Déclaration de Mme Claude Greff, secrétaire d'Etat à la famille, sur le droit de la famille, les ruptures familiales et l'accompagnement parental, Paris le 20 octobre 2011.

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Circonstance : Etats généraux du droit de la famille à Paris le 20 octobre 2011

Texte intégral

Je suis très heureuse d'être parmi vous pour ouvrir cette journée des 8èmes Etats Généraux du Droit de famille. Je veux d'emblée vous dire deux choses :

  • Comment ignorer en tant que secrétaire d'Etat à la famille que les conflits les plus douloureux, les situations les plus difficiles se traitent dans vos cabinets et que c'est aussi là que les solutions s'envisagent. Vous êtes très souvent les premiers interlocuteurs des familles.
  • Je veux aussi insister sur l'importance de la fonction sociale des avocats. La possibilité de saisir un avocat est bien sur un marqueur démocratique.

L'avocat et le magistrat sont de puissants vecteurs de lien social : les exemples foisonnent, que l'on parle de médiation familiale ou de divorce. Pour un enfant, c'est parfois la rencontre avec un avocat ou un juge qui va changer positivement le cours de sa vie. Ceux que vous croisez ne vous oublient jamais, quelles que soient les circonstances et l'issue du problème qui les amène à vous.
Je suis bien placée pour le savoir : travailler sur la famille donne une responsabilité sociale particulière.


Mesdames et Messieurs,
1/ En tant que Secrétaire d'Etat chargée de la famille, je veux vous faire part d'un constat, qui je pense sera partagé de tous ici : parmi les grands enjeux de société figurent aujourd'hui les difficultés des familles à jouer leur rôle de premier lieu d'intégration sociale, en tant que lieu de vie, d'éducation, et de socialisation.
L'expérience enseigne que la famille est le socle sur lequel repose toute la société. C'est un bien commun qu'il faut préserver.
Il faut le préserver, car la famille protège aussi ! La famille constitue un espace d'amour et rend plus fort dans une solidarité immédiate que chacun espère.
C'est cela que porte le projet familial, un espace où ensemble on est plus fort face au monde et où l'on transmet à l'enfant une certaine idée du monde.
Elle reste ce premier creuset d'intégration des règles de socialisation, cet espace refuge où apprendre à se repérer et à naviguer dans un environnement devenu à la fois plus complexe et plus violent.
La famille est une construction sociale, quand elle change, c'est parce que la société change. Nombreuse, traditionnelle, recomposée, monoparentale, tous ces modèles de familles co-existent aujourd'hui dans une société qui a évolué.
Elles constituent les formes modernes de la famille qui s'exprime aujourd'hui dans cette réalité composite qu'il faut prendre en considération et accompagner.
La crise que la famille traverse l'empêche ainsi parfois d'assumer et d'assurer convenablement sa fonction première : aider ses membres à devenir des acteurs responsables de la société, capables de développer des relations harmonieuses avec autrui.
Dans nos sociétés, la situation est en effet très paradoxale.
Comme « valeur », la famille est plébiscitée puisque 77% des Français expriment le souhait de « construire une famille en vivant avec la même personnes ».
Mais force est de constater que comme « institution », la famille est souvent fragilisée et ébranlée.

2/ Et c'est là le second constat, je crois, que nous pouvons dresser ensemble.
Le tableau est connu : divorces en forte augmentation, multiplication des familles monoparentales et recomposées, souffrances des enfants après la séparation de leurs parents, etc.
Il est à noter que l'augmentation des ruptures conjugales ou familiales sont particulièrement coûteuses socialement et économiquement. La cellule familiale s'est peu à peu transformée : 19% des familles sont monoparentales monoparentaux et 85% des chefs de familles sont des femmes.
Selon une estimation de l'Institut National des Etudes Démographiques, entre un quart et un tiers des femmes connaissent au moins une fois cette situation dans leur vie.
Un enfant peut ainsi vivre successivement avec un couple, un parent seul, un couple recomposé…
Ces familles sont, plus que tout autre, touchées de plein fouet par la précarité, l'isolement et les difficultés sociales.

3/ Pour faire face à ces évolutions, le gouvernement mène une politique familiale ambitieuse et généreuse. C'est un budget de plus de 100 milliards d'euros soit 5% de la richesse nationale !
Une politique familiale, ce sont des prestations, des services, et de la fiscalité. Mais le rôle de l'action publique c'est aussi d'aider les familles à chacune des étapes de leur existence.
L'Etat intervient dans ce domaine de deux manières :

  • à la fois dans l'exercice de son pouvoir régalien en impulsant des textes législatifs,
  • et dans sa politique de soutien à la parentalité à travers les REAAP, le parrainage de proximité ou encore la médiation familiale

A cet égard, je veux vraiment insister sur la qualité du travail engagé par les avocats dans leur rôle de conseil et de soutien aux familles en crise, et ce souvent dans un esprit de pacification des relations conflictuelles.
J'en profite pour saluer l'adoption de la loi du 22 décembre 2010, dont vous êtes à l'initiative, et qui vous permet désormais de proposer aux familles en crise, un mode alternatif de résolution des conflits.
Cette volonté de résoudre de manière consensuelle les conflits familiaux, s'inscrit pleinement dans l'esprit de la médiation familiale. Pour autant, il y a une autre manière d'aider les parents et de prévenir les difficultés. 75% d'entre eux considèrent qu'il est plus difficile d'exercer son rôle de parent aujourd'hui.
Ils sont stressés, désorientés. Autorité, respect, internet, jeux vidéos, alcool, drogues, sexualisation précoce, les parents interrogent leur rôle.
46% des parents estiment manquer de compétences pour éduquer leurs enfants et 28% des Français considèrent qu'une aide extérieure, espace de discussion pour les couples, pourrait aider les gens à rester en couple
C'est pourquoi, aujourd'hui, je veux aller plus loin et faire de l'accompagnement parental une priorité.
Ce n'est pas agir quand c'est trop tard, face à l'échec ou en cas de séparation. C'est au contraire prévenir et intervenir en amont en favorisant les conditions nécessaires à la stabilité et donner aux couples les moyens de dépasser leurs difficultés.
Je présenterai le 3 novembre prochain, au Conseil national de Soutien à la Parentalité, un plan d'accompagnement parental.
Je ne rentrerai pas dans le détail de toutes les mesures que je vais lancer mais permettez d'en présenter une : la préparation au mariage civil.
J'ai la conviction que mieux préparé le mariage civil permettra d' éviter les trop nombreux divorces. Comme vous le savez, le taux de divorce en France a atteint 50% en moyenne, et souvent davantage dans les grandes villes. Ce constat illustre bien cette conviction : lorsqu'on n'a pas pris le temps de se connaître vraiment, à partager et à endurer ensemble l'adversité, on ne se connaît pas vraiment et les risques de séparation sont très élevés.
Comme vous, je veux agir pour prévenir les crises et accompagner les parents en cas de séparation en valorisant leurs valeurs, leurs compétences, leurs ressources ; plutôt qu'en les stigmatisant ou en pointant leurs défaillances.
Je n'ai pas souvent l'occasion de vous rencontrer et pourtant nos préoccupations sont très proches : merci de m'avoir conviée à cette rencontre.

Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 10 novembre 2011