Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la politique de la recherche et de l'innovation, le développement des PME et des entreprises de taille intermédiaire et la poursuite des allègements de charges sur les bas salaires, à Troyes (Aube) le 28 février 2011.

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Circonstance : Déplacement du Premier ministre à Troyes (Aube) le 28 février 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, mon cher François Baroin,
Cela fait bien longtemps que je voulais me rendre à Troyes. Je voulais me rendre à Troyes d'abord pour saluer les succès de cette ville, mais aussi pour rendre hommage au travail de François BAROIN et de vous tous. J'ai une grande confiance dans François BAROIN et je veux dire à mon tour le plaisir qui est le mien de travailler quotidiennement avec lui.
Vous savez entre le Ministre en charge du budget et le Premier ministre, il y a une complicité qui est absolument indispensable puisque nous faisons tous les deux le travail le plus difficile. Celui qui consiste à réduire les déficits, celui qui consiste à calmer les ardeurs des autres membres du gouvernement, à réduire la portée de leur imagination et de leurs projets. A dire non. A dire non tout simplement lorsque cela est nécessaire et j'apprécie beaucoup la façon dont François BAROIN assume cette responsabilité, avec intelligence, avec beaucoup de courage et avec surtout le sens de l'intérêt général.
Et je voudrais dire qu'avec Christine LAGARDE ils forment une équipe qui est une équipe remarquable. Christine LAGARDE est la première femme Ministre des Finances de notre pays. Elle est bientôt en passe d'être le Ministre des Finances qui aura duré le plus longtemps au Gouvernement de la République française. Et chacun voit bien qu'à l'étranger elle est unanimement respectée. Eh bien cette équipe, Christine LAGARDE et François BAROIN, c'est une équipe formidable et c'est une équipe qui est absolument indispensable pour relever les défis que notre pays doit relever. Défis de la compétitivité, ce sont ceux dont Christine a la responsabilité. Défis de la maîtrise des dépenses publiques et même de la réduction de la dépense publique. Du désendettement de notre pays. C'est l'immense tâche de François.
La solidité de François, son expérience, ses valeurs républicaines sont un grand atout pour le Gouvernement. Je l'ai dit, il a notamment la tâche difficile de redresser nos finances publiques. C'est un enjeu de souveraineté, c'est un enjeu de souveraineté nationale parce que les déficits constituent une menace, une menace pour notre liberté, une menace pour notre croissance et au final, une menace pour notre modèle social.
Nous sortons de la pire récession que notre pays ait connue depuis un siècle, et je suis venu dans l'Aube pour dire aux Français que nous avons beaucoup d'atouts pour retrouver le chemin du progrès. Par le passé, votre département a démontré que l'on pouvait rebondir face à la crise de l'industrie textile. Votre département a su opérer sa reconversion. Ce fut possible grâce à la mobilisation des industriels – que je veux saluer – des salariés, des élus : Robert GALLET, vers lequel je tourne à l'instant mes pensées ; François BAROIN, Philippe ADNOT, Gérard MENUEL, mais aussi tous les élus de votre département, et la Chambre de Commerce et d'Industrie.
Vous avez su parier sur le développement d'une offre universitaire ambitieuse, à laquelle je suis heureux d'avoir pu participer. Et comment dirais-je, le plus important dans la décision que j'ai prise en 1993 ou 94, ça n'est pas tellement le financement, je ne sais plus combien l'Etat a apporté, c'est la décision de créer une nouvelle université de technologie. Parce que c'est un des secrets de notre pays, de ne pas reproduire les modèles qui fonctionnent, qui marchent bien. Tout le monde reconnaissait que l'université de technologie de Compiègne était une réussite exceptionnelle. Et elle était tellement exceptionnelle, qu'on s'était bien gardé de la reproduire dans notre pays. Et lorsque Philippe ADNOT est venu me trouver pour me demander de créer à Troyes, une université de technologie, je n'ai pas seulement dû trouver des financements et affronter un Ministre du Budget qui naturellement était réticent, mais une communauté universitaire qui était réticente à l'idée de créer une nouvelle université de technologie. Parce que le modèle qui convenait à tout le monde c'était celui de l'université classique, avec l'ensemble des champs de formation. Alors même que nous le voyons bien ici à Troyes – et j'ai eu l'occasion de revenir la visiter – l'université de technologie est exactement le maillon qui manquait dans notre système d'enseignement supérieur, notamment pour apporter à l'industrie, pour apporter à l'économie française les compétences dont elle à besoin pour être compétitive.
Vous avez créé le Technopole, vous avez su valoriser la Champagne et la richesse de votre patrimoine. Avec le projet d'auditorium porté par le Conseil général, avec le projet muséal de Troyes, avec le musée Camille Claudel à Nogent, vous êtes aujourd'hui unis pour renforcer votre attractivité. Et je voudrais vous dire que naturellement, sous réserve des moyens que m'accordera François BAROIN, je porterai une attention particulière à la réalisation de l'ensemble de ces projets.
L'Aube se bat pour sortir de la crise et au cœur de cette bataille il y a la question de notre compétitivité. Je viens de visiter le premier site de l'entreprise Petit Bateau. C'est une entreprise française, c'est une entreprise emblématique qui a su affronter la mondialisation en face. En misant sur l'innovation technologique et sur la créativité de ses designs, elle a réussi à bâtir son succès sur l'export. Tout en choisissant de réaliser une partie de sa production à l'étranger, elle a pu préserver et elle a même pu créer des emplois en France. Eh bien cette performance prouve que la mondialisation peut être une opportunité, à condition de savoir nous adapter.
Dans cette compétition, la France a des atouts par rapport à d'autres pays européens. Nous avons une démographie favorable, nous avons des infrastructures modernes, nous avons une main d'œuvre qualifiée, nous avons des ingénieurs et des scientifiques qui sont reconnus mondialement. La France est le cinquième exportateur mondial et la troisième destination mondiale pour les investissements directs étrangers.
Mais c'est un fait et nous devons le reconnaître, nous avons laissé notre compétitivité se dégrader. Les 35 heures ont pénalisé l'économie française, comme le poids des prélèvements obligatoires et l'insuffisance d'innovation de nos entreprises. Au cours des dix dernières années, pendant que l'Allemagne gagnait des parts de marché, notre part dans les exportations de la zone euro a reculé de plus de 4%.
Pendant que l'Allemagne dégageait des excédents record, nous avons subi, du fait du tassement de la compétitivité de notre économie, un creusement très net du déficit de notre balance commerciale et une perte d'emplois industriels. Eh bien c'est cette tendance qu'il faut inverser. Et c'est tout l'objectif de la politique que nous conduisons avec Christine LAGARDE.
D'abord pour moderniser notre économie, nous avons choisi de stimuler l'innovation. Nous avons un effort public en matière de Recherche et Développement qui est grosso modo comparable à celui de nos concurrents, de nos voisins. Mais la dépense totale en Recherche et Développement, c'est-à-dire celle qui inclut l'effort des entreprises, est insuffisante. Or si nos entreprises n'investissent pas assez dans l'innovation, si elles ne renouvèlent pas assez leurs gammes, alors elles subissent de plein fouet la concurrence par les coûts des producteurs émergents.
C'est la raison pour laquelle nous avons triplé le Crédit Impôt Recherche en 2008, en faisant de ce dispositif l'un des plus volontaristes de tous les pays développés. Pour stimuler la recherche et l'innovation des entreprises, nous avons au surplus renforcé les liens entre la recherche publique et la recherche privée, en mettant un terme aux divisions stériles. Aujourd'hui, plus de 7 000 établissements font partie d'un pôle de compétitivité, ce qui permet aux entreprises impliquées d'accéder à des positions de premier plan dans leur domaine en France et à l'international.
Parallèlement, nous avons lancé un effort sans précédent en faveur de la recherche publique en augmentant les crédits de près de 40% entre 2007 et 2012, sans compter l'effort exceptionnel qui vient s'ajouter aux sommes que je viens d'évoquer, réalisé dans le cadre de l'opération Campus et de l'opération en cours des investissements d'avenir. Ces investissements d'avenir, c'est plus de 20 milliards d'euros qui seront consacrés aux projets du futur. D'un côté l'innovation, de l'autre l'investissement. C'est le deuxième axe de notre politique.
En 2008, les prélèvements pesant sur les entreprises françaises étaient supérieurs à la moyenne de l'Union Européenne d'un peu plus de 5 points. Et la structure de la fiscalité française était franchement défavorable aux investissements. La taxe professionnelle pénalisait les entreprises, nuisait à l'attractivité de notre territoire. Nous l'avons supprimée. En 2010, cette réforme a allégé les prélèvements de 9,5 milliards d'euros. Et à terme, l'ensemble des entreprises bénéficiera d'un gain moyen de 25% de charges d'impôt. Pour les PME et les entreprises industrielles, les allègements de charges atteindront de 40% à 60% dans certains secteurs. Pour l'industrie automobile, c'est une baisse de 60% par rapport à la charge de la taxe professionnelle. Pour la construction, c'est une baisse de près de 50%. Pour les industries agroalimentaires c'est une baisse d'environ 40%.
Cette réforme commence à porter ses fruits puisque depuis le deuxième trimestre de l'année dernière, l'investissement des entreprises est reparti à la hausse et pour cette année, les industriels anticipent un rebond de leurs investissements de + 14%.
Le troisième axe de notre politique, c'est le développement de notre tissu de PME et d'Entreprises de Taille Intermédiaire. On a très longtemps dit que les Français n'avaient pas la fibre entrepreneuriale. Et quand on interrogeait les jeunes Français en général ils n'avouaient pas spontanément vouloir se diriger vers l'entreprise, en tout cas vouloir en créer. Eh bien c'est une chose qui est en train de changer. Le nombre de créations d'entreprises dans notre pays a longtemps plafonné à environ 200 000 par an. L'an dernier nous avons dépassé 620 000 créations. Ces résultats, nous les avons obtenus en simplifiant les démarches des petites entreprises grâce au régime de l'auto-entrepreneur.
Ce qui a marché pour aider les entreprises à se créer doit fonctionner aussi pour les aider à croître. Et donc nous allons, sous l'autorité de Christine LAGARDE, simplifier les formalités liées à l'embauche en divisant par quatre le nombre des informations demandées aux employeurs, dans le cadre des déclarations d'embauches. Une nouvelle série de mesures de simplifications est en cours de préparation. Pour croître, les PME ont besoin d'être libérées des contraintes inutiles. Elles ont besoin également d'accéder aux financements indispensables à leur développement. Il faut que nous parvenions à mieux orienter l'épargne des Français qui est très importante dans notre pays, vers le financement de l'économie et vers la création de richesses et d'emploi. Nous allons demander aux banques, qui à présent peuvent toutes proposer un livret A à leurs clients, d'affecter à partir de cette année les trois quarts de la hausse des encours d'épargne réglementée qu'elles récupèrent à la production de crédits à l'investissement pour les PME. Cela représente plusieurs milliards d'euros par an.
Les entreprises doivent également pouvoir trouver des fonds propres pour financer leur développement. Le dispositif ISF PME a permis d'apporter chaque année près d'un milliard d'euros aux petites et moyennes entreprises. Je veux vous dire qu'avec François BAROIN nous sommes très attentifs à ce que la réforme de la fiscalité du patrimoine, sur laquelle nous sommes en train de travailler, tienne bien compte de cette question du financement des Petites et Moyennes Entreprises. Avec le Fonds stratégique d'investissement, ce sont plus de 3,5 milliards d'euros qui ont été investis dans le développement des entreprises depuis un peu plus de deux ans. Nous allons renforcer ses moyens de 1,5 milliard d'euros supplémentaires, à partir des fonds d'épargne gérés par la Caisse des Dépôts. Nous allons accroître son rôle de structuration des grandes filières industrielles et nous allons lui demander d'augmenter le nombre de ses investissements dans les entreprises de taille intermédiaire. Il ne s'agit pas là de venir au secours d'entreprises qui sont en très mauvaise santé, mais il s'agit de venir apporter le coup de pouce, le soutien stratégique au moment où une entreprise en a besoin pour se développer, pour changer de dimension, pour conquérir de nouveaux marchés ; pour passer un cap difficile.
Mesdames et Messieurs,
L'exemple de l'entreprise Petit Bateau le démontre. Dans une économie mondiale qui croît à un rythme annuel de 4,5%, l'export ouvre des opportunités considérables. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la dégradation de notre déficit commercial et de la baisse régulière du nombre de nos entreprises exportatrices. Pour augmenter le nombre d'entreprises qui exportent, il faut lever les freins qui les en empêchent. Ces freins sont connus : d'abord, les PME sont réticentes à se lancer à l'international car elles ne disposent pas sur place des contacts nécessaires. Il faut au moins dans un premier temps qu'elles soient accompagnées. C'est la raison pour laquelle UBIFRANCE a été créée. Et entre 2007 et 2010 le nombre d'entreprises accompagnées par UBIFRANCE à l'international a triplé.
Avec Christine LAGARDE, nous avons fixé de nouveaux objectifs pour que ces efforts d'accompagnement se traduisent par davantage de contrats signés. Les PME ont également besoin que les grands groupes français les aident à s'implanter à l'international. A partir de cette année, les grandes entreprises qui bénéficieront du soutien de l'Etat dans le cadre de ces grands contrats dont on parle si souvent, seront incitées à aider leurs sous-traitants à profiter de ces marchés. Je crois qu'il faut cesser d'opposer dans notre pays les grandes entreprises et les petites entreprises. Nous avons besoin des deux et nous avons besoin que les grandes entreprises entraînent derrière elles, dans une logique de filière, l'emploi national. C'est ce que savent très bien faire nos amis allemands, avec un discours très ouvert aux marchés ; avec un discours très libéral. Ils savent quand même s'organiser pour faire en sorte que grands groupes allemands et petites entreprises allemandes conquièrent les marchés ensemble. Eh bien nous devons nous aussi avoir cette même préoccupation.
Pour que les PME acceptent de se lancer, l'accès à des instruments qui leur permettent de maîtriser les risques financiers qu'elles prennent à l'export, par exemple en matière d'impayés, est un autre facteur déterminant. En 2009, au plus fort de la crise, les assureurs-crédit ont réduit les volumes d'exportations qu'ils acceptaient de couvrir remettant ainsi en cause les exportations qui se retrouvaient sans protection. Pour les exportateurs installés en France, pour qu'ils continuent à être protégés, le Gouvernement a créé deux produits d'assurance-crédit : CAP export et CAP+ export. Eh bien, je veux dire aux chefs d'entreprises concernés, que nous allons prolonger au cours des prochains mois ces deux dispositifs – qui sont des dispositifs de crise, qui sont des dispositifs exceptionnels, mais nous ne les supprimerons que lorsque le marché privé de l'assurance-crédit à l'export sera totalement en mesure de prendre le relais. Nous n'acceptons pas que les PME françaises se retrouvent sans protection contre les risques d'impayés à l'export.
Nos PME sont souvent bridées dans leur croissance par un certain isolement. Chez nous, les logiques de filières sont moins développées que dans d'autres pays. Il faut consolider la capacité de nos entreprises à travailler ensemble et dépasser des logiques de court terme à travers des relations partenariales. Pour développer ces types d'approche, nous avons créé les « comités de filières ». Mettre en place des logiques partenariales, c'est d'abord améliorer les relations entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants. Les pratiques commerciales abusives restent trop fréquentes et elles nuisent au final à l'ensemble du tissu économique. Eh bien pour rééquilibrer ces relations, nous avons mis en place un médiateur de la sous-traitance, dont les premiers constats montrent l'ampleur des progrès à réaliser.
Depuis 2007, nous n'avons pas ménagé nos efforts pour moderniser notre marché du travail. Je pense à la défiscalisation des heures supplémentaires, à la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, à l'instauration du contrat de transition professionnelle. Nous allons poursuivre dans cette voie qu'on pourrait qualifier de voie la « flexsécurité » à la française. Il faut que notre marché du travail soit plus souple, plus fluide tout en augmentant en même temps les mécanismes d'accompagnement et de formation des salariés. Et notamment pour faire en sorte que des salariés qui sont temporairement privés de travail, puissent recevoir pendant cette période la formation dont ils ont besoin et qui leur permettra de rebondir. Il faut enfin faire en sorte que les plus éloignés de l'emploi soient aidés. C'est tout le sens des mesures annoncées par le Président de la République.
Sur l'emploi des jeunes, qui a été au cœur des débats que nous avons eus tout à l'heure avec les salariés de Petit Bateau, nous préparons des réformes structurelles. Des réformes structurelles pour augmenter considérablement nos objectifs en matière d'apprentissage et en matière d'alternance, parce que nous pensons que l'apprentissage c'est la voie d'insertion professionnelle la plus solide.
Pour les chômeurs de longue durée nous avons dégagé une enveloppe complémentaire de 50.000 nouveaux contrats aidés et nous avons décidé de les recentrer sur les personnes qui sont les plus en difficultés.
Sur l'emploi des seniors, nous devons accompagner l'augmentation progressive de l'âge légal de la retraite. Les entreprises et les branches ont désormais une obligation : celle de mettre en place des accords ou des plans d'action pour l'emploi des seniors. Je veux dire que j'accorderai la plus grande attention à leur mise en œuvre et les pénalités financières qui sont prévues seront appliquées chaque fois que cela sera nécessaire. J'ai toujours des scrupules à imposer des contraintes supplémentaires aux entreprises. Parce que je sais qu'elles sont dans un tissu économique extrêmement compétitif. Mais vraiment sur cette question de l'emploi des séniors, nous ne pouvons pas transiger. Nous ne pouvons pas transiger parce qu'on ne peut pas demander aux Français pour financer la réforme des retraites, pour permettre de faire en sorte que les retraites soient payées demain, de travailler plus longtemps si les entreprises ne font pas tous les efforts pour garder les salariés les plus âgés dans l'entreprise. Je le dis avec peut-être un peu de gravité, si les entreprises ne comprennent pas ce message alors nous allons au devant de très, très grandes difficultés. Car financer les retraites c'est certes allonger la durée de travail – ce que nous avons fait – mais c'est veiller en même temps à ce que les entreprises conservent les seniors jusqu'à l'âge de la retraite.
En 2010, notre économie a recommencé à créer des emplois. Le chômage a baissé au mois de janvier de près de 20.000 personnes. Le nombre des demandeurs d'emploi de moins de 25 ans poursuit sa baisse entamée en 2010. Et les demandeurs d'emploi de plus de 50 ans et les demandeurs d'emploi de longue durée sont également moins nombreux. La baisse du chômage en 2011 est un objectif qui est clairement à notre portée. Il faut pour cela que les entreprises continuent d'investir. J'ai dit tout à l'heure que les prévisions étaient excellentes de ce point de vue. Il faut que nous soyons capables de les accompagner, que nous soyons capables d'accélérer l'effort en matière de croissance. Et puis naturellement, il faut espérer qu'aucun évènement international ne viendra créer des troubles dans la reprise de l'économie mondiale. En tout cas tous les axes d'action que je viens devant vous de mentionner vont dans le sens de cette lutte pour la croissance et pour la réduction du chômage en 2011. Mais je voudrais aussi les replacer dans le cadre plus général de notre stratégie. La politique que nous avons mise en œuvre depuis plusieurs années visant à alléger le coût du travail en faveur des salariés les moins qualifiés et les bas salaires est une stratégie qui est positive pour l'emploi. On estime son impact à quelque 800.000 emplois créés ou sauvegardés, ce qui fait de cette stratégie d'allègement des charges sur les bas salaires, finalement sans doute l'instrument le plus efficace de la politique de l'emploi.
Eh bien aujourd'hui, je propose d'aller plus loin avec l'intégration dans le barème des cotisations sociales, des allègements de charges notamment pour les bas salaires. C'est un sujet techniquement très difficile. Mais les chefs d'entreprise qui sont présents ici, savent très bien de quoi je parle. Je crois qu'il est nécessaire aujourd'hui d'engager avec les partenaires sociaux une réflexion de fond. L'aboutissement de cette réflexion serait un gage pour l'emploi, en particulier pour l'emploi des moins qualifiés.
Concrètement, qu'est-ce que ça signifie ? Eh bien que la part employeur des charges sociales pesant sur les salaires ne serait plus calculée en fonction d'une taxe uniforme, et de façon proportionnelle au salaire, mais elle serait fonction d'un barème progressif prenant en compte le niveau de salaire. Ainsi, comme c'est le cas pour l'impôt sur le revenu où le taux est d'autant plus bas que les revenus sont modestes, la « barèmisation » allégerait de façon durable le coût du travail pour les salaires les plus bas. Sa mise en place supposerait qu'en contrepartie, les employeurs prennent des engagements forts et des engagements contraignants notamment en matière d'emploi des jeunes. Et nous allons ouvrir cette négociation avec les partenaires sociaux. Si les entrepreneurs sont prêts à prendre des engagements, notamment concernant l'apprentissage et l'alternance, eh bien nous, nous sommes prêts en face à mettre en place la « barèmisation » des allègements de charges, qui donnerait une visibilité bien plus grande à la gestion des entreprises s'agissant du coût du travail.
Nous allons maintenant discuter de tout cela avec les organisations syndicales et patronales. J'espère qu'elles sauront répondre à cette nouvelle orientation qui garantira la stabilisation et la pérennisation de notre politique de baisse du coût du travail pour les bas salaires. Je veux dire que cette politique est au fondement de notre bataille pour la compétitivité et pour l'emploi.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les réflexions que je voulais vous faire partager. Elles se concentrent toutes autour des convictions qui guident mon action politique. La conviction qu'il ne faut pas opposer la compétitivité de l'économie et la solidarité. La vérité c'est qu'il faut travailler plus, il faut travailler mieux, et il faut être plus nombreux au travail pour partager davantage. Je ne connais pas d'autre solution durable si nous voulons protéger notre modèle social et c'est notre souhait commun.
La conviction aussi qu'il ne faut plus opposer la dignité humaine et l'efficacité économique. La logique froide des traders n'a qu'un temps. Chaque Français doit être respecté dans son engagement professionnel parce que la productivité c'est d'abord la mise en valeur des compétences humaines. La conviction aussi qu'il ne faut pas opposer la lutte contre les déficits et le maintien de notre héritage social parce que, que vaut un système fondé sur des impayés et sur l'endettement de nos enfants.
La conviction enfin que les réformes, aussi indispensables soient-elles, ne remplaceront jamais l'énergie de notre peuple lui-même. C'est la somme de toutes les volontés qui constitue la République. Donner à la France autant que l'on reçoit d'elle, assumer ses devoirs autant que l'on bénéficie de ses droits, savoir se rassembler sur l'essentiel, voilà comment je conçois l'esprit républicain. Ce rassemblement est plus nécessaire que jamais. Parce que, d'un côté, il y a l'essor économique de continents entiers qui défient notre prospérité, et ici à Troyes vous savez de quoi je parle. Et de l'autre il y a une partie du monde arabe qui se dresse pour conquérir de nouveaux droits.
Cette accélération de l'Histoire démontre la force des idéaux universels que la France porte. La France des Lumières reçoit ce message avec espoir. Parce qu'une nouvelle relation entre l'Occident et l'Orient est peut-être en train de se jouer actuellement. La liberté de parole, le droit de vote, le respect de la personne, ce sont des idéaux qui dans plusieurs pays arabes ont été plus puissants que la peur. Nous recevons ce message avec espoir mais aussi avec responsabilité parce que nous savons que le chemin de la démocratie et parsemé d'embûches.
Eh bien c'est dans ce cadre que nous avons décidé avec le Président de la République de remanier le gouvernement. La voix de la France ne pouvait être compromise par des polémiques. L'ampleur des enjeux qui sont devant nous exige de l'efficacité. Alain JUPPÉ au Quai d'Orsay, Gérard LONGUET à la Défense, Claude GUÉANT au Ministère de l'Intérieur, sont tous des personnalités expérimentées.
Maintenant, chacun doit se mettre au travail et chacun doit se mettre au service des Français parce que la France ne vit pas au rythme des remaniements et des bouillonnements du microcosme politique. La France vit au rythme du travail, de tous ceux qui la composent. Parmi vous et avec vous, c'est cet esprit de responsabilité que j'ai ressenti à Troyes, en visitant tout à l'heure cette entreprise. En m'entretenant avec François BAROIN sur ses projets. Il exprime, Mesdames et Messieurs mon cher François, les devoirs de sérieux, les devoirs de solidité, les devoirs d'action que nous devons à nos concitoyens. Je vous remercie.Source http://www.gouvernement.fr, le 1er mars 2011