Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur la scolarisation des élèves handicapés et la garantie du droit à l'éducation, Paris le 2 mars 2011.

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Circonstance : Conférence débat sur la scolarisation des élèves handicapés à Paris le 2 mars 2011

Texte intégral


Monsieur le Président de La Halde, cher Éric Molinié, le sénateur Paul Blanc est parti, mais naturellement je le salue. Madame la Défenseur des enfants, chère Dominique Versini, Mesdames et Messieurs les représentants des associations, représentants du CNCPH. Je veux également saluer Fadéla Amara qui est présente dans la salle.
Merci beaucoup, Monsieur le Président, de cette invitation à participer sur un sujet aussi crucial et déterminant que celui de la scolarisation des enfants handicapés, à participer et à échanger avec vous dans le cadre de ces Mercredis de La Halde. Naturellement, j’attendrai la délibération de La Halde et l’avis qui sera formulé, mais d’ores et déjà, j’ai entendu vos conclusions, j’ai eu quelques éléments de vos échanges, et je sais la richesse de cette capacité d’écoute que sont les Mercredis de La Halde et je veux vous dire d’emblée que je m’en nourris et que j’en nourris l’action qui est la mienne au secrétariat d’État aux solidarités et à la cohésion sociale.
Mesdames et Messieurs, il y a quelques semaines, c’était le 16 février, à l’Assemblée nationale, a été adoptée la proposition de loi du sénateur Paul Blanc qui tente d’améliorer le fonctionnement des MDPH, portant en cela diverses dispositions relatives à la politique du handicap. Le lendemain, le 17 février, à l’initiative du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, un débat sur la politique du handicap a pris place à l’initiative des députés qui a conduit nombre d’entre eux à s’exprimer sur l’ensemble des préoccupations qui sont les leurs, et qui sont celles de leurs administrés. Quelques jours auparavant, c’était au Conseil économique social et environnemental, le Président de la République a annoncé la tenue en juin de la Conférence nationale du handicap à la date prévue pour ce rendez-vous. Il a fixé la scolarisation des enfants handicapés comme l’un des points importants à l’ordre du jour de cette conférence nationale du handicap. Ce n’est qu’une énumération. Elle est courte, mais tout de même. Elle est bien le signe, et le signe tangible, que le gouvernement, mais aussi les responsables politiques, comme c’est le cas aussi de l’institution qu’est La Halde, comme cela a été le cas pour la Défenseur des enfants, Dominique Versini, qui en a porté témoignage devant vous il y a quelques instants, d’une véritable mobilisation sur la scolarisation des enfants handicapés et sur la question des difficultés spécifiques qui sont les leurs dans l’accès à l’éducation, ce qui va même au-delà de la notion stricte de scolarisation et renvoie, en effet, à la question de l’intérêt supérieur de l’enfant handicapé.
À travers cette mobilisation, l’ensemble des responsables politiques, et de manière générale, notre pays, dit sa volonté de poursuivre ce que j’ose appeler un combat en faveur d’une meilleure inclusion sociale de nos compatriotes handicapés. À l’évidence, le premier stade de cette inclusion sociale passe par la scolarisation et l’accès à l’éducation des enfants handicapés. Je suis convaincue que les combats politiques sont d’autant plus forts et sont d’autant plus durables qu’ils sont motivés par des convictions intimes, sincères, forgées sur un engagement qui puise sa solidité dans l’implication personnelle des porteurs. Sur ces sujets, l’implication personnelle des porteurs est au rendez-vous. Plutôt que de tenter de paraphraser des choses que vous avez dites et qui tiennent leur importance des points de vue conjugués qui sont les vôtres, j’ai fait le choix de vous dire dans quel esprit je veux faire en sorte, dans la responsabilité qui est la mienne aujourd’hui, que la scolarisation des enfants handicapés ne soit pas un des éléments, un des principes, un des aspects de la loi du 11 février 2005, mais en soit véritablement une réalité centrale, une réalité politique pour notre pays, tant il me semble que l’enjeu est important.
D’abord, la question qui nous est posée est de garantir purement et simplement le droit à l’éducation pour les enfants porteurs de handicaps, ce qui passe par le respect scrupuleux et intangible des principes de la loi du 11 février 2005. Cette loi, vous le rappeliez, Monsieur le Président, j’ai eu l’immense honneur, avec les parlementaires, dont Paul Blanc faisait partie, avec l’ensemble des responsables associatifs, de la faire adopter. Elle portait une formidable ambition. Je dois dire que, parfois, avec le recul, il m’arrive de penser que le législateur était un peu désinhibé sur le sujet. On ne s’est pas censurés sur le sujet. On est allés explorer les ressorts, les freins et les capacités d’une société qui a bien voulu se mobiliser pour aborder de façon politique la question de l’inclusion sociale de nos compatriotes handicapés. Je ne rappellerai pas les différents éléments, la question de l’accessibilité qui est un combat quotidien, la question de l’emploi, la question du droit à compensation, la question des MDPH. Ce qui nous intéresse ce matin, c’est ce principe de scolarisation de l’enfant handicapé par une notion très simple et très opératoire, c’est l’inscription de l’enfant handicapé à l’école de son quartier, comme pour tous les enfants de la République. Une notion désarmante de simplicité, mais qui fait surgir un monde de complexité et des freins nombreux.
Les progrès, que l’on peut évoquer, sont portés dans l’enquête CSA dont vous avez rappelé les aspects principaux, et que naturellement j’ai regardé. Ils sont portés par les témoignages des parents, des enfants et des professionnels. Les progrès ne se mesurent qu’en les éprouvant à la lumière des difficultés résiduelles, parfois extrêmement tenaces, que nous rencontrons aujourd’hui sur cette question. Elles tiennent à plusieurs registres, elles tiennent à plusieurs notions. D’abord, parce qu’il nous est arrivé de mal comprendre l’esprit de la loi. L’esprit de la loi du 11 février n’est en aucune manière de proposer une vision conflictuelle ou violente de l’arrivée de l’enfant handicapé à l’école. C’est tout le contraire. L’idée est de suggérer qu’il n’appartient pas à l’école de participer de l’annonce du handicap, de créer une confrontation douloureuse entre la famille, l’enfant et l’environnement éducatif. D’autre part, il est indispensable d’envisager la notion d’éducation en même temps que la question de la scolarisation. Pas question donc d’opposer les mondes. Pas question donc d’oublier ce que Dominique Versini rappelait de manière si juste et si sensible, qu’en même temps que l’on règle la question de la scolarisation de l’enfant par une décision administrative, on doit immédiatement mettre en mouvement un collectif complexe dans lequel prennent place une famille, parfois des soignants, un enfant au cœur de tout cela, mais aussi des camarades de classe et d’autres parents d’élèves. Bref, un résumé de la société ordinaire qui vient se concentrer dans l’école de la République, et qui doit être capable de faire son chemin pour favoriser et permettre l’inclusion sociale.
La scolarisation suppose que l’école soit inclusive. Elle suppose donc de ne jamais renoncer à l’une de ses missions, qui est l’accessibilité éducative incluse dans ses missions premières. Ce n’est que lorsque l’inclusion éducative se complexifie du fait de la situation particulière de l’enfant qu’il faut envisager des formes de compensation, comme peut l’être la présence de l’auxiliaire de vie scolaire, mais pas simplement la présence de l’auxiliaire de vie scolaire, l’interprète, le codeur. Bref, celui qui garantira l’accessibilité éducative. Cela suppose de revisiter nos représentations traditionnelles. Nous avons une conception linéaire de nos organisations. Nous en avons une représentation parfois simplifiée au point de devenir caricaturale.
La loi du 11 février, dans son esprit, suppose que nous admettions la complexité de ces situations, la complexité de cet environnement.
Je voudrais évidemment dire que le principe même, l’un des fondements essentiels de la loi du 11 février, est de prendre appui sur un credo extrêmement fort qui conditionne notre vivre ensemble, c’est l’idée de croire à la capacité de chacun, quelle que soit la manière dont cette capacité s’exprime.
Dès lors, dans le parcours de l’enfant, dans son projet personnalisé de scolarisation, on voit apparaître un certain nombre de conditions qui supposent en effet, non pas simplement de résoudre le point d’entrée à l’école avec les conditions de l’arrivée à l’école de l’enfant, mais véritablement la continuité de ce parcours. Quand vous dites, Monsieur le Président, que l’on voit se resserrer de manière extrêmement tendue la capacité de l’enfant à avoir un parcours intégral pour une formation initiale réussie, avec ce resserrement entre l’école élémentaire, le collège et le lycée, vous nous annoncez la difficulté d’inclusion dans l’emploi. Dès lors, la conception que nous devons avoir nécessite évidemment d’avoir cette vision dynamique, et de trouver de nouveaux moteurs pour penser la scolarisation de l’enfant.
C’est la raison pour laquelle, je ne cesse de le dire, il va nous falloir – la mission du sénateur Paul Blanc par la capacité qu’il porte, par son extrême sensibilité à ce sujet va être en cela pour nous une aide précieuse, et vous avez bien raison, il ne faudra pas se focaliser simplement sur la question de l’auxiliaire de vie scolaire, mais imaginer ce qu’est la scolarisation de la manière la plus large, incluant les temps périscolaires et parascolaires pour véritablement proposer une vision dynamique et intelligente de la scolarisation de l’enfant – questionner l’école de la République. Il va falloir accepter de se demander la différence qui peut exister entre un établissement scolaire qui a fait le choix d’accueillir des enfants handicapés au cœur de son projet et l’établissement scolaire qui, au contraire, pour toutes sortes de raisons qui tiennent à des frilosités et à des circonstances, de ne pas être aussi offensif sur ce sujet. Tant que nous ne nous serons pas mis en situation de comparer ces réalités-là, nous nous priverons collectivement d’une capacité à nous mobiliser pour la scolarisation des enfants handicapés.
Dans le panel que l’enquête CSA nous a permis d’observer, il était frappant de voir l’engouement des chefs d’établissement qui s’étaient consacrés de manière opératoire à la scolarisation des enfants handicapés et les frilosités et les peurs de tous ceux qui n’avaient pas franchi le pas. Signe que, dans ce contexte-là, l’intérêt bien compris, y compris de l’institution Éducation nationale, pouvait ne pas avoir fait l’objet d’une analyse suffisamment précise et suffisamment fine. Je crois que nous allons avoir besoin de cela. J’ai eu l’occasion de l’évoquer à plusieurs reprises. Je compte y travailler avec mon collègue Luc Chatel, car je crois que, de ces regards croisés, nous pourrons puiser de nouvelles ressources pour la meilleure compréhension de ce que doit être, de ce que tout peut être la scolarisation de l’enfant handicapé dans l’école de la République.
J’ajoute qu’il faut aussi penser l’école hors les murs. Dans certains cas, la rencontre entre l’enfant handicapé et l’Éducation nationale peut ne pas se passer dans les murs de l’école de la République. Je pense évidemment à l’ensemble des établissements qui accompagnent l’enfant dans son parcours et dans sa vie, mais qui doivent, avec un partenariat renforcé, beaucoup plus nourri, beaucoup plus informé, beaucoup plus fluide avec l’Éducation nationale continuer de porter cette parole militante qui est celle de la scolarisation de l’enfant handicapé. Je suis frappée de voir que nous ne savons pas, en ce domaine, ce que nous devons savoir, et que nous continuons d’avoir sur cette question des représentations traditionnelles qui contribuent à cette forme d’affrontement ou d’incompréhension qui, parfois, vient percuter la question de la scolarisation de l’enfant handicapé. Je ne crois pas une seule seconde que nous avancerons dans la question de l’inclusion sociale de nos compatriotes handicapés si nous ne renforçons pas l’investissement collectif dans l’accueil de l’enfant handicapé à l’école de la République, même si c’est l’école hors les murs.
Je crois très fort que les suggestions de Dominique Versini concernant ce qui pourrait être, moins une journée du handicap, que peut être une journée de l’inclusion sociale, qui permettrait d’entendre la parole de nos compatriotes handicapés, pourrait en effet être une remarquable et excellente idée. Je crois également que l’idée d’interroger le vivre ensemble dans l’école et d’identifier l’évolution des civilités et des relations dans l’école participent aussi, au stade où nous en sommes, de la question de la scolarisation de l’enfant handicapé. Je crois qu’il nous faut revisiter des cas extrêmement précis, des situations de vie où nous pouvons et où nous avons les moyens de comprendre où nous réussissons, et aussi parfois où nous trébuchons sur l’accueil de l’enfant handicapé à l’école.
Je pense souvent à l’enfant atteint de trisomie 21 scolarisé en école maternelle et qui envisage un parcours qui peut le conduire à l’apprentissage de la lecture, et qui aura besoin d’un accompagnement constant sur un cycle qui devra être défini pour lui. Je pense à la scolarisation d’un jeune IMC qui, en terminale, doit pouvoir être aidé pour une scolarité sur des matières qui nécessitent un accompagnement suffisamment formé et suffisamment approprié pour que ses cours de maths puissent être pris en note de façon efficace. Je pense aux handicaps psychiques à l’école. Ces handicaps que, parfois, l’on ne veut pas voir, derrière lesquels on fabrique des alibis à l’échec de la scolarisation de l’enfant handicapé. Je pense naturellement aux enfants qui nécessitent de bénéficier de la prestation d’interprètes en langue des signes, et de codeurs pour accéder à un enseignement qui doit nous amener à réfléchir à la place de la langue des signes dans notre culture, qui mériterait véritablement un investissement beaucoup plus avant. Je continue de militer pour que nous puissions avoir une chaire qui permettrait de faire un véritable travail sur la stylistique de la langue des signes et une véritable étude linguistique.
Bref, la question de la scolarisation de l’enfant handicapé se nourrit de ces situations individuelles, de ces dysfonctionnements que La Halde contribue à nous faire connaître et à partir desquels nous pouvons grandir en pertinence et en précision de nos réponses. Elle suppose en parallèle que nous continuions à avoir cette vision inclusive de notre société pour un bien commun qu’il faut objectiver, qu’il faut nommer.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. Le gouvernement est mobilisé plus que jamais pour la scolarisation des enfants handicapés. Ce ne sont pas les difficultés qui nous feront reculer. Le rendez-vous que le Président de la République a voulu pointer lors de la Conférence nationale du handicap sera un point d’étape extrêmement important. Nous serons nourris de vos contributions, de vos échanges, et Monsieur le Président, de l’avis que La Halde aura bien voulu former. Merci beaucoup.
Source http://www.halde.fr, le 14 avril 2011