Interview de M. Maurice Leroy, ministre de la ville dans "Rénovation urbaine" de mars 2011, sur la politique de la ville, le Grand Paris et la création du Comité interministériel des villes.

Prononcé le 1er mars 2011

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Texte intégral


Q - Vous êtes, depuis le dernier remaniement, à la tête d’un ministère de la ville de plein exercice. en quoi cela renforce-t-il la politique de la ville ?
C’est tout à fait exact ! Le président de la République et le Premier ministre ont fait le choix de renforcer la politique de la ville, notamment en créant un ministère de plein exercice. C’est un acte fort qui témoigne de leurs volontés d’engager tout le Gouvernement au service des populations les plus fragiles et des territoires prioritaires ciblés par la politique de la ville. En effet, être à la tête d’un ministère de plein exercice, c’est avoir la capacité de mobiliser toutes les énergies interministérielles pour faire converger au maximum le droit commun en direction des quartiers sensibles et en faveur des personnes fragiles. Pour mener mes missions, je dispose de la tutelle directe de l’ANRU et de l’Acsé, et bénéficie du concours de toutes les administrations centrales concernées par la politique de la ville. Cela s’est déjà concrétisé le 18 février dernier, trois mois seulement après ma nomination, par la réunion d’un comité interministériel des villes (CiV), présidé par François Fillon. À cette occasion, le Premier ministre a tracé la feuille de route de la politique de la ville pour les mois à venir.
Les conclusions de ce CiV réaffirment la volonté du Gouvernement d’agir pour une meilleure solidarité nationale, une solidarité entre les personnes, mais aussi entre les territoires. En tant que ministre, elles me permettent de mobiliser l’ensemble du gouvernement et d’actionner avec efficacité de multiples leviers en faveur de la tranquillité publique, pour la remise à niveau du cadre de vie et des conditions de logement, pour le développement d’une offre de transports et pour l’accès à l’éducation, la formation et l’emploi.
Dans le prolongement de l’action engagée, nous souhaitons développer l’idée d’une ville qui accueille, qui protège et qui donne des opportunités à chacun. En témoignent les chantiers de la rénovation urbaine qui, avec un investissement massif de 12 milliards d’euros, se déploient partout en France, dans près de 500 quartiers couvrant plus de 3 millions d’habitants. Nous avons aussi décidé de renouveler, jusqu’en 2014, les contrats urbains de cohésion sociale afin d’assurer la pérennité de nos actions et d’apporter la stabilité nécessaire aux acteurs de terrain pour déployer leurs projets de territoires.
Q - Vous avez vous-même une grande expérience de la politique de la ville au niveau local. Comment la situation vous semble-t-elle avoir évolué ? Quels défis reste-t-il à relever ?
Vous avez raison. Dès 1993, j’ai été chargé par Charles Pasqua, alors président du conseil général, de mettre en oeuvre, dans les hauts-de- Seine, le Pacte 92. C’était le premier plan de cohésion urbaine et sociale en France, un plan qui conjuguait l’urbain et l’humain dans les quartiers sensibles de ce département. Ce projet a permis d’engager la rénovation de neuf quartiers fragiles qui sont par la suite devenus, pour la plupart d’entre eux, des sites prioritaires de l’ANRU.
À l’échelle de la France beaucoup a déjà été fait, notamment en matière de rénovation urbaine. Près de 12 milliards d’euros sont apportés par l’ANRU qui génèrent 43 milliards d’euros d’investissements. Partout, les quartiers de la politique de la ville sont en cours de réhabilitation, de rénovation et de désenclavement et aujourd’hui, on peut mesurer de manière visible les progrès au service d’un meilleur vivre ensemble.
Dans nos actions, nous devons nous inscrire sans réserve dans la dynamique du Grenelle de l’environnement lancée par Jean-Louis Borloo. Je souhaite ainsi que nous allions plus loin dans la performance environnementale des logements, dans la qualité urbaine et architecturale et dans la réduction des nuisances et des pollutions. Nous devons également consolider notre action sur le plan de la lutte contre l’habitat indigne et le traitement des copropriétés dégradées. Par ailleurs, nos préoccupations majeures sont le développement des activités économiques dans les quartiers et l’accès à la qualification et à l’emploi des personnes qui y habitent.
Je suis convaincu qu’il nous faut davantage nous appuyer sur les capacités créatrices de nos quartiers et de leurs habitants. Ces territoires attirent de plus en plus d’entreprises. L’activité économique y bénéficie pleinement du statut d’auto-entrepreneur. Dans les zones franches urbaines, le taux d’installation de nouveaux établissements atteint 30 %. Un groupe de travail, présidé par Eric Raoult, est par ailleurs chargé de me faire des propositions sur l’emploi et le développement économique. J’y serai très attentif. Je pense également que nous devons nous impliquer avec force dans le renforcement des services quotidiens aux habitants des quartiers. Les conventions de gestion urbaine de proximité marquent, à cet effet, l’engagement de tous pour améliorer la qualité de vie des habitants et pour réconcilier la Ville et l’homme. Tout au long des chantiers de rénovation urbaine, ces conventions préparent aussi - comme les différentes études d’impact - l’après-ANRU. C’est une de mes priorités : créer les conditions pour que les quartiers rénovés puissent améliorer la qualité de vie dans la durée.
Q - Vous êtes également en charge du grand paris. Quelles complémentarités peuvent naître entre le chantier métropolitain et la rénovation des quartiers ?
Parce qu’il y a des synergies évidentes entre la politique de la ville et le Grand Paris, le président de la République m’en a confié la mise en oeuvre. Depuis que j’ai la responsabilité de faire aboutir ce projet présidentiel, les discussions entre les partenaires ont avancé à un rythme soutenu afin de parvenir au rééquilibrage de la métropole autour de grands pôles économiques attractifs, compétitifs et organisés en réseau. L’unité de l’ensemble du territoire de la métropole se fera grâce au développement d’un réseau de transports dont les tracés aujourd’hui convergents sont les fruits d’un accord global.
L’attractivité de la région capitale irradiera ainsi l’ensemble du territoire et offrira aux quartiers sensibles d’ile-de-France, des opportunités nombreuses et concrètes de développement. Cela contribuera au désenclavement des quartiers et apportera, dans de nombreux territoires, les améliorations attendues.
Q - Lors du Civ du 18 février 2011, le premier ministre vous a confié une mission de réflexion sur une deuxième phase du pnru. Que peut-on attendre de cet exercice ?
Chacun reconnait la réussite du PNRU et de son ambition politique. il n’y a pas de fatalité face aux difficultés accumulées dans les quartiers. Il est possible de faire baisser la délinquance, de lutter contre le chômage et l’échec scolaire avec une vraie stratégie territoriale. La politique de rénovation urbaine conduite depuis 2003 est saluée, toutes sensibilités politiques confondues, de manière unanime. Aujourd’hui, certains besoins restent à couvrir, parfois même sur les territoires où ont été engagées des opérations de rénovation urbaine. Le travail n’est pas « achevé » partout. C’est pourquoi il nous faut trouver des solutions pour ces territoires. Lors du dernier CiV, le Premier ministre m’a confié un mandat pour préparer l’acte 2 du PNRU. C’est un chantier majeur et, pour le mener à terme, je compte consulter l’ensemble des partenaires nationaux aujourd’hui engagés aux côtés de l’Etat et de l’ANRU, que préside Gérard hamel. En effet, ce qui a fait le succès de la première phase du programme, c’est la qualité du partenariat.
Dans les quartiers, je suis convaincu qu’une deuxième phase du PNRU doit nous servir à faire encore mieux. Le but ultime de la rénovation d’un quartier, le signe d’un travail « achevé », c’est quand le quartier devient un lieu de résidence choisi, un lieu d’implantation possible pour une entreprise, un lieu où les investisseurs privés sont prêts à venir, en somme quand le quartier intègre le droit commun de la vie urbaine. C’est avec cet objectif ambitieux en ligne de mire que je présenterai mes propositions dès cet automne.
Source http://www.anru.fr, le 7 avril 2011