Texte intégral
C'est avec un plaisir tout particulier que je participe aujourd'hui à votre assemblée générale pour partager enfin avec vous ce rendez-vous important.
En ce début d'année 2001, je tenais absolument à être parmi vous pour faire le point sur les nombreux événements qui ont marqué les derniers mois écoulés et évoquer ensemble les grandes échéances qui se dessinent à l'horizon.
L'année 2000, d'abord :Vous l'avez souligné, Monsieur le Président, la dernière année du siècle ne fût pas ordinaire pour la pêche française.
A peine sorti de la tempête et de la marée noire, le secteur a été frappé par la flambée des prix du gazole qui s'est amplifiée progressivement jusqu'à atteindre son paroxysme à l'automne.
Face à tous ces chocs, le gouvernement a pris chaque fois la pleine mesure des difficultés rencontrées par les entreprises.
Ainsi, après les efforts considérables qui ont été consentis pour venir en aide aux victimes des catastrophes de 1999, avec une efficacité que vous avez aimablement soulignée Monsieur le Président, le gouvernement a décidé à nouveau d'exprimer la solidarité nationale en faveur du monde de la pêche en mettant en place dès le mois d'avril les mesures d'envergure rendues nécessaires par la situation des armements et des équipages.
Renouvelées en juillet 2000, ces mesures ont ensuite été complétées et amplifiées dans le cadre d'un plan global pour la pêche décidé en septembre en concertation avec la profession.
Ambitieux, trop ambitieux nous reproche-t-on aujourd'hui à Bruxelles, ce dispositif s'est appuyé sur tous les leviers à notre disposition pour soulager les charges des entreprises et permettre à tous, armateurs et équipages, de passer ce cap difficile.
Charges sociales, cotisations d'allocations familiales, taxe de criée, redevance d'équipement des ports de pêche, tous les postes de charges ont été allégés afin de compenser de la façon la plus juste et pour chaque métier les surcoûts induits par le boom spectaculaire de la facture de carburant.
Ces efforts exceptionnels des pouvoirs publics ont permis, je crois, de faire en sorte que cette année 2000, finalement, ne soit pas une si mauvaise année dans les comptes des armements.
Le problème, vous le savez, c'est que la Commission soupçonne la France comme l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, les Pays-Bas d'avoir violé les lois de la concurrence et d'enfreindre le traité.
Nous avions eu des discussions houleuses à ce sujet au Conseil cet automne pour tenter de faire prendre ses responsabilités à la Commission face à cette crise généralisée.
Mais aujourd'hui, la Commission a ouvert les procédures d'enquête. En cas de condamnation, la sanction est très lourde puisqu'il faudrait rembourser les aides.
Evidemment, nous ne nous laisserons pas accuser sans rien faire, et nous avons répondu à la Commission en mettant en avant le caractère exceptionnel de ces mesures. Leur caractère temporaire est en effet le seul argument qui peut nous permettre d'échapper aux sanctions.
Tout cela ne doit pas nous faire oublier que ce plan comportait également un important volet structurel : il faut maintenant le mettre en uvre. Je pense en particulier aux réflexions engagées tant à l'OFIMER qu'à l'ADEME, afin d'identifier les sources de progrès mobilisables pour améliorer tant l'efficacité énergétique des navires que les performances économiques de toute la filière.
L'année 2000 aura aussi été celle de la Présidence française de l'Union européenne.
Malgré le contexte difficile, la Présidence française a bouclé tous les dossiers inscrits à son agenda. Mais surtout, nous avons mis à profit ces six mois pour faire avancer les idées que vous et moi jugeons essentiels pour l'avenir de la Politique commune des pêches. Ces idées, vous le savez, sont rassemblées dans notre mémorandum élaboré en concertation étroite avec les professionnels. J'y reviendrai tout à l'heure.
En ce second semestre 2000, nous avons aussi dû faire face aux informations alarmantes sur l'état de certains stocks de poissons. La fixation des TAC et quotas du conseil de décembre a été ainsi l'exercice le plus délicat que le Conseil ait eu à vivre depuis longtemps.
Malgré cette difficulté, et surtout malgré la nécessaire impartialité exigée de la part de la Présidence, je pense que nous avons réussi à préserver globalement les intérêts des différentes flottilles françaises. Nous continuons d'ailleurs à nous mobiliser pour faire en sorte que les plans de restauration des stocks de merlu et de cabillaud qui, soyons clairs, sont une réelle nécessité, soient à la fois efficaces, acceptables et acceptés par les pêcheurs.
Sur le front communautaire, l'année 2000 aura également vu le lancement de la nouvelle programmation de l'IFOP, mise en uvre dans le cadre réformé des nouveaux fonds structurels.
Après une large consultation de tous les partenaires à laquelle je sais, Monsieur le Président, que vous avez apporté votre pierre, un projet stratégique a été présenté à Bruxelles pour accompagner la modernisation et le développement du secteur au cours des sept prochaines années. Ce programme a été approuvé par la Commission en décembre dernier et tous les acteurs, administratifs, élus et professionnels, disposent désormais des instructions et des informations nécessaires pour sa mise en uvre opérationnelle.
Si le nouveau régime reconduit des mesures déjà existantes, ou introduit également certaines modifications aux régimes en place, il intègre aussi des dispositions innovantes décidées lors de l'adoption du nouveau règlement IFOP.
Je pense, en particulier, à l'installation des jeunes, que la PCP, pour la première fois, se donne les moyens de traiter avec une attention et des outils spécifiques.
Vous vous souvenez que j'avais fait de cette demande une des priorités françaises dans la négociation du nouveau règlement IFOP afin de trouver au niveau communautaire la contrepartie d'une priorité déjà portée au niveau national par les avancées de la Loi d'orientation.
Or, cette avancée, nous l'avons obtenue contre l'avis de la Commission qui, ne s'avouant pas battue, a tenté d'en annuler les effets en proposant de supprimer toutes les aides nationales à l'achat d'occasion des navires de pêche.
Il est inutile, je pense, de vous décrire toutes les conséquences qu'aurait eu une telle décision, vous les imaginez mieux que moi.
Finalement, après un vif débat, j'ai pu obtenir non seulement que les dispositifs d'aide à l'achat d'occasion soient maintenus et même revalorisés pour mieux coller à la réalité d'un marché toujours très tendu, mais j'ai également arraché à la Commission que l'aide communautaire à l'installation des jeunes puisse s'y ajouter.
Ainsi, dans le contexte de strict encadrement de la flotte que nous connaissons aujourd'hui, je crois que nous avons fait le maximum pour faciliter l'installation des jeunes et leur entrée dans le métier. Le dispositif est d'ailleurs en place et je sais que les premiers dossiers ont déjà été déposés.
La relève existe donc et cela n'étonnera pas ceux qui, comme moi, croient dans l'avenir de ce métier. Le succès des SOFIPECHES nous le démontre d'ailleurs chaque année depuis leur création et répond ainsi aux espoirs placés par l'ensemble de la profession dans cette nouvelle mécanique.
Votre établissement, je le sais, participe très largement à ce résultat et j'y vois le signe d'une remarquable capacité de réaction et de votre rôle, que chacun sait déterminant, dans la vie économique et l'évolution de ce secteur.
Voilà pour les jeunes, mais l'année 2000 a aussi étrenné le nouveau cadre réglementaire imposé au renouvellement et à la modernisation de la flotte de pêche.
Vous savez que j'ai bataillé dur pour éviter les projets draconiens de la Commission. Le système finalement arrêté par le Conseil en novembre 1999 a toutefois suscité bien des appréhensions.
Or, s'il est vrai que ce régime reste contraignant, s'il est vrai aussi qu'il impose maintenant une contrepartie aux aides, je constate quand même, avec le recul de cette année 2000, que nous poursuivons régulièrement le renouvellement de la flotte.
Au point d'ailleurs qu'après avoir annoncé l'ouverture d'une enveloppe de 25 000 Kw pour l'année 2000, j'ai dû réviser mes plans pour répondre à l'afflux des demandes et ouvrir finalement un contingent de 35 000 Kw, soit près d'un tiers de plus qu'en 1999.
Ces contingents ont permis la réalisation de près de 80 constructions neuves et de plus de 100 opérations de modernisation avec changement de puissance ou de jauge, et surtout l'installation de 13 jeunes sur l'ensemble du littoral.
Si les règles sont sévères, j'en conviens, elles permettent donc néanmoins de poursuivre la modernisation de la flotte. C'est dans ce cadre que je compte bien continuer, cette année encore, à accompagner cette nécessaire dynamique.
Renouvellement de la flotte, installation des jeunes, acquisition de navires, modernisation de la filière, voilà autant de chantiers pour lesquels le Crédit maritime est un partenaire indispensable.
Et pour vous permettre de répondre aux besoins à la fois nombreux et divers qu'exprime le monde maritime, j'ai demandé à mon collègue des finances de poursuivre ses efforts en faveur du secteur.
Je pense avoir été convaincant puisque c'est une enveloppe de prêts bonifiés de 225 Millions de francs qui sera ouverte cette année, soit 30 Millions de plus que l'année dernière, si l'on met à part les enveloppes exceptionnelles qui étaient justifiées par la tempête et la marée noire.
En outre, j'ai pu obtenir, même si cela n'a pas été facile, qu le taux de ces prêts reste inchangé à 3,8 % alors que l'évolution du contexte économique, comme vous pouvez l'imaginer, a suscité de fortes pressions d'un autre ministère pour réviser les taux à la hausse.
Vous voilà donc armé, Monsieur le Président, pour faire face aux besoins du secteur et participer activement, comme vous l'avez toujours fait, aux grands chantiers qui s'ouvrent devant nous. Et ils sont nombreux !
Comme vous l'avez rappelé d'emblée dans votre discours, Monsieur le Président, la qualité des produits et leur valorisation sont une priorité essentielle : l'actualité et l'expérience agricoles nous montrent qu'il faut lui accorder la plus grande importance. Le marché se porte bien depuis plusieurs années - il faut s'en féliciter - mais les exigences croissantes et légitimes du consommateur devront être satisfaites pour que le crédit dont jouissent aujourd'hui les produits de la mer ne se démente pas.
Dans le contexte de raréfaction de la ressource, cette valorisation est nécessaire pour assurer le revenu des pêcheurs Elle doit se concevoir en liaison étroite avec les impératifs d'une gestion responsable des stocks. Je me félicite à cet égard du lancement des programmes opérationnels de campagne de pêche qui sont mis en place pour la première fois cette année en application de la nouvelle OCM.
Les opportunités nouvelles, offertes aux professionnels par la nouvelle OCM, comme par l'OFIMER ou l'IFOP, sont autant d'incitations pour travailler à une meilleure valorisation des captures. Bien des efforts ont déjà été faits sur ce plan, et je pense en particulier à votre implication personnelle, Monsieur le Président, avec Normapêche, mais beaucoup reste encore à faire. Il faut continuer d'avancer.
A cet égard, vous l'avez souligné, les réflexions qui s'engagent suite à l'audit des ports de pêche doivent être l'occasion d'une clarification des comptes des organismes portuaires, d'une redéfinition du rôle des différents opérateurs et d'une responsabilisation accrue des usagers, qui ne l'oublions pas, sont finalement les payeurs. Il me paraît essentiel d'ailleurs que ces usagers soient étroitement impliqués dans la gestion portuaire et dans le choix des investissements. C'est le gage d'une meilleure adéquation entre les services offerts et leur coût et cela constitue donc un facteur essentiel de la compétitivité des entreprises de pêche.
Au delà des structures, le volet social qui a déjà largement occupé l'année 2000 restera cette année au cur des préoccupations qui doivent tous nous mobiliser.
Comme vous, Monsieur le Président, je suis très attentif aux conditions du recrutement à la pêche et je partage vos préoccupations sur les difficultés qui se sont faites jour dans plusieurs ports au cours des derniers mois.
Il est important, vous avez raison, de se donner les moyens de susciter de nouvelles vocations. Là dessus je sais que mon collègue GAYSSOT s'attache à assurer la présence de son administration sur les nombreux salons qui s'adressent aux jeunes afin de mieux faire connaître notamment le métier de marin pêcheur.
S'agissant de la formation, le contrat d'études prospectives est arrivé aujourd'hui à mi-parcours et son rapport intermédiaire vous sera bientôt communiqué. Je vous rassure : les professionnels et leurs structures seront, non seulement consultés, mais tout à fait intégrés à cette réflexion puisqu'ils en sont même les co-financeurs avec les pouvoirs publics. Ils seront donc naturellement associés aux modifications des formations qui devraient découler de cette réflexion.
Vous avez enfin parlé de la normalisation des relations sociales et à cet égard, vous le savez, j'ai salué l'initiative de la coopération maritime.
Vous pouvez donc être sûr, Monsieur le Président, que l'administration ne sera pas un frein à l'extension de cet accord.
D'ailleurs, les amendements législatifs nécessaires viennent d'être adoptés au Sénat dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, et seront discutés à l'Assemblée nationale le 22 mai. L'extension de cet accord est donc en bonne voie.
Enfin, comment évoquer tous les enjeux qui se présentent au secteur en ce début d'année 2001 sans s'arrêter sur le Livre Vert par lequel la Commission vient de nous faire connaître sa propre vision de l'avenir ?
Je dois dire, Monsieur le Président, que mes impressions à la lecture de ce document ont été comparables aux vôtres. Je l'ai d'abord trouvé très provocateur, pour ne pas dire caricatural, dressant un bilan excessif et donc peu objectif de deux décennies d'une Politique commune dont on aurait presque l'impression qu'il n'est rien sorti de bon.
Et puis, comme vous, je l'ai relu et j'y ai finalement trouvé les questions auxquelles il nous faudra forcément répondre. J'y ai même trouvé quelques bonnes réponses - " Retrouvé " devrais-je dire, car comme vous l'avez souligné, le Livre Vert reprend beaucoup des propositions déjà formulées dans notre mémorandum.
Il faut ainsi notamment se féliciter des orientations affichées dans le livre vert :
la gestion et l'accès à la ressource,
la meilleure prise en compte de la dimension environnementale,
la plus grande implication des acteurs, et en particulier des pêcheurs, dans le processus de décision,
une plus grande efficacité des contrôles de pair avec l'harmonisation des politiques nationales.
De la même manière, on ne peut qu'approuver le principe d'une plus grande prise en compte des réalités régionales, même s'il faut veiller parallèlement à ce que cela ne débouche pas sur une renationalisation de la PCP.
Par ailleurs, on ne peut aussi qu'approuver l'attention accrue à la santé et à la protection du consommateur.
Toutefois, le Livre Vert manque d'ambition sur certains sujets : la dimension sociale et économique de la PCP, l'aquaculture et l'industrie de transformation.
Je regrette enfin que la Commission ne prévoie pas explicitement d'élargir le nombre d'espèces de poissons sous TAC et quotas afin de mieux gérer l'équilibre global des différentes pêcheries.
A ces insuffisances près, il y a donc des éléments réellement positifs dans les propositions de la Commission. Malheureusement, ça ne pèse pas lourd face au problème majeur que pose l'approche suivie par la Commission sur la flotte, et ce chapitre, à lui seul, justifie la réserve fondamentale que j'ai exprimé au Conseil sur le Livre Vert.
D'abord parce que le niveau supposé de la surcapacité de la flotte européenne est en soi une réelle provocation. Ensuite, parce que la réponse qu'apporte la Commission est totalement inappropriée.
Je l'ai dit très clairement au Commissaire et à mes collègues, je le répète devant vous : qu'on ne compte pas sur moi ni sur le Gouvernement français pour accepter de détruire 40% des navires de pêche français !
En revanche, je réaffirme comme nous l'avons déjà fait dans le mémorandum, que ce sont les TAC et quotas qui doivent primer sur tout le reste et qu'il faut pour cela les remettre au cur de la PCP.
C'est sur cette base, avec des quotas bien calibrés, bien gérés et bien contrôlés que nous pourrons faire émerger des solutions réellement innovantes qui ménagent suffisamment de souplesse dans leur application et tranchent ainsi avec la brutalité, d'ailleurs inefficace, à laquelle les POP nous ont soumis depuis plus de 15 ans.
Cela étant, il faut être clair : nous ne ferons pas l'économie d'un encadrement de l'effort de pêche sous une forme ou sous une autre. Le tout est de faire en sorte qu'en termes relatifs, cet encadrement préserve les intérêts de la flotte française et permette de concilier nos propres priorités socio-économiques et territoriales avec les exigences d'une gestion durable de la ressource.
Voilà mes objectifs. Il va falloir se battre car, vous vous en doutez, la priorité que nous accordons à l'homme, au pêcheur et aux équilibres territoriaux est loin d'être partagée par tous.
L'enjeu réclame que la France se fasse entendre avec force et sa voix portera d'autant plus qu'elle s'exprimera de façon unanime.
Je souhaite donc que chacun, à son niveau, participe au travail de réflexion qui doit nourrir la négociation française. Votre Etablissement, par sa vocation, son rôle et la place stratégique qu'il occupe sur le terrain doit alimenter ce débat.
Je sais que je peux compter sur votre expérience et sur votre totale mobilisation. Elles me seront précieuses au cours des longs mois qui sont devant nous.
Je vous remercie de votre attention.
......
Vous avez, Monsieur le Président, rendu hommage à André Darcel. Je tiens à m'y associer et ma façon à moi de le faire est de lui annoncer sa nomination dans l'ordre national du Mérite.
Toutes mes chaleureuses félicitations André Darcel, pour cette distinction.
Et puisque vous avez décidé de prendre votre retraite (mais si j'ai bien compris le Président Giblaine, il ne vous laisse pas complètement partir), je vous souhaite bon vent pour une retraite qui, je crois le savoir, ne sera pas inactive.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 17 mai 2001)
En ce début d'année 2001, je tenais absolument à être parmi vous pour faire le point sur les nombreux événements qui ont marqué les derniers mois écoulés et évoquer ensemble les grandes échéances qui se dessinent à l'horizon.
L'année 2000, d'abord :Vous l'avez souligné, Monsieur le Président, la dernière année du siècle ne fût pas ordinaire pour la pêche française.
A peine sorti de la tempête et de la marée noire, le secteur a été frappé par la flambée des prix du gazole qui s'est amplifiée progressivement jusqu'à atteindre son paroxysme à l'automne.
Face à tous ces chocs, le gouvernement a pris chaque fois la pleine mesure des difficultés rencontrées par les entreprises.
Ainsi, après les efforts considérables qui ont été consentis pour venir en aide aux victimes des catastrophes de 1999, avec une efficacité que vous avez aimablement soulignée Monsieur le Président, le gouvernement a décidé à nouveau d'exprimer la solidarité nationale en faveur du monde de la pêche en mettant en place dès le mois d'avril les mesures d'envergure rendues nécessaires par la situation des armements et des équipages.
Renouvelées en juillet 2000, ces mesures ont ensuite été complétées et amplifiées dans le cadre d'un plan global pour la pêche décidé en septembre en concertation avec la profession.
Ambitieux, trop ambitieux nous reproche-t-on aujourd'hui à Bruxelles, ce dispositif s'est appuyé sur tous les leviers à notre disposition pour soulager les charges des entreprises et permettre à tous, armateurs et équipages, de passer ce cap difficile.
Charges sociales, cotisations d'allocations familiales, taxe de criée, redevance d'équipement des ports de pêche, tous les postes de charges ont été allégés afin de compenser de la façon la plus juste et pour chaque métier les surcoûts induits par le boom spectaculaire de la facture de carburant.
Ces efforts exceptionnels des pouvoirs publics ont permis, je crois, de faire en sorte que cette année 2000, finalement, ne soit pas une si mauvaise année dans les comptes des armements.
Le problème, vous le savez, c'est que la Commission soupçonne la France comme l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, les Pays-Bas d'avoir violé les lois de la concurrence et d'enfreindre le traité.
Nous avions eu des discussions houleuses à ce sujet au Conseil cet automne pour tenter de faire prendre ses responsabilités à la Commission face à cette crise généralisée.
Mais aujourd'hui, la Commission a ouvert les procédures d'enquête. En cas de condamnation, la sanction est très lourde puisqu'il faudrait rembourser les aides.
Evidemment, nous ne nous laisserons pas accuser sans rien faire, et nous avons répondu à la Commission en mettant en avant le caractère exceptionnel de ces mesures. Leur caractère temporaire est en effet le seul argument qui peut nous permettre d'échapper aux sanctions.
Tout cela ne doit pas nous faire oublier que ce plan comportait également un important volet structurel : il faut maintenant le mettre en uvre. Je pense en particulier aux réflexions engagées tant à l'OFIMER qu'à l'ADEME, afin d'identifier les sources de progrès mobilisables pour améliorer tant l'efficacité énergétique des navires que les performances économiques de toute la filière.
L'année 2000 aura aussi été celle de la Présidence française de l'Union européenne.
Malgré le contexte difficile, la Présidence française a bouclé tous les dossiers inscrits à son agenda. Mais surtout, nous avons mis à profit ces six mois pour faire avancer les idées que vous et moi jugeons essentiels pour l'avenir de la Politique commune des pêches. Ces idées, vous le savez, sont rassemblées dans notre mémorandum élaboré en concertation étroite avec les professionnels. J'y reviendrai tout à l'heure.
En ce second semestre 2000, nous avons aussi dû faire face aux informations alarmantes sur l'état de certains stocks de poissons. La fixation des TAC et quotas du conseil de décembre a été ainsi l'exercice le plus délicat que le Conseil ait eu à vivre depuis longtemps.
Malgré cette difficulté, et surtout malgré la nécessaire impartialité exigée de la part de la Présidence, je pense que nous avons réussi à préserver globalement les intérêts des différentes flottilles françaises. Nous continuons d'ailleurs à nous mobiliser pour faire en sorte que les plans de restauration des stocks de merlu et de cabillaud qui, soyons clairs, sont une réelle nécessité, soient à la fois efficaces, acceptables et acceptés par les pêcheurs.
Sur le front communautaire, l'année 2000 aura également vu le lancement de la nouvelle programmation de l'IFOP, mise en uvre dans le cadre réformé des nouveaux fonds structurels.
Après une large consultation de tous les partenaires à laquelle je sais, Monsieur le Président, que vous avez apporté votre pierre, un projet stratégique a été présenté à Bruxelles pour accompagner la modernisation et le développement du secteur au cours des sept prochaines années. Ce programme a été approuvé par la Commission en décembre dernier et tous les acteurs, administratifs, élus et professionnels, disposent désormais des instructions et des informations nécessaires pour sa mise en uvre opérationnelle.
Si le nouveau régime reconduit des mesures déjà existantes, ou introduit également certaines modifications aux régimes en place, il intègre aussi des dispositions innovantes décidées lors de l'adoption du nouveau règlement IFOP.
Je pense, en particulier, à l'installation des jeunes, que la PCP, pour la première fois, se donne les moyens de traiter avec une attention et des outils spécifiques.
Vous vous souvenez que j'avais fait de cette demande une des priorités françaises dans la négociation du nouveau règlement IFOP afin de trouver au niveau communautaire la contrepartie d'une priorité déjà portée au niveau national par les avancées de la Loi d'orientation.
Or, cette avancée, nous l'avons obtenue contre l'avis de la Commission qui, ne s'avouant pas battue, a tenté d'en annuler les effets en proposant de supprimer toutes les aides nationales à l'achat d'occasion des navires de pêche.
Il est inutile, je pense, de vous décrire toutes les conséquences qu'aurait eu une telle décision, vous les imaginez mieux que moi.
Finalement, après un vif débat, j'ai pu obtenir non seulement que les dispositifs d'aide à l'achat d'occasion soient maintenus et même revalorisés pour mieux coller à la réalité d'un marché toujours très tendu, mais j'ai également arraché à la Commission que l'aide communautaire à l'installation des jeunes puisse s'y ajouter.
Ainsi, dans le contexte de strict encadrement de la flotte que nous connaissons aujourd'hui, je crois que nous avons fait le maximum pour faciliter l'installation des jeunes et leur entrée dans le métier. Le dispositif est d'ailleurs en place et je sais que les premiers dossiers ont déjà été déposés.
La relève existe donc et cela n'étonnera pas ceux qui, comme moi, croient dans l'avenir de ce métier. Le succès des SOFIPECHES nous le démontre d'ailleurs chaque année depuis leur création et répond ainsi aux espoirs placés par l'ensemble de la profession dans cette nouvelle mécanique.
Votre établissement, je le sais, participe très largement à ce résultat et j'y vois le signe d'une remarquable capacité de réaction et de votre rôle, que chacun sait déterminant, dans la vie économique et l'évolution de ce secteur.
Voilà pour les jeunes, mais l'année 2000 a aussi étrenné le nouveau cadre réglementaire imposé au renouvellement et à la modernisation de la flotte de pêche.
Vous savez que j'ai bataillé dur pour éviter les projets draconiens de la Commission. Le système finalement arrêté par le Conseil en novembre 1999 a toutefois suscité bien des appréhensions.
Or, s'il est vrai que ce régime reste contraignant, s'il est vrai aussi qu'il impose maintenant une contrepartie aux aides, je constate quand même, avec le recul de cette année 2000, que nous poursuivons régulièrement le renouvellement de la flotte.
Au point d'ailleurs qu'après avoir annoncé l'ouverture d'une enveloppe de 25 000 Kw pour l'année 2000, j'ai dû réviser mes plans pour répondre à l'afflux des demandes et ouvrir finalement un contingent de 35 000 Kw, soit près d'un tiers de plus qu'en 1999.
Ces contingents ont permis la réalisation de près de 80 constructions neuves et de plus de 100 opérations de modernisation avec changement de puissance ou de jauge, et surtout l'installation de 13 jeunes sur l'ensemble du littoral.
Si les règles sont sévères, j'en conviens, elles permettent donc néanmoins de poursuivre la modernisation de la flotte. C'est dans ce cadre que je compte bien continuer, cette année encore, à accompagner cette nécessaire dynamique.
Renouvellement de la flotte, installation des jeunes, acquisition de navires, modernisation de la filière, voilà autant de chantiers pour lesquels le Crédit maritime est un partenaire indispensable.
Et pour vous permettre de répondre aux besoins à la fois nombreux et divers qu'exprime le monde maritime, j'ai demandé à mon collègue des finances de poursuivre ses efforts en faveur du secteur.
Je pense avoir été convaincant puisque c'est une enveloppe de prêts bonifiés de 225 Millions de francs qui sera ouverte cette année, soit 30 Millions de plus que l'année dernière, si l'on met à part les enveloppes exceptionnelles qui étaient justifiées par la tempête et la marée noire.
En outre, j'ai pu obtenir, même si cela n'a pas été facile, qu le taux de ces prêts reste inchangé à 3,8 % alors que l'évolution du contexte économique, comme vous pouvez l'imaginer, a suscité de fortes pressions d'un autre ministère pour réviser les taux à la hausse.
Vous voilà donc armé, Monsieur le Président, pour faire face aux besoins du secteur et participer activement, comme vous l'avez toujours fait, aux grands chantiers qui s'ouvrent devant nous. Et ils sont nombreux !
Comme vous l'avez rappelé d'emblée dans votre discours, Monsieur le Président, la qualité des produits et leur valorisation sont une priorité essentielle : l'actualité et l'expérience agricoles nous montrent qu'il faut lui accorder la plus grande importance. Le marché se porte bien depuis plusieurs années - il faut s'en féliciter - mais les exigences croissantes et légitimes du consommateur devront être satisfaites pour que le crédit dont jouissent aujourd'hui les produits de la mer ne se démente pas.
Dans le contexte de raréfaction de la ressource, cette valorisation est nécessaire pour assurer le revenu des pêcheurs Elle doit se concevoir en liaison étroite avec les impératifs d'une gestion responsable des stocks. Je me félicite à cet égard du lancement des programmes opérationnels de campagne de pêche qui sont mis en place pour la première fois cette année en application de la nouvelle OCM.
Les opportunités nouvelles, offertes aux professionnels par la nouvelle OCM, comme par l'OFIMER ou l'IFOP, sont autant d'incitations pour travailler à une meilleure valorisation des captures. Bien des efforts ont déjà été faits sur ce plan, et je pense en particulier à votre implication personnelle, Monsieur le Président, avec Normapêche, mais beaucoup reste encore à faire. Il faut continuer d'avancer.
A cet égard, vous l'avez souligné, les réflexions qui s'engagent suite à l'audit des ports de pêche doivent être l'occasion d'une clarification des comptes des organismes portuaires, d'une redéfinition du rôle des différents opérateurs et d'une responsabilisation accrue des usagers, qui ne l'oublions pas, sont finalement les payeurs. Il me paraît essentiel d'ailleurs que ces usagers soient étroitement impliqués dans la gestion portuaire et dans le choix des investissements. C'est le gage d'une meilleure adéquation entre les services offerts et leur coût et cela constitue donc un facteur essentiel de la compétitivité des entreprises de pêche.
Au delà des structures, le volet social qui a déjà largement occupé l'année 2000 restera cette année au cur des préoccupations qui doivent tous nous mobiliser.
Comme vous, Monsieur le Président, je suis très attentif aux conditions du recrutement à la pêche et je partage vos préoccupations sur les difficultés qui se sont faites jour dans plusieurs ports au cours des derniers mois.
Il est important, vous avez raison, de se donner les moyens de susciter de nouvelles vocations. Là dessus je sais que mon collègue GAYSSOT s'attache à assurer la présence de son administration sur les nombreux salons qui s'adressent aux jeunes afin de mieux faire connaître notamment le métier de marin pêcheur.
S'agissant de la formation, le contrat d'études prospectives est arrivé aujourd'hui à mi-parcours et son rapport intermédiaire vous sera bientôt communiqué. Je vous rassure : les professionnels et leurs structures seront, non seulement consultés, mais tout à fait intégrés à cette réflexion puisqu'ils en sont même les co-financeurs avec les pouvoirs publics. Ils seront donc naturellement associés aux modifications des formations qui devraient découler de cette réflexion.
Vous avez enfin parlé de la normalisation des relations sociales et à cet égard, vous le savez, j'ai salué l'initiative de la coopération maritime.
Vous pouvez donc être sûr, Monsieur le Président, que l'administration ne sera pas un frein à l'extension de cet accord.
D'ailleurs, les amendements législatifs nécessaires viennent d'être adoptés au Sénat dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale, et seront discutés à l'Assemblée nationale le 22 mai. L'extension de cet accord est donc en bonne voie.
Enfin, comment évoquer tous les enjeux qui se présentent au secteur en ce début d'année 2001 sans s'arrêter sur le Livre Vert par lequel la Commission vient de nous faire connaître sa propre vision de l'avenir ?
Je dois dire, Monsieur le Président, que mes impressions à la lecture de ce document ont été comparables aux vôtres. Je l'ai d'abord trouvé très provocateur, pour ne pas dire caricatural, dressant un bilan excessif et donc peu objectif de deux décennies d'une Politique commune dont on aurait presque l'impression qu'il n'est rien sorti de bon.
Et puis, comme vous, je l'ai relu et j'y ai finalement trouvé les questions auxquelles il nous faudra forcément répondre. J'y ai même trouvé quelques bonnes réponses - " Retrouvé " devrais-je dire, car comme vous l'avez souligné, le Livre Vert reprend beaucoup des propositions déjà formulées dans notre mémorandum.
Il faut ainsi notamment se féliciter des orientations affichées dans le livre vert :
la gestion et l'accès à la ressource,
la meilleure prise en compte de la dimension environnementale,
la plus grande implication des acteurs, et en particulier des pêcheurs, dans le processus de décision,
une plus grande efficacité des contrôles de pair avec l'harmonisation des politiques nationales.
De la même manière, on ne peut qu'approuver le principe d'une plus grande prise en compte des réalités régionales, même s'il faut veiller parallèlement à ce que cela ne débouche pas sur une renationalisation de la PCP.
Par ailleurs, on ne peut aussi qu'approuver l'attention accrue à la santé et à la protection du consommateur.
Toutefois, le Livre Vert manque d'ambition sur certains sujets : la dimension sociale et économique de la PCP, l'aquaculture et l'industrie de transformation.
Je regrette enfin que la Commission ne prévoie pas explicitement d'élargir le nombre d'espèces de poissons sous TAC et quotas afin de mieux gérer l'équilibre global des différentes pêcheries.
A ces insuffisances près, il y a donc des éléments réellement positifs dans les propositions de la Commission. Malheureusement, ça ne pèse pas lourd face au problème majeur que pose l'approche suivie par la Commission sur la flotte, et ce chapitre, à lui seul, justifie la réserve fondamentale que j'ai exprimé au Conseil sur le Livre Vert.
D'abord parce que le niveau supposé de la surcapacité de la flotte européenne est en soi une réelle provocation. Ensuite, parce que la réponse qu'apporte la Commission est totalement inappropriée.
Je l'ai dit très clairement au Commissaire et à mes collègues, je le répète devant vous : qu'on ne compte pas sur moi ni sur le Gouvernement français pour accepter de détruire 40% des navires de pêche français !
En revanche, je réaffirme comme nous l'avons déjà fait dans le mémorandum, que ce sont les TAC et quotas qui doivent primer sur tout le reste et qu'il faut pour cela les remettre au cur de la PCP.
C'est sur cette base, avec des quotas bien calibrés, bien gérés et bien contrôlés que nous pourrons faire émerger des solutions réellement innovantes qui ménagent suffisamment de souplesse dans leur application et tranchent ainsi avec la brutalité, d'ailleurs inefficace, à laquelle les POP nous ont soumis depuis plus de 15 ans.
Cela étant, il faut être clair : nous ne ferons pas l'économie d'un encadrement de l'effort de pêche sous une forme ou sous une autre. Le tout est de faire en sorte qu'en termes relatifs, cet encadrement préserve les intérêts de la flotte française et permette de concilier nos propres priorités socio-économiques et territoriales avec les exigences d'une gestion durable de la ressource.
Voilà mes objectifs. Il va falloir se battre car, vous vous en doutez, la priorité que nous accordons à l'homme, au pêcheur et aux équilibres territoriaux est loin d'être partagée par tous.
L'enjeu réclame que la France se fasse entendre avec force et sa voix portera d'autant plus qu'elle s'exprimera de façon unanime.
Je souhaite donc que chacun, à son niveau, participe au travail de réflexion qui doit nourrir la négociation française. Votre Etablissement, par sa vocation, son rôle et la place stratégique qu'il occupe sur le terrain doit alimenter ce débat.
Je sais que je peux compter sur votre expérience et sur votre totale mobilisation. Elles me seront précieuses au cours des longs mois qui sont devant nous.
Je vous remercie de votre attention.
......
Vous avez, Monsieur le Président, rendu hommage à André Darcel. Je tiens à m'y associer et ma façon à moi de le faire est de lui annoncer sa nomination dans l'ordre national du Mérite.
Toutes mes chaleureuses félicitations André Darcel, pour cette distinction.
Et puisque vous avez décidé de prendre votre retraite (mais si j'ai bien compris le Président Giblaine, il ne vous laisse pas complètement partir), je vous souhaite bon vent pour une retraite qui, je crois le savoir, ne sera pas inactive.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 17 mai 2001)