Texte intégral
Monsieur le Président de La Halde, cher Éric Molinié, le sénateur Paul Blanc est parti, mais naturellement je le salue. Madame la Défenseur des enfants, chère Dominique Versini, Mesdames et Messieurs les représentants des associations, représentants du CNCPH. Je veux également saluer Fadéla Amara qui est présente dans la salle.
Merci beaucoup, Monsieur le Président, de cette invitation à participer sur un sujet aussi crucial et déterminant que celui de la scolarisation des enfants handicapés, à participer et à échanger avec vous dans le cadre de ces Mercredis de La Halde. Naturellement, jattendrai la délibération de La Halde et lavis qui sera formulé, mais dores et déjà, jai entendu vos conclusions, jai eu quelques éléments de vos échanges, et je sais la richesse de cette capacité découte que sont les Mercredis de La Halde et je veux vous dire demblée que je men nourris et que jen nourris laction qui est la mienne au secrétariat dÉtat aux solidarités et à la cohésion sociale.
Mesdames et Messieurs, il y a quelques semaines, cétait le 16 février, à lAssemblée nationale, a été adoptée la proposition de loi du sénateur Paul Blanc qui tente daméliorer le fonctionnement des MDPH, portant en cela diverses dispositions relatives à la politique du handicap. Le lendemain, le 17 février, à linitiative du groupe socialiste de lAssemblée nationale, un débat sur la politique du handicap a pris place à linitiative des députés qui a conduit nombre dentre eux à sexprimer sur lensemble des préoccupations qui sont les leurs, et qui sont celles de leurs administrés. Quelques jours auparavant, cétait au Conseil économique social et environnemental, le Président de la République a annoncé la tenue en juin de la Conférence nationale du handicap à la date prévue pour ce rendez-vous. Il a fixé la scolarisation des enfants handicapés comme lun des points importants à lordre du jour de cette conférence nationale du handicap. Ce nest quune énumération. Elle est courte, mais tout de même. Elle est bien le signe, et le signe tangible, que le gouvernement, mais aussi les responsables politiques, comme cest le cas aussi de linstitution quest La Halde, comme cela a été le cas pour la Défenseur des enfants, Dominique Versini, qui en a porté témoignage devant vous il y a quelques instants, dune véritable mobilisation sur la scolarisation des enfants handicapés et sur la question des difficultés spécifiques qui sont les leurs dans laccès à léducation, ce qui va même au-delà de la notion stricte de scolarisation et renvoie, en effet, à la question de lintérêt supérieur de lenfant handicapé.
À travers cette mobilisation, lensemble des responsables politiques, et de manière générale, notre pays, dit sa volonté de poursuivre ce que jose appeler un combat en faveur dune meilleure inclusion sociale de nos compatriotes handicapés. À lévidence, le premier stade de cette inclusion sociale passe par la scolarisation et laccès à léducation des enfants handicapés. Je suis convaincue que les combats politiques sont dautant plus forts et sont dautant plus durables quils sont motivés par des convictions intimes, sincères, forgées sur un engagement qui puise sa solidité dans limplication personnelle des porteurs. Sur ces sujets, limplication personnelle des porteurs est au rendez-vous. Plutôt que de tenter de paraphraser des choses que vous avez dites et qui tiennent leur importance des points de vue conjugués qui sont les vôtres, jai fait le choix de vous dire dans quel esprit je veux faire en sorte, dans la responsabilité qui est la mienne aujourdhui, que la scolarisation des enfants handicapés ne soit pas un des éléments, un des principes, un des aspects de la loi du 11 février 2005, mais en soit véritablement une réalité centrale, une réalité politique pour notre pays, tant il me semble que lenjeu est important.
Dabord, la question qui nous est posée est de garantir purement et simplement le droit à léducation pour les enfants porteurs de handicaps, ce qui passe par le respect scrupuleux et intangible des principes de la loi du 11 février 2005. Cette loi, vous le rappeliez, Monsieur le Président, jai eu limmense honneur, avec les parlementaires, dont Paul Blanc faisait partie, avec lensemble des responsables associatifs, de la faire adopter. Elle portait une formidable ambition. Je dois dire que, parfois, avec le recul, il marrive de penser que le législateur était un peu désinhibé sur le sujet. On ne sest pas censurés sur le sujet. On est allés explorer les ressorts, les freins et les capacités dune société qui a bien voulu se mobiliser pour aborder de façon politique la question de linclusion sociale de nos compatriotes handicapés. Je ne rappellerai pas les différents éléments, la question de laccessibilité qui est un combat quotidien, la question de lemploi, la question du droit à compensation, la question des MDPH. Ce qui nous intéresse ce matin, cest ce principe de scolarisation de lenfant handicapé par une notion très simple et très opératoire, cest linscription de lenfant handicapé à lécole de son quartier, comme pour tous les enfants de la République. Une notion désarmante de simplicité, mais qui fait surgir un monde de complexité et des freins nombreux.
Les progrès, que lon peut évoquer, sont portés dans lenquête CSA dont vous avez rappelé les aspects principaux, et que naturellement jai regardé. Ils sont portés par les témoignages des parents, des enfants et des professionnels. Les progrès ne se mesurent quen les éprouvant à la lumière des difficultés résiduelles, parfois extrêmement tenaces, que nous rencontrons aujourdhui sur cette question. Elles tiennent à plusieurs registres, elles tiennent à plusieurs notions. Dabord, parce quil nous est arrivé de mal comprendre lesprit de la loi. Lesprit de la loi du 11 février nest en aucune manière de proposer une vision conflictuelle ou violente de larrivée de lenfant handicapé à lécole. Cest tout le contraire. Lidée est de suggérer quil nappartient pas à lécole de participer de lannonce du handicap, de créer une confrontation douloureuse entre la famille, lenfant et lenvironnement éducatif. Dautre part, il est indispensable denvisager la notion déducation en même temps que la question de la scolarisation. Pas question donc dopposer les mondes. Pas question donc doublier ce que Dominique Versini rappelait de manière si juste et si sensible, quen même temps que lon règle la question de la scolarisation de lenfant par une décision administrative, on doit immédiatement mettre en mouvement un collectif complexe dans lequel prennent place une famille, parfois des soignants, un enfant au cur de tout cela, mais aussi des camarades de classe et dautres parents délèves. Bref, un résumé de la société ordinaire qui vient se concentrer dans lécole de la République, et qui doit être capable de faire son chemin pour favoriser et permettre linclusion sociale.
La scolarisation suppose que lécole soit inclusive. Elle suppose donc de ne jamais renoncer à lune de ses missions, qui est laccessibilité éducative incluse dans ses missions premières. Ce nest que lorsque linclusion éducative se complexifie du fait de la situation particulière de lenfant quil faut envisager des formes de compensation, comme peut lêtre la présence de lauxiliaire de vie scolaire, mais pas simplement la présence de lauxiliaire de vie scolaire, linterprète, le codeur. Bref, celui qui garantira laccessibilité éducative. Cela suppose de revisiter nos représentations traditionnelles. Nous avons une conception linéaire de nos organisations. Nous en avons une représentation parfois simplifiée au point de devenir caricaturale.
La loi du 11 février, dans son esprit, suppose que nous admettions la complexité de ces situations, la complexité de cet environnement.
Je voudrais évidemment dire que le principe même, lun des fondements essentiels de la loi du 11 février, est de prendre appui sur un credo extrêmement fort qui conditionne notre vivre ensemble, cest lidée de croire à la capacité de chacun, quelle que soit la manière dont cette capacité sexprime.
Dès lors, dans le parcours de lenfant, dans son projet personnalisé de scolarisation, on voit apparaître un certain nombre de conditions qui supposent en effet, non pas simplement de résoudre le point dentrée à lécole avec les conditions de larrivée à lécole de lenfant, mais véritablement la continuité de ce parcours. Quand vous dites, Monsieur le Président, que lon voit se resserrer de manière extrêmement tendue la capacité de lenfant à avoir un parcours intégral pour une formation initiale réussie, avec ce resserrement entre lécole élémentaire, le collège et le lycée, vous nous annoncez la difficulté dinclusion dans lemploi. Dès lors, la conception que nous devons avoir nécessite évidemment davoir cette vision dynamique, et de trouver de nouveaux moteurs pour penser la scolarisation de lenfant.
Cest la raison pour laquelle, je ne cesse de le dire, il va nous falloir la mission du sénateur Paul Blanc par la capacité quil porte, par son extrême sensibilité à ce sujet va être en cela pour nous une aide précieuse, et vous avez bien raison, il ne faudra pas se focaliser simplement sur la question de lauxiliaire de vie scolaire, mais imaginer ce quest la scolarisation de la manière la plus large, incluant les temps périscolaires et parascolaires pour véritablement proposer une vision dynamique et intelligente de la scolarisation de lenfant questionner lécole de la République. Il va falloir accepter de se demander la différence qui peut exister entre un établissement scolaire qui a fait le choix daccueillir des enfants handicapés au cur de son projet et létablissement scolaire qui, au contraire, pour toutes sortes de raisons qui tiennent à des frilosités et à des circonstances, de ne pas être aussi offensif sur ce sujet. Tant que nous ne nous serons pas mis en situation de comparer ces réalités-là, nous nous priverons collectivement dune capacité à nous mobiliser pour la scolarisation des enfants handicapés.
Dans le panel que lenquête CSA nous a permis dobserver, il était frappant de voir lengouement des chefs détablissement qui sétaient consacrés de manière opératoire à la scolarisation des enfants handicapés et les frilosités et les peurs de tous ceux qui navaient pas franchi le pas. Signe que, dans ce contexte-là, lintérêt bien compris, y compris de linstitution Éducation nationale, pouvait ne pas avoir fait lobjet dune analyse suffisamment précise et suffisamment fine. Je crois que nous allons avoir besoin de cela. Jai eu loccasion de lévoquer à plusieurs reprises. Je compte y travailler avec mon collègue Luc Chatel, car je crois que, de ces regards croisés, nous pourrons puiser de nouvelles ressources pour la meilleure compréhension de ce que doit être, de ce que tout peut être la scolarisation de lenfant handicapé dans lécole de la République.
Jajoute quil faut aussi penser lécole hors les murs. Dans certains cas, la rencontre entre lenfant handicapé et lÉducation nationale peut ne pas se passer dans les murs de lécole de la République. Je pense évidemment à lensemble des établissements qui accompagnent lenfant dans son parcours et dans sa vie, mais qui doivent, avec un partenariat renforcé, beaucoup plus nourri, beaucoup plus informé, beaucoup plus fluide avec lÉducation nationale continuer de porter cette parole militante qui est celle de la scolarisation de lenfant handicapé. Je suis frappée de voir que nous ne savons pas, en ce domaine, ce que nous devons savoir, et que nous continuons davoir sur cette question des représentations traditionnelles qui contribuent à cette forme daffrontement ou dincompréhension qui, parfois, vient percuter la question de la scolarisation de lenfant handicapé. Je ne crois pas une seule seconde que nous avancerons dans la question de linclusion sociale de nos compatriotes handicapés si nous ne renforçons pas linvestissement collectif dans laccueil de lenfant handicapé à lécole de la République, même si cest lécole hors les murs.
Je crois très fort que les suggestions de Dominique Versini concernant ce qui pourrait être, moins une journée du handicap, que peut être une journée de linclusion sociale, qui permettrait dentendre la parole de nos compatriotes handicapés, pourrait en effet être une remarquable et excellente idée. Je crois également que lidée dinterroger le vivre ensemble dans lécole et didentifier lévolution des civilités et des relations dans lécole participent aussi, au stade où nous en sommes, de la question de la scolarisation de lenfant handicapé. Je crois quil nous faut revisiter des cas extrêmement précis, des situations de vie où nous pouvons et où nous avons les moyens de comprendre où nous réussissons, et aussi parfois où nous trébuchons sur laccueil de lenfant handicapé à lécole.
Je pense souvent à lenfant atteint de trisomie 21 scolarisé en école maternelle et qui envisage un parcours qui peut le conduire à lapprentissage de la lecture, et qui aura besoin dun accompagnement constant sur un cycle qui devra être défini pour lui. Je pense à la scolarisation dun jeune IMC qui, en terminale, doit pouvoir être aidé pour une scolarité sur des matières qui nécessitent un accompagnement suffisamment formé et suffisamment approprié pour que ses cours de maths puissent être pris en note de façon efficace. Je pense aux handicaps psychiques à lécole. Ces handicaps que, parfois, lon ne veut pas voir, derrière lesquels on fabrique des alibis à léchec de la scolarisation de lenfant handicapé. Je pense naturellement aux enfants qui nécessitent de bénéficier de la prestation dinterprètes en langue des signes, et de codeurs pour accéder à un enseignement qui doit nous amener à réfléchir à la place de la langue des signes dans notre culture, qui mériterait véritablement un investissement beaucoup plus avant. Je continue de militer pour que nous puissions avoir une chaire qui permettrait de faire un véritable travail sur la stylistique de la langue des signes et une véritable étude linguistique.
Bref, la question de la scolarisation de lenfant handicapé se nourrit de ces situations individuelles, de ces dysfonctionnements que La Halde contribue à nous faire connaître et à partir desquels nous pouvons grandir en pertinence et en précision de nos réponses. Elle suppose en parallèle que nous continuions à avoir cette vision inclusive de notre société pour un bien commun quil faut objectiver, quil faut nommer.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. Le gouvernement est mobilisé plus que jamais pour la scolarisation des enfants handicapés. Ce ne sont pas les difficultés qui nous feront reculer. Le rendez-vous que le Président de la République a voulu pointer lors de la Conférence nationale du handicap sera un point détape extrêmement important. Nous serons nourris de vos contributions, de vos échanges, et Monsieur le Président, de lavis que La Halde aura bien voulu former. Merci beaucoup.
Source http://www.halde.fr, le 14 avril 2011