Interview de M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, à La Chaîne info LCI le 1er juin 2011, sur les relations entre le Président de la République et le Mouvement de la Droite populaire, l'immigration, les panneaux avertisseurs de radars et l'enquête sur le crash Rio-Paris.

Prononcé le 1er juin 2011

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER Thierry MARIANI, bonjour.
 
THIERRY MARIANI Bonjour.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et si on annulait toutes les gardes vues antérieures au 15 avril, qui s’étaient donc tenues sans avocat dès la première heure ? C’est quasiment une suggestion de la Cour de cassation. Qu’en pensez-vous ?
 
THIERRY MARIANI Ecoutez, je pense que ça remettrait en cause toute une série de procédures qui sont lancées, toute une série de travail accompli par les enquêteurs. Cela, à mon avis, serait quand même assez préjudiciable, mais la justice est indépendante.
 
CHRISTOPHE BARBIER Le président de la République a reçu, hier, les députés de la Droite populaire – la Droite populaire dont vous êtes un des cofondateurs. Alors, est-ce que vous vous félicitez que Nicolas SARKOZY ait retrouvé le cap des valeurs de 2007, comme vous le dites, ou est-ce que vous vous félicitez du gros virage à droite que le président est en train d’infléchir pour sa campagne ?
 
THIERRY MARIANI Il n’y a pas de virage à droite. On a le Nicolas SARKOZY de 2007, c’est-à-dire un président qui est équilibré, en ayant des sujets sur lesquels il est ferme et clair, je pense par exemple à l’immigration, à la justice, à la sécurité, mais aussi en n’oubliant pas le côté social. Et ce que j’ai vu hier c’est surtout un président qui écoutait ses parlementaires, un président qui était prêt à recueillir leurs suggestions. Et donc, je pense qu’on a retrouvé le président qui, effectivement, en 2007, a acquis la confiance des Français.
 
CHRISTOPHE BARBIER Pour certains, fermeté, clarté sur la sécurité c’est faire le jeu de Marine LE PEN, et ils s’appuient sur les sondages pour dire ça.
 
THIERRY MARIANI Non, il faut de la fermeté et de la clarté en matière de sécurité, mais il faut aussi, j’allais dire lutter contre les fraudes en matière sociale, il faut aussi surtout lutter pour que l’emploi dans ce pays se redresse. Je constate que depuis quatre mois les résultats du chômage sont positifs, voilà. Donc, c’est un président qui veut être actif dans tous les domaines.
 
CHRISTOPHE BARBIER Si il se marque trop sur la fermeté est-ce qu’il n’ouvre pas un boulevard pour les centristes qui son déjà débarrassés de DSK ?
 
THIERRY MARIANI Je ne pense pas parce que la majorité, il y a un volet centriste qui est nécessaire, nos amis du Nouveau centre ont une part essentielle à la majorité, mais il y a aussi, j’allais dire un volet UMP qui est attaché à certaines valeurs, qui est aussi nécessaire. Et notre électorat, je pense, nous demande de tenir compte de ces deux pôles.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et est-ce que votre électorat vous demande d’avoir un seul candidat pour ça ? Ca serait peut-être pas mal d’avoir à gauche de Nicolas SARKOZY un BORLOO.
 
THIERRY MARIANI Ecoutez, j’ai beaucoup de mal à comprendre comment on a pu être dans un gouvernement pendant neuf ans, comment on a pu être éventuellement prête à être Premier ministre en novembre dernier, et comment ensuite on peut se dire « je vais partir comme candidat ».
 
CHRISTOPHE BARBIER Ben, pour aller chercher des électeurs.
 
THIERRY MARIANI Oui, moi je pense que c’est beaucoup plus clair quand on a un seul candidat au premier tour. Et quand on a été unis derrière Nicolas SARKOZY pendant des années, je pense qu’il serait logique que l’ensemble de la majorité se retrouve derrière Nicolas SARKOZY dès le premier tour.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que les centristes pour marquer leur différence ne profitent pas particulièrement du dossier immigration en contestant l’excessive fermeté de Claude GUÉANT ?
 
THIERRY MARIANI Je ne vois pas où est-ce qu’il y a l’excessive fermeté de Claude GUÉANT, il y a un ministre qui applique la loi.
 
CHRISTOPHE BARBIER Propos durs sur la délinquance des jeunes, sur l’échec scolaire des jeunes.
 
THIERRY MARIANI Attendez, quand des chercheurs, comme monsieur LAGRANGE, tiennent ces propos, tout le monde dit c’est scientifique ; quand Claude GUÉANT dit effectivement la délinquance est surreprésentée dans des populations qui socialement sont en difficulté, donc forcément la population d’origine immigrée se retrouve dans ce cas, tout le monde dit c’est scandaleux. Non ! Je pense qu’on a simplement un gouvernement et un ministre de l’Intérieur qui tirent un bon diagnostic. Et quand on a un bon diagnostic, c’est le meilleur moyen d’avoir les bonnes solutions.
 
CHRISTOPHE BARBIER Marine LE PEN vient d’écrire aux 577 députés pour leur demander de supprimer le droit à la double nationalité. Etes-vous pour ou contre la double nationalité ?
 
THIERRY MARIANI Je suis pour le maintien de la double nationalité, parce que je crois que la France c’est aussi par moment des richesses, et puis vous savez, la double nationalité, vous avez par an 50 000 mariages mixtes. Qu’est-ce qu’on va dire ? Je veux dire, on va leur demander à ces hommes ou à ces femmes d’abandonner une nationalité ? Ce qui est important c’est qu’ils respectent les valeurs, voilà. A partir du moment où les personnes ont une double nationalité mais respectent les valeurs de la France, j’allais dire c’est un enrichissement. A partir du moment où ces personnes ne respectent pas la valeur de la France, oui, là il y a problème.
 
CHRISTOPHE BARBIER Comme député, vous demandiez l’établissement d’un fichier ethnique pour mieux connaître la population. Est-ce que vous maintenez cette revendication ? Est-ce que ça serait utile ?
 
THIERRY MARIANI On demandait un fichier ethnique pour mieux connaître où lutter contre les discriminations. Le paradoxe en France, et vous en avez l’illustration avec la polémique du Parti socialiste autour des propos de Claude GUÉANT, c’est en permanence de condamner tout ce qui peut nous permettre d’analyser où il y a les discriminations. Quand je regarde ce qui se passe en Angleterre, grand pays démocratique, ou dans des dizaines d’autres pays, eh bien tout simplement on analyse effectivement l’origine des personnes pour voir quand il y a des problèmes si ils sont de telle ou telle origine, et ce qui permet de corriger ces discriminations. En France, le problème : on veut corriger les discriminations mais on ne veut pas voir le thermomètre.
 
CHRISTOPHE BARBIER Les députés de la Droite populaire, vos députés, se sont battus pour que les panneaux signalant les radars soient maintenus. Est-ce qu’ils n’ont pas été roulés dans la farine par Claude GUÉANT qui leur a dit oui d’abord et puis qui démonte les panneaux ?
 
THIERRY MARIANI Je ne pense pas ! Ce qui est important c’est que d’abord ils ont été écoutés, d’ailleurs ça été le message de Nicolas SARKOZY hier, qu’il voulait écouter les députés. Et puis, deuxièmement, je crois qu’il y a une solution qui a été trouvée, qui est tout à fait acceptable avec ces radars pédagogiques qui seront mis et qui signaleront la vitesse sans verbaliser. Voilà, à la sortie ce qui compte aussi c’est le message clair, c’est-à-dire qu’on est fermes sur la politique de sécurité routière. C’est quasiment plus de 20 000 vies économisées depuis 2002.
 
CHRISTOPHE BARBIER Oui, enfin, si on signale les radars, on sait bien qu’on accélère avant, on accélère après, on fait le jeu des chauffards, quand même.
 
THIERRY MARIANI Si on signale les radars, on incite aussi l’automobiliste par moment à peut-être se rappeler qu’il y a des vitesses limitées, voilà, chacun peut être distrait.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et 30 km/h en ville, ça serait une baisse de la vitesse autorisée souhaitable pour sécuriser les centres urbains ?
 
THIERRY MARIANI Je crois que c’est à chaque maire d’en décider. Je veux dire, dans les centres urbains il y a des endroits où on peut rouler un peu plus vite, et il y des endroits où il faut être effectivement à 30 à l’heure. Laissons quand même par moment aussi les maires décider dans ce genre de limitations. C’est souvent sur les terrains les mieux placés.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors, vous souhaitez que les députés soient écoutés, mais des députés qui revendiquent, qui relaient les revendications de la base. Estce que ce n’est pas la définition du populisme, finalement ?
 
THIERRY MARIANI Ecoutez, je ne sais pas ce que c’est le populisme. Je crois que c’est Philippe MURAY qui disait « le populisme c’est le mot qu’a donné la gauche quand le peuple lui échappe », voilà. C’est simplement des députés qui écoutent ce que leur dit leur base, voilà.
 
CHRISTOPHE BARBIER On peut écouter et dire « on n’est pas d’accord, vous devez évoluer, c’est Paris qui a raison, il faut être plus ferme ».
 
THIERRY MARIANI Ecoutez, sur la sécurité routière j’ai trouvé quand même que la majorité était au moins soudée sur un objectif qui était de dire « on est fermes pour lutter contre la délinquance routière ». Vous savez, en France, il y a à peu près 700 homicides par an – iI n’y en a jamais eu si peu d’ailleurs, 700 meurtres. Il y a à peu près 1 000 personnes qui sur la route trouvent la mort de manière totalement, j’allais dire innocentes, c’est-à-dire qu’elles traversaient un passage clouté, ou elles étaient à un mauvais endroit à un moment où un chauffeur est passé. Je crois que la sécurité routière c’est aussi un impératif, c’est des milliers de vie humaines épargnées.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y a deux ans, c’était le crash du Rio – Paris. Au vu des boîtes noires, puisqu’on sait presque tout aujourd’hui, pour vous, c’était la faute des sondes Pitot cet accident, ou bien c’est la faute d’un équipage mal formé, qui a mal réagi ?
 
THIERRY MARIANI C’est trop tôt pour le dire. Aujourd’hui, ce qu’on a présenté au public c’est en réalité le déroulé des évènements, qu’on a pu parfaitement reconstituer grâce à ces deux fameuses boîtes noires et notamment grâce à l’enregistrement des conversations dans le cockpit. Il faut attendre à peu près jusqu’au 14 juillet pour qu’on ait un rapport intermédiaire parce qu’on verra à ce moment-là si, j’allais dire des éléments qu’on ne peut pas savoir aujourd’hui, par exemple est-ce que une partie des pièces étaient gelées ou non, bref c’est trop tôt pour déterminer les responsabilités aujourd’hui.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que votre travail ce n’est pas de protéger la réputation d’AIRBUS pour qu’on vende des avions et puis de protéger celle d’AIR FRANCE pour qu’on continue à avoir une compagnie aérienne prospère ?
 
THIERRY MARIANI Mon travail c’est avant tout de protéger la sécurité des passagers, qu’il s’agisse d’AIRBUS ou qu’il s’agisse d’AIR FRANCE. Et mon travail c’est aussi de dire la vérité, c’est-à-dire que je rappelle qu’on a dépensé plus de 35 millions pour retrouver ces fameuses boîtes noires, après deux ans. C’est une véritable prouesse technologique. Mais mon travail c’est de dire la vérité quand on la connait. Aujourd’hui, c’est trop tôt.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que vous souhaitez que tous les corps soient remontés ou faut-il laisser au fond de l’eau ceux qui sont trop abîmés ?
 
THIERRY MARIANI C’est au juge de le décider, et on attend à l’heure actuelle sa décision. Mais je rappelle que c’est une enquête judiciaire et c’est au juge de décider s’il faut ou non remonter les corps.
 
CHRISTOPHE BARBIER Demandez-vous à la SNCF de ne pas pousser les contrôleurs à faire du chiffre en verbalisant, en verbalisant, comme l’a dévoilé LE PARISIEN ?
 
THIERRY MARIANI Ecoutez, la fraude ça coûte à la SNCF 350 millions d’euros par an – 350 millions !
 
CHRISTOPHE BARBIER Donc, pas de pitié !
 
THIERRY MARIANI Non, pas de pitié. Je veux dire, qu’on ne paie pas un ticket, quand on fraude, on doit être sanctionné.
 
CHRISTOPHE BARBIER La baisse du prix du pétrole n’a pas été répercutée dans les prix à la pompe. Qu’allez-vous faire ?
 
THIERRY MARIANI Je crois que Christine LAGARDE justement est en train de se préoccuper de ce problème. La baisse doit se retrouver à la pompe aussi.
 
CHRISTOPHE BARBIER A 100 %.
 
THIERRY MARIANI Elle doit se retrouver si possible à 100 %, oui.
 
CHRISTOPHE BARBIER Thierry MARIANI, merci et bonne journée.
 
THIERRY MARIANI Merci.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 1er juin 2011