Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur le développement du transport combiné, Paris le 9 mars 1999.

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Circonstance : Assemblée générale du groupement national des transports combinés, Paris le 9 mars 1999

Texte intégral

Monsieur le Président Pierre Fumat,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous remercier tout particulièrement de votre invitation à clôturer votre assemblée générale parce que le développement du transport combiné doit constituer lun des axes prioritaires daction de la politique du Gouvernement dans le domaine des transports mais aussi parce que le moment me semble venu de faire le point sur la politique de lEtat en matière de transport combiné et de répondre ainsi à quelques questions et remarques que vous avez formulées.
Nous sommes tous persuadés que le transport combiné est une des principales voies davenir pour faire face à laccroissement des échanges et de la demande de transport de fret, et pour assurer un développement équilibré des différents modes de transport. On a maintes fois rappelé ses avantages importants pour la collectivité, en particulier par les réponses quil peut apporter aux problèmes de congestion, de renforcement de la sécurité et de protection de lenvironnement. Cest un sujet de très large consensus au niveau de lEurope.
Et pourtant, nous ne pouvons que constater et regretter les difficultés qui ont marqué lannée 1998, et qui ont conduit à une stabilisation du trafic. Un palier a été atteint, après plusieurs années de croissance à plus de 10 % par an.
Il faut noter que ces difficultés ont touché dautres pays comme lAllemagne et la Grande-Bretagne. Ce nest pas par excès de protectionnisme réglementaire, puisque comme vous le savez, la directive 91-440 a accordé louverture des réseaux pour le transport combiné.
Mais il nous faut bien constater que dans les pays les plus libéraux, les opérateurs de transport combiné nont pas fait mieux que nous, et que les entreprises ferroviaires nont pas eu toujours une attitude très offensive pour développer ces activités.
Il faut donc à présent trouver un second souffle. Il faut convaincre à nouveau les clients que le combiné peut leur apporter les services quils recherchent. Lensemble du système de production doit sorganiser pour offrir un transport de bout en bout dans des conditions de régularité et de qualité de service irréprochables. Cest, me semble-t-il aujourdhui, la priorité absolue, car sans la qualité de service, il nest pas possible dintégrer ce mode de transport dans les organisations industrielles modernes.
Lensemble des partenaires intéressés doivent faire preuve de plus de dynamisme, - cest je crois la volonté de la SNCF et de son groupe - si on veut que le palier cyclique sur lequel nous sommes actuellement ne dure pas trop. Je veux remercier le Président GALLOIS pour lanalyse et la proposition pour aller dans ce sens.
Cela passe par une politique ambitieuse de développement nécessitant sans doute une reprise des investissements, une mobilisation commerciale et, des initiatives significatives en matière dorganisation du trafic international. Il sagit dillustrer concrètement la conviction partagée que le transport combiné à un grand avenir.
Le transport combiné représente désormais plus du quart du trafic ferroviaire en France. On pourrait sen contenter mais ce nest ni votre ambition, ni la mienne. Cest pourquoi je souhaite que lon profite des difficultés actuelle pour faire un bilan lucide de la situation, sans complaisance mais sans catastrophisme, avec la volonté dassurer un avenir durable à ce mode de transport, à défaut de développer la complémentarité des modes de transport nous risquerions daller à une véritable asphyxie du transport routier. Notre situation et nos interrogations sont également celles des pays voisins qui rencontrent les mêmes problèmes. Cela doit nous faire réfléchir, car lavenir du combiné est lié à la manière dont le rail parviendra à profiter du développement des échanges à léchelle de lEurope.
Face au transport routier, qui a amélioré ses performances dannée en année parfois au prix dun certain dumping économique et social, le combiné a besoin de conquérir les marchés du transport sur longue distance. Au niveau européen, ces marchés correspondent de plus en plus à du trafic international. Les discussions qui se tiennent à Bruxelles sur la réglementation ferroviaire ont une importance toute particulière pour lavenir de ce secteur. Vous savez que deux conceptions saffrontent sur la manière de développer le ferroviaire. Vous savez que nous pensons que la coopération entre les réseaux devrait être encouragée, en fret comme en voyageurs, car elle seule permet de constituer, à partir de systèmes ferroviaires nationaux hétérogènes, une offre de services de transport de qualité. Mais il est clair que les modalités de cette coopération doivent être adaptés à lépoque actuelle, et quil faut aller plus loin en matière daccords que ce que les réseaux avaient coutume de conclure.
Sans aller jusquà des fusions pures et simples entre réseaux voisins comme nous en voyons parfois se dessiner, ny a-t-il pas des formules daccords industriels poussés, préservant les intérêts des entreprises en place, des Etats et ceux des clients qui pourraient améliorer lefficacité du transport international. Jinvite à un effort dimagination dans ce domaine, dautant plus nécessaire pour le combiné quil mobilise beaucoup dacteurs, qui ont tous besoin de perspectives claires pour développer leurs activités.
Pour ce qui concerne directement les décisions à prendre en France, javais chargé M. Pierre Perrod, Président du Conseil National des Transports, dexaminer lensemble des mesures qui peuvent être prises. il a formulé, dans son rapport de juillet 1998, dimportantes propositions qui concernent lensemble des acteurs du transport combiné. Elles visent notamment :
- à renforcer lefficacité du secteur,
- à stimuler loffre,
- à accroître les capacités des infrastructures,
- à renforcer léquipement et les atouts des ports français,
- et enfin, à faciliter laccès des PME au transport combiné.
Il convient effet de renforcer lefficacité de ce secteur, au niveau de la maîtrise du développement et de la conception des chantiers, de leurs modalités de gestion, de lorganisation et de la coopération des capacité de prendre toute leur place dans un système en cours dinternationalisation rapide ;
Il mapparaît également nécessaire de stimuler loffre, en créant des mécanismes incitatifs permettant notamment à la SNCF de sinscrire de manière beaucoup plus offensive dans une dynamique de développement du transport combiné ;
Concernant les infrastructures, il faut sattacher à résorber les goulots détranglement des infrastructures ferroviaires, à construire de nouveaux chantiers pour compléter et renforcer le maillage existant, en cohérence avec lobjectif daménagement du territoire et de mise en place progressive, souhaitée par la France, dun réseau ferroviaire européen dacheminement du fret ;
A cet égard, laccord signé le 3 mars dernier entre 7 entreprises ferroviaires pour la mise en place du premier corridor ferroviaire européen Est-Ouest est exemplaire. Après la mise en place dès novembre 97 du corridor Nord-Sud à linitiative des réseaux belges, français et italiens étendu vers lEspagne, le corridor Est-Ouest qui se compose de 4 sillons internationaux permettra de relier lEst de lEurope à la Grande-Bretagne via la France, lAllemagne et lAutriche.
Cette mise en place confirme la possibilité daméliorer de façon notoire les acheminements internationaux sur la base de la coopération et préfigure déjà la mise en place dun réseau européen de transport fret tel que nous laspirons de nos voeux.
Le rapport propose un plan à cinq ans, prévoyant un accroissement important des aides de lEtat avec le triplement des aides consacrées aux chantiers pour atteindre 150 MF/an et linscription de cette démarche dans la négociation des contrats de plan Etat/Régions.
Ce rapport a été rendu public, pour quun débat souvre avec lensemble des acteurs concernés, autour des orientations et des propositions quil préconise.
La Direction des Transports Terrestres a recueilli les avis des principaux intéressés, en particulier la SNCF, RFF, la CNC, NOVATRANS et votre Groupement National du Transport Combiné. Sans vouloir aujourdhui apporter une conclusion définitive à lensemble des questions soulevées, dont certaines demanderont du temps pour trouver une solution, je souhaite vous faire part des orientations dans lesquelles je souhaite que nous nous engagions :
- En ce qui concerne la programmation des terminaux de transport combiné, on a évoqué la création dune structure spécifique. Lampleur des investissements ne me paraît pas nécessiter, au moins à court terme, la mise en place dune structure spécifique chargée du développement de chantiers intermodaux mais je félicite RFF davoir pris linitiative de réunir un comité des responsables concernés qui pourra apporter tous les avis utiles pour améliorer les projets. Dans certains cas, et en particulier pour les dossiers dont RFF na pas vocation à assurer le pilotage, lEtat sera dans son rôle en effectuant les arbitrages nécessaires.
- Pour améliorer la productivité et la disponibilité des chantiers, trois programmes de recherche ont été lancés dans le cadre du PREDIT sur ladaptation de la gestion des trains, la mesure des performances et les systèmes de transbordement.
Dans le même temps, RFF examine les aspects juridiques et financiers de loccupation des chantiers par les opérateurs, et des modalités de rétribution de lutilisation de ces infrastructures. Pour les chantiers futurs, un règlement densemble précisera les coûts qui seront à la charge de la SNCF pour ce qui concerne lutilisation des voies des chantiers et des opérateurs pour les installations quils exploitent. Pour les chantiers actuels, il faut trouver une formule de transition qui tienne compte dune évaluation équitable des charges occasionnées par les différents acteurs et de leur capacité contributive.
- Pierre Perrod a relevé que le développement du trafic international du transport combiné suscite des évolutions dans le paysage des opérateurs et quil faut que les opérateurs français ne restent pas à lécart de ces mouvements. Il a même été jusquà évoquer la possibilité dun rapprochement ou dune fusion des deux opérateurs nationaux. Je crois sur ce point que des synergies fortes existent déjà entre ces deux opérateurs, et le problème est européen plus que franco-français. Leurs métiers sont un peu différents, et les conditions de coopération ou de concurrence avec des partenaires étrangers se posent différemment pour Novatrans et CNC.
La coopération entre les opérateurs européens qui, comme Novatrans, apportent un service aux transporteurs routiers, se fait naturellement, dans le cadre de lUnion Internationale Rail Route, entre entreprises nationales.
Par contre, en ce qui concerne le transport de caisses pour un chargeur, ce qui constitue le métier de CNC, la concurrence entre les opérateurs est directe. Il ne semble pas possible dexercer cette activité à terme sans avoir une stratégie globale européenne, impliquant des accords industriels poussés et, éventuellement capitalistes, avec des opérateurs étrangers. Je pense donc quil faut lancer sans attendre lexamen des opportunités de partenariat qui peuvent se présenter, et permettre à CNC délargir encore plus ses activités à linternational, pour être notamment un véritable opérateur multimodal de desserte de nos ports.
- Le principe de priorité à accorder au transport combiné dans laffectation des sillons est une question importante. Si on laisse jouer les seuls mécanismes de marché et la pesanteur des habitudes, le combiné aura de plus en plus de mal à se maintenir dans les graphiques de circulation des trains. Il faut trouver un équilibre entre le développement du fret et celui des voyageurs, en particulier au voisinage des agglomérations et aux heures de pointe du trafic régional. Le trafic de transport combiné national, en « saut de nuit » peut sinsérer relativement facilement dans le trafic voyageur, mais le trafic international a des exigences dhoraires plus difficiles à satisfaire. Létude que vient de lancer RFF sur les axes à priorité fret permettra de faire des propositions sur la répartition optimale des sillons sur le réseau ferré national. Cette étude doit être rendue dans le deuxième semestre 1999. Il faudra, à partir de ces bases, que les liaisons prioritaires du transport combiné soient clairement identifiés et que la carte qui les représentera soit intégrée au futur schéma de service marchandises prévu par la loi daménagement et de développement durable du territoire. Jajoute bien sûr quil nous faudra veiller à la tarification de linfrastructure pour que les péages ferroviaires ne pénalisent pas le transport combiné par rapport à la route.
- Le rapport recommande de faciliter laccès des petites entreprises routières au transport combiné. Je souhaite que lon poursuive dans cette voie, qui, a fait ses preuves. Certaines régions apportent déjà leur soutien par des fonds spécifiques et des aides pourront être proposées dans le cadre de lélaboration des contrats de plan Etat/Région.
- La dotation globale allouée au transport combiné en 1999 a été portée à 380 MF contre 350 MF les années précédentes. Je ne tiens pas compte dans ce chiffre dune modification du système comptable qui fera en fait que cest même linscription de 430 MF qui seront proposée au prochain comité de gestion du FITTVN. 260 MF, comme lan dernier, sont prévus pour la convention Etat/SNCF qui sera renouvelé et 120 MF, contre 74 MF en 1998, cest-à-dire une hausse supérieure à 50 %, vont être proposés pour le développement des terminaux multimodaux, qui concernent je le souligne, aussi bien la voie deau que le réseau ferroviaire.
LEtat et la SNCF négocient actuellement les modalités de la nouvelle subvention annuelle de soutien au transport combiné mais je peux vous indiquer quelle comprendra, comme lannée dernière, un indicateur relatif à la qualité de service. Il faut que vous sachiez quil ne sagit pas là dun effet de style et que nous voulons, je dis nous parce que je sais que cet objectif est compris et partagé par la SNCF, que la subvention soit réellement incitative. La subvention initialement prévue na, de ce fait, pas été intégralement versée lannée dernière et jespère que lon dépassera au contraire les objectifs cette année. Permettez-moi, Monsieur le Président, je ne crois pas à lidée dinstaurer un service minimum. Nos prédécesseurs nont pas cru bon de le faire au plus fort du conflit de décembre 1995. Il faut convaincre plutôt que de chercher à contraindre. Je ne crois pas de même quil faille opposer social et productivité. Ma conviction profonde est au contraire quun bon dialogue social est une condition indispensable à la réalisation de gains de productivité car vous le savez bien, rien ne se fait sans la participation des salariés et cela aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé ; aussi bien dans le transport ferroviaire que dans le transport routier dont n ne peut pas dire quil soit épargné par les conflits sociaux. Jen profite également pour rappeler que concernant la qualité des acheminements, le transport routier nest pas épargné non plus par les phénomènes de congestion où de perturbation dues aux accidents.
En ce qui concerne les investissements, le Gouvernement entend marquer sa préférence, conformément aux préconisations du rapport de M. Perrod, pour lextension des chantiers en voie de saturation ou leur développement sur des sites existants.
Ainsi, une augmentation très significative des subventions destinées aux chantiers de transport combiné est prévue en 1999 : 100 MF, contre 54 MF en 1998, seront consacrés aux terminaux rail-route. Ces investissements devraient concerner notamment les opérations suivantes :
- la dernière tranche de Lille Lomme,
- la première tranche dAvignon Champfleury,
- la première tranche de Valenton II en région parisienne,
- la fin de la première phase fonctionnelle de Bordeaux Hourcade,
- une première phase du terminal de Perpignan, après lachèvement des études en cours par la SNCF,
- et le terminal de Vaires en région parisienne.
Lenveloppe allouée aux terminaux fluviaux (15 MF) sera proposée avec une augmentation de 50 % par rapport à 1998.
Dans le même temps il nous faut préparer lavenir. Les « grands chantiers », tels que Saint-Mard et Dourges, ainsi que les autres projets de plate formes multimodales liées à un terminal de transport combiné, devront être intégrés dans lélaboration des schémas de service et de faudra mettre au point leurs plans de financement dans le cadre des négociations des contrats de plan Etat/Région.
Pour les investissements en ligne, vous avez souligné, Monsieur le Président, limportance de lace France - Italie. Je suis comme vous persuadé de son importance et cest pourquoi javais demandé avec mon collègue italien lors du sommet du 3 octobre 1997 que les entreprises ferroviaires FS et SNCF nous soumettent, dans un délai de six mois, un programme daction visant à permettre à court terme une réduction des temps de parcours pour le trafic fret entre Paris et Milan. Lors du sommet franco-italien des 5 et 6 octobre dernier, nous avons approuvé dans son principe le programme daction qui nous a été proposé et je compte sur le Président Gallois pour sa mise en oeuvre rapide.
Ainsi que vous le voyez, la détermination de lEtat pour le combiné reste entière. Mon souhait est que le transport combiné reprenne rapidement la croissance des années passées, dans un cadre clarifié, dans lequel tous les acteurs, trouvent leur avantage à coopérer. Beaucoup de travail a déjà été fait, mais il reste encore beaucoup à faire. LEtat y jouera son rôle et je charge la Direction des Transports Terrestres de continuer à animer et à arbitrer les différentes actions qui permettront de poursuivre le développement du transport combiné. Certes, la réussite ne se décrète pas et est laffaire de tous, chargeurs, transporteurs, opérateurs, entreprise ferroviaire, gestionnaire dinfrastructure, qui ont à conclure des accords entre eux qui respectent leurs intérêts, mais qui permettent aussi au système de fonctionner à la satisfaction générale. Vous pouvez, pour ce qui le concerne, compter sur lEtat.