Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la coopération régionale en Océan indien et l'aide de la France aux pays et territoires de cette région, en particulier les Comores, Paris, le 20 juin 2001.

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Circonstance : Rencontre sur la coopération régionale en Océan indien en faveur des Comores, à Paris, le 20 juin 2001

Texte intégral

Je me félicite de l'initiative prise aujourd'hui par mon collègue et ami Christian Paul, qui a choisi de réunir les principaux acteurs de notre coopération régionale dans la zone Océan indien.

Je m'y associe volontiers car elle s'inscrit dans la continuité d'une série de rencontres que cette zone a connues depuis la fin de l'année dernière. Il y a d'abord eu à Tananarive début novembre 2000 la Conférence des ambassadeurs de la région, puis fin janvier de cette année la visite du Premier ministre à la Réunion et à Mayotte, et enfin la XVIIème session du Conseil des ministres de la Commission de l'Océan indien, à laquelle j'ai personnellement participé.

Tous ces événements s'inscrivent dans le cadre et dans l'esprit des évolutions institutionnelles en cours, à savoir la nouvelle loi d'orientation pour l'Outre-mer dans le cas de la Réunion, et le projet de nouveau statut s'agissant de Mayotte. Nous avons aussi l'ambition de développer la coopération régionale, qu'elle soit menée au sein de la COI, à partir des services déconcentrés de l'Etat, ou bien entendu par les collectivités locales décentralisées.

Nous avons, tous, conscience par ailleurs de la nécessité de prendre en compte le nouvel environnement que va créer l'accord Union européenne/ACP de Cotonou. Je rappelle que cet accord préconise la création d'accords de partenariat économiques régionalisés, dont la négociation doit commencer dès l'an prochain en vue de leur entrée en vigueur en 2008.

C'est dans ce nouveau contexte et dans la continuité des précédentes rencontres que s'inscrit celle d'aujourd'hui, avec comme élément supplémentaire d'importance, l'intérêt que nous portons tous à la situation particulièrement préoccupante de la République fédérale islamique des Comores et aux conséquences de celle-ci sur nos territoires de la zone, en tout premier lieu Mayotte.

L'opportunité nous en a été donnée par notre partenaire comorien lui-même depuis la signature le 17 février à Fomboni de l'accord-cadre pour la réconciliation des Comores. Nous n'avons du reste pas attendu ce jour pour réfléchir à cette nouvelle donne. Christian Paul et moi-même nous sommes entretenus à plusieurs reprises de ce dossier. Et surtout, nous avons suivi avec un intérêt particulier les travaux entrepris à la Réunion et à Mayotte, qui ont mené un travail d'inventaire des possibilités de coopération régionale avec les Comores.

La situation des Comores est aujourd'hui très préoccupante, avec une paupérisation qui s'aggrave depuis l'indépendance au gré des coups d'Etat et de la mauvaise gestion des affaires publiques, et en dépit des efforts des coopérations étrangères, dont la nôtre. Le diagnostic est accablant, surtout si l'on se réfère à l'évolution parallèle qu'ont connue nos amis mauriciens pendant la même période.

Aux Comores, il y a les pauvres parmi les pauvres, avec une situation encore plus catastrophique à Anjouan, et tout spécialement dans la région du Nyumakélé, à quelques heures de boutre de Mayotte, avec une densité de population atteignant parfois 800 habitants au kilomètre carré.
Heureusement, tous les bailleurs de fonds sont désormais conscients de cette situation. Ils doivent se rencontrer le 5 juillet à Paris à l'initiative de la Banque mondiale, en vue de travailler sur un programme d'urgence en faveur des Comores. Bien entendu, cela n'a de sens que si le processus de réconciliation se déroule convenablement, avec dans un premier temps un référendum constitutionnel initialement prévu pour la fin de ce mois, puis des élections conduisant à la mise en place d'un gouvernement pérenne au début de l'année prochaine. Comme vous le savez, l'OUA est en première ligne dans le suivi de ce processus, en liaison avec l'OIF et les Etats de la zone, l'UE ayant débloqué une somme de 2 M d'euros pour le financement de celui-ci.

Il est clair que la reconstruction est avant tout l'affaire des Comoriens. Mais l'ampleur de la tâche à accomplir nécessite qu'elle ne se fera qu'avec l'appui de l'ensemble de la communauté internationale.

Notre pays, traditionnellement le premier bailleur de fonds des Comores, est toujours resté présent pendant la crise, avec un dispositif concentré autour des trois priorités suivantes :
- en premier lieu, et pour pouvoir redémarrer le moment venu dans de bonnes conditions, nous avons préservé l'essentiel en matière de fonctionnement des services et institutions de base (aéroport, infrastructures, eau et électricité, Banque Centrale et surtout santé publique). C'est dans ce dernier domaine qu'est mis en place notre dispositif d'assistance technique le plus conséquent, avec six praticiens affectés auprès de l'hôpital principal de Moroni ;
- en second lieu, nous prenons en compte la société civile comme interlocuteur privilégié, en matière de développement de proximité avec les associations de base et les ONG et aussi en matière de développement rural et de micro-crédit ;

Enfin, nous encourageons la Francophonie et l'enseignement de la langue française avec nos trois alliances françaises, l'école française de Moroni, la diffusion des chaînes francophones et l'accès des étudiants comoriens à l'enseignement supérieur dans des établissements français ou francophones de la zone.

Pour donner quelques chiffres, la programmation 2001 du poste s'élève à 20 MF, dont 8 MF pour l'assistance technique, (qui porte sur 14 postes), 5 MF pour les nouveaux engagements du FSP et 2 MF pour les bourses.

La signature de l'accord-cadre pour la réconciliation aux Comores a donc ouvert de nouvelles perspectives, et une mission technique conjointe MAE-AFD s'est rendue en Grande Comore et à Anjouan début avril en vue de relancer dès maintenant la coopération de proximité sur une base plus large.

C'est ainsi qu'est intervenue il y a moins d'un mois la signature de trois conventions du fonds de solidarité prioritaire, relatives au programme de développement local aux Comores (PDLC) jusque là expérimental, au fonds social de développement, et enfin au projet d'appui à l'organisation des producteurs agricoles.

Au total, 23,5 MF supplémentaires ont été mis à la disposition du Poste pour des projets de proximité, prioritairement en faveur d'Anjouan, sans parler des possibilités d'intervention de l'Agence française de développement. Inutile de dire que ces montants ne sont pas négligeables à l'échelle des Comores et compte tenu de la capacité d'absorption disponible sur place.

C'est à mon avis dans ce contexte de la coopération de proximité que doit s'inscrire de manière privilégiée, du moins dans un premier temps et dans l'attente de la reprise de la coopération institutionnelle, les efforts qui seront entrepris simultanément et conjointement dans le cadre de la coopération régionale.

Cette coopération régionale, tout spécialement à partir de la Réunion et de Mayotte, existe déjà à partir des collectivités décentralisées et des services déconcentrés de l'Etat, et de nouvelles pistes ont été défrichées à l'occasion des rencontres de Saint-Denis et de Mayotte que j'ai déjà évoquées tout à l'heure.

Les grands thèmes concernent la santé, l'éducation, le développement rural, la jeunesse et les sports, et je ne verrais que des avantages à ce qu'un "réflexe" Réunion et Mayotte s'applique à Moroni, et dans les autres postes de la zone pour des coopérations triangulaires, chaque fois que l'on est à la recherche d'un expert ou d'un opérateur, d'un service prestataire, d'un point d'accueil pour un stagiaire, d'un partenaire pour un jumelage...

Il nous appartient à tous de faire preuve d'imagination pour travailler ensemble dans un souci de démultiplication, de complémentarité et d'efficacité accrues. Il nous revient aussi la responsabilité de favoriser les échanges commerciaux, et d'inciter le secteur privé à prendre sa part d'acteur du développement.

Par ailleurs, et plus spécifiquement lié à la coopération décentralisée, il faut signaler les perspectives importantes offertes par le co-développement, son délégué, Philippe Barret, ayant d'ores et déjà initié quelques pistes prometteuses.

Enfin, les opérations triangulaires doivent être encouragées dès que possible, le meilleur exemple étant l'accueil des étudiants comoriens à Madagascar, outre ceux déjà reçus à La Réunion et dans l'Hexagone. Nous soutenons en effet les universités malgaches dans le cadre de la coopération bilatérale, et nous devons inciter Malgaches et Comoriens à bâtir un partenariat dans ce domaine, pour pallier l'absence d'université aux Comores.

Je suis bien entendu loin d'être exhaustif, car s'il convient d'être ambitieux, nous devons aussi faire preuve de modestie et de pragmatisme, et apprendre en avançant cette nouvelle forme de coopération renforcée entre l'Etat central, La Réunion, Mayotte et les Etats de la zone, plus spécifiquement les Comores, en attendant que des perspectives nouvelles plus élargies soient ouvertes en matière de coopération institutionnelle, dès lors que nos partenaires Comoriens auront mené à bien le processus de normalisation et de réconciliation nationales.

Et si nous faisions des Comores un laboratoire pour ce nouveau partenariat ?

C'est peut-être le défi qui nous est lancé aujourd'hui. Voilà en tout cas le message que je voulais vous faire passer aujourd'hui en remerciant encore une fois mon ami Christian Paul d'avoir pris l'excellente initiative de cette rencontre./.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juin 2001)