Texte intégral
La nouvelle réunion du groupe de travail a été, de mon point de vue, très positive.
D'abord, elle a permis de vérifier qu'il y avait un accord unanime du Groupe de contact, des puissances qui sont représentées, sur la nécessité de poursuivre toutes les formes de pressions contre le régime de Kadhafi. Des pressions militaires : il faut intensifier les frappes, mieux cibler les objectifs militaires pour affaiblir le régime qui continue à utiliser la force contre la population de Misrata ou encore d'autres villes en Libye. De ce point de vue, la détermination de la coalition est entière. Il y a d'autres moyens de pression à exercer : je pense notamment à la suspension des émissions de radio et de télévision et, bien sûr, des sanctions financières. Je prends acte aussi du fait que le procureur de la Cour pénale internationale a annoncé qu'il allait engager un certain nombre de poursuites - ceci contribue à la déstabilisation du régime, toujours dans le même objectif que Kadhafi, qui a perdu toute légitimité, quitte le pouvoir. C'était le premier point, très important.
Le deuxième point, pour moi, c'est le renforcement du Conseil national de transition, dont on se rend compte qu'il est aujourd'hui l'interlocuteur légitime, et le seul interlocuteur en réalité qui soit capable d'exprimer les aspirations du peuple libyen. De ce point de vue, la présence de M. Djibril est très positive ; il a présenté une feuille de route, qui a très favorablement impressionné l'ensemble des participants. Pour les aider aussi concrètement et matériellement, je me réjouis que ce mécanisme de financement temporaire qui avait été prévu à Doha soit maintenant bien défini et puisse être opérationnel, je pense, dans les prochaines semaines. Les États-Unis ont annoncé qu'ils apporteraient des contributions. Je crois que d'autres pays vont le faire aussi. La France va examiner sa propre participation. Nous avons néanmoins insisté sur le fait qu'il ne fallait pas renoncer à dégeler les avoirs gelés. Cela pose des problèmes sur le plan juridique. Le mécanisme de transition, lui, sera opérationnel plus rapidement.
Enfin, le troisième aspect de cette rencontre, c'était bien sûr le volet du règlement politique. Nous sommes bien convaincus que, quelle que soit la nécessité de la pression militaire, la solution, in fine, sera une solution politique. Nous nous sommes réjouis que M. Al Khatib joue pleinement son rôle de coordination en tant que représentant des Nations unies ; il a rendu compte de ses contacts. J'ai expliqué l'initiative du président de la République d'une conférence des amis de la Libye est parfaitement cohérente avec l'action du Groupe de contact. Ce dernier va continuer à travailler mais, à un moment, il faudra sans doute l'élargir - je pense à la Russie, par exemple -, et puis surtout inviter autour d'une table les parties prenantes de la future Libye, c'est-à-dire le Conseil national de transition, principalement, mais aussi les autorités traditionnelles - vous avez vu que plusieurs tribus s'étaient désolidarisées de Kadhafi et étaient prêtes participer à ce processus - et puis, enfin, troisième partenaire si je puis dire, tous ceux qui à Tripoli ont compris qu'il n'y avait plus d'avenir avec Kadhafi et qui sont prêts à s'engager dans ce processus de réconciliation et de dialogue national.
Voilà les étapes qui sont devant nous maintenant. Je partage tout à fait le point de vue qui a été exprimé à la fois par William Hague et Hillary Clinton : ceux qui parlent d'enlisement vont un peu vite en besogne. Cette intervention a sept semaines derrière elle ; il faut encore du temps ; cela se compte en semaines, voire en mois. Il n'est pas question de laisser filer le temps. Il faut de la détermination et de la persévérance et c'est ce qui a été exploré.
Q - Monsieur Juppé, le comité de transition se dit à bout de souffle financièrement. Vous dites qu'il y a des obstacles juridiques pour dégeler les avoirs
R - Comme il y a des obstacles juridiques pour dégeler les avoirs, nous avons mis en place une solution alternative qui, elle, peut fonctionner très rapidement : c'est ce mécanisme transitoire de financement dont le sigle est IFC pour «Interim Financial Mechanism». Ce fonds va donc pouvoir être approvisionné par plusieurs types de ressources : des dons, des prêts, ultérieurement peut-être par un dégel des avoirs. C'est la réponse à la difficulté juridique que j'évoquais, de façon à ce que les fonds soient mobilisés dans les prochaines semaines.
Q - La France va-t-elle contribuer à ce fonds ? Pour combien ?
R - Je vous ai dit que nous allions y réfléchir.
Q - Est-ce que vous confirmez la reconnaissance du CNT par trois nouveaux pays et lesquels ?
R - Je n'ai pas la liste sur moi. Il y a trois pays qui l'ont reconnu : l'Italie, la France, le Qatar. Je n'ai pas la liste des autres.
Q - Quant à la Syrie, la France a-t-elle l'intention de demander le départ de Bachar el-Assad ? A-t-on l'intention d'appliquer des sanctions concernant les déplacements à l'étranger et des sanctions économiques ?
R - Nous avons une position extrêmement claire : il n'y a pas deux poids et deux mesures, contrairement à ce que l'on dit. Nous avons d'abord demandé à Bachar el-Assad de tenir compte des aspirations de son peuple et de faire des réformes. Il n'a pas vraiment pris en compte ce souhait et il a choisi - lui, le parti et l'équipe qui l'entoure - de se livrer à une répression sauvage qui se solde par des centaines de morts. Nous sommes très inquiets encore sur ce qui peut se passer demain, puisque des manifestations sont prévues pour vendredi. À partir de ce moment-là, nous avons condamné sans aucune espèce de nuances cette attitude, comme nous l'avons fait hier.
Nous travaillons aux Nations unies pour essayer de réunir une majorité au Conseil de sécurité pour prendre des sanctions ; mais cette majorité n'existe pas aujourd'hui. Il n'y a pas les neuf voix qui seraient nécessaires, en toute hypothèse, pour faire voter une résolution. On y travaille avec les Britanniques et quelques autres.
En revanche, au niveau de l'Union européenne, il y a une volonté d'adopter assez rapidement des sanctions. On est en train de mettre au point la liste des personnes qui seraient personnellement sanctionnées au niveau de leurs avoirs ou de leurs déplacements. La France souhaite que Bachar el-Assad figure sur cette liste parce qu'il est le président et qu'il est donc responsable de ce qui se passe. Il n'y a pas encore de convergence, mais la liste sera adoptée.
Q - Pour revenir à la Libye, avez-vous discuté ce matin de la possibilité de troupes au sol pour garantir des couloirs humanitaires ?
R - Des troupes au sol, non ; je rappelle que toute force d'occupation est interdite par la résolution du Conseil de sécurité. Nous avons, comme d'autres, envoyé une petite poignée d'officiers qui ont un rôle de conseil, de formation, qui ne se battent pas. Ce ne sont pas des combattants. Pour nous, il n'est pas question d'envoyer des troupes au sol. Pour ce qui concerne l'aide humanitaire, l'Union européenne est prête à intervenir. On a même défini ce que nous appelons EUFOR Libye, c'est-à-dire un soutien militaire permettant d'acheminer l'aide humanitaire là où la situation est dangereuse - je pense bien sûr notamment à Misrata. Simplement, la position que nous avons prise, c'est que nous ne le ferons qu'à la demande expresse des Nations unies. Or, les Nations unies aujourd'hui nous font savoir qu'elles n'en n'ont pas besoin. Donc EUFOR Libye n'a pas été déclenché.
Q - Et M. Khatib vous l'a dit aujourd'hui ?
R - Non, ce n'est pas M. Khatib qui nous l'a dit. Je crois que le Secrétaire général l'a fait savoir. Et c'est surtout la responsable de l'organisme des Nations unies qui gère l'aide humanitaire, l'OCHA, qui nous a fait savoir qu'elle ne le souhaitait pas.
Q - Où sera la prochaine réunion du Groupe de contact ?
R - Attendons la déclaration des co-présidents, mais ce sera dans un pays arabe.
Q - Une dernière question, Monsieur Juppé : après la mort d'Oussama Ben Laden, redoutez-vous des représailles sur les otages d'AQMI au Sahel ?
R - Nous sommes très vigilants. La menace terroriste, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, n'a pas faibli. Alors, il y a deux interprétations possibles : celle selon laquelle cela a affaibli les groupes terroristes affiliés à Al Qaïda ; l'autre selon laquelle cela peut les radicaliser. Je souhaite ardemment que ces intentions n'existent pas et nous continuons, en tout cas, à garder les contacts nécessaires pour obtenir la libération des otages.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mai 2011
D'abord, elle a permis de vérifier qu'il y avait un accord unanime du Groupe de contact, des puissances qui sont représentées, sur la nécessité de poursuivre toutes les formes de pressions contre le régime de Kadhafi. Des pressions militaires : il faut intensifier les frappes, mieux cibler les objectifs militaires pour affaiblir le régime qui continue à utiliser la force contre la population de Misrata ou encore d'autres villes en Libye. De ce point de vue, la détermination de la coalition est entière. Il y a d'autres moyens de pression à exercer : je pense notamment à la suspension des émissions de radio et de télévision et, bien sûr, des sanctions financières. Je prends acte aussi du fait que le procureur de la Cour pénale internationale a annoncé qu'il allait engager un certain nombre de poursuites - ceci contribue à la déstabilisation du régime, toujours dans le même objectif que Kadhafi, qui a perdu toute légitimité, quitte le pouvoir. C'était le premier point, très important.
Le deuxième point, pour moi, c'est le renforcement du Conseil national de transition, dont on se rend compte qu'il est aujourd'hui l'interlocuteur légitime, et le seul interlocuteur en réalité qui soit capable d'exprimer les aspirations du peuple libyen. De ce point de vue, la présence de M. Djibril est très positive ; il a présenté une feuille de route, qui a très favorablement impressionné l'ensemble des participants. Pour les aider aussi concrètement et matériellement, je me réjouis que ce mécanisme de financement temporaire qui avait été prévu à Doha soit maintenant bien défini et puisse être opérationnel, je pense, dans les prochaines semaines. Les États-Unis ont annoncé qu'ils apporteraient des contributions. Je crois que d'autres pays vont le faire aussi. La France va examiner sa propre participation. Nous avons néanmoins insisté sur le fait qu'il ne fallait pas renoncer à dégeler les avoirs gelés. Cela pose des problèmes sur le plan juridique. Le mécanisme de transition, lui, sera opérationnel plus rapidement.
Enfin, le troisième aspect de cette rencontre, c'était bien sûr le volet du règlement politique. Nous sommes bien convaincus que, quelle que soit la nécessité de la pression militaire, la solution, in fine, sera une solution politique. Nous nous sommes réjouis que M. Al Khatib joue pleinement son rôle de coordination en tant que représentant des Nations unies ; il a rendu compte de ses contacts. J'ai expliqué l'initiative du président de la République d'une conférence des amis de la Libye est parfaitement cohérente avec l'action du Groupe de contact. Ce dernier va continuer à travailler mais, à un moment, il faudra sans doute l'élargir - je pense à la Russie, par exemple -, et puis surtout inviter autour d'une table les parties prenantes de la future Libye, c'est-à-dire le Conseil national de transition, principalement, mais aussi les autorités traditionnelles - vous avez vu que plusieurs tribus s'étaient désolidarisées de Kadhafi et étaient prêtes participer à ce processus - et puis, enfin, troisième partenaire si je puis dire, tous ceux qui à Tripoli ont compris qu'il n'y avait plus d'avenir avec Kadhafi et qui sont prêts à s'engager dans ce processus de réconciliation et de dialogue national.
Voilà les étapes qui sont devant nous maintenant. Je partage tout à fait le point de vue qui a été exprimé à la fois par William Hague et Hillary Clinton : ceux qui parlent d'enlisement vont un peu vite en besogne. Cette intervention a sept semaines derrière elle ; il faut encore du temps ; cela se compte en semaines, voire en mois. Il n'est pas question de laisser filer le temps. Il faut de la détermination et de la persévérance et c'est ce qui a été exploré.
Q - Monsieur Juppé, le comité de transition se dit à bout de souffle financièrement. Vous dites qu'il y a des obstacles juridiques pour dégeler les avoirs
R - Comme il y a des obstacles juridiques pour dégeler les avoirs, nous avons mis en place une solution alternative qui, elle, peut fonctionner très rapidement : c'est ce mécanisme transitoire de financement dont le sigle est IFC pour «Interim Financial Mechanism». Ce fonds va donc pouvoir être approvisionné par plusieurs types de ressources : des dons, des prêts, ultérieurement peut-être par un dégel des avoirs. C'est la réponse à la difficulté juridique que j'évoquais, de façon à ce que les fonds soient mobilisés dans les prochaines semaines.
Q - La France va-t-elle contribuer à ce fonds ? Pour combien ?
R - Je vous ai dit que nous allions y réfléchir.
Q - Est-ce que vous confirmez la reconnaissance du CNT par trois nouveaux pays et lesquels ?
R - Je n'ai pas la liste sur moi. Il y a trois pays qui l'ont reconnu : l'Italie, la France, le Qatar. Je n'ai pas la liste des autres.
Q - Quant à la Syrie, la France a-t-elle l'intention de demander le départ de Bachar el-Assad ? A-t-on l'intention d'appliquer des sanctions concernant les déplacements à l'étranger et des sanctions économiques ?
R - Nous avons une position extrêmement claire : il n'y a pas deux poids et deux mesures, contrairement à ce que l'on dit. Nous avons d'abord demandé à Bachar el-Assad de tenir compte des aspirations de son peuple et de faire des réformes. Il n'a pas vraiment pris en compte ce souhait et il a choisi - lui, le parti et l'équipe qui l'entoure - de se livrer à une répression sauvage qui se solde par des centaines de morts. Nous sommes très inquiets encore sur ce qui peut se passer demain, puisque des manifestations sont prévues pour vendredi. À partir de ce moment-là, nous avons condamné sans aucune espèce de nuances cette attitude, comme nous l'avons fait hier.
Nous travaillons aux Nations unies pour essayer de réunir une majorité au Conseil de sécurité pour prendre des sanctions ; mais cette majorité n'existe pas aujourd'hui. Il n'y a pas les neuf voix qui seraient nécessaires, en toute hypothèse, pour faire voter une résolution. On y travaille avec les Britanniques et quelques autres.
En revanche, au niveau de l'Union européenne, il y a une volonté d'adopter assez rapidement des sanctions. On est en train de mettre au point la liste des personnes qui seraient personnellement sanctionnées au niveau de leurs avoirs ou de leurs déplacements. La France souhaite que Bachar el-Assad figure sur cette liste parce qu'il est le président et qu'il est donc responsable de ce qui se passe. Il n'y a pas encore de convergence, mais la liste sera adoptée.
Q - Pour revenir à la Libye, avez-vous discuté ce matin de la possibilité de troupes au sol pour garantir des couloirs humanitaires ?
R - Des troupes au sol, non ; je rappelle que toute force d'occupation est interdite par la résolution du Conseil de sécurité. Nous avons, comme d'autres, envoyé une petite poignée d'officiers qui ont un rôle de conseil, de formation, qui ne se battent pas. Ce ne sont pas des combattants. Pour nous, il n'est pas question d'envoyer des troupes au sol. Pour ce qui concerne l'aide humanitaire, l'Union européenne est prête à intervenir. On a même défini ce que nous appelons EUFOR Libye, c'est-à-dire un soutien militaire permettant d'acheminer l'aide humanitaire là où la situation est dangereuse - je pense bien sûr notamment à Misrata. Simplement, la position que nous avons prise, c'est que nous ne le ferons qu'à la demande expresse des Nations unies. Or, les Nations unies aujourd'hui nous font savoir qu'elles n'en n'ont pas besoin. Donc EUFOR Libye n'a pas été déclenché.
Q - Et M. Khatib vous l'a dit aujourd'hui ?
R - Non, ce n'est pas M. Khatib qui nous l'a dit. Je crois que le Secrétaire général l'a fait savoir. Et c'est surtout la responsable de l'organisme des Nations unies qui gère l'aide humanitaire, l'OCHA, qui nous a fait savoir qu'elle ne le souhaitait pas.
Q - Où sera la prochaine réunion du Groupe de contact ?
R - Attendons la déclaration des co-présidents, mais ce sera dans un pays arabe.
Q - Une dernière question, Monsieur Juppé : après la mort d'Oussama Ben Laden, redoutez-vous des représailles sur les otages d'AQMI au Sahel ?
R - Nous sommes très vigilants. La menace terroriste, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, n'a pas faibli. Alors, il y a deux interprétations possibles : celle selon laquelle cela a affaibli les groupes terroristes affiliés à Al Qaïda ; l'autre selon laquelle cela peut les radicaliser. Je souhaite ardemment que ces intentions n'existent pas et nous continuons, en tout cas, à garder les contacts nécessaires pour obtenir la libération des otages.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mai 2011