Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à Radio J le 17 juin 2001, sur la cohabitation, l'immunité présidentielle, le passé trotskyste de Lionel Jospin et l'évocation des affaires touchant les candidats à l'élection présidentielle de 2002, la politique de sécurité et le passage à l'euro.

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Média : Radio J

Texte intégral

Charles PASQUA,
invité de Radio J.
Le 17 juin 2001.

Monsieur Charles Pasqua bonjour.
Bonjour.
Et merci d'avoir accepté cette invitation du Forum Radio J. Alors, Monsieur Pasqua, la semaine a été marquée par une nouvelle passe d'armes entre Jacques Chirac et Lionel Jospin, une passe d'armes à propos des affaires, affaire de la mairie d'un côté, passé trotskiste du Premier ministre de l'autre. Avez-vous le sentiment, Monsieur Pasqua, comme le dit le RPR, que Jospin perd son sang froid et que les affaires polluent le climat politique et qui, dans ces conditions, de Chirac ou de Jospin, a aujourd'hui l'avantage sur l'autre dans la perspective des la présidentielle et sur quoi se jouera selon vous 2002, quels sont les thèmes qui vont compter ? Et puis, au-delà, la perspective d'un duel Chirac : Jospin laisse-t-elle réellement un espace à ceux qui, comme vous ou comme François Bayrou, veulent incarner une autre offre politique à droite ? Et pour vous interroger sont réunis autour de cette table, Marie-Eve Malouines de France Info et Francis Laffont de l'Alsace qui va vous poser la première question de l'émission.
Oui, dans cette météo incertaine, je voudrais savoir quelle est la vôtre, comment vous voyez évoluer aujourd'hui les relations entre le Premier ministre et le Président de la République ? Il y a eu une nouvelle dégradation cette semaine. Est-ce que c'est à nouveau un orage passager ou est-ce que vraiment le climat va être sous tension de plus en plus forte ?
Non, je crois que l'intérêt des deux hommes n'est pas d'augmenter la tension, ce qui risquerait de provoquer une rupture, ce qui serait très mal ressenti certainement par les Français. Il y aura probablement d'autres passes d'armes, dans la mesure où nous approchons des élections présidentielles. Il faut bien que les deux hommes commencent à se séparer. Pour le moment, on dirait davantage des frères siamois que des opposants ou des gens qui ont des idées différentes dans beaucoup de domaines. Donc je crois que c'est une tension provisoire, cela étant ça n'arrange rien, c'est claire, parce que la cohabitation est un mauvais système, la cohabitation longue est un mauvais système. Le président de la République, dans le cadre de cette cohabitation, a perdu l'essentiel de ses pouvoirs au profit du gouvernement et du Premier ministre et tout ça n'est pas très bon.
Philippe Seguin disait il y a quelques semaines, au moment de la campagne municipale, que la cohabitation était crapoteuse, vous diriez ça aujourd'hui ?
Ecoutez, chacun s'exprime comme il l'entend. Alors moi, j'ai toujours considéré qu'une cohabitation longuesurtout lorsqu'elle est provoquée par une décision du président de la République, s'il s'agit d'une cohabitation qui découle d'une consultation normale des Français, c'est une chose et je rappelle, d'autre part, que nous avons été dans un régime de cohabitation avec François Mitterrand, j'ai moi-même été au gouvernement à cette époque, c'était chaque fois une cohabitation limitée dans le temps, il y avait deux ans qui séparaient des élections législatives, des élections présidentielles. Mais lorsqu'il s'agit d'une cohabitation qui est la suite d'une décision prise par le président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale et de revenir devant le corps électoral et dans la mesure où le corps électoral le désavoue, l'application, sinon la lettre, du moins de l'esprit des institutions, c'était que le président de la République en tire les conséquences et se retire, quitte à se représenter et dans la mesure où il a accepté ce système, ça veut dire que nous sommes dans une phase de cohabitation qui dure cinq ans, ça va tout à fait à l'encontre de l'esprit des institutions de la Vème République et on le voit bien.
Puisqu'il y aura de plus en plus de tension, quelle est la limite à ne pas dépasser, parce qu'on voit là le mercredi, le Premier ministre qui met en cause le président de la République sans le nommer, enfin tout le monde a compris qu'il s'étonnait du fait que le président de la République ne réponde pas aux juges, et le lendemain, on les voit tous les deux à Goteborg...
Mais d'abord, comme le président de la République Premièrement, regardons les choses telles qu'elles sont. Moi, j'ai un désaccord politique avec le président de la République sur des problèmes de fond, ça ne m'empêche pas de regarder les choses d'une manière objective. Comment mettrait-on en cause le président de la République sur des éléments qui, pour le moment, ne sont que des ragots, il n'y a strictement rien, la réalité, elle est là.
Donc, il n'a pas à aller répondre aux juges ?
Mais bien entendu qu'il n'a pas à aller répondre devant le juge, de même que je considère que le projet de loi socialiste
Sur l'immunité présidentielle.
Sur l'immunité présidentielle, c'est un attrape nigauds, tout le monde le voit bien n'est-ce pas. C'est une manuvre politique qui n'honore pas deux qui l'ont mise en route, voilà.
Est-ce qu'il faut ne rien faire ?
Je ne dis pas qu'il ne faut rien faire, je dis simplement que ce n'est pas à la vaille d'une élection présidentielle qu'on propose ce genre de mesure, ce n'est pas convenable, et je dirais aussi que l'immunité du président de la République doit être totale pendant l'exercice de son mandat, quitte à faire un sorte qu'il n'y ait pasquitte à faire en sorte que les délais de prescription soient revus pour permettre un examen, après le mandat présidentiel, autrement ça deviendra intenable. Dans aucun pays au monde, il n'existe ce genre de pratiques.
Sauf aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, c'est un autre système et de toute façon aux Etats-Unis, il est mis en cause devant le congrès, il n'est pas mis en causel'instruction peut être faite par un procureur spécial. Je crois que la nature même du procureur spécial est appelée à disparaître, il y a eu tellement d'excès.
Mais, sur cette affaire, est-ce que vous pensez que le président de la République a tout dit ou est-ce qu'il doit encore s'expliquer ?
Moi, je n'en sais rien, qu'est-ce que vous voulez
Vous préférez attendre une nouvelle explication
Je n'en sais rien du tout. Mais pour quelle explication. Ecoutez, soyons sérieux deux minutes. Nous allons avoir des élections présidentielles, qu'est-ce qui est en cause ? L'avenir de la France, c'est la situation des Français dans leur vie de tous les jours, c'est la place de la France en Europe, c'est la place de la France dans le monde. C'est ça qui est en cause.
Et Lionel Jospin qui dit quand on lui parle de son passé trotskiste, pose cette question, c'est d'après vous une manuvre politicienne ou c'est un sujet de fond ?
Mais qui a posé la question ?
Hervé Morin, le député UDF.
Non, non, mais ça oui d'accord, Hervé Morin a posé une question. Mais le problème de l'appartenance de Jospin à un mouvement trotskiste n'a pas été posée par l'opposition, ça a été posé dans deux journaux, un quotidien et un hebdomadaire qui sont des organes de gauche. Ce sont eux qui ont soulevé la question, c'est personne d'autre.
Donc, vous dite que Vous êtes en train de dire que c'est Lionel Jospin qui a suggéré à ces journaux de revenir là-dessus à un an de la présidentielle pour solder cette discussion ou Qu'est-ce que vous nous dires là ?
Non, non pas du tout. D'abord moi je ne sais rien
Ca vous paraîtrait habile techniquement ?
Non, non, je ne crois pas. Je crois que Lionel Jospin est poursuivi par cette période et il est poursuivi pour une raison simple, c'est qu'il n'a pas dit la vérité. Pour quelqu'un qui s'était donné comme ligne de conduite d'être totalement transparent et je rappelle la phrase " je dis ce que je fais, je fais ce que je dis ", il a commencé par dire " ce n'est pas moi, c'est mon frère ", comme dans la fable de La Fontaine " si ce n'est toi, c'est donc ton frère ". Eh bien non, ce n'est pas son frère, c'est lui.
Alors même si c'est une polémique qui se développe dans les journaux, qui est un peu relayée par des députés, visiblement ça ne vous fait pas pleurer quand même Charles Pasqua ?
Non, mais moi je Ce n'est pas le problème. Moi je considère que c'est de bonne guerre, c'est de bonne guerre que des députés de droite en profitent pour titiller un peu le Premier ministre, qui a tellement voulu se donner l'allure d'un homme vertueux, auquel on ne pourrait jamais rien reprocher. Eh bien, écoutez il fallait bien s'étendre
Et est-ce que c'est de bonne guerre que le Premier ministre réponde comme il a répondu ?
Moi, je ne crois pas du tout, contrairement à ce que j'ai entendu ici ou là, que le Premier ministre ait pété les plombs.
Soit agité.
Et je crois au contraire qu'il a révélé sa véritable nature.
Qui est ?
Je crois qu'il est d'un tempérament plutôt vindicatif et il n'est pas du tout gentil, voilà ce que je voulais dire.
Il est méchant ?
Ah méchant, le mot est peut-être un peu fort, mais enfin en tous les cas il est extrêmement vindicatif
C'est son côté Pasqua de réagir vivement
Et agressif. Oui, mais il y a deux choses différentes, c'est la réaction à chaud et puis il y a les choses que l'on a soigneusement préparées. Je ne crois pas du tout que cette phrase soit venue par hasard.
Elle a été préparée selon vous ?
Oui, c'est ce que je crois.
Est-ce que l'ancien patron des renseignements généraux que vous avez été, les RG visiblement connaissent bien l'extrême gauche, est-ce que c'est une surprise pour vous de découvrir ce passé trotskiste de Lionel Jospin ?
D'abord, je n'ai jamais été le patron des renseignements généraux
Vous étiez au-dessus du patron.
J'ai été le ministre de l'Intérieur
Voilà, au-dessus des renseignements généraux.
ce qui est un peu différent.
Vous aviez sous votre responsabilité les RG
Oui, merci, je sais comment fonctionne le ministère de l'Intérieur
Non, mais c'est pour nos auditeurs, qui n'ont pas tous été ministres de l'Intérieur.
Oui, ne prenez pas vos auditeurs pour des imbéciles, Monsieur Aziza, ils sont plus malins que vous croyez et plus au fait des choses que vous n'imaginez. Bien. Cette
Cet épisode.
Cette information ou du moins cette indication du passé de Lionel Jospin ne figurait pas de manière explicite dans les renseignements que pouvait posséder le ministère de l'Intérieur
Mais d'une manière implicite.
Voilà, mais différents éléments permettaient de le penser.
Lesquels ?
Ecoutez !
Et c'est pour cela qu'il y a une espèce de bras de fer aujourd'hui, selon ce que vous pouvez en déduire, entre Jacques Chirac et Lionel Jospin à propos du maintien à son poste de Bertrand à la tête de la DST ? Qui est le patron de la DST lui.
Il n'est pas le patron de la DST, il est le patron des renseignements généraux
des renseignements généraux, pardon.
Il y a un bras de fer probablement pour d'autres raisons parce que Bertrand a servi loyalement plusieurs gouvernements. Je crois qu'il y a une dizaine d'années qu'il est à ce poste
Huit ans, il me semble.
Il a donc servi des gouvernements socialistes, des gouvernements de droite, etc, et personne n'a jamais rien eu à lui reprocher. Je crois que c'est un fonctionnaire impartial et qui fait son métier convenablement. Par contre, le problème est d'une autre nature, c'est que remplacer le directeur des renseignements généraux à quelques mois des élections présidentielles, il est bien évident que les deux hommes, Lionel Jospin d'une part et Jacques Chirac, vont avoir du mal à se mettre d'accord sur un nom, parce qu'il y en a toujours un des deux qui considérera que la personne est trop engagée, d'un côté ou de l'autre
Donc il va rester jusqu'au bout ?
Ca, je n'en sais rien. Mais je dis que son remplacement est difficile. Il faut trouver un ou alors on trouvera un fonctionnaire considéré comme très objectif des deux côtés, c'est possible, mais vous savez le poste de directeur des renseignements généraux est un poste sensible de toute façon.
En tant qu'ancien ministre de l'Intérieur, est-ce que vous pensez qu'il est possible que ce fichier, créé dans les années 70, qui recensait un certain nombre de militants, par forcément militants, qui avaient des fréquentations d'extrême gauche, existe toujours et n'ait pas été détruit, contrairement à ce qu'il aurait dû être ?
Moi ce dont je crois me souvenir, quand je suis arrivé au ministère de l'Intérieur en 1986, il n'y avait.. nous n'avons trouvé aucun fichier concernant les organisations d'extrême gauche, parce qu'ils avaient été détruits. Ils avaient été détruits par les gouvernements socialistes, ça c'est claire et donc nous nous sommes trouvés démunis, notamment lorsqu'il nus a fallu conduire un certain nombre d'enquêtes en direction d'Action directe, on ne savait pas trop ce que c'était, on était vraiment dans le bleu, voilà.
Et vous diriez aujourd'hui, parce qu'il y a une polémique aussi qui monte en disant qu'il y avait une espèce de peut-être une connivence entre Action directe et Lionel Jospin, vous le diriez aujourd'hui ?
Je crois que ce n'est pas aussi évident, ce n'est pas aussi lié. Ce qui est certain, c'est que Lionel Jospin n'appartenait pas à enfin n'avait pas été en contact ou n'appartenait pas à n'importe quelle organisation trotskiste
C'est-à-dire ?
Il appartenait à l'une des plus dures, c'est clair. Mais je ne crois pas du tout que les choses soient allées au-delà. Par contre, ce sur quoi on peut s'interroger, c'est effectivement le ralliement au Parti socialiste d'un certain nombre d'éléments trotskistes et le fait qu'ensuite, ils ont infiltré non seulement un certain nombre de structures du Parti socialiste, mais aussi un certain nombre de structures de l'Etat.
Alors d'après les informations explicites que vous avez pu avoir, est-ce qu'il vous paraît plausible que Lionel Jospin ait fait de l'emprise, c'est-à-dire qu'il soit rentré au PS pour le compte de l'OCI d'extrême gauche ?
Qui peut le dire ? Ca, moi je ne sais pas. Je n'aime pas être Je n'aime pas procéder par affirmation sur des choses sur lesquelles je n'ai aucune preuve. Par contre, ce qui est vraisemblable, c'est que dans une première étape, il est effectivement.. il était, en tous les cas, c'est ce qui ressort de tout cela, il ressort qu'il est resté en contact, sinon membre, ou du moins en contact avec l'OCI, alors qu'il était déjà au Parti socialiste, voire premier secrétaire, cela paraît évident.
Est-ce que le président de la République connaissait selon vous les éléments de ce rapport dont vous avez fait état tout à l'heure et est-ce que selon vous François Mitterrand connaissait ce passé de Lionel Jospin ou pouvait ne pas le connaître ?
Je l'ignore, il ne m'en a jamais parlé, bien entendu, ce n'est pas moi qui en aurais parlé.
Et Chirac ?
Je n'en sais rien. Non, il y avait des bruits qui couraient
C'était quoi ces bruits ?
François Mitterrand était quand même un homme bien au courant des choses, il avait été à plusieurs reprises membre du gouvernement, il avait été lui-même ministre de l'Intérieur, il avait pas mal de .. Il avait des antennes. Donc, je pense que ça ne devait pas constituer pour lui une très grands surprise.
Mais tout à l'heure quand vous disiez : en fait de manière, implicite, on savait au RG, au ministère de l'Intérieur, que Lionel Jospin était plus ou moins trotskiste. Ca veut dire qu'il y avait un dossier sur Jospin ?
Non pas du tout, je n'ai pas dit ça. S'il y avait un dossier, ça n'aurait pas été de manière implicite.
Alors c'était quoi précisément ?
Ce sont des bruits qui parvenaient au ministère de l'Intérieur, mais voilà sans plus.
Et ils disaient quoi ces bruits?
Oh, écoutez, on ne pas continuer longtemps là-dessus.
Est-ce que sur le fond, le trotskisme en France a constitué une menace dans les 15 dernières années, est-ce que notamment lorsque Alain Juppé était en difficultés, il disait notamment dans les médias qu'il y avait un complot trotskiste. Est-ce que cette notion de complot trotskiste, pour vous, a un foncement ou non ?
Le mot complot est un mot très fort
Oui je sais, oui. Il faudrait un chef d'orchestre.
Qu'il y ait eu connexion ou qu'il y ait eu volonté de la part d'un certain nombre d'éléments d'utiliser tous les moyens possibles pour attaquer le gouvernement de l'époque ou ensuite Juppé ou le président de la République, ou d'autres
Ou la gauche.
Oui, ça, ça me paraît évident. D'ailleurs quand on parle de trotskiste, il ne faut pas parler seulement des partis politiques
Il faut parler des syndicats aussi.
Oui et aussi la presse. Il faudrait regarder ce qui se passe dans la presse.
Donc là vous pensez par exemple à Force Ouvrière ou au Monde ?
Je ne pense à rien du tout. J'en ai une idée et je compte sur votre perspicacité pour conduire l'enquête.
Alors complot trotsko-médiatique, selon vous, comment vous voyez les choses ?
Non, je ne dis pas du tout qu'il y a un complot, je dis simplement qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont une formation trotskiste, qui sont à la fois dans des organisations politiques, syndicales, mais on en retrouve également un certain nombre dans la presse. Ca ne vaut pas dire pour autant qu'il y a un complot, mais qu'on a une formation, qu'on réagit
Mais est-ce que ça veut dire, quand on a été trotskiste, on est disqualifié, soit ensuite pour être journaliste, soit pour faire de la politique, soit pour être Premier ministre ou éventuellement
Non pas du tout, pas du tout, surtout si on ne l'est plus. Seulement, ce que je constate, c'est que dans ce pays, il est parfaitement convenable d'avoir été à l'extrême gauche et ensuite d'être passé à gauche, mais il n'est pas convenable d'avoir été à l'extrême droite et d'être ensuite passé à droite
Vous pensez à Alain Madelin, vous pensez à..
Ca, ce n'est pas acceptable. Je trouve que ces procès sont, dans une démocratie, inqualifiables.
Est-ce que vous avez été satisfait par les explications de Lionel Jospin ou est-ce qu'il faudrait qu'il s'explique plus au fond ?
Je crois qu'en fait, il n'a rien dit
Qu'est-ce qu'il doit dire ?
Pour le moment, il n'a rien dit du tout. Mais les questions se posent Je ne suis pas sûr que les Français soient passionnés par ça, pour dire la vérité.
C'est vrai, on en parle depuis 18 minutes on va peut-être passer à un autre sujet.
Je pense que, par contre, dans la mesure où il est accusé par certains d'avoir appartenu à une organisation trotskiste, et une organisation qui était à l'extrême de l'extrême gauche et qui prônait las révolution, eh bien, il est bon qu'il nous dise à quel moment il s'en est séparé, à quel moment il a compris que
C'est ce qu'il a dit à l'Assemblée
Comment ?
Il l'a dit à l'Assemblée et chez Elkabbach.
Oui, enfin c'est quand même
Il a dit qu'à partir de 73, il avait été
.. C'est quand même encore un peu flou. Enfin écoutez, c'est son problème et c'est le vôtre, ce n'est pas le mien.
Et alors, il y a un autre problème qui vous concerne Monsieur Pasqua et on est obligé d'en parler, c'est l'affaire Elf
Ah, je n'ai jamais été trotskiste !
Non, mais il y a l'affaire Elf, dont on parle
Non, mais ça, je ne vous en parlerai pas, je sais que ça vous intéresse, peut-être, ça n'intéresse pas les Français et moi non plus. Il y a des juges et des avocats, eh bien que chacun fasse son métier.
Mais les accusations dont vous avez été l'objet, en particulier de la part de Le Floch-Prigent
Je ne répondrai pas
Vous ne répondrez pas sur Elf. Mais vous nous dites que Vous avez dit tout à l'heure que la présidentielle, ce sont des choix politiques, des choix fondamentaux, le débat d'idées est donc complètement déconnecté du parcours individuel et des ennuis judiciaires
Ah non, je n'ai jamais dit ça, je n'ai jamais dit ça. Je pense que chacun doit assumer ses responsabilités. Je vais vous poser une question Monsieur et vous me répondrez franchement, parce que moi, j'en ai assez des accusateurs, alors je voudrais poser la question suivante : est-ce que vous pensez que si j'avais quelque chose réellement à me reprocher sur le plan de l'honnêteté, je serais candidat à la présidentielle ?
Je pense que les deux sont indissociables encore une fois.
Ah non, pas pour moi, par pour moi. J'espère d'ailleurs qu'à l'occasion des élections présidentielles, on mettra tout sur la table, le patrimoine des uns, le patrimoine des autres et le parcours des uns et des autres, voilà et là nous y verrons plus clair.
Vous pensez à quoi précisément ?
Je ne pense à rien, je dis simplement ce qui doit être fait et j'en ai assez d'accusations qui ne reposent sur rien. C'est trop facile, je vois bien comment ça fonctionne, mais je ne me laisserai pas faire, vous le savez bien. Bon alors.
Est-ce que vous pensez que ces accusations sont liées au fait que vous êtes candidat à la présidentielle ?
Ca me paraît évident, en tous les cas l'exploitation qui en est faite, certainement.
Et ça vient d'où ?
Ah ça ?
Qui est-ce qui est gêné par votre candidature ?
Tout le monde.
De droite à gauche. De la plus haute hiérarchie de l'Etat jusqu'aux trotskistes?
Oh, les trotskistes sont peut-être ceux qui seraient le moins gênés. Mais enfin ils me verraient tomber dans la trappe sans regret, hein
Ca n'est pas peu dire.
Ca n'est pas peu dire.
Et vous redites aujourd'hui : je serai candidat jusqu'au bout ?
Je ne vais pas vous dire ça à chaque fois que je viens Monsieur Aziza.
Oui mais vous savez l'actualité bouge
L'actualité bouge mais pas les convictions, moi je suis un homme de convictions et si je suis candidat aux élections présidentielles, ce n'est pas que je cherche un job, n'est-ce pas, je ne cherche pas une promotion. Mon parcours politique est derrière moi. Je suis candidat parce que je crois à un certain nombre de choses et parce que je sais que ceux qui auraient dû normalement défendre ces idées ne les défendent plus ou ont abandonné ces convictions. Donc je serai candidat.
Est-ce que vous estimez aujourd'hui que les juges prennent trop de place ou ont trop de pouvoirs ? Comment vous voyez le rapport de force aujourd'hui qui semble s'instaurer entre le monde judiciaire et le monde politique ?
Moi, je ne crois pas du tout qu'il y ait un rapport de force entre le monde judiciaire et le monde politique. Je crois que dans l'ensemble, les magistrats font leur travail d'une manière impartiale. Ils ne demandent qu'une seule chose et à mon avis ils ont raison, c'est avoir davantage de moyens, parce que la justice reste pauvre, avoir davantage de moyens matériels, avoir davantage de moyens en personnels pour pouvoir avoir une justice plus efficace et plus rapide ; la rapidité n'excluant pas l'impartialité et un bon exercice de la justice. Qu'il y ait dans le corps judiciaire quelques magistrats, on le voit bien, ayant des relations avec certains éléments de la presse, favorisent certaines
Fuites
Non, je ne dirais pas jusqu'à des fuites, je ne crois pas que ce soit les magistrats, mais en tous les cas ils font en sorte qu'il y ait dans la presse un écho important donné à certaines de leurs initiatives, ça, ça me paraît évident. Je trouve que ce n'est pas très bon, voilà.
Mais c'est quoi, ça veut dire qu'il y a aujourd'hui on glisse vers un gouvernement des juges ?
Non, non, on ne glisse pas vers un gouvernement des juges, que certains aient tendance peut-être à vouloir que l'autorité judiciaire se transforme en pouvoirs judiciaires, c'est une vieille lune ça, c'est un vieux problème, mais il ne peut pas y avoir de pouvoirs judiciaires parce que le pouvoir ne peut découler que d'une investiture par le peuple et rien d'autre.
Il y a eu après vous deux ministres de l'Intérieur ensuite de la gauche plurielle. Est-ce que le ministre de l'Intérieur Jean Pierre Chevènement et le ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant ont des politiques très différentes ? Est-ce que l'un vous paraît plus efficace que l'autre
Je crois qu'en réalité ni l'un, ni l'autre n'ont été très efficaces. Je veux dire par-là que Jean Pierre Chevènement est indiscutablement républicain et lorsqu'il est arrivé au ministère de l'Intérieur, comme d'ailleurs probablement Monsieur Vaillant, ils ont clairement pris conscience des problèmes de l'insécurité, mais aussi - et c'est cela que je leur reproche un peu - du manque de moyens des ministères de l'Intérieur, parce qu'au lieu de recruter comme l'a fait Chevènement, 15 ou 17 000 adjoints de sécurité qu'on rémunère au même niveau que des policiers stagiaires, alors qu'ils n'ont aucun des pouvoirs que détiennent les policiers, il aurait mieux valu engager des policiers. D'autre part mais c'était un peu pareil pour Jean Louis Debré, parce que la loi que j'avais fait voter en 95 qui réformait la police prévoyait également qu'on recrute du personnel administratif pour permettre d'envoyer les policiers dans les quartiers difficiles. Or, dans les quartiers difficiles, si on envoie des policiers stagiaires ou des jeunes, eh bien, il est évident qu'on ne peut pas attendre beaucoup de résultats. Or cette politique que j'avais initiée quand j'étais là a été abandonnée pour des raisons, je suppose, d'équilibre budgétaire et je crois que ça a été une grande erreur.
Mais vous pensez Apparemment la gauche a pris en compte le thème de la sécurité et en fait même un axe fort de sa politique, parlant même non plus de la sécurité au sens sécurité publique, mais les sécurités en général. Est-ce que vous êtes surpris par cette approche de la sécurité
Ah non, je ne suis pas du tout surpris, mais je crois que c'est très démagogique, parce qu'en réalité, il n'y a aucune mesure qui suive, voilà, la réalité elle est là. Alors il faut regarder comment les choses se passent dans les banlieues. Moi, je suis à la tête d'un département, les Hauts de Seine, où j'ai un certain nombre d'endroits extrêmement difficiles, Villeneuve la Garenne en est un, Gennevilliers en est un autre, Bagneux en est un troisième, Malakoff, etc.. et je suis obligé, moi, maintenant de proposer à mon conseil général d'intervenir financièrement pour aider à la création de polices municipales, mais également pour aider à l'investissement des polices nationales, voilà, parce que l'Etat ne fait pas ce qu'il devrait faire. Alors c'est très joli de parler de la sécurité, etc., la grande innovation, c'est effectivement qu'au niveau du discours, la gauche fait sienne maintenant la préoccupation de sécurité des Français, mais elle n'y répond pas, voilà, elle n'y répond pas par des moyens.
Et c'est quoi les moyens qu'il faudrait mettre en uvre, police municipale, est-ce qu'il
Des moyens matériels D'abord il faut recruter du monde, il faut recruter du personnel
Mais la gauche dit qu'elle n'a pas recruté parce qu'il a fallu qu'elle s'occupe des remplacements que la droite n'avait pas prévus, les départs en
Tout ça c'est du pipeau. Vous allez voir D'abord premièrement, moi j'ai quitté le ministère de l'Intérieur il y a six ans, hein
Oui, mais on parle de gens.
Non, mais même Debré a quitté le ministère de l'intérieur il y a quatre ans. La gauche aura été au ministère de l'intérieur pendant cinq ans et elle aura été au gouvernement pendant cinq ans, deux fois cinq ans, dix ans, mais notamment dans la période qui va se terminer en 2002, la gauche aura été au pouvoir toute seule avec tous les moyens pendant cinq ans. C'est la raison pour laquelle je dis qu'elle devra être jugée très sévèrement parce qu'elle a eu tous les moyens nécessaires. Elle pouvait donc appliquer la politique qu'elle voulait. Nous allons avoir au ministère de l'Intérieur 20 ou 30 000 policiers qui vont partir à la retraite dans les cinq ans qui viennent. Il faut deux ans pour former un policier. Combien en recrute-t-on actuellement ? Alors qu'on ne vienne pas me raconter d'histoire. Peut-être que le ministère de l'Intérieur n'a pas su faire ce qu'il voulait parce qu'on lui a imposé des emplois jeunes qu'on a baptisés adjoints de sécurité. Bon, on a recruté 15 à 17 000 personnes, on aurait mieux fait de recruter 15 à 17 000 policiers et quel que soit le gouvernement, en 2002, il rencontrera une situation extrêmement difficile. C'est la raison pour laquelle je dis, il ne suffit pas de dire on va s'occuper de la sécurité, moi j'ai décidé de m'en saisir parce que je vois bien que les populations ne le supportent plus.
Alors votre réponse nous conduit à reparler de la présidentielle. Alain Juppé disait il y a quelques jours " le sortant de 2002, ce sera Jospin et pas Chirac, celui qui sera jugé sur son bilan, ce sera Jospin et pas Chirac " et donc vous, vous dites qu'il faudra juger sévèrement Jospin et pas Chirac ?
Non, non, mois je dis moi je réponds aux questions que vous me posez, je n'invente pas. Vous m'avez posé une question sur la sécurité, je vous ai répondu et je vous ai répondu ce que je crois conforme à la vérité, à la réalité. Si vous me parlez des élections présidentielles et des conditions dans lesquelles elles vont s'engager ou des raisons qui feront que les Français voteront pour l'un ou pour l'autre ou pour un tiers, alors là je vais vous répondre différemment.
Alors allez-y.
Eh bien, c'est simple, on n'est jamais élu ou battu sur un bilan. Si le bilan est mauvais, évidemment ce n'est pas très bon, mais on n'est jamais élu sur un bilan, on est élu sur un projet, c'est tout à fait différent. Vous n'êtes pas élu pour les services rendus, vous êtes élu pour les services à rendre. Quelle est la situation dans laquelle on se retrouvera en 2002 ? On élira un président de la République qui aura à gérer la France pendant les cinq ans qui viennent. On serait en droit d'attendre des candidats qu'ils nous disent, sur les principaux problèmes qui se posent non seulement aux Français mais aux Européens et en général, l'idée qu'ils se font du rôle de la France, on sera en droit de leur demander " quelles sont vos idées, comment voyez-vous les choses ? " ; pour le moment, on a beau tendre l'oreille, on n'entend rien.
Et en tendant l'oreille, Monsieur Pasqua, en vous entendant parler de la sécurité, on avait l'impression que vous disiez qu'il faut être sévère avec la gauche et vous l'étiez moins avec Jean Pierre Chevènement. C'est parce que vous avez des connivences sur les idées sur l'Europe, sur le projet qu'il pourrait avoir ?
Non, non, pas du tout, pas du tout. Quand je dis qu'il faudra être sévère avec la gauche, ça inclut aussi Chevènement. Il a été ministre de l'Intérieur, et pendant la période où il a été ministre de l'Intérieur, il a sur le plan des idées fait évoluer les choses, mais il n'a apporté aucune solution. J'entends parler de la police de proximité, ça m'amuse parce que le premier à avoir parlé de la police de proximité, c'est moi, dans la loi de 95, cette idée figure à l'article premier. Mais il ne peut pas y avoir de police de proximité s'il n'y a pas de policiers, il faut davantage de policiers. Si en nombre égal, on prend les policiers qui sont dans un secteur, on les enlève pour leur faire faire de la police de proximité, on n'a rien résolu du tout.
Est-ce que vous souhaitez que Jean Pierre Chevènement pour la diversité du débat présidentiel soit candidat ?
Ecoutez, on est candidat quand c'est une décision personnelle et qu'on prend après une mûre réflexion dans son âme et conscience. Alors si Chevènement a quelque chose à dire, eh bien qu'il soit candidat, ça ne me paraît pas mal, mais cela étant, la différence essentielle c'est que Chevènement est resté dans un camp, il est toujours dans le camp socialiste
Vous aussi, vous êtes dans votre camp.
Non, moi je ne suis pas moi j'ai rompu avec Jacques Chirac et avec l'opposition actuelle, je me situe ailleurs.
Où, et à droite et à gauche ?
Je me situe ni à droite, ni à gauche, parce que les élections présidentielles, ce n'est pas un problème de droite et de gauche. Tous ceux qui ont été élus aux élections présidentielles, quel qu'ait été leur camp d'origine, ont largement débordé leur camp et c'est la seule et c'est d'ailleurs la condition du succès. Moi, je ne me détermine pas en fonction des idées de droite ou des idées de gauche, je réfléchis à ce qu'il faudrait faire d'une part pour que la France conserve le rôle qui était le sien dans le monde, alors qu'à l'heure actuelle on ne parle plus que de l'Europe, je ne suis pas contre l'Europe, il y a sûrement des choses à faire, mais la France ce n'est pas seulement cela, premièrement, et deuxièmement, j'essais d'imaginer l'avenir et j'essaie de voir quelles sont les mesures qu'il faudrait prendre pour mieux préparer cet avenir
Alors dites-nous.
Et tout cela, nous aurons l'occasion d'en parler lors des élections présidentielles.
Et ça se résume souvent, un programme politique, aux yeux des Français, ça se cristallise toujours autour d'une ou deux propositions, d'une ou deux idées. Est-ce que vous avez déjà un petit aperçu de ce que vous allez, vous, mettre dans le débat et qui puisse être une proposition forte ?
Ce n'est pas comme cela qu'on est élu. On est élu quand les Français ont le sentiment que la personne qui se présente enfin parmi les candidats qui se présentent aux élections présidentielles, à un certain moment les Français ont le sentiment que l'un de ces candidats sera mieux à même de gérer les affaires que les autres, qu'il est mieux armé intellectuellement, qu'il a davantage de caractère que les autres, qu'il a une vision plus claire des choses. C'est comme ça que se jouent les élections présidentielles et pas seulement sur une idée ou deux.
Et il se situera au deuxième tour aussi ?
Le deuxième tour, ce sont les Français qui décident, ce ne sont pas les candidats. Moi j'entends dire par exemple ici ou là
Sur un deuxième tour Chirac / Jospin
..Toute spéculation actuelle sur un deuxième tour Chirac / Jospin relève justement de la spéculation. Je crois que les élections présidentielles se présenteront tout à fait différemment, pour l'instant on est loin des élections présidentielles, on ne va pas élire un candidat parce qu'il est plus sympathique que l'autre
Ah, vous ne croyez pas à ça ?
Ah non pas du tout.
C'est ce qui s'est passé en 95.
Ah non, en 95, ça s'est joué différemment, ça s'est joué sur la fracture sociale et ça s'est joué sur un candidat qui donnait le sentiment qu'il était plus à même que l'autre d'abord il avait fait ce diagnostic, ce que n'avait pas fait Jospin, diagnostic
Balladur
Oui, ce diagnostic, en réalité, c'est celui que nous avions fait, Seguin et moi quatre ans avant, nous avions publié un petit opuscule sur la fracture sociale
Chirac vous a piqué vos idées.
Ecoutez, chacun est libre de prendre une idée ou deux, ça c'est un autre problème, mais ensuite il faut rester sur cette ligne..
Ce n'est pas ce qu'a fait Chirac depuis 95 ?
Ah non, ce n'est pas ce qu'il a fait.
Mais vous, vous diagnostiquez que cette campagne se jouera sur quel thème ?
Je crois qu'elle se jouera sur la situation des Français telle qu'ils vivent, c'est-à-dire leurs difficultés, leurs inquiétudes, leurs appréhensions et aussi sur la perspective qu'on leur donnera de
Et vous pensez, vous, Monsieur Pasqua, que vous pouvez être le prochain président de la République ?
Ecoutez, Monsieur Aziza, si je pensais que je n'ai aucune chance de faire triompher les idées auxquelles je crois, je ne serais pas candidat, voilà, c'est clair. Mais pour le reste, ce sont les Français qui décident.
Est-ce que l'arrivée de l'euro, juste au démarrage de la campagne, va beaucoup perturber cette campagne, va beaucoup modifier la donne ?
Je ne crois pas que les élections présidentielles se feront sur l'Europe. Par contre, ça ne veut pas dire pour ça que
Que ça se jouera au carreau.
Voilà. Mais par contre, ce que je crois, c'est que l'arrivée de l'euro créera certainement un sentiment de trouble et d'inquiétude dans la population, elle n'en verra pas tout à fait l'intérêt, voilà. Et moi, je ne suis pas chargé de donner des conseils à Monsieur Jospin, ni à Monsieur Chirac, ils sont assez grands, ils ont suffisamment de monde autour d'eux, je constate simplement qu'ils ont choisi les plus mauvaises dates pour eux, parce que le traité de Maastricht leur donnait la possibilité de retarder cette introduction de l'euro à la fin du mois de juin. Cela eut été certainement plus malin, ils ont pris ce risque, Moi je considère que
Preuve qu'ils ne font pas toujours des calculs politiciens au sens péjoratif du terme.
Ou qu'ils en font de mauvais
Comme la dissolution
En disant " on va faire ça ", mais ça c'est derrière.. bon il est certain qu'on aurait pu garder le Franc, je ne vois d'ailleurs pas pourquoi on supprime le Franc, pas plus que je vois pas pourquoi on supprime le Mark ou la Lire. L'euro en tant que monnaie commune, c'est très bien, en tant que monnaie de comptes européens, en tant que monnaie d'échange, mais l'euro tel qu'on nous l'avait présenté, c'est-à-dire monnaie de réserve capable de concurrencer le dollar à l'origine d'un redémarrage économique de l'Europe, alors qu'aux Etats-Unis la situation a stagné, tout ça s'est révélé faux. Et d'autre part, la grande carence du système dans lequel nous sommes, c'est que nous avons une banque centrale européenne qui a reçu comme seul objectif de lutter contre l'inflation et elle a un seul moyen, le taux de change. Mais comme il n'y a pas une politique économique unique, il n'y a pas eu d'harmonisation des politiques fiscales, des politiques sociales. Il est bien évident que la banque centrale ne peut pas jouer son rôle, c'est clair. Entre des pays qui sont en état de développement économique accéléré et puis des pays qui, au contraire, sont en situation de stagnation économique, on ne peut pas jouer partout avec un seul taux, ce n'est pas vrai.
Alors donc
C'est la raison pour laquelle je pense que les gouvernements actuels ont fait preuve de leur incapacité.
Vous venez de parler des conséquences éventuelles de l'euro sur la campagne présidentielle, le fait qu'il y ait une prolifération de candidats à droite, qu'on parle d'Alain Madelin candidat, François Bayrou candidat et éventuellement Christine Boutin et votre ex-ami Philippe de Villiers
Oh écoutez, on verra bien de toute façon nous parlons de choses qui ne correspondent en rien à la réalité. Nous sommes dans le domaine des élections présidentielles virtuelles. Au fur et à mesure qu'on s'approchera des élections présidentielles, les choses se décanteront. Combien y aura-t-il de candidats ? Nous le verrons bien, moins qu'on ne le dit aujourd'hui, ça me paraît évident.
Alors il y a quelque chose de concret dans l'actualité du jour, c'est un problème social et économique, Marie Eve Malouines va vous poser une question sur l'actualité d'AOM et du baron Seillière. On a suivi le feuilleton qui arrive à un dépôt de bilan et il y a une polémique entre le gouvernement, Jean Claude Gayssot, et le baron Seillière et la compagnie Swissair dit que le baron Seillière n'a pas voulu mettre au pot, et lui proteste que ce sont des accusations politiques. Alors, qu'est-ce que vous jugez de tout ça, qu'est-ce que vous en retenez ?
Je crois d'abord J'ai eu l'occasion d'emprunter AOM et d'emprunter Air liberté, donc je vois une disparition possible de ces compagnies, avec regret. Je crois que dans ce domaine comme dans d'autres, la concurrence est souhaitable. Sur la gestion d'AOM et d'Air liberté, moi je n'ai pas d'avis à formuler, je n'ai pas suffisamment d'éléments. Ce que je lis, et j'essaye d'être aussi objectif que possible, c'est que le responsable de la gestion de ces compagnies c'était Swissair, que Monsieur Seillière était un actionnaire de référence
Principal
Mais que, d'autre part. non l'actionnaire principal, c'était Swissair
C'est ce que dit Swissair, que Monsieur Seillière était un actionnaire principal
Actionnaire principal, vous n'êtes pas actionnaire principal quand vous n'avez pas 51 % des actions, bon. Mais d'autre part, c'est ce que l'on dit, moi je n'en sais rien, Swissair s'était engagé à ne demander aucun supplément et aucune participation financière pour équilibrer, le cas échéant, ces compagnies. Donc, le premier responsable, c'est Swissair.
Alors là aujourd'hui Swissair ?
Deuxièmement, je crois que ce face-à-face Gayssot / Seillière a quelque chose de malsain.
Pourquoi ?
Monsieur Seillière est le président du MEDEF, que Monsieur Gayssot ne puisse pas le voir, ça c'est son droit le plus absolu, mais qu'on veuille faire porter à Monsieur Seillière la responsabilité de cette affaire, alors qu'on nous donne les éléments, moi je n'en ai pas, moi je ne condamne pas Seillière, pas plus d'ailleurs que je ne condamne Swissair, je n'ai pas d'éléments. Je vous admire d'ailleurs de prendre position d'une manière aussi radicale, parce que
Non, parce qu'on a entendu Swissair dire hier que le baron Seillière a refusé de mettre un milliard au pot
Le baron Seillière
Péjoratif, vous allez
Quand on dit le baron Seillière, on devrait dire le communiste Gayssot. Ca serait plus équilibré.
C'est une fonction, c'est un
Le fait d'être baron, ça n'est pas une fonction
C'est un titre honorifique.
Titre honorifique. Dans la République, ça ne veut rien dire ? Mais ceci dit, il est président du MEDEF, ça d'accord, il est président du groupe financier.
Mais est-ce que ça remet en cause pour Ernest-Antoine Seillière le fait qu'il puisse présider le MEDEF, aujourd'hui ?
Ecoutez, ça, il faut poser la question aux gens du MEDEF, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise moi ?
Est-ce que pour vous, ça vous paraît incompatible d'être au milieu de cette passe d'armes, entre Swissair, les syndicats, le gouvernement et lui-même et puis, parallèlement d'être président du MEDEF, de conduire le patronat français ?
Ecoutez, vous savez sur la gestion d'AOM et sur les conditions ou les raisons pour lesquelles ces compagnies en sont arrivées où elles en sont, il y aurait beaucoup de choses à dire.
Lesquelles par exemple ?
Et tout le monde devrait se regarder dans la glace, les syndicats aussi. Parce qu'il y a eu
Vous pensez à quoi ?
Il y a suffisamment de mouvements de grève dans ces compagnies pour décourager ou dérouter les personnes qui voyagent, surtout quand elles arrivent à brûle pourpoint dans les périodes où les gens se déplacent pour leurs vacances, etc.. Alors, il faut savoir ce qu'on veut dans la vie. Moi, je n'ai jamais vu qu'une grève longue prédispose au développement économique.
Air France a connu beaucoup de grèves, mais aujourd'hui, Air France se porte bien, c'est donc la compagnie publique. En Grande Bretagne, on a vu aussi que la campagne de Tony Blair se situait sur ce thème " défendre le service public ", est-ce qu'il y a une réhabilitation du service publique et est-ce que vous y êtes favorable ?
C'est possible. Moi je considère que la question est de savoir si le service public peut répondre aux objectifs concurrentiels et à ceux d'une bonne gestion. Si le service public peut répondre à ces deux objectifs, il n'y a pas de raison de ne pas soutenir le service public.
Est-ce que les autre sujets seront des sujets de société, par exemple, concernant la jeunesse, vous avez pris parfois des positions qui étaient très transfrontalières, par exemple, est-ce qu'il faut légaliser un certain nombre de produits comme la marijuana ou
Non !
Non ?
Je n'y suis pas
Les rave parties, il faut les réglementer ?
Les rave parties les réglementer, je ne crois pas que la réglementation résolve tout à fait ces problèmes..
Les interdire ?
Mais je crois aussi non sûrement pas, mais je crois qu'il faut aussi qu'il y ait une prise de conscience de la part des organisateurs, ça semble se produire, on ne peut pas non plus laisser une situation anarchique se développer. Que les gens aillent n'importe où, s'installent n'importe comment. Il faut qu'il y ait un minimum de concertation et un minimum de respect des règles.
Dernière question, Monsieur Pasqua, vous avez visité Strasbourg quand Shimon Peres a prononcé un discours cette semaine devant les députés européens, qu'est-ce que vous retenez de
Monsieur Shimon Peres n'a prononcé aucun discours
Vous l'avez auditionné
Shimon Peres est venu devant la conférence des présidents, devant les présidents des groupes politiques, il y avait aussi le président de la commission des affaires étrangères et deux ou trois présidents de groupes d'amitié. Il était donc auditionné par la conférence des présidents. Je dois dire que c'était une audition privée, je ne vais pas m'étendre sur ce qu'il a dit, moi j'ai été frappé par sa très grande franchise, sa très grande sincérité et pour le fait que, pour un ministre des affaires étrangères, il est allé très au-delà de ce qu'habituellement on entend comme propos, je dois dire qu'il et allé au fond des problèmes.
Lui, est pour la confédération économique entre Israël et les pays
Oui, ce n'est pas seulement ça, il s'est également montré extrêmement ferme, il a dit aussi qu'Israël ne pouvait pas accepter n'importe quoi. Il s'est étonné notamment et il ne comprend pas, pas plus que quiconque en Israël probablement, pourquoi au lendemain des concessions faites par Ehud Barak, qui était allé très au-delà de ce que les Israéliens pouvaient accepter.
Arafat a refusé.
Je crois qu'aucun gouvernement n'ira jamais aussi loin désormais, Arafat, non seulement a tergiversé et puis refusé.
Il a provoqué...
Déclenché l'Intifada. Alors ça, c'est vrai qu'un certain nombre de questions se posent, n'est-ce pas.
Vous êtes de culture et de passion très tourné vers la Méditerranée. Est-ce que la situation en Algérie aujourd'hui vous inquiète et est-ce que vous avez, vous, des préconisations au moins envers les acteurs ?
Je me garderai bien de faire la moindre préconisation parce que nos amis algériens oscillent en permanence entre deux sentiments. Ils admirent la France et souhaitent que les Français ne s'occupent pas de leurs affaires. Alors, cette situation est préoccupante et je crois naturellement que c'est une solution politique qui doit prévaloir. A l'origine, il y a un problème de culture ; par la suite, il y a naturellement la situation économique difficile dans laquelle se trouve l'Algérie et le fait que beaucoup de jeunes algériens ne trouvent pas les débouchés nécessaires. Ce que je crois, c'est que la situation économique de l'Algérie était en train de s'améliorer. Tout ça est un peu dommage et en tous les cas, il serait souhaitable, si on le peut, d'apporter à l'Algérie.. de faire preuve envers l'Algérie de compréhension et aussi, si on le peut, de les aider à résoudre les problèmes auxquels ils se trouvent confrontés, car une déstabilisation de l'Algérie aurait des conséquences pour tout le monde, non seulement au Maghreb, mais peut-être aussi ailleurs.
Charles Pasqua, merci d'avoir été notre invité aujourd'hui.
Je vous en prie.
(source http://www.rpfie.org, le 21 juin 2001)