Texte intégral
Monsieur le Président de lAssemblée nationale,
Monsieur le Premier Président,
Mesdames et Messieurs,
Le 6 janvier dernier, à loccasion de la séance solennelle de la Cour des comptes et de linauguration de la galerie Philippe Séguin qui jouxte la grand Chambre de la Cour, javais déjà évoqué les effets de ce que nous appelons, entre nous, la LOLF et qui nest finalement pas autre chose que la modernisation et la rationalisation de notre mode de fonctionnement budgétaire.
Et je vous avais dit, à lépoque tout lintérêt que je portais aux travaux quengageaient les juridictions financières à loccasion de ce bilan de la LOLF. Ce thème est dautant plus important que nous célébrons ce dixième anniversaire dans une période qui place la question des finances publiques au cur de toutes nos préoccupations.
Gérer avec rigueur nos finances cest plus que jamais vouloir rester maître de notre avenir politique, économique mais aussi social parce que je ne dissocie pas la solidarité de la maîtrise de nos finances publiques.
Nous sentons tous le poids de lhéritage laissé par des décennies de gestion laxiste.
Je dis "tous", parce que nous sommes tous responsables, à droite comme à gauche, davoir laissé filer les déficits. Par imprévoyance, par facilité, nous avons choisi de vivre à crédit plutôt que dajuster nos dépenses à nos moyens réels.
Il est un peu facile de jeter la pierre aux seuls politiques parce que les responsables publics sont souvent au diapason du pays et notre pays, -et il nest pas le seul en Europe-, a longtemps préféré le confort de lendettement aux efforts de gestion.
Le déficit, la dette cest, en quelque sorte, la drogue des Etats qui ont peur de se moderniser. Oui, pendant des décennies, nous avons hésité, nous avons louvoyé devant le phénomène inéluctable de la mondialisation qui venait percuter lancienne suprématie de lOccident.
Nos richesses naugmentaient plus aussi vite, notre compétitivité déclinait, nos exigences politiques et sociales nosaient pas rompre avec la culture du "toujours plus", et fort logiquement, dans ce contexte, nos comptes ont dérivé.
Nous sommes arrivés au stade où cette fuite en avant doit être impérativement stoppée et je souhaite, avec vous, convaincre nos concitoyens que la discipline budgétaire, ça nest pas un enjeu technique, ça nest même pas un enjeu politicien, cest un enjeu moral et un enjeu national.
Notre budget est en déficit depuis 1975 et ce déficit doit être progressivement ramené à zéro, comme nous nous y sommes engagés pour 2016. Et pour y parvenir, nos dépenses doivent être diminuées.
Si nous dépensions comme les autres pays européens, c'est-à-dire un peu moins de la moitié de notre richesse nationale, nous serions aujourdhui en excédent budgétaire !
Pour la première fois depuis 1945, le budget 2012 verra les dépenses de lEtat baisser. Et pour la première fois également, la masse salariale de lEtat va diminuer. Cest en cela que le projet de budget 2012 marque une rupture avec les habitudes du passé. Lorsque jai utilisé cette formule "pour la première fois depuis 1945 », jai vu que tous les commentateurs se disaient" mais pour qui il se prend, quest-ce qui lui arrive ? ».
Pardon, mais depuis 1945, jamais les dépenses de lEtat nont baissé. Il y a eu des Premiers ministres qui ont défendu des budgets de rigueur, qui étaient des budgets de rigueur parce quil y avait une augmentation forte des prélèvements obligatoires pour financer laugmentation des dépenses publiques, mais un budget avec les dépenses de lEtat en baisse, il ny en a pas eu depuis cette date. Alors on me dit que ce nest pas assez, cest sûrement vrai mais cest quand même la première fois, cest donc que ça doit être assez difficile.
Je souhaiterais que ce sigle qui nous réunit, la LOLF, ne demeure pas une subtilité juridique et financière dont le sens ne soit pas perceptible par chacun de nos concitoyens. Je voudrais que lesprit de ce colloque soit partagé par tous nos compatriotes.
La LOLF est une première condition à la maîtrise de nos finances publiques. Mais la LOLF cest aussi un exercice de transparence, de lisibilité, en un mot de démocratie.
Jai, sur ce sujet, pris connaissance du rapport récemment publié par la Cour des comptes.
La hauteur de vue des deux pères fondateurs de la LOLF, Didier Migaud et Alain Lambert, à nouveau réunis rue Cambon, na pas manqué de contribuer à la qualité de cette exercice.
Par ce rapport, la Cour des comptes sest montrée, une nouvelle fois, à la hauteur du statut constitutionnel renforcé qui est le sien depuis la révision de 2008. La France a plus que jamais besoin de juridictions financières et cest pourquoi le Parlement et le Gouvernement se sont engagés pour consolider leur rôle et pour accompagner Didier Migaud dans la poursuite des efforts de modernisation engagés.
Plusieurs dispositions, sinspirant très directement de la réforme voulue par Philippe Seguin, ont été reprises dans la proposition de loi déposée par Bernard Accoyer, puis dans le projet de loi de répartition des contentieux, dont lexamen sachève en ce moment au Parlement.
Jajoute que le Gouvernement a souhaité marquer lattention quil apporte aux missions des Chambres régionales des comptes, dans lexamen de la gestion et lévaluation des collectivités territoriales et des politiques décentralisées. Dans le contexte dune nécessaire évolution vers une meilleure efficacité de lorganisation de leur réseau, la loi de finances rectificative de juin dernier a ainsi confirmé la possibilité de concours exceptionnel pour le recrutement de leurs magistrats.
D'autres dispositions modernisant la gestion des ressources humaines des juridictions financières ont été insérées dans le projet de loi relatif à la fonction publique déposé par le Gouvernement.
Pour revenir au sujet de la LOLF, je veux rappeler ce matin avec vous son triple apport.
La LOLF a d'abord permis de responsabiliser les gestionnaires.
La globalisation des crédits à l'échelle des programmes leur a donné les moyens d'effectuer les arbitrages les plus pertinents pour l'affectation de leurs crédits, sans qu'il soit nécessaire pour eux de demander à chaque instant les autorisations qui bridaient autrefois leur action.
L'introduction d'une comptabilité en droits constatés, -assortie de la certification mise en uvre par la Cour des Comptes- participe aussi à cette logique de responsabilisation. Cette dynamique doit encore être amplifiée, s'agissant du déploiement de la comptabilité analytique pour venir en appui aux efforts de modernisation de la gestion.
La loi organique de 2001 est également un outil au service de la démocratie.
Elle implique une meilleure lisibilité de l'action publique en nous imposant de structurer l'action de l'Etat en missions et en programmes, dont les contours sont parfois discutés, mais qui sont un progrès considérable par rapport au maquis d'autrefois.
Elle a surtout favorisé un élargissement considérable des capacités d'intervention du Parlement.
Celui-ci a été investi de pouvoirs renforcés, tant au stade de la discussion qu'à celui du contrôle de l'exécution des lois de finances. Je pense en particulier au droit des commissions des finances, désormais de saisir la Cour des comptes.
La LOLF a enfin introduit la logique de performance et d'évaluation au cur de notre nouveau cadre budgétaire. Chaque programme budgétaire porte des objectifs et des indicatifs de performance qui doivent guider le suivi de nos politiques publiques.
Ce nouveau cadre organique de 2001 a également eu une sorte de deuxième vie, en irrigant la gestion publique de deux prolongements logiques.
Le premier concerne ceux que l'on appelle "les opérateurs".
La LOLF a introduit cette notion en obligeant tout d'abord, et c'était une nouveauté en 2006, au recensement des emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charge de service public.
La LOLF réserve aussi à la loi de finances la capacité d'affecter à un tiers une recette existante de l'Etat, et elle institue un recensement annuel, à l'occasion du projet de loi de finances, des taxes affectées à des tiers.
Depuis lors, les progrès ont été constants, dune part, dans le recensement des moyens affectés aux opérateurs, quelle quen soit lorigine ; et dautre part, pour inscrire ces ressources dans une logique de performance.
Le projet de loi de finances pour 2012 en tire toutes les conséquences, en proposant de faire participer de façon très significative les opérateurs à leffort de maîtrise de la dépense publique. Le projet de loi de finances pour 2012 renforce également le rôle du Parlement qui vote désormais le niveau des taxes affectées aux opérateurs, permettant ainsi davoir une vision complète des ressources financières publiques des opérateurs de lEtat.
Deuxième prolongement logique, la LOLF a facilité la réforme de ladministration territoriale de lEtat. La régionalisation autour dun échelon régional ministériel de pilotage, et dun échelon départemental interministériel de mise en uvre, vise fondamentalement à renforcer le pilotage des politiques gouvernementales et leur adaptation aux territoires.
Il sagit darticuler les politiques ministérielles avec lintervention des collectivités territoriales et la prise en compte des enjeux territoriaux dans le cadre privilégié du Comité dadministration régionale qui réunit autour du préfet de région, les préfets de départements et les directeurs régionaux.
Nous devons cependant rester vigilants pour que la mise en uvre de ce chantier se traduise effectivement par une diffusion de la logique de politiques publiques portées par la LOLF. Je suis convaincu que cette culture nest pas, contrairement à ce que jentends souvent dire, source de contradictions, mais au contraire de synergie avec un pilotage interministériel très fort à léchelon local.
Je veux dailleurs dire sur ce sujet que lEtat, qui a longtemps été en retard par rapport aux collectivités territoriales dans la modernisation de son organisation, serait plutôt maintenant un petit peu en avance sur ces mêmes collectivités territoriales, qui vont devoir sengager de façon plus résolue dans un effort de simplification de leurs structures, de rassemblement, sagissant des communes, sur des territoires plus efficaces, en termes dorganisation.
Il y a encore de ce point de vue beaucoup defforts à faire.
Il ne faut pas oublier également que ce nouveau cadre a été dupliqué dans le champ social, à travers la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale de 2005.
Je sais aussi que de nombreuses collectivités territoriales ont déjà anticipé sur lextension des principes de la LOLF.
Le cadre budgétaire et comptable des collectivités, longtemps en avant sur celui de lEtat reposait déjà sur un certain nombre de principes positifs de gestion rigoureuse.
Mais chacun le comprendra, le moment est venu daller encore plus loin dans ce mouvement comme dailleurs le préconise la Cour des comptes.
Le Gouvernement propose de franchir une étape significative en ce sens. Dans le respect de leur autonomie financière, nous avons en effet décidé de demander aux collectivités territoriales de sengager en faveur dune plus grande transparence de leur gestion comptable.
Pour les régions, pour les départements et pour les grandes communes, nous souhaitons que soit rendue systématique la publication chaque année de lévolution de leurs effectifs et de leurs dépenses de train de vie.
La LOLF a donc représenté une avancée décisive pour la gestion de nos finances publiques.
Sa mise en uvre dans la pratique ne sest cependant pas avérée exempte de difficultés. Vos constations le démontrent sans fard, et cest pourquoi le travail de suivi de lapplication de la LOLF est essentiel et je veux à cet égard saluer le rôle de la mission parlementaire aujourdhui présidée par Michel Bouvard.
Il serait cependant très excessif de jeter un regard négatif sur ces dix années écoulées. Personne aujourdhui ne songerait dailleurs à revenir à lordonnance organique de 1959 qui régissait nos finances publiques jusquen 2006.
Et vous navez pas souhaité placer ces journées de réflexion sous le seul jour rétrospectif.
Je veux donc avec vous, à vos côtés, me tourner vers lavenir.
Le nouveau cadre budgétaire institué par la LOLF est désormais entré dans les murs. Mais lambition qui animait la réforme de 2001 me semble aujourdhui menacée par deux écueils.
Le premier dentre eux cest bien sûr le risque quun écart se creuse entre le cadre budgétaire qui fixe des principes et des règles, et la pratique observée. Il ne servirait en effet à pas grand chose que la France fabrique des lois organiques dont on célèbre les anniversaires si dans le même temps ses finances publiques nétaient pas maîtrisées.
La LOLF a offert de nouveaux outils pour atteindre cet objectif de maîtrise. La loi organique nous oblige à une formulation plus claire des grands axes des politiques publiques et à une plus grande transparence. Cette meilleure information sur lutilisation des deniers publics est absolument essentielle pour les choix budgétaires, quils soient réalisés au niveau national par le Gouvernement et le Parlement ou au niveau des gestionnaires. Et aujourdhui, ces choix budgétaires sont cruciaux.
Il nous faut trouver plus de 100 milliards deuros dici à 2016 pour revenir à léquilibre des finances publiques.
Jai dit, lundi, notre effort porte pour plus de la moitié sur les dépenses et il permettra de faire baisser de trois points la part des dépenses publiques dans le PIB. Cette part des dépenses publiques dans le PIB nous lavons déjà baissée de 0,3 point entre 2010 et 2011.
A cet égard, je voudrais aussi dire que la révision générale des politiques publiques nentre pas en contradiction avec la LOLF.
Au contraire, elle prolonge la dynamique performante que la loi organique a contribué à insuffler.
Comme le rappellent les rapports successifs de la Cour des comptes, ce cadre budgétaire modernisé ne servirait à rien sans une volonté politique de tous les instants de le faire appliquer et cest justement lobjectif de la révision générale des politiques publiques.
Le second risque que je voudrais évoquer pour lavenir porte sur le fameux esprit de la LOLF.
La force véritable de cet esprit cétait le consensus républicain le plus large possible. Il ne sagissait pas dun consensus mou, il sagissait dun consensus daction, de la modernisation de notre pays.
Bernard Accoyer sen souvient, notre représentation nationale avait alors fait la démonstration de sa capacité à trouver le sens de lintérêt général. Les ministres chargés du Budget et des comptes publics venus dhorizons politiques différents - Laurent Fabius, à lorigine au moment de la réflexion sur la LOLF, Jean-François Copé, qui avait eu la difficile tâche dessuyer les plâtres de sa mise en uvre - avaient su sinscrire résolument dans cette démarche. Eh bien, cet esprit de la LOLF ne doit pas disparaître. Pierre Joxe, alors premier Président de la Cour des comptes parlait, je le cite, de "conjonction astrale favorable" pour décrire ce consensus.
Sur un sujet aussi fondamental que la bonne gestion des finances publiques, nous devrions savoir transcender les clivages politiques et je pense ici au débat sur lintroduction de la "règle dor".
En août 2001, la LOLF a été adoptée par une initiative conjointe des deux Assemblées de majorité politique opposée. Dix ans après, dans une configuration et dans un calendrier politique qui ne sont pas sans ressemblance, lintroduction de la règle dor devrait faire lobjet dun consensus identique.
Les dirigeants européens ont fixé le cap de son adoption partout en Europe dès 2012.
La France a su créer les conditions de la révolution copernicienne qua été la LOLF.
Eh bien, elle devrait faire de même sur la règle dor, je veux dire sans autre forme de précaution que je regrette le refus de lopposition de soutenir le projet de révision constitutionnelle pourtant directement issu des travaux consensuels de la commission Camdessus.
Je pense que dans la crise profonde que traverse en particulier la zone euro, ce serait un signe extrêmement fort de la volonté de toutes les forces politiques de notre pays datteindre lobjectif de déficit zéro qui constitue de mon point de vie le meilleur programme électoral pour les élections de 2012, parce que cest la meilleure façon de protéger les Français, de protéger notre mode de vie, de protéger dune certaine façon le modèle social auquel nous sommes tellement attachés.
Voilà, mesdames et messieurs,
Cet anniversaire de la LOLF marqué au sein du consensus doit continuer à nous inspirer. Quelles que soient nos appartenances politiques, nous devrions faire en sorte que la maîtrise de nos déficits, la réduction de notre endettement deviennent une priorité républicaine. Il ny a pas de liberté sans souveraineté financière.
Et cette priorité elle nest ni de droite ni de gauche, cest la priorité de la France, qui doit toujours être en mesure de maîtriser son destin.
Source http://www.gouvernement.fr, le 15 novembre 2011
Monsieur le Premier Président,
Mesdames et Messieurs,
Le 6 janvier dernier, à loccasion de la séance solennelle de la Cour des comptes et de linauguration de la galerie Philippe Séguin qui jouxte la grand Chambre de la Cour, javais déjà évoqué les effets de ce que nous appelons, entre nous, la LOLF et qui nest finalement pas autre chose que la modernisation et la rationalisation de notre mode de fonctionnement budgétaire.
Et je vous avais dit, à lépoque tout lintérêt que je portais aux travaux quengageaient les juridictions financières à loccasion de ce bilan de la LOLF. Ce thème est dautant plus important que nous célébrons ce dixième anniversaire dans une période qui place la question des finances publiques au cur de toutes nos préoccupations.
Gérer avec rigueur nos finances cest plus que jamais vouloir rester maître de notre avenir politique, économique mais aussi social parce que je ne dissocie pas la solidarité de la maîtrise de nos finances publiques.
Nous sentons tous le poids de lhéritage laissé par des décennies de gestion laxiste.
Je dis "tous", parce que nous sommes tous responsables, à droite comme à gauche, davoir laissé filer les déficits. Par imprévoyance, par facilité, nous avons choisi de vivre à crédit plutôt que dajuster nos dépenses à nos moyens réels.
Il est un peu facile de jeter la pierre aux seuls politiques parce que les responsables publics sont souvent au diapason du pays et notre pays, -et il nest pas le seul en Europe-, a longtemps préféré le confort de lendettement aux efforts de gestion.
Le déficit, la dette cest, en quelque sorte, la drogue des Etats qui ont peur de se moderniser. Oui, pendant des décennies, nous avons hésité, nous avons louvoyé devant le phénomène inéluctable de la mondialisation qui venait percuter lancienne suprématie de lOccident.
Nos richesses naugmentaient plus aussi vite, notre compétitivité déclinait, nos exigences politiques et sociales nosaient pas rompre avec la culture du "toujours plus", et fort logiquement, dans ce contexte, nos comptes ont dérivé.
Nous sommes arrivés au stade où cette fuite en avant doit être impérativement stoppée et je souhaite, avec vous, convaincre nos concitoyens que la discipline budgétaire, ça nest pas un enjeu technique, ça nest même pas un enjeu politicien, cest un enjeu moral et un enjeu national.
Notre budget est en déficit depuis 1975 et ce déficit doit être progressivement ramené à zéro, comme nous nous y sommes engagés pour 2016. Et pour y parvenir, nos dépenses doivent être diminuées.
Si nous dépensions comme les autres pays européens, c'est-à-dire un peu moins de la moitié de notre richesse nationale, nous serions aujourdhui en excédent budgétaire !
Pour la première fois depuis 1945, le budget 2012 verra les dépenses de lEtat baisser. Et pour la première fois également, la masse salariale de lEtat va diminuer. Cest en cela que le projet de budget 2012 marque une rupture avec les habitudes du passé. Lorsque jai utilisé cette formule "pour la première fois depuis 1945 », jai vu que tous les commentateurs se disaient" mais pour qui il se prend, quest-ce qui lui arrive ? ».
Pardon, mais depuis 1945, jamais les dépenses de lEtat nont baissé. Il y a eu des Premiers ministres qui ont défendu des budgets de rigueur, qui étaient des budgets de rigueur parce quil y avait une augmentation forte des prélèvements obligatoires pour financer laugmentation des dépenses publiques, mais un budget avec les dépenses de lEtat en baisse, il ny en a pas eu depuis cette date. Alors on me dit que ce nest pas assez, cest sûrement vrai mais cest quand même la première fois, cest donc que ça doit être assez difficile.
Je souhaiterais que ce sigle qui nous réunit, la LOLF, ne demeure pas une subtilité juridique et financière dont le sens ne soit pas perceptible par chacun de nos concitoyens. Je voudrais que lesprit de ce colloque soit partagé par tous nos compatriotes.
La LOLF est une première condition à la maîtrise de nos finances publiques. Mais la LOLF cest aussi un exercice de transparence, de lisibilité, en un mot de démocratie.
Jai, sur ce sujet, pris connaissance du rapport récemment publié par la Cour des comptes.
La hauteur de vue des deux pères fondateurs de la LOLF, Didier Migaud et Alain Lambert, à nouveau réunis rue Cambon, na pas manqué de contribuer à la qualité de cette exercice.
Par ce rapport, la Cour des comptes sest montrée, une nouvelle fois, à la hauteur du statut constitutionnel renforcé qui est le sien depuis la révision de 2008. La France a plus que jamais besoin de juridictions financières et cest pourquoi le Parlement et le Gouvernement se sont engagés pour consolider leur rôle et pour accompagner Didier Migaud dans la poursuite des efforts de modernisation engagés.
Plusieurs dispositions, sinspirant très directement de la réforme voulue par Philippe Seguin, ont été reprises dans la proposition de loi déposée par Bernard Accoyer, puis dans le projet de loi de répartition des contentieux, dont lexamen sachève en ce moment au Parlement.
Jajoute que le Gouvernement a souhaité marquer lattention quil apporte aux missions des Chambres régionales des comptes, dans lexamen de la gestion et lévaluation des collectivités territoriales et des politiques décentralisées. Dans le contexte dune nécessaire évolution vers une meilleure efficacité de lorganisation de leur réseau, la loi de finances rectificative de juin dernier a ainsi confirmé la possibilité de concours exceptionnel pour le recrutement de leurs magistrats.
D'autres dispositions modernisant la gestion des ressources humaines des juridictions financières ont été insérées dans le projet de loi relatif à la fonction publique déposé par le Gouvernement.
Pour revenir au sujet de la LOLF, je veux rappeler ce matin avec vous son triple apport.
La LOLF a d'abord permis de responsabiliser les gestionnaires.
La globalisation des crédits à l'échelle des programmes leur a donné les moyens d'effectuer les arbitrages les plus pertinents pour l'affectation de leurs crédits, sans qu'il soit nécessaire pour eux de demander à chaque instant les autorisations qui bridaient autrefois leur action.
L'introduction d'une comptabilité en droits constatés, -assortie de la certification mise en uvre par la Cour des Comptes- participe aussi à cette logique de responsabilisation. Cette dynamique doit encore être amplifiée, s'agissant du déploiement de la comptabilité analytique pour venir en appui aux efforts de modernisation de la gestion.
La loi organique de 2001 est également un outil au service de la démocratie.
Elle implique une meilleure lisibilité de l'action publique en nous imposant de structurer l'action de l'Etat en missions et en programmes, dont les contours sont parfois discutés, mais qui sont un progrès considérable par rapport au maquis d'autrefois.
Elle a surtout favorisé un élargissement considérable des capacités d'intervention du Parlement.
Celui-ci a été investi de pouvoirs renforcés, tant au stade de la discussion qu'à celui du contrôle de l'exécution des lois de finances. Je pense en particulier au droit des commissions des finances, désormais de saisir la Cour des comptes.
La LOLF a enfin introduit la logique de performance et d'évaluation au cur de notre nouveau cadre budgétaire. Chaque programme budgétaire porte des objectifs et des indicatifs de performance qui doivent guider le suivi de nos politiques publiques.
Ce nouveau cadre organique de 2001 a également eu une sorte de deuxième vie, en irrigant la gestion publique de deux prolongements logiques.
Le premier concerne ceux que l'on appelle "les opérateurs".
La LOLF a introduit cette notion en obligeant tout d'abord, et c'était une nouveauté en 2006, au recensement des emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charge de service public.
La LOLF réserve aussi à la loi de finances la capacité d'affecter à un tiers une recette existante de l'Etat, et elle institue un recensement annuel, à l'occasion du projet de loi de finances, des taxes affectées à des tiers.
Depuis lors, les progrès ont été constants, dune part, dans le recensement des moyens affectés aux opérateurs, quelle quen soit lorigine ; et dautre part, pour inscrire ces ressources dans une logique de performance.
Le projet de loi de finances pour 2012 en tire toutes les conséquences, en proposant de faire participer de façon très significative les opérateurs à leffort de maîtrise de la dépense publique. Le projet de loi de finances pour 2012 renforce également le rôle du Parlement qui vote désormais le niveau des taxes affectées aux opérateurs, permettant ainsi davoir une vision complète des ressources financières publiques des opérateurs de lEtat.
Deuxième prolongement logique, la LOLF a facilité la réforme de ladministration territoriale de lEtat. La régionalisation autour dun échelon régional ministériel de pilotage, et dun échelon départemental interministériel de mise en uvre, vise fondamentalement à renforcer le pilotage des politiques gouvernementales et leur adaptation aux territoires.
Il sagit darticuler les politiques ministérielles avec lintervention des collectivités territoriales et la prise en compte des enjeux territoriaux dans le cadre privilégié du Comité dadministration régionale qui réunit autour du préfet de région, les préfets de départements et les directeurs régionaux.
Nous devons cependant rester vigilants pour que la mise en uvre de ce chantier se traduise effectivement par une diffusion de la logique de politiques publiques portées par la LOLF. Je suis convaincu que cette culture nest pas, contrairement à ce que jentends souvent dire, source de contradictions, mais au contraire de synergie avec un pilotage interministériel très fort à léchelon local.
Je veux dailleurs dire sur ce sujet que lEtat, qui a longtemps été en retard par rapport aux collectivités territoriales dans la modernisation de son organisation, serait plutôt maintenant un petit peu en avance sur ces mêmes collectivités territoriales, qui vont devoir sengager de façon plus résolue dans un effort de simplification de leurs structures, de rassemblement, sagissant des communes, sur des territoires plus efficaces, en termes dorganisation.
Il y a encore de ce point de vue beaucoup defforts à faire.
Il ne faut pas oublier également que ce nouveau cadre a été dupliqué dans le champ social, à travers la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale de 2005.
Je sais aussi que de nombreuses collectivités territoriales ont déjà anticipé sur lextension des principes de la LOLF.
Le cadre budgétaire et comptable des collectivités, longtemps en avant sur celui de lEtat reposait déjà sur un certain nombre de principes positifs de gestion rigoureuse.
Mais chacun le comprendra, le moment est venu daller encore plus loin dans ce mouvement comme dailleurs le préconise la Cour des comptes.
Le Gouvernement propose de franchir une étape significative en ce sens. Dans le respect de leur autonomie financière, nous avons en effet décidé de demander aux collectivités territoriales de sengager en faveur dune plus grande transparence de leur gestion comptable.
Pour les régions, pour les départements et pour les grandes communes, nous souhaitons que soit rendue systématique la publication chaque année de lévolution de leurs effectifs et de leurs dépenses de train de vie.
La LOLF a donc représenté une avancée décisive pour la gestion de nos finances publiques.
Sa mise en uvre dans la pratique ne sest cependant pas avérée exempte de difficultés. Vos constations le démontrent sans fard, et cest pourquoi le travail de suivi de lapplication de la LOLF est essentiel et je veux à cet égard saluer le rôle de la mission parlementaire aujourdhui présidée par Michel Bouvard.
Il serait cependant très excessif de jeter un regard négatif sur ces dix années écoulées. Personne aujourdhui ne songerait dailleurs à revenir à lordonnance organique de 1959 qui régissait nos finances publiques jusquen 2006.
Et vous navez pas souhaité placer ces journées de réflexion sous le seul jour rétrospectif.
Je veux donc avec vous, à vos côtés, me tourner vers lavenir.
Le nouveau cadre budgétaire institué par la LOLF est désormais entré dans les murs. Mais lambition qui animait la réforme de 2001 me semble aujourdhui menacée par deux écueils.
Le premier dentre eux cest bien sûr le risque quun écart se creuse entre le cadre budgétaire qui fixe des principes et des règles, et la pratique observée. Il ne servirait en effet à pas grand chose que la France fabrique des lois organiques dont on célèbre les anniversaires si dans le même temps ses finances publiques nétaient pas maîtrisées.
La LOLF a offert de nouveaux outils pour atteindre cet objectif de maîtrise. La loi organique nous oblige à une formulation plus claire des grands axes des politiques publiques et à une plus grande transparence. Cette meilleure information sur lutilisation des deniers publics est absolument essentielle pour les choix budgétaires, quils soient réalisés au niveau national par le Gouvernement et le Parlement ou au niveau des gestionnaires. Et aujourdhui, ces choix budgétaires sont cruciaux.
Il nous faut trouver plus de 100 milliards deuros dici à 2016 pour revenir à léquilibre des finances publiques.
Jai dit, lundi, notre effort porte pour plus de la moitié sur les dépenses et il permettra de faire baisser de trois points la part des dépenses publiques dans le PIB. Cette part des dépenses publiques dans le PIB nous lavons déjà baissée de 0,3 point entre 2010 et 2011.
A cet égard, je voudrais aussi dire que la révision générale des politiques publiques nentre pas en contradiction avec la LOLF.
Au contraire, elle prolonge la dynamique performante que la loi organique a contribué à insuffler.
Comme le rappellent les rapports successifs de la Cour des comptes, ce cadre budgétaire modernisé ne servirait à rien sans une volonté politique de tous les instants de le faire appliquer et cest justement lobjectif de la révision générale des politiques publiques.
Le second risque que je voudrais évoquer pour lavenir porte sur le fameux esprit de la LOLF.
La force véritable de cet esprit cétait le consensus républicain le plus large possible. Il ne sagissait pas dun consensus mou, il sagissait dun consensus daction, de la modernisation de notre pays.
Bernard Accoyer sen souvient, notre représentation nationale avait alors fait la démonstration de sa capacité à trouver le sens de lintérêt général. Les ministres chargés du Budget et des comptes publics venus dhorizons politiques différents - Laurent Fabius, à lorigine au moment de la réflexion sur la LOLF, Jean-François Copé, qui avait eu la difficile tâche dessuyer les plâtres de sa mise en uvre - avaient su sinscrire résolument dans cette démarche. Eh bien, cet esprit de la LOLF ne doit pas disparaître. Pierre Joxe, alors premier Président de la Cour des comptes parlait, je le cite, de "conjonction astrale favorable" pour décrire ce consensus.
Sur un sujet aussi fondamental que la bonne gestion des finances publiques, nous devrions savoir transcender les clivages politiques et je pense ici au débat sur lintroduction de la "règle dor".
En août 2001, la LOLF a été adoptée par une initiative conjointe des deux Assemblées de majorité politique opposée. Dix ans après, dans une configuration et dans un calendrier politique qui ne sont pas sans ressemblance, lintroduction de la règle dor devrait faire lobjet dun consensus identique.
Les dirigeants européens ont fixé le cap de son adoption partout en Europe dès 2012.
La France a su créer les conditions de la révolution copernicienne qua été la LOLF.
Eh bien, elle devrait faire de même sur la règle dor, je veux dire sans autre forme de précaution que je regrette le refus de lopposition de soutenir le projet de révision constitutionnelle pourtant directement issu des travaux consensuels de la commission Camdessus.
Je pense que dans la crise profonde que traverse en particulier la zone euro, ce serait un signe extrêmement fort de la volonté de toutes les forces politiques de notre pays datteindre lobjectif de déficit zéro qui constitue de mon point de vie le meilleur programme électoral pour les élections de 2012, parce que cest la meilleure façon de protéger les Français, de protéger notre mode de vie, de protéger dune certaine façon le modèle social auquel nous sommes tellement attachés.
Voilà, mesdames et messieurs,
Cet anniversaire de la LOLF marqué au sein du consensus doit continuer à nous inspirer. Quelles que soient nos appartenances politiques, nous devrions faire en sorte que la maîtrise de nos déficits, la réduction de notre endettement deviennent une priorité républicaine. Il ny a pas de liberté sans souveraineté financière.
Et cette priorité elle nest ni de droite ni de gauche, cest la priorité de la France, qui doit toujours être en mesure de maîtriser son destin.
Source http://www.gouvernement.fr, le 15 novembre 2011