les acteurs de l'habitat et les acteurs des politiques sociales. Je ne peux qu'abonder dans votre sens car c'est la seule voie possible pour améliorer l'efficacité de nos politiques et faire face aux défis sociaux de notre société.
Je vous remercie donc d'être à l'initiative de cette journée et j'espère qu'elle sera propice à l'échange et à la réflexion.
Source http://www.entretiens-habitat.fr, le 14 décembre 2010