Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur l'achèvement des travaux de restauration du temple de Baphuon et la coopération entre la France et le Cambodge dans le domaine de l'archéologie, avec notamment l'Ecole française d'Extrême-Orient, à Baphuon (site d'Angkor, Cambodge) le 3 juillet 2011.

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Circonstance : Visite du Premier ministre en Asie du Sud-Est : allocution au temple de Baphuon (site d'Angkor, Cambodge) le 3 juillet 2011

Texte intégral

Sire, vénérable représentant des autorités religieuses,
Mesdames et Messieurs les vice-Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d’Etat,
Monsieur le gouverneur,
Mesdames et Messieurs.
L’événement qui nous rassemble aujourd'hui est pour moi une source de fierté et de joie, parce que l’achèvement des travaux de restauration du Baphuon est un succès qui cimente et qui consacre l’amitié ancienne entre le Cambodge et la France.
Parce qu’étant à l’époque ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, j’ai apporté mon soutien au lancement de ce chantier de longue haleine, et que c’est une grande satisfaction, un peu plus de 15 ans après, de pouvoir être avec vous pour en célébrer la fin et pour en admirer le splendide résultat.
Mais cette restauration est une aventure dont les commencements remontent bien au-delà de 1995, et coïncident en réalité avec la naissance de l’Ecole Française d’Extrême-Orient au début du 20e siècle.
Dès les années 1900, cette prestigieuse institution avait pris les mesures pour enrayer le recouvrement du Baphuon sous une épaisse végétation, et pour améliorer le drainage du site.
Il fallait pourtant aller plus loin, car le bâtiment souffrait d’avoir été construit avec des murs de soubassement trop fins, qui furent régulièrement à l’origine d’effondrements.
Pendant plusieurs décennies, Henri Marchal et Bernard-Philippe Groslier, deux grands archéologues, dont le destin est inséparable de celui du site d’Angkor, n’ont eu de cesse que de préserver le temple du Baphuon et de lui redonner tout son éclat.
Une première tentative de reconstruction est menée dans les années 60, elle s’interrompt avec la guerre civile puis la prise du pouvoir par les Khmers Rouges, qui détruisent les archives de ce chantier.
Lorsqu’il reprend en 1995, avec Jacques Dumarçay, puis avec Pascal Royère à partir de 1997, il faut alors s’armer de beaucoup de patience, faire preuve d’une minutie extrême, convoquer toutes les énergies pour renouer le fil des travaux précédents.
En effet, les documents perdus répertoriaient les 300 000 pierres du Baphuon dispersées sur plusieurs hectares, où la forêt avait reconquis ses droits.
La disparition de ces documents fait de ce chantier un puzzle titanesque, une tâche immense, qui met le courage et la persévérance à l’épreuve ; une sorte d’ouvrage de Sisyphe – mais le succès final, cette fois-ci, fait mentir le mythe.
Car peu à peu, pierre à pierre, ce travail de recensement, de numérotation, de regroupement, de montage et de remontage, s’accomplit et parvient à son terme grâce à Pascal Royère, grâce aux équipes qui l’entourent, grâce aux nombreux Cambodgiens, terrassiers, maçons, tailleurs de pierres, contremaîtres, architectes, qui ont porté la réussite de cette entreprise, et auxquels je veux aujourd'hui rendre hommage.
Le chantier du Baphuon a été exceptionnel, par sa difficulté, par l’originalité des méthodes développées, et aussi, il est important de le rappeler, par le travail de formation et le transfert de techniques archéologiques qui s’est opéré à cette occasion au bénéfice du Cambodge.
Ce fut l’un des plus importants projets de restauration monumentale au monde. Ce fut l’une des plus belles coopérations franco-cambodgiennes dans le domaine de l’archéologie.
Mais ce n’était pas un projet isolé.
Depuis un siècle et demi, depuis les explorations d’Henri Mouhot, qui fit redécouvrir au monde occidental ces constructions fabuleuses, scellées dans l’écrin des forêts, il existe entre la France et le site d’Angkor un lien de cœur.
Au cours des vingt dernières années, les différentes institutions françaises ont apporté plus de 21 millions d’euros pour restaurer Angkor, et surtout pour partager avec les Cambodgiens les savoir-faire scientifiques, techniques, juridiques, que requiert cet exceptionnel patrimoine archéologique qui est le leur.
Il faut aussi saluer comme une illustration de notre coopération exemplaire, dans la région de Siem Reap, le partenariat qui a été établi entre l’Autorité pour la Préservation du Site et l’Aménagement de la Région d’Angkor, l’Institut National de Recherche Archéologique Préventive, et la société VINCI, afin de concilier les aménagements aéroportuaires, la préservation de sites et la connaissance archéologique.
L’achèvement du Baphuon ne signifie évidemment pas la fin de cette grande aventure du site d’Angkor, que nous sommes fiers de partager avec le Cambodge.
Et je suis heureux de vous annoncer que la France, sollicitée par les autorités cambodgiennes, a décidé de lancer, en collaboration avec l’APSARA, le chantier de restauration du temple du Mebon, au centre du Baray Occidental.
Un financement de 2,7 millions d’euros a été constitué, grâce aux contributions du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l’Enseignement supérieur, du ministère de la Culture, et de l’Ecole Française d’Extrême-Orient. Les travaux devraient pouvoir commencer dès 2012.
Sire, Mesdames et Messieurs, pour nos deux Nations qui travaillent main dans la main sur le site d’Angkor, cette cérémonie est la célébration d’une longue amitié autour d’une réussite commune.
Pour le peuple cambodgien, qui a tant souffert au siècle dernier, elle est la marque d’une renaissance, entamée il y a bientôt vingt ans, à travers laquelle il affirme, par-delà les tragédies de l’histoire récente, la continuité de son identité nationale dans ce qu’elle a de plus profond, de plus ancestral et de plus brillant.
Dans la magnificence de son passé, le Cambodge souverain, le Cambodge en paix, dont le drapeau porte en son cœur un temple d’Angkor, peut trouver une source de fierté, d’espoir et de sérénité.
Sur la grandeur de ce patrimoine, il peut établir sa confiance en l’avenir.
Le Baphuon est remarquable dans l’ordre de l’architecture et de l’archéologie, mais il l’est aussi dans l’ordre de l’esprit et des symboles.
Edifié au 11e siècle, au temps de l’Empire Khmer, il est l’un des plus grands édifices religieux du Cambodge ancien, un exemple magnifique des temples montagnes dédiés au culte de Shiva.
Plus tard, au 16e siècle, l’effigie d’un grand Bouddha couché s’est mêlée aux pierres à demi effondrées de la façade ouest.
Longtemps retenu dans le sommeil de la jungle, il va redevenir, au grand jour, l’un des emblèmes d’Angkor.
Il y a dans cet édifice unique au monde une grâce, une image de coïncidence harmonieuse entre deux traditions religieuses multiséculaires, qui est un message éclatant de tolérance et de paix.
Il importait de le faire connaître, et de le faire rayonner.
Ce sera chose faite désormais, avec la réouverture au public du Baphuon, au terme de ces longues années de travaux, dont nous avons la joie de fêter aujourd'hui la fin.
Vive le Cambodge, vive la France, vive l’amitié entre la France et le Cambodge !
Source http://www.gouvernement.fr, le 4 juillet 2011