Extraits de l'entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec France Inter le 26 octobre 2011, sur la crise de la dette dans la zone euro, le déroulement et le résultat des élections d'une assemblée constituante en Tunisie, la situation en Syrie et la fin de la mission de l'OTAN en Libye.
Intervenant(s) :
Circonstance : Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro, à Bruxelles le 26 octobre 2011
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Prononcé le
Texte intégral
Q - LEurope va tenter aujourdhui de dénouer une crise que chacun présente comme étant dune gravité sans précédent. Y a-t-il vraiment un risque déchec ?R - La crise est grave. Je pense que lon va réussir, mais cest difficile et il y a encore des progrès à faire tout au long de la journée. Je voudrais simplement souligner que cest certes une crise européenne, mais cest surtout une véritable révolution mondiale à laquelle nous avons à faire face.
La crise touche le monde entier. Les États-Unis ne sont pas en bonne forme : leur croissance est affaiblie et ils ont des dettes supérieures aux nôtres. Le Japon, après Fukushima, est aussi dans une situation très difficile. Les pays émergents - je suis allé en Inde et en Chine la semaine dernière - ont également leurs propres difficultés. Nous sommes dans un monde qui est en train de changer radicalement et des défis très importants sont à relever.
Et puis il y a la crise européenne spécifique. Nous avons beaucoup avancé, depuis quelques jours, sur un certain nombre de points, par exemple sur la nécessité de renforcer les capitaux propres de nos banques afin quelles soient plus solides.
Nous avons progressé aussi sur lidée quil faut soutenir la Grèce car, dans le cas contraire, un effet domino va se déclencher et les conséquences seront catastrophiques pour la construction européenne elle-même. Nous allons donc trouver - je pense aujourdhui - une solution pour faire en sorte que la dette grecque soit allégée. Et puis il y a dautres progrès encore à réaliser au cours de la journée.
Q - Il y a tout de même deux conceptions qui sopposent sur les moyens financiers à mettre en commun pour secourir les pays défaillants. On a le sentiment, Alain Juppé, que lAllemagne est en train dimposer ses vues.
R - Cette interprétation nest pas du tout celle qui prévaut en Allemagne. La presse allemande pense exactement le contraire et dit que cest la France qui impose ses propres vues.
Je ne veux pas entrer dans ce débat, savoir qui est le plus fort, qui est le plus à linitiative. On a bien vu que le président de la République française était en permanence à linitiative et quil a fait bouger beaucoup de choses.
Mais le plus important, cest que lon se mette daccord et que la France et lAllemagne arrivent à trouver des compromis. On a déjà, je lai dit, beaucoup progressé. Nous allons parvenir à cette entente extrêmement étroite quil faut construire, jour après jour
Q - Elle est laborieuse cette fois-ci.
R - Elle est laborieuse, mais cela est souvent laborieux, vous le savez, entre la France et lAllemagne. Nous sommes rarement, spontanément, daccord sur les mêmes intérêts. Mais cest sur cette entente-là que je nhésiterai pas à dire quil va falloir refonder complètement la construction européenne et notamment la zone euro.
Q - Alors, refonder, au-delà des solutions financières qui pourraient être trouvées, est-ce quil est nécessaire, à vos yeux, que lon fasse un pas de plus vers la construction européenne que réclament une partie des Allemands, ainsi que les marchés financiers, cest-à-dire un pas vers une forme de fédéralisme européen ?
R - On associe toujours ce terme aux Allemands, mais - pardon de me citer - mais cela fait déjà plusieurs semaines que jemploie ce mot de fédéralisme. Il est un peu simple mais il dit bien ce quil veut dire.
Je pense que nous ne pouvons pas reculer en Europe. Tous ceux qui préconisent la sortie de leuro ou la sortie de lUnion européenne ne sont pas sérieux et prennent des risques énormes pour le futur de notre pays. Il faut aller de lavant. Aller de lavant, quand on a une monnaie unique, cela veut dire quil faut intégrer davantage nos politiques budgétaires et fiscales. La fiscalité est toujours au cur de la souveraineté des États.
Q - Donc, un gouvernement économique de la zone euro.
R - Absolument. Il y a deux ans, cette idée nétait pas admise par beaucoup de nos partenaires ; cest la France qui la fait accepter petit à petit. Aujourdhui, ce gouvernement économique est en train de prendre forme.
Q - On pourrait y aller à quel rythme ?
R - Nous avons déjà commencé puisque nous avons adopté, le 21 juillet dernier, toute une série de dispositions. Aujourdhui, les politiques budgétaires vont être très étroitement liées entre les dix-sept pays de la zone euro et vous savez que tous les Parlements nationaux, après un petit incident en Slovaquie, ont fini par ratifier tout cela.
Q - Mais ce que réclament les Allemands, cest un contrôle européen des budgets nationaux.
R - Cest un contrôle intergouvernemental, par un mécanisme que nous avons mis en place.
Je voudrais aussi souligner un autre point très important : nous parlions dintégration accrue, nous allons aller dans le même sens en matière fiscale. Un des beaux projets que la France et lAllemagne ont annoncé, cest que pour 2013 sera mis en place un impôt sur les sociétés identique, en tout cas fortement harmonisé, entre la France et lAllemagne. Cest un progrès absolument décisif dans une question qui est au cur des politiques nationales.
Q - On parle de la Tunisie. Le parti islamiste Ennahda qui se présente comme modéré, sort des élections en position de force et va, dune manière ou dune autre, participer au pouvoir à Tunis. Est-ce que cela peut modifier quelque chose dans les relations entre la France et la Tunisie ?
R - Jai écouté Bernard Guetta et je trouve quil a dit très largement ce que je pense. Dabord une première
Q - Il ne parlait pas de la relation entre la France et la Tunisie.
R - Je vais y venir, mais il faut la replacer dans un contexte. Non, cela ne va pas modifier les relations entre la France et la Tunisie, mais la France va rester vigilante. Et la France va dire : attention, il y a une ligne rouge quil ne faut pas franchir. Pour nous, la ligne rouge, ce sont un certain nombre de valeurs et de principes démocratiques. Lalternance démocratique, quand on gagne des élections, cela veut dire que lon peut les perdre et quà ce moment-là on quitte le pouvoir.
La société tunisienne est très évoluée du point de vue des droits de lHomme et de légalité hommes-femmes. Il serait absolument dommageable que lon recule dans ces domaines.
Nous allons donc être très vigilants et nous avons des moyens dexprimer cette vigilance. Nous allons mettre en place ce que lon a appelé le Partenariat de Deauville, cest-à-dire une aide économique massive à la Tunisie, à lÉgypte, au Maroc, à la Jordanie. Il est en effet dans notre intérêt que ces pays se stabilisent. Naturellement, nous apporterons cette aide dans la mesure où les lignes rouges ne seront pas franchies. Je pense quil est important davoir cette conditionnalité, mais je veux être optimiste sur la Tunisie.
Nous nallons pas nous plaindre quil y ait des élections. Quest-ce que la démocratie ? Ce sont des élections libres. Il y a eu des élections libres ; il ny a pas eu de tricherie ; tout sest bien passé et le peuple tunisien sest exprimé comme il pensait le devoir. Nous devons donc respecter ce suffrage. Et puis, les forces démocratiques en Tunisie vont se développer et sorganiser.
Je voudrais enfin insister sur un dernier point, cest quil ne faut pas stigmatiser en bloc les frères musulmans ou les partis islamiques ; ce nest pas le diable. Il y a parmi eux des gens extrémistes et cest cela dont on ne veut pas. Mais il y a aussi des gens tout à fait modérés : le modèle de lAKP - comme Bernard Guetta la dit tout à lheure -, cest-à-dire dun parti qui se réfère à lIslam, mais qui respecte les grandes règles du jeu démocratique, est aujourdhui le modèle que suivent les Tunisiens et quinvoquent même les Libyens.
Q - Donc, le résultat tunisien ne vous inquiète pas
R - Je nai pas dit cela. Tout est risqué dans les révolutions, mais je crois quil faut faire confiance et être vigilant.
Q - Quavez-vous pensé du vote des Tunisiens de France, qui, pour près de la moitié, ont voté pour ce parti islamiste ?
R - Je nai pas de commentaire à faire, ce sont des électeurs libres de leur vote.
Q - Il ny a pas un message particulier à légard de la France ?
R - Vous savez, cest 40 % en Tunisie, je pense donc que cela reflète bien létat de la société tunisienne aujourdhui.
Q - Même chose en Libye, Alain Juppé, est-ce que la France veillera à la bonne mise en place dune transition démocratique ?
R - Bien sûr. Là encore, il ne faut pas déformer les propos des uns et des autres. Le président du Conseil national de transition, M. Abdel Jalil, a dit : «lislam libyen est un islam modéré.» Il a fait référence à la charia, mais la charia existe déjà dans la plupart des Constitutions des pays arabes dont certains sont des monarchies constitutionnelles ; je pense au Maroc par exemple. Et puis, il y a des points qui nous inquiètent : par exemple le rétablissement de la polygamie, ce nest pas dans la conception que nous nous faisons de la dignité de la femme.
Q - Et vous le direz ?
R - Nous le dirons, et je le dis ce matin.
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Q - Mais vous nous confirmez ce matin quil y aura forcément un nouveau plan daustérité, un nouveau train de mesures ?
R - Nous ne cèderons pas un pouce sur lobjectif qui consiste à ramener le déficit budgétaire de la France à 4,5 % de notre richesse nationale lannée prochaine et à 3 % en 2013. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une situation de surendettement. Nos auditeurs peuvent parfaitement comprendre cela, on sait ce quest un ménage surendetté. Quand on est surendetté, il y a un moment où lon vous coupe les vivres, on ne vous prête plus. Cest ce qui est en train darriver à nos États et il faut donc stopper ce surendettement, la France mais beaucoup dautres aussi, les États-Unis notamment.
Q - Donc moins de croissance !
R - Non, moins de dépenses. Le moins de croissance, on le subit, ce nest pas un objectif mais, vous avez raison, le fait que la croissance se ralentisse partout, même en Chine - dont on parlait tout à lheure - fait que les recettes rentrent moins bien et que certaines dépenses en revanche augmentent ; le déficit risque donc de déraper. Cest la raison pour laquelle il faut prendre des mesures pour éviter ce dérapage.
Q - De nouvelles mesures ?
R - Ce que je voudrais finalement dire, cest : comment faut-il faire cesser le surendettement ? Pourquoi est-on surendettés ? Parce que lon a des déficits. Ce qui veut dire que lon dépense plus quon ne gagne ; la différence, on lemprunte. Cest ce qui sest produit depuis des années, tout particulièrement depuis la crise de 2008. Cest fini ; ni la France ni dautres pays ne peuvent emprunter.
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Q - Peut-on développer le fédéralisme économique comme on le fait, cest-à-dire très concrètement, se mettre daccord entre gouvernements pour imposer laustérité budgétaire sans, parallèlement, développer la démocratie européenne ?
R - Vous avez raison, mais on la fait. Aujourdhui, le Parlement européen a des pouvoirs bien plus considérables que par le passé. Dans la plupart des situations, il y a un système de codécision où le Parlement décide avec le Conseil des ministres. On la vu - je ne veux pas entrer dans les détails techniques - dans le fameux paquet de gouvernance économique adopté récemment : le Parlement a fait entendre sa voix de manière extrêmement forte.
Q - Cest vrai mais les habitants de lUnion européenne, en France comme ailleurs, ne comprennent rien à ces institutions européennes. Ils ont le sentiment que des décisions leur sont imposées par un conclave de chefs dÉtat et de gouvernement, depuis Bruxelles, sans quils aient le moindre moyen de peser sur leur définition ?
R - Cest compliqué ; pour se mettre daccord à 17 comme à 27, les processus sont difficiles à bien appréhender. Je voudrais quand même rappeler que les chefs dÉtat et de gouvernement qui sengagent à Bruxelles ont une légitimité démocratique et ils rendent compte devant leurs Parlements respectifs. Je vais moi-même très régulièrement devant la Commission des Affaires étrangères de lAssemblée nationale ou du Sénat rendre compte de ce que nous faisons à Bruxelles.
Je reconnais que pour le citoyen, cest difficile, cest un peu obscur et il y a ce sentiment, vous avez tout à fait raison, de se voir imposer des décisions qui viennent dailleurs. Cest la raison pour laquelle il faut aller plus loin dans la démocratisation de ces processus et, surtout, dans leffort de pédagogie.
Q - Faut-il élire un président européen ?
R - A terme, oui, bien sûr.
Q - Chefs dÉtat qui sont parallèlement accusés de se soumettre à une dictature des marchés financiers
R - Oui, mais cest une facilité. Ce nest pas une dictature, cest le monde tel quil est.
On peut refuser de voir le monde tel quil est et on peut dire jai entendu cela - que lon va démondialiser la planète. Il ny a quen France que lon entend parler de démondialisation.
La mondialisation est un fait et personne ne lannulera. Construire des barrières douanières sur lhexagone provoquerait une catastrophe absolue.
Q - La mondialisation, cest aux frontières européennes, pas dans lhexagone ?
R - Même aux frontières européennes, et nous ne le ferons pas davantage à 17 parce quaucun de nos partenaires ne le voudra.
À qui vendrons-nous nos Airbus si nous mettons des frontières aux limites de lEurope ?
Il est vrai quil faut reconquérir le marché intérieur. Il est vrai que lon a cessé de produire en Europe et que lon a laissé les ateliers du monde, chinois ou autres, produire à notre place. Pour acheter ce dont nous avions besoin, nous nous sommes endettés. Comme je lai dit tout à lheure, cest maintenant fini. Il faut aujourdhui que la France et lEurope se remettent à produire et à être compétitives. Ce sera difficile, mais nous avons tous les moyens de le faire.
Q - Ma question concerne les propos de M. Guéant vis-à-vis des étrangers, en loccurrence les derniers qui concernaient les Comoriens de Marseille et aussi sur les Roumains. Comment le ministre des Affaires étrangères que vous êtes fait pour éteindre le feu vis-à-vis des ambassadeurs de ces pays ? Et par rapport à limage de la France dans ces pays, que leur dites-vous ?
R - Il faudrait citer exactement les propos de M. Guéant, je ne les ai pas en tête et vous ne les avez pas cités.
Q - Concernant les Comoriens, il sest excusé.
R - Je connais bien M. Guéant, cest un républicain et cest un homme qui partage les valeurs qui sont les nôtres très largement en France. Pour le reste, il faut regarder en face le problème des flux migratoires à travers la planète. Il est parfaitement légitime que nous luttions contre limmigration illégale. Cest un fléau pour les pays dorigine et pour les immigrants illégaux eux-mêmes qui sont traités comme des esclaves. Et puis, cest difficile dans un pays comme la France où le chômage est très élevé. De plus, il faut que nous organisions limmigration légale, cest ce que nous sommes en train de faire. Enfin, il faut que nous restions un pays daccueil.
Je voudrais quand même souligner que le pays au monde où lon reçoit le plus de demandes dasiles, cest la France. Toutes ne seront pas acceptées, naturellement, parce que toutes ne sont pas justifiées mais cest la France qui en reçoit le plus grand nombre.
Cette idée que la France est barricadée nest pas juste. Il faudrait vérifier le chiffre, mais je crois que nous accueillons 200.000 étrangers supplémentaires chaque année. Nous devons cependant contrôler ces flux en respect des principes qui sont les nôtres et notamment en respectant la dignité de la personne humaine. Je crois que cest ce que nous faisons.
Q - Voilà sept ans que Salah Hamouri, un jeune franco-palestinien est retenu dans les prisons israéliennes. Je me pose donc la question à la fois sur la priorité de ce dossier et en même temps de sa connaissance...
R - Je connais bien le cas de Salah Hamouri. Lorsque je suis allé à Jérusalem, au mois de juin dernier, je suis allé voir les parents de Gilad Shalit, mais jai également reçu les parents de Salah Hamouri. Il a été condamné à une peine de sept ans de prison et cela fait des années que les autorités françaises, le président de la République lui-même, demandent à ce quil bénéficie dune remise de peine. Les autorités israéliennes ne lont pas voulu jusquà présent.
Je lai moi-même demandé, hier encore, en recevant lambassadeur dIsraël en compagnie de la présidente du parti israélien Kadima ; je lui ai dit : «nous vous demandons de libérer le plus vite possible Salah Hamouri». Vous voyez donc que son cas est connu et que nous nous battons pour quil retrouve sa liberté après avoir purgé la quasi-totalité de sa peine.
Q - La répression en Syrie continue ; elle a déjà fait sans doute près de 3.000 morts. On lentendait, ce matin dans les journaux de France Inter, jusque dans les hôpitaux. Le dossier syrien est-il définitivement bloqué par lattitude de la Russie et de la Chine ?
R - Jespère que non. Nous continuons à nous battre parce que la situation en Syrie est inacceptable, scandaleuse. Nous lavons dit à plusieurs reprises - la France a été un des tous premiers pays à le dire - lEurope a pris beaucoup de décisions contre les personnalités et contre les sociétés qui sont complices du régime dans la répression.
Il est vrai que nous avons été bloqués à New York. Cest une tache sur le Conseil de sécurité qui na pratiquement rien dit sur ce qui est une des répressions les plus barbares. Vous avez raison, on brutalise même des enfants. On tue des dizaines et des dizaines de manifestants pacifiques tous les jours. Cest inacceptable.
Cela se terminera par la chute du régime, de manière quasi inéluctable. Malheureusement, cela risque de prendre du temps parce que la situation est compliquée, parce quil y a un risque de guerre civile entre les communautés syriennes et parce que les pays arabes autour ne souhaitent pas que nous intervenions, mais il ne faut pas abandonner. Quest-ce que cela veut dire ? Cela veut dire continuer à maintenir la pression au Conseil de sécurité, continuer à maintenir la pression de lEurope, discuter avec les pays de la région pour quils sengagent davantage. La Turquie en particulier commence à sengager pour faire pression sur le régime. Il faut enfin discuter avec lopposition syrienne pour les conforter dans leur combat, jentends bien pacifique. Je lai fait moi-même en allant, il y a dix jours, au Théâtre de lOdéon où le Conseil national syrien sétait réuni. Vous voyez que nous nabandonnons pas les Syriens parce quils sont vraiment victimes dune répression inacceptable.
Q - Jai une question sur la Libye. Mais je voulais quand-même réagir à ce que jentends parce que vous faites quand-même partie dune équipe politique qui, depuis des années, favorise plutôt les riches et fait payer les pauvres. Vous nous expliquez que le paiement de la dette, en fin de compte, est inéluctable. Il y a dautres solutions que de payer des dettes qui nont pas profité au peuple. Pour ce qui est de la Libye, je voulais savoir si vous pensez que le CNT est capable de fédérer lensemble des tribus libyennes ?
R - La première partie de lintervention dÉric nétait pas vraiment une question. Cétait un peu une affirmation avec laquelle je ne suis évidemment pas daccord. Si nous avons des dettes, cest parce que nous avons des déficits. Si nous avons des déficits, cest parce que nos dépense publiques sont très lourdes et parmi nos dépenses publiques, les dépenses sociales sont très importantes en France. Nous avons un des systèmes de protection sociale les plus développés, et cest tant mieux dailleurs. Cest ce qui fait le modèle français. On ne peut donc pas dire que cet argent est allé aux riches et pas aux pauvres. Il a été, je crois, très largement réparti entre toutes les catégories de la population. Et puis pointer du doigt les banques en disant quelles nont quà payer ou que nous navons plus quà renoncer à rembourser nos dettes, je ne commente pas, parce que ce nest pas sérieux.
Q - De fait, les banques vont payer dans larchitecture de laccord européen.
R - Elles vont payer. Les banques cest quoi ? Les banques, cest notre argent aussi ; il faut en être bien conscient. Si les banques faisaient faillite, cest notre argent qui serait en cause.
Q - Je vous arrête parce que nous avions le débat sur la dette hier ici-même.
R- Sur le CNT, jai dit tout à lheure ce que je pensais des révolutions arabes. Je crois que le CNT est un interlocuteur tout à fait crédible ; dailleurs, la France a été lun des premiers à le reconnaître. La quasi-totalité des pays du monde lont reconnu aujourdhui. Il a remplacé les autorités libyennes au Conseil de sécurité ; cest donc maintenant un interlocuteur valable. Je pense que le CNT va arriver à fédérer les différentes sensibilités de lopinion libyenne. Cest difficile, on voit quaujourdhui la constitution dun gouvernement provisoire prend du temps parce quil y a différentes tendances. Mais connaissez-vous une révolution qui se soit réglée en quelques jours ? Un jour, un des leaders égyptiens, Moussa, ma dit : «Entre la prise de la Bastille et le moment où la France est devenue une vraie démocratie, il sest passé combien de temps ?» Je lui ai répondu, après avoir un peu réfléchi : «Quatre-vingt-un an» ; avant que la Troisième République ne sinstalle vraiment. Donc, vous voyez, cela prendra du temps - jespère moins. Il y a un processus de transition qui va être difficile et il faut que nous accompagnions ces pays pour quils réussissent.
Et sur ce point-là, ce qui est très important, cest aussi la transition économique. Parce que si leur économie seffondre, alors tous les extrémistes reprendront le devant de la scène.
Q - Et sur le plan militaire la mission de lOTAN sarrête aujourdhui
R - Cest fini, nous avons atteint nos objectifs et je crois que cest à nouveau loccasion de saluer le courage et la compétence des forces françaises qui ont été engagées dans lopération aérienne. Il ny a pas eu de victimes du côté de la coalition et pratiquement pas de dommages collatéraux dans les populations civiles.
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source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2011
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