Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à RMC le 29 novembre 2010, sur le périmètre de son ministère suite au remaniement gouvernemental et la révision des aides publiques à la filière photovoltaïque.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Notre invitée, N. Kosciusko-Morizet bonjour.
 
Bonjour.
 
Wikileaks, on vient d'en parler dans le journal, fallait-il diffuser ces informations ?
 
Moi ce que je trouve intéressant, c'est que ça a été organisé de telle sorte qu'il y ait des vrais journalistes qui fassent filtre. En fait ces informations elles sortent sur Wikileaks mais elles sortent aussi dans des journaux avec des vrais journalistes qui ont travaillé sur le sujet et qui les présentent et les mettent en forme, parce que des grandes séries d'informations comme ça, ça ne veut pas forcément dire quelque chose. Et puis ce que je trouve important, c'est que la transparence c'est bien mais il faut que ça se fasse dans le respect de la sécurité des personnes qui sont sur le terrain. Et c'est pour ça aussi que c'est bien qu'il y ait des vraies rédactions qui interviennent.
 
Bien. N. Kosciusko-Morizet, regardons l'actualité encore, des préfectures exigent que les clandestins soient refusés par les hébergements d'urgence. Etiez-vous au courant ?
 
Non, mais s'il y a des différents types d'hébergement et alors là, je pense que dans l'affirmation que vous posez, il y a une confusion entre les types d'hébergement. Vous avez des types d'hébergement qui sont des hébergements d'insertion, vous avez des types d'hébergement qui sont des vrais hébergements d'urgence, vous avez aussi des types d'hébergement qui accueillent des personnes qui n'ont pas tous leurs papiers...
 
Mais tout le monde doit être accueillis, clandestins ou pas clandestins, dans les hébergements d'urgence.
 
Oui mais dans des hébergements différents. Donc je pense que dans votre assertion, il y a une confusion entre différents types d'hébergement, il doit y avoir tout simplement la réaffirmation de qui...
 
C'est la une de Libération ce matin.
 
Doit être accueilli où. Donc voilà, je pense qu'il faut nuancer votre propos.
 
Moi je vous pose la question parce que c'est une information donnée par Libération...
 
Non parce que dans la façon où c'est dit, on a l'impression que les gens ne sont pas accueillis. Tout le monde est accueilli mais dans des conditions et dans des lieux différents...
 
Non, moi je vous pose simplement la question : voilà, tout le monde doit être accueilli, clandestins ou pas ?
 
Dans des conditions et dans des lieux différents. Bien sûr, quand il y a ce qu'on appelle « une maraude » à Paris, le Samu social qui passe, on ne demande pas les papiers aux gens, on regarde dans quelle situation ils sont et on propose une solution.
 
Et il ne faut pas demander les papiers quand il y a une maraude...
 
Ce n'est pas le rôle des personnels du Samu social de demander les papiers.
 
Plus de 50.000 ménages riches, très riches logés en HLM, ça vous choque, ça vous... que faire ?
 
Mais surtout moi...
 
Allez-y.
 
C'est un énorme problème d'efficacité, je n'y mets pas une dimension morale, que oui ça vous choque, ce n'est pas le sujet. C'est que c'est complètement inefficace et c'est le grand enjeu de ce qu'on essaie de faire avec B. Apparu sur le logement, c'est créer du logement à tous les étages pour que chacun ait un logement qui lui corresponde. Il y a énormément de personnes aujourd'hui qui sont logées en HLM, si on réussit à en faire des primo-accédants, si on réussit à les faire devenir propriétaires, si on leur donne les conditions pour ça, ils libèreront ces logements sociaux qui iront à des personnes qui en ont vraiment besoin.
 
Mais on pourrait les obliger, on pourrait les obliger peut-être à accéder à la propriété ou... je ne sais pas moi.
 
Obliger à accéder à la propriété, ça ne veut pas forcément dire grand-chose. Mais...
 
En leur disant : « vous achetez votre logement ou vous quittez ce logement HLM ».
 
On attaque le problème... J.-J. Bourdin, on attaque le problème sur les deux fronts. Aujourd'hui, on crée 120.000 logements sociaux par an, c'est 3 fois plus qu'en 2000, et 5 fois plus dans le très social...
 
On a tellement de retard.
 
... Oui, mais c'est des niveaux historiques jamais atteints. Et par ailleurs, on lance le PTZ Plus, le Prêt à taux zéro rénové, qui refond tous les systèmes d'aide à l'accession à la propriété. Ce sera disponible à partir de début janvier, beaucoup plus de Français pourront y accéder, notamment dans les classes moyennes. Et c'est un prêt à taux zéro qui va permettre aux Français qui le souhaitent de devenir propriétaires, et donc pour certains de libérer des logements sociaux. Donc on attaque sur les deux fronts : plus de logements sociaux mais aussi plus de possibilités de sortie du logement social, d'accession à la propriété pour que chacun ait chaussure à son pied en quelque sorte. J'insiste, il sera disponible début janvier...
 
Début janvier !
 
Je demande à tous les Français qui, par le passé, n'ont pas trouvé une solution, de regarder à partir de début janvier avec leur banque cette solution-là, qui est nouvelle, qui s'adresse à plus de personnes...
 
On va avoir besoin de prêts à taux zéro parce que compte tenu des tarifs et des prix des logements...
 
On passe de 1,2 milliards par an à plus de 2 milliards.
 
De l'augmentation des prix des logements...
 
Et c'est différencié en fonction de la zone, c'est-à-dire que quand vous êtes en zone très tendue, en zone par exemple Paris Ile-de-France, on propose de vous accompagner plus et de vous accompagner au logement neuf. Quand vous êtes dans une zone moins tendue, on vous propose de vous accompagner dans l'ancien qui est plus disponible. Et puis naturellement, c'est différencié en fonction des performances environnementales, parce que c'est important aussi...
 
On va en parler.
 
Et puis parce qu'on n'y pense trop peu mais derrière c'est des charges, donc c'est une capacité de remboursement différente.
 
On va parler évidemment d'environnement. N. Kosciusko-Morizet, vous étiez secrétaire d'Etat et vous voilà ministre numéro 4 du Gouvernement. Ça a été une surprise, franchement ? C'est la première sortie que vous faites - radio télé - depuis votre nomination, est-ce que ça a été une surprise ?
 
Ecoutez, ça a été à la fois un grand bonheur et le sentiment d'une immense responsabilité, parce que je connais l'ampleur des défis...
 
Oui, mais est-ce que ça a été une surprise ? Est-ce que vous vous attendiez à cela, franchement ?
 
Non, c'est toujours une surprise, un remaniement c'est toujours une surprise. J'en ai vécus déjà quelques uns...
 
Tout à coup, vous voilà propulsée numéro 4 du Gouvernement, vous prenez des galons.
 
C'est toujours une surprise, vous ne savez jamais vraiment ce qui va se passer, ça fait partie des charmes de la vie politique.
 
Alors vous voilà numéro 4 du Gouvernement, ministre de l'Environnement, des Transports, du Logement et du Développement durable. Vous avez perdu au passage...
 
Et de la Mer.
 
Et de la Mer, c'est vrai, vous vous êtes battue pour ça...
 
La Mer est dans le ministère.
 
Vous vous êtes battue pour ça, je le sais. Vous avez perdu au passage la direction de l'Energie, enfin le ministère a perdu... non ?
 
Pas du tout, non, elle est sous autorité conjointe parce que je suis responsable du climat et des énergies renouvelables. Ce que le ministère a perdu, comme vous dites, ce sont les entreprises énergétiques. Par exemple le mécano entre AREVA et EDF, savoir qui d'AREVA ou d'EDF va être chef de file pour exporter nos centrales nucléaires à l'international. C'est un sujet passionnant mais reconnaissez que pour la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, il n'est pas central. Aujourd'hui, le ministère il est dans l'intégralité de son périmètre, en situation de mettre en oeuvre le Grenelle de l'environnement.
 
Mais ce n'est plus un ministère d'Etat, ce n'est plus un ministère d'Etat et il a reculé dans les hiérarchies gouvernementales, là vous en convenez !
 
Mais honnêtement, c'est presque une coquetterie ça, je veux dire, ça change...
 
Est-ce que ça veut dire que nos politiques environnementales sont affaiblies ?
 
Non.
 
Non ?
 
Le Premier ministre...
 
Donc on efface ce qu'a dit le président de la République a dit au salon de l'agriculture ?
 
Regardez, le Premier ministre et le président de la République, regardez leurs déclarations, l'un dans son discours de politique générale, l'autre dans son intervention télévisée ...
 
A la télévision.
 
...il y a 10 jours. Je reprends les mots du Premier ministre sur son discours de politique générale : tous les engagements du Grenelle seront intégralement respectés, c'est notre feuille de route, c'est notre feuille de route. Et c'est d'autant plus fort comme engagement qu'en effet, la situation internationale... la situation économique n'est pas très favorable, ça c'est vrai...
 
Oui, c'est le moins qu'on puisse dire.
 
Oui mais donc, c'est d'autant plus fort, on est totalement déterminés et on est totalement déterminés pourquoi ? Parce que l'environnement ce n'est pas une hypothèse, ce n'est pas un projet, ce n'est pas un petit plus, c'est un moteur de transformation positive de l'économie. En fait, on est en situation de crise, donc on en a besoin, ce n'est pas donc on n'a pas les moyens comme on a pu le dire par le passé, donc on en a encore plus besoin. On a besoin d'être encore plus économes. Et les entreprises aussi.
 
Je connais votre énergie, vous allez en avoir besoin avec les députés UMP, vous le savez N. Kosciusko-Morizet...
 
Les députés UMP...
 
Certains, certains.
 
Comme tous les parlementaires ont énormément changé...
 
Certains.
 
Depuis l'époque o?? j'étais le rapporteur de la Charte de l'environnement...
 
C'est vrai ?
 
Et on était obligés de pleurer dans les couloirs de l'Assemblée pour convaincre qu'il fallait voter la Charte. Et ce qui s'est passé récemment sur la loi Grenelle 1, la loi Grenelle 2... La loi Grenelle 1 elle a été adoptée à l'unanimité, et vous savez il y a 10 ans, ça ne serait jamais passé.
 
Est-il vrai N. Kosciusko-Morizet que le Premier ministre va réviser à la baisse le dispositif public de soutien au secteur de l'énergie photovoltaïque ?
 
Il y a un problème dans l'énergie...
 
C'est vrai ou pas ?
 
Il y a eu une réunion de ministres vendredi pour en discuter...
 
Oui, samedi... vendredi ou samedi, à la fin de la semaine.
 
Vendredi, pour en discuter.
 
Vous voyez qu'on est bien informés. Est-ce que c'est vrai, est-ce qu'on va réviser à la baisse les aides publiques de soutien au photovoltaïque ?
 
J.-J. Bourdin, moi je ne préjuge pas, moi je ne préjuge pas de la discussion de la réunion de vendredi, mais je dis quelque chose de très clair. Aujourd'hui, il y a de l'excès dans le secteur du photovoltaïque. Quand on regarde les objectifs du Grenelle de l'environnement à horizon 2012, on est en passe non seulement de les atteindre - ça c'est bien normal - mais de les dépasser, on a multiplié par 10 en l'espace de 2 ans...
 
Ça marche le photovoltaïque, ça veut dire que ça marche !
 
Enfin... ça marche mais ça galope même, il y a un effet de spéculation et il y a un problème du coup, il y a un problème pourquoi ? D'abord parce qu'il faut atteindre nos objectifs mais on veut les atteindre à un rythme raisonnable, un rythme raisonnable pourquoi ? Pour construire une filière française. Tout ça, il faut que ça apporte aussi de l'emploi...
 
Donc il faut réviser les aides publiques ?
 
Donc, il y a des questions qui sont aujourd'hui posées et c'est pour ça qu'il y a eu une réunion de ministres. Et je vous dirai...
 
Vous êtes favorable à la révision des aides publiques, franchement ?
 
Moi, je suis favorable à la révision du système, je trouve que le système aujourd'hui... enfin le système aujourd'hui...
 
Moins d'aides mais autrement ?
 
Ce n'est pas tellement le sujet. Mieux d'aides. Moi ce que je voudrais c'est qu'on réussisse à construire des emplois, à construire une filière. Aujourd'hui il y a une crise économique mondiale, on a des problèmes d'emploi, l'écologie doit aussi participer à la création d'emplois.
 
Mais est-ce que les aides vont baisser ?
 
L'écologie ce n'est pas une danseuse qui consiste à acheter des panneaux photovoltaïques en Chine, voilà, l'écologie ça doit aussi participer à la création d'emplois en France...
 
Donc les aides publiques vont baisser !
 
Mais moi je veux qu'on atteigne du même mouvement - je ne vous dis pas forcément moins, je vous dis mieux - je veux qu'on atteigne du même mouvement nos objectifs en matière d'environnement et des objectifs en matière d'emplois.
 
8 h 45, N. Kosciusko-Morizet est notre invitée, BFM TV et RMC. On va parler de Cancun et d'autres sujets évidemment qui ont trait à l'environnement... Tiens ! Inauguration d'une autoroute bientôt, on va parler de tout cela avec N. Kosciusko-Morizet. (.../....)
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 décembre 2010