Interview de M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, à France-Info le 20 décembre 2010, sur l'interdiction de circulation des poids lourds et la situation des aéroports en cas d'épisode neigeux.

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Média : France Info

Texte intégral

B. Thomasson.- On va parler de neige évidemment, puisque l’on a entendu dans le journal beaucoup de témoignages, de plaintes... Est-ce que l’interdiction totale des poids lourds en Ile-de-France se justifiait à nouveau, ce lundi matin ?
 
Oui, je pense, parce que quand on voit l’évènement météo qui est en train de se produire, c’est le meilleur moyen, l’interdiction totale des poids lourds, d??éviter que des poids lourds se mettent en portefeuille, c’est-à-dire en clair, en travers des voies, et que ces voies soient totalement bloquées à la fois pour les autres automobilistes mais surtout aussi pour les véhicules de déneigement.
 
Même pour une heure ou deux ?
 
Oui, mais un poids lourd en travers c’est des milliers d’automobilistes qui sont bloqués, c’est un véhicule de déneigement qui arrive trop tard, donc tout le problème est de prendre cette décision au bon moment.
 
Justement, les poids lourds, les routiers se plaignent, en tout cas les patrons routiers se plaignent d’un important manque à gagner par cet excès de précaution, c’est-à-dire que l’interdiction est prise trop en amont selon eux, quatre, cinq heures avant c’est trop.
 
Écoutez, la semaine dernière on l’a prise trop tard. Quand le président de la République évoquait les décalages, il avait entièrement raison, c’est-à-dire que la semaine dernière on l’a prise trop tard. Cette semaine, effectivement, on a pris des précautions qui se sont avérées justifiées. Que les sociétés de transport routier se plaignent d’avoir des pertes, c’est la vérité. Ils ont entièrement raison, et je l’ai comprends. Mais...
 
Alors comment trouver le juste milieu ?
 
Le juste milieu c’est justement que l’on essaie de faire en coordonnant entre la météo, les préfectures, pour à chaque qu’il y a une fenêtre, j’allais dire météorologique, libérer un certain nombre de bus qui sont stockés, mais, pendant ce genre d’évènement la prudence c’est justement de stocker les bus. Je rappelle par exemple que quand B. Hortefeux avait prévu des blindés, ce qui avait fait un peu rigoler certains de vos confrères, mais ça s’est avéré tout à fait utile, puisque en réalité la CDND, ce n’est pas avec des canons, c’est des blindés qui en réalité peuvent pousser les véhicules lourds pour permettre justement de libérer les voies. Et donc, c’est ce que l’on voudrait éviter, donc hélas oui, nous avons reprendre une décision de blocage de poids lourds.
 
T. Mariani, l’absence de pagaille hier durant le week-end, est-ce en raison justement de cette décision que vous avez prise, d’interdiction de poids lourds, notamment, ou est ce que c’est simplement parce que c’était le week-end, et qu’au fond il y a moins de monde sur les routes ?
 
Les deux, il faut être honnête. D’abord, je pense qu’on a tiré les enseignements de l’évènement exceptionnel de la semaine dernière. Il faut rappeler qu’on n’avait pas connu évènement comparable depuis 1987, on était vraiment dans l’exceptionnel. Deuxièmement, cette alerte a permis de revoir un peu tous les mécanismes de coordination, effectivement de prendre les mesures qui ont permis que sur les routes - ce n’est pas la même chose ailleurs, sur les aéroports - mais sur les routes, le week-end s’est déroulé finalement à peu près correctement. Quand vous dites que c’était aussi un week-end, attention, les grands départs se sont quand même aussi passés très correctement.
 
Un dernier mot sur les routes, on va venir aux aéroports évidement, mais la pagaille sur les routes est souvent due aussi aux véhicules légers, mal préparés. Faut-il en venir à l’obligation de « pneu hiver », et est-ce que la réflexion est engagée au sein du Gouvernement ?
 
La réflexion de cette idée a été émise par plusieurs responsables. Ce qui est sûr c’est que 20 cm de neige à Chambéry ça ne fait pas la même chose que 20 cm de neige à Paris. Parce que dans le premier cas les conducteurs sont habitués, les conducteurs sont équipés. Dans le second cas il n’y a ni la culture de la conduite sur la neige, ni les équipements.
 
Donc vous dites, les pneus neige ce n’est pas forcément utile ?
 
Non, je n’ai pas dis... Je dis simplement que ces équipements-là sont bien sur utiles en cas d’évènement exceptionnel. Il y a une réflexion qui est engagée pour savoir si comme dans d’autres pays, il faut les rendre obligatoires ou pas. Franchement, on n’est pas l’Allemagne. Je le répète, il faut remonter à 1987 pour trouver un évènement comparable. Donc attendons avant de prendre une mesure aussi radicale.
 
On va aller à Rosny-sous-Bois un instant. Parce que vous disiez : les « camions en portefeuille ». L’A10 est coupée en raison de poids lourds qui sont justement en travers... Donc, confirmation de ce que vous disiez ?
 
Exactement. Vous êtes en train de m’expliquer que les patrons de poids lourds se plaignent de blocages. Vous avez la preuve que là... Je suis persuadé que dans quelques minutes vous allez peut-être nous reprocher de les avoir bloqués trop tard. M. Berguer (de France Info, en direct de Rosny-sous-Bois) : C’est pour vous annoncer des poids lourds en travers de la chaussée de l’autoroute Aquitaine entraînent la fermeture de cette autoroute au niveau de Genvry dans le sens Paris banlieue. Il semblerait que quelques poids lourds soient encore sur le réseau, et comme il fallait s’y attendre, cela pose de gros soucis.
 
Après les routes, venons-en aux aéroports. Orly a fermé ses pistes jusqu’à 9 heures ce matin. Avant d’en parler, la réaction d’un voyageur, il s’appelle Ali, il est sénégalais et il a attendu toute la journée d’hier un avion pour Tunis.
 
Ali : C’est vraiment pénible. C’est une situation qui est déplorable. Je pense que pour 18 cm de neige, si ça doit paralyser tout le système aérien français, il y a vraiment matière à revoir tout le système. Des pays comme le Canada ou les Etats-Unis, qui sont beaucoup plus exposés en terme de climat, arrivent à gérer cette situation. Peut-être va-t-il falloir envoyer les Français en stage aux Etats-Unis. Il faut faire quelque chose.
 
T. Mariani est ce qu’il faut aller prendre des leçons chez nos amis canadiens ?
 
Non, parce que nos amis canadiens ont les mêmes problèmes. Je vous rappelle que la semaine dernière ils ont dû envoyer l’armée pour débloquer des personnes en Ontario, qui étaient bloquées dans la neige. Dans tous ces pays là, contrairement à ce qu’on dit, quand il y a des évènements exceptionnels, eh bien pendant quelques heures c’est la pagaille où tout s’arrête. Qu’est-ce qui se passe à Roissy, qu’est-ce qu’il se passe sur l’ensemble des plateformes aéroportuaires d’Europe ?
 
On ne peut pas vraiment dégager une piste à Roissy par exemple ?
 
Il y a quatre pistes à Roissy, on les dégage à mesure. Mais qu’est-ce qui s’est passé ce week-end. En réalité, les principaux aéroports et notamment tous ceux ce Grande-Bretagne étaient bloqués. Pour que nos auditeurs comprennent bien : Roissy, Francfort et Londres, ce sont les trois plus gros aéroports d’Europe. On est quasiment à flux tendus. C’est-à-dire qu’une journée normale c’est entre 1500/1700 mouvements, décollages, atterrissages. Quand une piste est fermée pendant une heure, ce sont des mouvements qu’on ne peut pas rattraper. Parce qu’en réalité chaque heure perdue c’est environ 70 à 80 vols qu’on ne peut pas récupérer dans la journée. Quand vous êtes sur des plus petits aéroports... d’autres villes moyennes en Europe, en réalité s’il y a 500 mouvements dans la journée, après on peut effectivement insérer un peu plus, parce qu’il y a de la marge… 
 
Donc le chaos se prolonger toute la journée ? C’est ce que vous voulez dire ?
 
Voilà.
 
C’est pour cela qu’il y a 3.000 personnes qui ont dormi dans l’aérogare ? Mais c’est acceptable ça ?
 
Ce n’est pas acceptable. Ce qui n’est pas acceptable et ce qu’on doit pouvoir améliorer - et j’ai demandé à ce qu’il y ait une réunion ave les compagnies cette semaine là-dessus - c’est l’information des passagers. Ce que je veux dire par là, c’est que quand il neige, quand les pistes seront fermées il y aura forcément des annulations et c’est le cas dans toute l’Europe.
 
Mais les gens se plaignent de ne pas savoir ce qui se passe, on les laisse errer comme des vagabonds dans les halls de gare
 
Mais les gens se plaignent. Les gens on les laisse errer ou alors ils font 2 à 3 heures de queue. J’ai vécu cela familialement ce week-end. Ils font 3 heures de queue pour avoir quelqu’un qui leur dit « je ne sais pas grand-chose, revenez plus tard «.
 
Mais alors, il y a un renvoie de balle entre le voyagiste, la compagnie de transport et l’autorité aéroportuaire. On ne peut pas créer une cellule qui gérerait tout cela et qui informerait les voyageurs ?
 
C’est ce que je veux voir cette semaine parce que, à l’heure des SMS, des messages, etc., c’est un peu paradoxal qu’on soit obligés de faire 3 heures de queue pour savoir ce qu’il se passe.
 
Retour à la normale prévue pour quand, parce que il y aussi des retards dans les trains...
 
Ecoutez, on n’avait dit retour à la normale prévue aujourd’hui, sauf qu’aujourd’hui, on n’avait pas prévu aujourd’hui que les pistes seraient fermées ce matin. Donc, on s’attendait à un retour à la normale à la mi journée, je ne serai pas aussi optimiste, quand je vois de votre fenêtre le ciel.
 
Les trains aussi...
 
Les trains connaissent un certain nombre de ralentissement, notamment dans l’Est de la France. La ligne Paris-Caen qui était coupée a été rétablie sur une voie, les deux voies seront rétablies au moment du déjeuner. Mais attendez-vous à des retards aujourd’hui au niveau des trains, parce que quand il y a ce type de climat, les trains doivent ralentir, par exemple dans l’Est, en ce moment les trains roulent à 170 à l’heure au lieu de 300.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 21 décembre 2010