Interview de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, sur "RMC" le 7 septembre 2011, sur la décision possible d'abandonner le vote par le Congrès de la règle d'or en matière budgétaire et sur l'accord dans la fonction publique pour le passage en contrat à durée indéterminée de 100 000 agents en contrat à durée déterminée.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN François SAUVADET, ministre de la Fonction publique, est en direct sur RMC ce matin. Bonjour.
 
FRANÇOIS SAUVADET Bonjour.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que vous confirmez : Nicolas SARKOZY a décidé de ne pas convoquer de congrès sur la règle d’or ?
 
FRANÇOIS SAUVADET Cela est annoncé mais je voudrais surtout regretter la situation qui l’a conduit à ne pas prendre le risque de voir une règle d’or qu’il a estimée souhaitable pour l’ensemble des pays européens, qu’il a portée, ne pas être portée et adoptée en France. Franchement je regrette l’attitude du Parti socialiste. Je pèse mes mots : c’est tout simplement irresponsable.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais vous confirmez ? Vous confirmez : il n’y aura pas de réunion du congrès.
 
FRANÇOIS SAUVADET Écoutez, j’attends la confirmation du chef de l’État lui-même. Nous allons avoir un conseil des ministres dans quelques heures ; c’est un sujet qui sera abordé en conseil des ministres.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais vous savez quand même ? Vous savez ?
 
FRANÇOIS SAUVADET Écoutez, je regrette en tout cas. Je pressentais que l’on arriverait à cette situation tout simplement parce qu’il y a vraiment…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais il renonce, François SAUVADET.
 
FRANÇOIS SAUVADET Écoutez, j’aurai la confirmation en conseil des ministres. Je ne peux pas vous confirmer une information que je pressens et que vous m’annoncez ce matin sur votre antenne.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais vous la pressentez.
 
FRANÇOIS SAUVADET J’ai eu une réunion hier matin de majorité avec le président de la République ; ce sujet n’a pas été directement abordé même si chacun a pu regretter l’attitude du Parti socialiste qui conduit à ne pas prendre de risques parce qu’évidemment vous avez vu la situation des marchés financiers aujourd'hui, la situation des bourses. Le moindre risque pris dans un pays, de signal qui ne serait pas de tendre vers un équilibre de nos finances publiques à terme, ce serait un risque qui serait interprété, donc je pense que c’est une situation de responsabilité. Maintenant j’attends le conseil des ministres et la confirmation du président de la République.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors la règle d’or n’en était pas vraiment une, François SAUVADET. Rien de vraiment contraignant, juste l’obligation d’inscrire chaque budget dans un vague programme pluriannuel de retour à l’équilibre. Elle ne ressemble en rien à la règle d’or allemande, pardon.
 
FRANÇOIS SAUVADET Franchement, vous savez, moi j’ai été président de groupe à l’Assemblée…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, je sais.
 
FRANÇOIS SAUVADET Ministre de la Fonction publique, j’ai toujours plaidé pour une règle d’or qui tende vers cet équilibre. Vous avez vu les efforts qu’il nous faudra faire pour tendre vers l’équilibre ? Le simple non remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite est contesté alors que nous allons avoir devant nous des efforts considérables à faire non seulement de maîtrise de la dépense publique, mais aussi de justice fiscale.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors sur les dépenses, sur les dépenses publiques, quels sont les efforts qu’on pourrait faire ? Les efforts supplémentaires qu’on pourrait faire, François SAUVADET ?
 
FRANÇOIS SAUVADET Moi je crois qu’on aura une réflexion à conduire, ce sera à l’occasion des présidentielles naturellement, sur les missions que doit conduire un État moderne, c'est-à-dire sur les périmètres. On est dans un État qui s’est décentralisé, les collectivités territoriales doivent participer à cet effort ; elles se tournent beaucoup vers l’État, notamment avec leurs dotations. Je crois que c’est un effort collectif de maîtrise de la dépense publique qu’il nous faudra poursuivre. Moi, vous savez, j’entends tous les démagos de la Terre qui nous disent : « Effectivement, ce n’est pas la bonne méthode ». Je les invite regarder ce qui se passe dans d’autres pays ; dans d’autres pays, c’est des baisses de traitements.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors justement, tiens !, en Italie, en Espagne…
 
FRANÇOIS SAUVADET Non mais je voudrais juste dire que c’est des baisses de traitements en Italie et en Espagne ; coupes sombres – 500 000 suppressions en Angleterre avec un périmètre de fonction publique qui est quasiment identique au nôtre – donc franchement, j’appelle chacun des formations politiques, notamment de l’opposition, à faire preuve de responsabilité dans cette affaire. On gagnera cette bataille avec les agents de la fonction publique eux-mêmes.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors François SAUVADET quand même, comment se fait-il que l’Allemagne dépense 180 milliards d’euros publics de moins que nous avec 25 millions d’habitants de plus ?
 
FRANÇOIS SAUVADET D’abord ils ont une croissance, ils ont un État aussi qui est fédéral, qui s’est organisé. Ce n’est pas du tout la même organisation. Moi je pense que l’élan de décentralisation des réformes qui ont été engagées, notamment pour avoir des collectivités territoriales qui se rapprochent – conseils généraux, conseils régionaux, les communautés de communes – tout ça sera facteur d’économie. Ce sont des réformes qui ont été conduites avec beaucoup de volontarisme mais qui étaient nécessaires ; elles produiront leurs effets si elles ne sont pas remises en cause par une gauche qui ne rêve que de statu quo.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. 100 000 agents contractuels de la fonction publique actuellement en CDD vont bénéficier d’un passage automatique en CDI. C’est cela ?
 
FRANÇOIS SAUVADET Oui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Il va falloir avoir six années d’ancienneté.
 
FRANÇOIS SAUVADET Oui. On avait une situation qui n’était pas tenable. Vous savez, vous avez des personnes qui sont en CDD, qui occupent des postes permanents dans la fonction publique, dans les administrations, et dont les CDD sont reconduits d’année en année parfois sur des contrats très courts de trois mois, de six mois, et ça fait parfois dix ans que ça dure. Donc on a fait régulièrement des plans de titularisation comme on a dit mais on voit bien que ce n’était pas la bonne méthode. On en a fait seize depuis 1946, seize plans. Nous, l’idée elle est très simple ; c’est de dire : « Voilà, vous avez été depuis six ans en CDD consécutifs sur des postes permanents ». Je ne parle pas là des CDD pour les besoins, on en a 890 000 de CDD dans la fonction publique. Mais quand vous avez occupé un poste permanent, vous êtes automatiquement – je dis bien automatiquement – vous passez en CDI et c’est une garantie. Imaginez la situation des agents…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ça ne veut pas dire qu’en CDI, on obtient le statut de fonctionnaire.
 
FRANÇOIS SAUVADET Non. Vous êtes en CDI.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Voilà, comme dans le privé.
 
FRANÇOIS SAUVADET Mais ça change la vie. Regardez : vous êtes en CDD, vous voulez une voiture ou un logement, vous ne pouvez pas ; donc ça concerne 100 000 personnes. Et en plus, nous avons ouvert la possibilité à ces CDI d’accéder à la fonction publique, c'est-à-dire titularisation, pour dans les quatre ans qui viennent en passant des concours sur la base d’un parcours professionnel, donc c’est un signal très fort. Ça a fait l’objet d’un accord d’ailleurs avec l’ensemble des syndicats, de six des huit syndicats de la fonction publique, à l’exception de la FSU – mais ça, c’est pour des débats internes ; ils sont arrivés à 60 %, il fallait 70 % pour apporter l’accord.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et le pouvoir d’achat des fonctionnaires ? Il sera maintenu ?
 
FRANÇOIS SAUVADET Le pouvoir d’achat, attendez. La situation des fonctionnaires a évolué. Nous, on a joué gagnant-gagnant avec les fonctionnaires. Vous savez que sur les 800 millions d’économies réalisés par le non remplacement d’un agent sur deux, la moitié est allée à une revalorisation. Aujourd'hui, vous avez dans la fonction publique quelles que soient les fonctions publiques un salaire moyen de l’ordre de 2 000 euros. C’était nécessaire aussi qu’ils soient revalorisés, ces situations et leurs salaires et qu’on ouvre aussi des perspectives de carrière. Et moi je souhaite qu’on modernise aussi tout ça, notamment qu’on décloisonne, qu’on permette la mobilité. On a encore trop de rigidité donc il faut faire coïncider cette évolution avec les agents mais en donnant aussi de la modernité et de la mobilité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Merci François SAUVADET d’être venu nous voir ce matin. Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 9 septembre 2011