Déclaration de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services, aux professions libérales et à la consommation, sur le rôle de l'Etat au service des PME, Paris le 15 décembre 2010.

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La décennie qui s'achève a été marquée par des changements majeurs de notre environnement qui ne pouvaient guère être imaginés il y a 10 ans. Cette décennie se termine en laissant un monde profondément marqué par une crise économique et financière d'ampleur mondiale.
Les entreprises françaises ont ainsi subi fortement les conséquences de cette crise. Le Gouvernement a pris des mesures fortes qui ont permis à l'économie française de résister efficacement à ces turbulences économiques et d'entrevoir une sortie de crise plus rapide. Le résultat est connu : en 2009, la situation économique de la France a été relativement moins dégradée que dans les autres économies de la zone euro.
Il nous faut maintenant penser et préparer l'après-crise. Nous voyons que l'économie allemande repart plus rapidement que la notre car elle a été plus affectée que la notre : pour 2010, la croissance allemande devrait atteindre 3,7 % contre 1,6 % en France. Quand vous descendez plus vite vous remontez aussi plus vite. Mais nous devons nous efforcer de doper notre économie pour maintenir notre rang dans le jeu de la reprise.
L'une des forces de l'Allemagne réside dans la solidité de son tissu entrepreneurial et dans les gains de compétitivité que le pays a su réaliser. La France dispose également d'un réseau de PME dense et de qualité ; mon ambition est de permettre à nos entreprises de pouvoir exprimer tout leur potentiel de développement, de croissance, de créativité, d'innovation... en leur offrant un environnement plus favorable et plus porteur.
1/ Un Etat partenaire des entreprises
Derrière le terme de PME, il y a une multitude d'histoires, de parcours, de positionnements sur le marché, de besoins, d'ambitions. Chaque entrepreneur avance sur son propre chemin. Il faut respecter ses spécificités et ne pas décréter qu'il n'existe qu'un seul modèle valable pour les PME. C'est pourquoi, ma volonté en tant que secrétaire d'Etat en charge des PME est d'apporter une réponse adaptée aux besoins réels et aux attentes exprimées par nos entreprises.
Trop souvent, l'Etat est vécu comme un adversaire, je veux qu'il soit un partenaire. Cela mérite une révolution culturelle que je suis décidé à engager. Dès mon arrivée, j'ai réuni la DGCIS pour bâtir une stratégie qui rapproche les fonctionnaires des entreprises.
Ce discours, vous l'avez sans doute trop entendu sans que les actes ne suivent. J'ai bien conscience que ce qui compte, comme en amour, ce ne sont pas les déclarations, mais ce sont les preuves. J'arrive donc devant vous aujourd'hui avec des actes concrets.
Je veux que l'Etat soit au service de l'ensemble des PME
Nos entreprises doivent bénéficier d'une organisation optimisée de nos services publics, ceux de l'Etat, de ses établissements publics et opérateurs, et des collectivités territoriales. Dans ce cadre, la création des DIRECCTE a été une étape essentielle pour créer cette cohérence de l'action publique de l'Etat envers les entreprises. Il faut aller plus loin.
C'est pour apporter une information de qualité à tous les chefs d'entreprise qui en expriment le besoin que j'ai désigné un « correspondant PME » dans chaque département. La liste vous sera communiquée. J'écrirais aux chefs d'entreprise pour les en informer. Agent des DIRECCTE, il sera le point d'entrée naturel au sein de l'administration. Ces « correspondants PME » seront des facilitateurs que vous, entrepreneurs, pourrez solliciter.
Mais je souhaite que cette fonction de facilitation, ils ne l'exercent qu'éclairés par l'expérience du quotidien d'un entrepreneur. Aussi, ces « correspondants PME » iront dans leurs départements respectifs, à la rencontre de la vie de l'entrepreneur en partageant une journée de 5 à 10 d'entre eux. Ces 5 à 10 jours, les correspondants les exploiteront pour identifier avec les chefs d'entreprise qui les accueille les facteurs de complexité administrative sur lesquels il faut agir. C'est dans le même esprit de rapprochement de l'Etat et de l'entreprise que je souhaite que tout nouveau cadre affecté dans les DIRECCTE à des fonctions d'encadrement en lien avec le développement des entreprises fasse une immersion de 3 jours dans une PME locale.
Si je crois à cette idée de stage en immersion en entreprise c'est que je suis convaincu que tant que l'on n'a pas soi même été confronté aux difficultés on n'a aucune raison de les comprendre.
Ces « correspondants PME » seront ainsi le relais naturel de la « procédure d'accueil unifié d'information et d'orientation des PME » en cours de mise en place par les acteurs du développement économique. Il s'agit qu'ensemble, Etat, OSEO, médiateurs,... mettent en place un numéro d'appel pour orienter les entreprises ainsi qu'une base de connaissance des outils d'aide disponible localement. Ce dispositif entre dans une phase opérationnelle. Je souhaite que vous vous en saisissiez. Vous le voyez nous n'avons pas perdu de temps. Je veux rendre hommage à la DGCIS, son directeur et ses équipes qui ont bâti à ma demande ce plan en 3 semaines. Dès ma nomination je les ai réunis pour fixer des priorités. Je suis en mesure de vous faire aujourd'hui des annonces. Je suis heureux de voir que beaucoup de fonctionnaires se sont portés volontaires car ils ont soif d'engager une collaboration avec les acteurs de terrains. Sans doute en ont ils assez d'être vécus comme des empêcheurs de tourner en rond.
Aider les entrepreneurs à naviguer au sein du maquis administratif est une nécessité. Ce n'est pas la seule dont me font part les entrepreneurs. Nombre d'entre vous m'exprimez votre agacement face à une complexité administrative qui va croissant avec la taille de l'entreprise. Si elle correspond à la prise en compte de préoccupations légitimes, cette complexité donne au final le sentiment que mieux vaut ne pas grandir. Ce n'est pas acceptable à mes yeux. Je souhaite que les services de l'Etat se mobilisent de façon toute particulière à ce moment clé de la croissance des entreprises : le franchissement des seuils. Je vais donc demander à l'administration déconcentrée du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de développer une action spécifique sur ce sujet : qu'enfin les entrepreneurs aient un correspondant privilégié dans les services de l'Etat pouvant leur apporter une information opérationnelle sur les conséquences du passage des seuils. On se compare toujours à L'Allemagne. Eh bien donnons-nous les moyens d'aider nos entreprises à grandir plutôt que de les freiner par une complexité et des obligations liées à leur développement.
Je veux aussi un Etat qui réponde aux besoins spécifiques des entreprises à potentiel
Le tissu économique français soufre de ne pas avoir assez d'entreprises de taille intermédiaire. Ce constat on le doit à l'incapacité à les faire naître et à les faire grandir.
Cette attention spécifique pour les entreprises à potentiel est primordiale à deux moments-clés de leur développement :
- peu de temps après leur création, quand la jeune entreprise se montre prometteuse en remportant ses premiers succès commerciaux ;
- lorsque l'entreprise a déjà franchi un certain nombre d'étapes et qu'elle a la capacité de gagner encore en ampleur pour devenir véritablement une ETI.
Concernant les toutes jeunes entreprises, il faut soutenir tout particulièrement celles qui ont le potentiel pour devenir des leaders à moyen terme. La création d'entreprise est vigoureuse en France. Il s'agit de transformer l'essai et que les jeunes entreprises qui en ont la capacité puissent connaître une croissance rapide. Je souhaite donc que les services de l'Etat réfléchissent à un dispositif qui permette d'accompagner les jeunes entreprises les plus prometteuses.
J'ai découvert avec plaisir que sur ce sujet, l'administration avait réfléchi à une stratégie d'accompagnement. Je suis conscient de bousculer un peu les choses en accélérant le processus engagé. Mais nous n'avons pas le temps d'attendre.
J'ai donc décidé qu'une expérimentation serait mise en place dans les prochaines semaines pour proposer un accompagnement renforcé à ces entreprises.
On pourrait mobiliser par exemple un expert référent, des entrepreneurs plus expérimentés selon la logique du mentorat, des prestataires de conseil (de marketing, design etc.) répondant aux besoins spécifiques de ces entreprises. Il s'agit tout à la fois d'aider ces entreprises à franchir un cap dans leur développement et de guider le chef d'entreprise sur le chemin de la croissance. Une telle expérimentation pourrait être conduite dès 2011 pour valider la pertinence et l'efficacité de cet accompagnement renforcé dans quelques régions test.
Autre moment clé dans le développement des entreprises, l'atteinte d'une taille moyenne entraine l'apparition d'un ensemble de contraintes administratives. Elles sont à ce moment trop petites pour avoir une organisation leur permettant de gérer la complexité et trop grandes pour entrer dans le cadre habituel des mesures de simplification. Je souhaite que l'Etat soit proactif vis-à-vis de ces « pépites » ou petites ETI qui ont le potentiel pour continuer à se développer. Des référents « ETI et PME de croissance » ont été désignés au sein des pôles « 3E » des DIRECCTE.
Ces référents reçoivent une formation adaptée aux besoins des entrepreneurs qu'ils accompagneront et à qui ils proposeront de gérer la complexité administrative. Une circulaire lançant la mise en oeuvre de ce dispositif va être signée dans les tous prochains jours. Ce sont 1000 PME de croissance et 1000 ETI qui sont concernées.
J'adresserai prochainement un courrier présentant plus précisément le rôle de ces correspondants « ETI et PME de croissance » aux chefs d'entreprise susceptibles d'être intéressés par ce dispositif. Nous n'avons pas de temps à perdre. C'est au moment de la sortie de crise que l'ont doit supporter les entreprises créatrices de croissance et d'emploi.
2/ L'Etat doit simplifier la vie des entreprises
Je vous ai présenté ma vision d'un Etat au service des entreprises, prenant en compte leurs particularités, leurs besoins liés à la taille, leur stade de développement, leur potentiel de croissance. J'ai pour ambition d'aller encore plus loin également en matière d'environnement économique.
Depuis ma prise de fonction, il y a un mois, j'ai rencontré de nombreux acteurs du monde de l'entreprise. Vous même monsieur le Président Roubaud, comme un grand nombre d'entre eux, vous m'avez fait part de leur insatisfaction, de leurs préoccupations face à la complexité grandissante de leur environnement. C'est un problème pour les entrepreneurs, c'est un problème pour l'économie : La simplification de l'environnement administratif et réglementaire des entreprises représente 3 à 4% du PIB de gaspillage chaque année et touche plus particulièrement les TPE et les petites PME.
Il me semble qu'il est maintenant temps de faire un réel état des lieux de l'environnement dans lequel évoluent nos entreprises. Je propose donc que nous prenions le temps de réfléchir et de proposer les simplifications qui, au quotidien, faciliteront la vie des entrepreneurs.
Pour cela, je vous propose la tenue d'assises de la simplification qui seront organisées au premier semestre 2011. Je souhaite qu'en partant des remarques exprimées au niveau local, notamment par les chefs d'entreprise, des retours d'expérience des fonctionnaires référents qui auront effectué cette immersion dans le tissus entrepreneurial de notre pays, on explore un certain nombre de thèmes par exemple, de la création de leur entreprise, de la première embauche, du franchissement des seuils, du départ du chef d'entreprise à la retraite..., bref chaque étape majeure de la vie d'une entreprise.
Je souhaite associer à la conduite de ces assises les organisations professionnelles et consulaires pour toucher le plus grand nombre d'entreprises. Ces assises constitueront donc un moment privilégié pour exprimer vos besoins, votre analyse de la compétitivité de la France, vos propositions pour simplifier votre environnement.
Je compte sur la mobilisation de chacun. Le Gouvernement vous offre le moyen d'exprimer votre vision et vos idées, de formuler des propositions de réformes concrètes pour améliorer les conditions de votre activité économique, c'est bien le moment de faire entendre votre voix !
3/ Un Etat qui facilite l'accès des entreprises aux moyens de leur croissance
L'amélioration de l'environnement économique des entreprises ne se limite pas aux perspectives de simplification, pour importantes qu'elles soient.
En premier lieu, la crise nous a rappelé que la suffisance des sources de financement de l'entreprises n'était pas une réalité intangible et qu'il nous fallait constater que les marchés étaient parfois défaillants.
Certes, les sondages de la CGPME montrent que la perception de la situation par les entrepreneurs s'améliore. Pour autant je serai particulièrement vigilant à ce que les financements, et tout notamment bancaires, soient suffisants pour ne pas entraver le redémarrage de l'économie et tout particulièrement pour ce qui concerne la couverture des besoins de financement d'exploitation.
Malgré ces améliorations ressenties, de nombreuses entreprises continuent à exprimer, et à vivre, des difficultés dans leurs relations avec leurs banques. La médiation du crédit a été pour elle un outil essentiel, mais il faut aller plus loin dans la démarche de prévention des difficultés. Il faut examiner la mesure dans laquelle, les acteurs du développement des entreprises peuvent aider les entrepreneurs à mieux prévenir ces difficultés avec leurs banques.
L'année 2011 sera également une année essentielle pour le financement en fonds propres des entreprises. Le Président de la République a ouvert le chantier de la réforme du patrimoine. Corollaire j'allais dire inévitable, mais surtout nécessaire, il nous faudra réfléchir à la réforme de la fiscalité en faveur de l'investissement dans les entreprises. Le dispositif ISF PME a fait ses preuves. Il ne s'agit pas de faire moins, il s'agit de faire mieux ! Nous devons travailler ensemble à bâtir des dispositifs qui rapprochent encore les Français qui veulent investir des entrepreneurs.
Tout cela ne vise au fond qu'un objectif : permettre aux entreprises françaises de gagner en compétitivité pour améliorer leurs positions face à la concurrence internationale. Il n'est pas admissible que l'OCDE puisse conclure durablement que la France a connu une détérioration marquée de sa performance à l'exportation depuis le début des années 2000. Il nous faut réfléchir aux raisons qui conduisent structurellement à ce que la compétitivité coût de la France décroche par rapport à celle de l'Allemagne.
Parler de compétitivité sans la lier à la fiscalité serait une erreur. Les prélèvements obligatoires sur les entreprises représentent 39% des prélèvements obligatoires totaux, soit 10 points au dessus de la moyenne de l'UE. Je vous l'affirme sans ambiguïté : je me battrai si c'est nécessaire pour éviter le détricotage de toutes les mesures fiscales favorables à la compétitivité des entreprises, notamment la réforme de la CET. Cette tendance baissière des prélèvements obligatoires (-2.1% en 2009) ne doit pas être remise en question. Nous vous devions cette réforme. Le Président de la République a eu le courage de l'engager. J'entends les voix qui ici où là, plus ou moins bruyamment le regrette, qui estiment que l'on pourrait remettre en cause cette réforme globalement favorable aux entreprises, même si l'impact dépend il est vrai de la situation particulière de chaque entreprise. Nous devons, avec Christine LAGARDE, rester fermes en la matière.
Fondamentalement, il faut tenir un discours de vérité : la seule manière de diminuer la pression fiscale c'est de diminuer les dépenses, de les recentrer sur les investissements porteurs de potentiel pour l'Etat et pour les entreprises.
Dans le monde de l'après-crise, il faut également que nos entreprises gagnent en compétitivité « hors prix ». Il est donc indispensable de miser sur l'innovation, l'économie de la connaissance afin de voir émerger en France et en Europe les champions de demain. Le crédit impôt recherche porte ses fruits. Là encore je suis satisfait qu'il ait finalement pu être, comme s'y était engagée Christine Lagarde, préservé du rabot général. Vous le savez cela n'a pas été facile. Les discussions au parlement nous ont donné quelques sueurs froides. Mais au bout du compte cet outil que beaucoup de pays nous envient et qui fait de la France l'un des pays de l'innovation a été préservé.
Cette ambition doit se placer dans le contexte européen défini par la stratégie « Europe 2020 » qui repose notamment sur la recherche et l'innovation. Un plan européen pour la recherche et l'innovation est en cours de préparation par la Commission. Il faut profiter de cet élan en nous inspirant de ce qui peut être fait ailleurs dans le monde. Des pistes existent par exemple, comme l'a évoqué récemment le Premier ministre, par la « création d''un grand fonds européen de capital-risque et l''instauration d''un fonds européen des brevets ». Notre pays vient d'engager un effort sans précédent en faveur de la recherche et de l'enseignement supérieur à travers les investissements d'avenir financés par l'Emprunt national et le maintien du CIR qui bénéficie notamment aux PME.
C'est à ces conditions qu'on permettra l'émergence de l'entreprise de demain, une entreprise flexible, innovante, conquérante et responsable pouvant se développer dans un environnement apaisé où la vie de ceux qui créent de la richesse et donnent des emplois à nos compatriotes soit facilitée.
Vous l'avez compris je suis à vos cotés pour relever ces défis.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 16 décembre 2010