Texte intégral
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous rentrez tout juste de Kiev, en Ukraine, où vous avez participé à la Conférence des pays donateurs, 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl. Il s'agit de donner les moyens à l'Ukraine de financer une réponse à long terme de la pire catastrophe nucléaire de l'histoire. François FILLON a appelé le monde à solder le douloureux héritage. Pourra-t-on véritablement solder, un jour, cet héritage ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oh, eh bien ce sera très long, en terme sanitaire, en terme environnemental, les conséquences de Tchernobyl s'étendent sur des décennies et même au-delà. Mais là, ce que l'on essaie de faire, c'est de trouver les moyens de bâtir un second sarcophage autour du premier. Le premier fuit, il a été construit à la hâte, dans des conditions héroïques, qui ont mis en jeu la santé de ceux qu'on a appelés « les liquidateurs ». Aujourd'hui, il n'est plus étanche, un second sarcophage autour doit permettre, d'abord, de protéger l'environnement, protéger les populations, et par ailleurs de démanteler en sécurité ce qu'il y a à l'intérieur. Et puis on a aussi des enjeux sur la gestion des combustibles usés, il y a encore des combustibles usés sur le site de Tchernobyl. En fait, aujourd'hui, Tchernobyl c'est resté un lieu de catastrophe, avec une zone d'exclusion de 30 km tout autour, un environnement qui d'une certaine manière a reprise ses droits, qui est devenu très luxuriant mais très luxuriant parce qu'il n'y a plus d'activité humaine.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Est-ce que vous avez réussi à récolter les fonds nécessaires pour mener à bien cette opération ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Alors, on a besoin de 760 millions d'euros. C'est une rallonge. Il y avait déjà eu des première contributions de la Communauté internationale, et sur ces 760 millions d'euros, hier, le Premier ministre François FILLON et le président ukrainien, ont réuni dans le tour de table, 550 millions d'euros. On attend encore la contribution de certains pays qui ne pouvaient pas s'engager, parfois pour de bonnes, parfois pour de moins bonnes raisons. Du côté des bonnes raisons, on a par exemple un pays comme le Canada, qui est en pleine élection, donc pour des raisons constitutionnelles ils ne peuvent pas faire d'annonces d'un engagement international, financier, qui pourrait avoir un impact sur leurs élections. Ils ont une grosse communauté ukrainienne, semble-t-il, les Canadiens, donc c'est le cas...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et alors, les mauvais élèves....
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y a évidemment le Japon, en ce moment...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Oui.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET ... On regrette un peu que l'Italie ait souhaité de ne pas participer. Il y a aussi des pays européens qui ont choisi d'avoir des contributions peut-être très modestes, à l'aune de la solidarité, par exemple, que l'on remarque, d'autres pays à l'intérieur de l'Union européenne, j'ai parfois été un peu surprise, mais on va y arriver. L'enjeu est trop grand, l'enjeu est trop fort, il est à la fois symbolique et il est aussi technique. Le sarcophage, j'insiste, il est devenu fuyard.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Est-ce que finalement la France va récupérer une partie de cet argent, puisque c'est la France qui est chargée, notamment le consortium BOUYGUES VINCI, de construire ce nouveau sarcophage ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, c'est la France qui construit le sarcophage, c'est un consortium qui s'appelle NOVARKA, et donc ce sont BOUYGUES et VINCI qui ont fait ce projet, qui est un projet très technologique, parce qu'en fait on ne peut pas travailler au-dessus du site même de Tchernobyl, qui continue à être très radioactif, et donc il s'agit de construire des éléments un peu à l'écart, comme d'une grande arche, et de les faire glisser le long de rails. Au total, ce très grand sarcophage, il pourrait contenir le Stade de France, c'est quelque chose d'absolument immense. Enfin, au-delà de la prouesse technologique, c'est vraiment un geste de solidarité, un geste de témoignage, de ce que la communauté internationale est unie et solidaire face à ce type de catastrophe et il y a eu aussi hier, évidemment, à l'occasion de la conférence, beaucoup de mots, beaucoup d'échanges, beaucoup de partage avec le représentant du Japon, qui fait face lui aussi à une catastrophe nucléaire, quoique, dans des conditions très différentes, parce que la catastrophe de Tchernobyl c'était vraiment une catastrophe humaine à l'origine, c'est un réacteur très mal conçu, qui était dangereux, qui était par nature instable, et puis des vraies erreurs humaines, avec des défauts de procédure de sécurité, enfin, la catastrophe japonaise, comme vous le savez, elle trouve son origine, évidemment il y a eu quelques erreurs humaines sans doute...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Le tsunami.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET ...mais d'abord dans la nature de la catastrophe naturelle.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous évoquiez tout à l'heure l'Italie, l'Italie qui vient de décider d'un moratoire sur sa politique nucléaire, tout comme l'Allemagne, effectivement, après la catastrophe du Japon. On entend bien, aussi, en France, les voix de plus en plus nombreuses à poser des questions sur la sûreté nucléaire. En Alsace, les élus de tout bord ont demandé officiellement l'arrêt de la centrale de Fessenheim. Quelle va être la politique de la France dans les années à venir ? Est-ce que ces successions de catastrophes font réfléchir le gouvernement, même si François FILLON a redit hier qu'il entendait mener à bien la politique nucléaire ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y aura un avant et un après catastrophe de Fukushima. Il n'est pas question de passer, en quelque sorte, à côté ou sous silence, de ce Invités du mercredi qui est en train de se passer à Fukushima. C'est un fait majeur que d'avoir une catastrophe nucléaire, dans un pays qui nous ressemble, qui est un pays d'un très haut niveau de technologie et nous nous sentons une espèce de communauté de destin, de solidarité particulière à cet égard. Il y aura, je le dis, des conséquences, mais les conséquences, elles ne sont pas forcément à tirer à chaud, en réaction, il y a quelque chose de très politicien dans telle ou telle annonce de sortie du nucléaire, dans l'urgence, en quelque sorte. Non, pour nous, la première conséquence c'est d'abord un audit, de chacune de nos centrales. Le Premier ministre a saisi l'Autorité de sûreté nucléaire pour établir un cadre de référence pour cet audit. Les Français ont le droit d'avoir une réponse très transparente, très lisible, très compréhensible, ça peut être assez technique le nucléaire, à cette question angoissante : « Est-ce qu'un accident du type de Fukushima ça peut se passer en France ? La centrale nucléaire à côté de chez moi, elle a été conçue pour résister à quel type de séisme, à quel type d'inondation ? Quels sont les systèmes principaux de sécurité ? » Et les Français ont le droit que cette information soit mise à la disposition d'une manière très compréhensible. Pour moi, c'est la première urgence. J'ajoute qu'il y en a une autre, c'est que, ça peut paraître étrange, mais il n'y a pas de norme internationale en matière de nucléaire. Il y a quelques cadres de référence et on a profité, avec le Premier ministre hier, du déplacement à Kiev pour rencontrer le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui est porteur de ces choses, mais il n'y a pas vraiment de règle en matière de sûreté nucléaire, il faut profiter de ce moment de trouble de la Communauté internationale, pour avancer sur des règles communes et remonter le niveau minimal de sûreté. La France le réclame.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Justement, on a un peu l'impression, et je vais prendre un autre exemple, qui est le gaz de schiste, qu'on fait les choses à l'envers, c'est-à-dire que pour le gaz de schiste, on a donné des autorisations d'exploitation à des entreprises et maintenant on dit : « Ah, mais, attention, il faut faire un audit ». On n'aurait pas du faire les choses avant, c'est-à-dire vérifier d'abord que c'était faisable techniquement et après donner les autorisations d'exploitation ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Alors, pur moi, les choses ne sont pas du tout comparables. Sur le nucléaire, on travaille la sécurité, la sûreté, évidemment dès la conception...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Maintenant on travaille des règlements internationaux, il ne fallait pas le faire avant ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y a un problème de souveraineté, si vous voulez, on ne peut pas obliger les voisins à adopter nos règles. On est convaincu en France qu'il faut la sûreté maximale, la transparence totale, pour que le nucléaire soit acceptable et qu'il soit légitime, mais, on est aussi confronté à des démarches parfois un peu différentes dans certains pays.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, un mot sur le gaz de schiste.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais, un mot sur le gaz de schiste. Sur le gaz de schiste, oui, moi je l'ai dit, je pense que ces autorisations d'exploration n'auraient pas du être données, avant qu'il y ait une étude sur les problèmes environnementaux. Et d'ailleurs, j'ai proposé très vite au Premier ministre la suspension des autorisations et le lancement d'un travail, d'une mission environnementale, ce qui a été fait, on est aujourd'hui en situation de suspension des autorisations. Aucune fracturation hydraulique, par exemple, ce qui est la technique typique de l'exploitation du gaz de schiste, ne peut être réalisée en France, et on va aller plus loin, et je le souhaite, par l'annulation de ces permis, ça n'a pas... on n'avance pas sur des procédures d'autorisations et d'annulations, sans aller au bout de l'évaluation environnementale, surtout sur la base de ce que l'on a vu, des conséquences américaines de l'exploitation du gaz de schiste, dévastation paysagère...
RAPHAËLLE DUCHEMIN On a vu des images, effectivement, très impressionnantes.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET ... risque pour les nappes phréatiques.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Un dernier mot. La campagne électorale commence, ou bat son plein. Votre ancien ministre de tutelle, Jean-Louis BORLOO, a décidé de voler de ses propres ailes, il a amené dans ses bagages, notamment Rama YADE. Comment jugez-vous cette émancipation ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, chacun est bien libre de ses démarches. Moi, ce que je crois, c'est que l'on ne prend pas si facilement ses distances avec 3 ans et demi d'action commune. La cohérence qu'attendent les Français, nous, c'est des convictions, de l'action, des réformes, tout ceci c'est du côté du gouvernement, un gouvernement auquel Jean-Louis BORLOO a appartenu comme numéro 2, Rama YADE a appartenu elle aussi. Je pense qu'il y a une grande cohérence dans cette action, et je pense que c'est là le sujet. Après, les initiatives personnelles, les positionnements, c'est autre chose.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 avril 2011
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oh, eh bien ce sera très long, en terme sanitaire, en terme environnemental, les conséquences de Tchernobyl s'étendent sur des décennies et même au-delà. Mais là, ce que l'on essaie de faire, c'est de trouver les moyens de bâtir un second sarcophage autour du premier. Le premier fuit, il a été construit à la hâte, dans des conditions héroïques, qui ont mis en jeu la santé de ceux qu'on a appelés « les liquidateurs ». Aujourd'hui, il n'est plus étanche, un second sarcophage autour doit permettre, d'abord, de protéger l'environnement, protéger les populations, et par ailleurs de démanteler en sécurité ce qu'il y a à l'intérieur. Et puis on a aussi des enjeux sur la gestion des combustibles usés, il y a encore des combustibles usés sur le site de Tchernobyl. En fait, aujourd'hui, Tchernobyl c'est resté un lieu de catastrophe, avec une zone d'exclusion de 30 km tout autour, un environnement qui d'une certaine manière a reprise ses droits, qui est devenu très luxuriant mais très luxuriant parce qu'il n'y a plus d'activité humaine.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Est-ce que vous avez réussi à récolter les fonds nécessaires pour mener à bien cette opération ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Alors, on a besoin de 760 millions d'euros. C'est une rallonge. Il y avait déjà eu des première contributions de la Communauté internationale, et sur ces 760 millions d'euros, hier, le Premier ministre François FILLON et le président ukrainien, ont réuni dans le tour de table, 550 millions d'euros. On attend encore la contribution de certains pays qui ne pouvaient pas s'engager, parfois pour de bonnes, parfois pour de moins bonnes raisons. Du côté des bonnes raisons, on a par exemple un pays comme le Canada, qui est en pleine élection, donc pour des raisons constitutionnelles ils ne peuvent pas faire d'annonces d'un engagement international, financier, qui pourrait avoir un impact sur leurs élections. Ils ont une grosse communauté ukrainienne, semble-t-il, les Canadiens, donc c'est le cas...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et alors, les mauvais élèves....
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y a évidemment le Japon, en ce moment...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Oui.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET ... On regrette un peu que l'Italie ait souhaité de ne pas participer. Il y a aussi des pays européens qui ont choisi d'avoir des contributions peut-être très modestes, à l'aune de la solidarité, par exemple, que l'on remarque, d'autres pays à l'intérieur de l'Union européenne, j'ai parfois été un peu surprise, mais on va y arriver. L'enjeu est trop grand, l'enjeu est trop fort, il est à la fois symbolique et il est aussi technique. Le sarcophage, j'insiste, il est devenu fuyard.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Est-ce que finalement la France va récupérer une partie de cet argent, puisque c'est la France qui est chargée, notamment le consortium BOUYGUES VINCI, de construire ce nouveau sarcophage ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, c'est la France qui construit le sarcophage, c'est un consortium qui s'appelle NOVARKA, et donc ce sont BOUYGUES et VINCI qui ont fait ce projet, qui est un projet très technologique, parce qu'en fait on ne peut pas travailler au-dessus du site même de Tchernobyl, qui continue à être très radioactif, et donc il s'agit de construire des éléments un peu à l'écart, comme d'une grande arche, et de les faire glisser le long de rails. Au total, ce très grand sarcophage, il pourrait contenir le Stade de France, c'est quelque chose d'absolument immense. Enfin, au-delà de la prouesse technologique, c'est vraiment un geste de solidarité, un geste de témoignage, de ce que la communauté internationale est unie et solidaire face à ce type de catastrophe et il y a eu aussi hier, évidemment, à l'occasion de la conférence, beaucoup de mots, beaucoup d'échanges, beaucoup de partage avec le représentant du Japon, qui fait face lui aussi à une catastrophe nucléaire, quoique, dans des conditions très différentes, parce que la catastrophe de Tchernobyl c'était vraiment une catastrophe humaine à l'origine, c'est un réacteur très mal conçu, qui était dangereux, qui était par nature instable, et puis des vraies erreurs humaines, avec des défauts de procédure de sécurité, enfin, la catastrophe japonaise, comme vous le savez, elle trouve son origine, évidemment il y a eu quelques erreurs humaines sans doute...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Le tsunami.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET ...mais d'abord dans la nature de la catastrophe naturelle.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous évoquiez tout à l'heure l'Italie, l'Italie qui vient de décider d'un moratoire sur sa politique nucléaire, tout comme l'Allemagne, effectivement, après la catastrophe du Japon. On entend bien, aussi, en France, les voix de plus en plus nombreuses à poser des questions sur la sûreté nucléaire. En Alsace, les élus de tout bord ont demandé officiellement l'arrêt de la centrale de Fessenheim. Quelle va être la politique de la France dans les années à venir ? Est-ce que ces successions de catastrophes font réfléchir le gouvernement, même si François FILLON a redit hier qu'il entendait mener à bien la politique nucléaire ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y aura un avant et un après catastrophe de Fukushima. Il n'est pas question de passer, en quelque sorte, à côté ou sous silence, de ce Invités du mercredi qui est en train de se passer à Fukushima. C'est un fait majeur que d'avoir une catastrophe nucléaire, dans un pays qui nous ressemble, qui est un pays d'un très haut niveau de technologie et nous nous sentons une espèce de communauté de destin, de solidarité particulière à cet égard. Il y aura, je le dis, des conséquences, mais les conséquences, elles ne sont pas forcément à tirer à chaud, en réaction, il y a quelque chose de très politicien dans telle ou telle annonce de sortie du nucléaire, dans l'urgence, en quelque sorte. Non, pour nous, la première conséquence c'est d'abord un audit, de chacune de nos centrales. Le Premier ministre a saisi l'Autorité de sûreté nucléaire pour établir un cadre de référence pour cet audit. Les Français ont le droit d'avoir une réponse très transparente, très lisible, très compréhensible, ça peut être assez technique le nucléaire, à cette question angoissante : « Est-ce qu'un accident du type de Fukushima ça peut se passer en France ? La centrale nucléaire à côté de chez moi, elle a été conçue pour résister à quel type de séisme, à quel type d'inondation ? Quels sont les systèmes principaux de sécurité ? » Et les Français ont le droit que cette information soit mise à la disposition d'une manière très compréhensible. Pour moi, c'est la première urgence. J'ajoute qu'il y en a une autre, c'est que, ça peut paraître étrange, mais il n'y a pas de norme internationale en matière de nucléaire. Il y a quelques cadres de référence et on a profité, avec le Premier ministre hier, du déplacement à Kiev pour rencontrer le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui est porteur de ces choses, mais il n'y a pas vraiment de règle en matière de sûreté nucléaire, il faut profiter de ce moment de trouble de la Communauté internationale, pour avancer sur des règles communes et remonter le niveau minimal de sûreté. La France le réclame.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Justement, on a un peu l'impression, et je vais prendre un autre exemple, qui est le gaz de schiste, qu'on fait les choses à l'envers, c'est-à-dire que pour le gaz de schiste, on a donné des autorisations d'exploitation à des entreprises et maintenant on dit : « Ah, mais, attention, il faut faire un audit ». On n'aurait pas du faire les choses avant, c'est-à-dire vérifier d'abord que c'était faisable techniquement et après donner les autorisations d'exploitation ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Alors, pur moi, les choses ne sont pas du tout comparables. Sur le nucléaire, on travaille la sécurité, la sûreté, évidemment dès la conception...
RAPHAËLLE DUCHEMIN Maintenant on travaille des règlements internationaux, il ne fallait pas le faire avant ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Il y a un problème de souveraineté, si vous voulez, on ne peut pas obliger les voisins à adopter nos règles. On est convaincu en France qu'il faut la sûreté maximale, la transparence totale, pour que le nucléaire soit acceptable et qu'il soit légitime, mais, on est aussi confronté à des démarches parfois un peu différentes dans certains pays.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, un mot sur le gaz de schiste.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais, un mot sur le gaz de schiste. Sur le gaz de schiste, oui, moi je l'ai dit, je pense que ces autorisations d'exploration n'auraient pas du être données, avant qu'il y ait une étude sur les problèmes environnementaux. Et d'ailleurs, j'ai proposé très vite au Premier ministre la suspension des autorisations et le lancement d'un travail, d'une mission environnementale, ce qui a été fait, on est aujourd'hui en situation de suspension des autorisations. Aucune fracturation hydraulique, par exemple, ce qui est la technique typique de l'exploitation du gaz de schiste, ne peut être réalisée en France, et on va aller plus loin, et je le souhaite, par l'annulation de ces permis, ça n'a pas... on n'avance pas sur des procédures d'autorisations et d'annulations, sans aller au bout de l'évaluation environnementale, surtout sur la base de ce que l'on a vu, des conséquences américaines de l'exploitation du gaz de schiste, dévastation paysagère...
RAPHAËLLE DUCHEMIN On a vu des images, effectivement, très impressionnantes.
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET ... risque pour les nappes phréatiques.
RAPHAËLLE DUCHEMIN Un dernier mot. La campagne électorale commence, ou bat son plein. Votre ancien ministre de tutelle, Jean-Louis BORLOO, a décidé de voler de ses propres ailes, il a amené dans ses bagages, notamment Rama YADE. Comment jugez-vous cette émancipation ?
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, chacun est bien libre de ses démarches. Moi, ce que je crois, c'est que l'on ne prend pas si facilement ses distances avec 3 ans et demi d'action commune. La cohérence qu'attendent les Français, nous, c'est des convictions, de l'action, des réformes, tout ceci c'est du côté du gouvernement, un gouvernement auquel Jean-Louis BORLOO a appartenu comme numéro 2, Rama YADE a appartenu elle aussi. Je pense qu'il y a une grande cohérence dans cette action, et je pense que c'est là le sujet. Après, les initiatives personnelles, les positionnements, c'est autre chose.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 avril 2011