Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations entre la France et l'Allemagne face au défi de la crise économique et financière de la zone euro, à Paris le 5 octobre 2011.

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Circonstance : Fête de la journée de l'unité allemande, à l'ambassade d'Allemagne à Paris le 5 octobre 2011

Texte intégral

Monsieur l’Ambassadeur,
Monsieur le Vice-Chancelier,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous dire qu’en ce jour de célébration de l’Unité allemande, comme tous les Français qui sont réunis ici ce soir avec vous, je suis ému et je suis heureux d’être à vos côtés. La réunification allemande a été un tournant de notre Histoire contemporaine. Ce fut un grand moment de joie, parce qu’avec l’Allemagne, c’est toute l’Europe qui se réunifiait enfin après des décennies de séparation et de confrontation. Ce fut un moment de fierté, parce que cette révolution née du courage et du désir des peuples a été pacifique. Cette joie et cette fierté mettaient un terme à toutes ces années si sombres et si morbides.
Berlin divisé, Berlin muré, ses militants enfermés, ses citoyens condamnés au silence et aux mensonges, cette Europe déchirée, tout cela brutalement s’arrêtait. Les jeunes générations européennes ne doivent pas sous-estimer la tristesse de ces quatre décennies d’affrontement entre l’Est et l’Ouest, qui venaient prolonger plusieurs siècles de guerres sanglantes. Ils ne doivent pas oublier le prix de la liberté et le prix de l’unité retrouvées. Et nous non plus, nous les responsables publics d’aujourd’hui nous ne devons jamais laisser tomber ce qu’il faut bien, au regard de l’Histoire, appeler le "miracle européen".
Aujourd’hui plus que jamais, la France et l’Allemagne, nous n’avons pas le droit de décevoir. Aujourd’hui 21 ans après l’effondrement du Rideau de fer, l’Europe aborde un nouveau tournant historique. Nous faisons face au défi d’une crise économique et financière, la plus profonde depuis la création de la Communauté européenne et je crois que l’exemple de ceux qui, en 1990, ont osé un nouveau départ pour vivre dans une Europe fraternelle et pacifique est un exemple qui nous est utile. Comme eux, c’est une Europe puissante, c’est une Europe unie que nous appelons de nos vœux, en Allemagne comme en France. Comme eux, nous devons défendre l’idéal d’une civilisation européenne. D’une civilisation européenne qui ne peut pas, qui ne doit pas être morcelée et qui ne peut pas être balayée par des spéculations de court terme.
C’est dans ce but que nous travaillons main dans la main pour que l’Europe non seulement sorte de cette crise, mais qu’elle en sorte renforcée. Cela passe pour nous par une compétitivité améliorée, par des finances publiques saines. Cela passe par un pacte de stabilité et de croissance renforcé. Cela passe par la mise en place d’une véritable gouvernance économique au niveau européen.
La crise a révélé une nouvelle fois le rôle primordial du couple franco-allemand, sans lequel rien n’est possible. Nous agissons d’une seule voix pour protéger l’Union économique et monétaire comme la stabilité de notre monnaie unique. Sur la politique économique européenne, la convergence des positions allemande et française est manifeste. Elle doit s’exercer dans une réflexion conjointe et dans une action décisive en faveur de l’évolution de nos institutions.
Dans bien des domaines d’ailleurs, la France et l’Allemagne ont déjà montré l’exemple en engageant des évolutions à deux. En matière budgétaire, en matière fiscale, nos deux pays ont annoncé qu’ils étaient prêts à s’engager en pionniers vers une vraie convergence. Et en août dernier, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont souhaité lancer un processus qui permettra qu’en 2013, la France et l’Allemagne aient la même fiscalité sur les entreprises et que pour la première fois, un impôt sur les sociétés, commun à la France et à l’Allemagne, voie le jour.
Je suis intimement convaincu que nous allons devoir aller vers une profonde convergence de l’organisation économique et sociale de nos deux pays. Et cette convergence franco-allemande c’est beaucoup plus qu’un symbole. C’est à mes yeux une nécessité vitale pour nos deux nations et pour l’Europe toute entière. Dans ce monde de 6 milliards d’habitants dominé par la montée en puissance de continents entiers qui, légitimement, viennent aujourd’hui concurrencer frontalement la vieille Europe, nous avons le devoir de passer à la vitesse supérieure.
Nous sommes comptables du patrimoine que nous ont légué les générations antérieures. Nous avons le devoir de réanimer sans cesse la flamme du rêve européen parce que l’Europe n’est pas un projet technique, c’est un projet politique. Nous devons, encore et encore, expliquer d’où vient la construction européenne, ce qu’elle nous collectivement apporté. A commencer par l’Euro, dont nos deux pays ont éminemment bénéficié.
Face aux générations qui nous ont précédés et face à celles qui nous succèderont, rien ne serait pire pour nous que d’être celle qui a compromis le projet européen parce que, pendant un temps, une crise financière née de désordres étrangers à l’Union européenne, née de la faiblesse de certains Etats membres, mais aussi du caractère inachevé de nos règles communes, est venue ébranler la monnaie unique. Comme nos prédécesseurs, nous devons sortir des désordres du présent, non pas en reculant mais en franchissant un pas supplémentaire dans le rapprochement de nos deux pays et en professant une foi renouvelée dans l’idéal européen.
En 2013, nous célébrerons le 50e Anniversaire du Traité de l’Élysée. C’est l'héritage que nous avons reçu de Charles de Gaulle et de Konrad Adenauer. En leur temps, ces deux hommes visionnaires ont su encourager la réconciliation entre nos peuples avec une détermination sans faille. Depuis leur signature historique du Traité de l’Élysée, jamais peut-être n’avons-nous été aussi importants l’un pour l’autre.
Cette amitié nous avons le devoir de lui offrir de nouvelles ambitions. Nous le devons par fidélité à nos Histoires respectives et nous le devons à l’Europe, dont l’avenir est entre nos mains.
Enfin, vous me permettrez de conclure en disant au Vice-Chancelier combien j’ai été heureux de l’entendre rappeler les liens entre la ville de Bückeburg et celle de Sablé-sur-Sarthe. Et je n’imaginais pas, lorsqu’il y a bien longtemps je visitais le lycée Adolfinum de Bückeburg, que ce lycée produirait un des hommes politiques les plus brillants de l’Allemagne d’aujourd’hui.
Source http://www.gouvernement.fr, le 6 octobre 2011