Texte intégral
Mesdames et Messieurs les maires
Effectivement nos échanges étaient francs et sympathiques et il ne pouvait pas en être autrement puisque je suis maire depuis 16 ans et que je connais par conséquent le caractère passionnant du travail dun maire.
Mais je sais aussi tout ce quil comporte dexigences et éventuellement de contraintes. Et chaque fois que lon voit une réglementation apparaître, on a limpression quelle vient complexifier une tâche qui est désormais difficile, avec une exigence de nos concitoyens qui na cessé daugmenter.
Les services publics, pour nous les maires, ce sont plutôt des services de proximité. On les voit comme des éléments qui créent le lien, léchange ; cest même un des éléments moteurs de notre démocratie locale et de la capacité qua un élu local davoir un contact direct sur les préoccupations de ses concitoyens.
Enfin, vous le savez aussi, les services publics « à la française », ne recouvrent pas tout à fait la même notion que dans dautres lieux. Cette spécificité du service public a été mise en place dans le droit français, mais au niveau européen les services publics nont pas exactement la même définition, pas exactement les mêmes périmètres. Et la complexité et la difficulté de la construction européenne, cest dharmoniser des systèmes qui ne sont pas identiques mais qui doivent obéir à des principes, par contre, identiques.
La France, vous le savez, a une vision comment la qualifierai-je ? exigeante de la notion de service public ; cest inscrit dans notre tradition je dirais presque dans notre tradition républicaine et cest bien quon ait pu constater que dans le Traité de Lisbonne, il y avait des éléments positifs qui étaient des marqueurs importants.
Par exemple dans la Charte des droits fondamentaux, il y a le droit davoir accès aux services publics. Cest un élément important pour cette Europe qui ne doit pas être quéconomique, qui doit aussi être sociale, que lon pointe ainsi un élément fondamental : tout citoyen européen doit avoir accès au service public, cest dans le Traité de Lisbonne, on loublie quelquefois, et on peut légiférer à partir de larticle 14 du Traité sur les services publics. Cela na jamais été fait, mais cest lobjet de directives qui sont en cours de préparation.
Préoccupations ? Oui, disons les choses très clairement, le gouvernement était préoccupé, comme les collectivités territoriales, de ce que la Commission prépare ; vous venez dentendre Michel Barnier, est-ce utile de dire que lamitié et lestime profonde que jai pour lui ont fait que jai confiance ? Mais la confiance nexclut jamais la vigilance, surtout quand le commissaire ensuite est obligé de trouver un consensus avec un certain nombre dautres pays qui nont, comme je lai dit, pas tout à fait la même définition, la même conception, le même périmètre que nous sur le service public.
Donc inutile de dire que le gouvernement soutient Michel Barnier dans lavancée sur le marché unique, parce que ce marché unique, cest celui qui doit apporter la prospérité et la croissance pour notre pays et donc créer des emplois, mais en même temps, nous nacceptons pas, pardon de le dire comme ça, parce nous sommes Français, que lEurope soit simplement un régulateur financier ou un « harmoniseur » technique.
Jassume le « réenchantement » européen parce que je pense que lEurope, cest aussi des valeurs, des hommes, des services publics, cest une forme très particulière de démocratie et déquilibre, comme le disait Michel tout à lheure, entre une économie de marché et en même temps, une économie sociale de marché avec une concurrence libre et une transparence totale. Cest la raison pour laquelle, lorsquon aborde les textes qui vont arriver, on ne peut quaccueillir positivement lidée dune simplification des directives, simplification qui concerneraient les marchés publics, sur des problèmes sectoriels.
Je crois que ce que nous avons évoqué auparavant et le fait que cela sadresse aux secteurs verts, écologiques, au développement durable et aux secteurs innovants, cest un élément très important pour la structuration.
On le voit bien dans nos communes, combien ces éléments sont des préoccupations importantes de nos concitoyens, mais dans le même temps, des facteurs de croissance.
Ensuite, il y a la directive sur les concessions de service public. Je ne vais pas être alarmiste, jai entendu Michel Barnier, jai confiance dans son engagement. Dès janvier 2011, il disait : « en tout état de cause, cette initiative sur les concessions ne remettra pas en question les cadres législatifs nationaux là où ils fonctionnent bien et cest le cas dans notre pays ».
Donc, nous venons de lentendre, jaccueille très positivement le seuil de 5 millions deuros et surtout le maintien de la négociation. Il ne peut pas y avoir de négociation sans concurrence, mais il ne peut pas y avoir de concurrence sans négociation.
La délégation de service public cest quelque chose que vous pratiquez au quotidien, cest une démarche de concurrence et de transparence, au coeur de ce que nous concevons comme une démocratie vivante applicable et respectée ; cest vrai que la loi Sapin est arrivée dans un contexte de financement des partis politiques, rappelons-nous quelle est lélément qui protège les élus du contentieux qui peut survenir.
Il y a des règles, qui sont suivies étape par étape, et à la fin, il y a cette pression importante que le maire peut mettre pour obtenir, en négociation, ce quil nobtient quelquefois pas dans une situation dappel doffre dans laquelle il ny a pas de transaction possible.
On va donc attendre avec vigilance, confiance, un peu appréhension quand même, les concessions de service public, et sachez que le gouvernement pèsera de tout son poids, dans une identité totale de vue sur le sujet avec les collectivités territoriales et avec les parlementaires européens, qui sont présents ici.
Le deuxième problème est celui de lencadrement européen des financements des services publics, ou plus exactement, comme les appelle lEurope, les services dintérêt économique général ; les deux concepts ne recouvrent pas exactement la même chose.
Quand on dit en France service public local, on ne dit pas la même chose que lorsquon parle de service dintérêt économique général. Même sil est certain que les services publics ont un intérêt économique, nous savons, de toute évidence, quil y a une petite différence de conception.
Nous sommes les acteurs de ces services publics et nous savons que cela regroupe des aspects qui sont directement en relation avec la citoyenneté : le transport, les déchets, lassainissement, le logement social, la santé, nos CCAS ; ce sont tous des services publics et des services au public.
Notre conception, cest un service par le public et pour le public, et ce nest pas exactement la conception européenne, il faut bien le reconnaître, en tous cas, pas la conception de tous les pays européens.
Dans cette harmonisation, vous en avez déjà largement débattu, essayons de réfléchir comment doit réagir le citoyen, comment doit réagir le maire et le gouvernement ; le citoyen qui est un usager des services publics même sil nest pas que cela, attend lefficacité et la qualité ; mais jattire votre attention sur le fait que si on instaure un critère defficacité dans les services publics, sans le définir, ça fragilise évidemment la notion de services publics, parce que ça ouvre le contentieux.
Le deuxième élément est positif : cest exempter de contrôle préalable le financement des services sociaux de proximité. Cela nous met à labri de toute une série de complexité et de contentieux, mais pourquoi décider de diviser par deux sans explications, si ce nest de dire quon fait deux fois moins le seuil dexemption des contrôles préalables pour les petits services publics ? Cela ne crée que du travail supplémentaire or les mairies en ont suffisamment et donc la complexité, de la fragilité et du contentieux.
Sur ce point, en tant que maires, que voulons-nous ? Nous voulons organiser un service efficace, avec des règles simples, qui apporte ce que nos concitoyens attendent dun service équitable.
Mais il me semble que si nous voulons aussi que ce service soit au moindre coût pour les finances locales, il ne faut pas augmenter la complexité administrative. La Commission propose dexempter de contrôle les aides de lÉtat pour un règlement de minimis spécifique de 450 000 euros sur trois ans, donc 150 000 euros par an.
Cest un élément positif parce que la plupart des services sociaux, en particulier ceux dédiés aux associations, sont très inférieurs à ce seuil, et cela nous libère quand même de tout un champ de complexité.
Par contre, pourquoi mettre un seuil maximum de 10 000 habitants ? Le gouvernement exprime très clairement son désaccord, ce nest pas un seuil pertinent : le seuil pertinent cest le seuil du marché, ce nest pas le seuil de la commune. Comme la plupart des communes sont en intercommunalité, cela aboutit à ce que 80 % de la population se trouve dans cette difficulté supplémentaire.
Cest la raison pour laquelle nous souhaitons que les règles soient claires, simples et directement efficaces, mais que lon ne se retrouve pas avec des critères flous comme lefficacité qui puissent augmenter la complexité.
Dans ce constat préoccupant, il y a un élément rassurant, cest que 25 États membres sur 27 consultés ont émis des réticences, et jai cosigné avec six autres États, dont lAllemagne, une lettre qui faisait part des préoccupations qui sont les vôtres et qui sont les nôtres.
Jai rencontré, bien sûr, Michel Barnier, souvent, mais surtout le Commissaire Almunia, de la DG Concurrence, à qui jai expliqué quil y avait des problèmes que nous ne pouvions accepter sur les seuils. Je nai pas eu loccasion découter Françoise Castex, mais je sais quelle défend des positions qui sont quasiment identiques à celles du gouvernement français et je la remercie de son combat pour cette simplification et cette transparence.
Voilà ce que je voulais vous dire sur ce sujet.
Jai en même temps été interpellé sur dautres sujets : concernant le PAD (programme daide aux personnes défavorisées), Bruno Le Maire et moi-même étions chargés par le Président de la République, qui sétait clairement exprimé sur le sujet de laide aux plus démunis.
Je nentre pas dans les détails, mais, en clair, il y avait une politique agricole commune, il y avait des surplus, qui ont été donnés dans un cadre assez clair aux plus démunis. Ces surplus, qui étaient de lordre de 500 millions, sont tombés à 113 millions, et ne couvraient plus les besoins tels quils étaient antérieurement.
Nous avons acheté de quoi compenser la baisse des surplus et lAllemagne a porté le sujet devant les tribunaux, qui ont logiquement dit que seuls les surplus pouvaient être redistribués et quen aucun cas on ne pouvait acheter de faux surplus pour les redistribuer.
Dans ce contexte, nous avons essayé de trouver une solution avec le Parlement, qui a très largement soutenu cette démarche française, en mettant à contribution deux budgets différents ; cette solution est applicable pendant trois ans. Comme toujours, cest un compromis entre la France et lAllemagne, qui permet quand même davoir une visibilité jusquaux premières échéances du projet de financement pluriannuel 2014-2020.
Dici là, la France vous le savez, se battra pour quon trouve sur un autre budget, peut-être le fonds de solidarité européen, la capacité de continuer à aider les plus démunis ; je vous livre cela de manière un peu brutale, mais ce serait très anormal quon voie une Europe qui se débat avec des milliards et des banques à longueur de coupures de presse et qui ne serait pas capable de débourser une centaine de millions pour la France 60 à 70 millions deuros pour les plus pauvres et les plus démunis du continent européen.
En termes dimage, je continuerai à me battre pour que cette aide soit renationalisée.
Concernant les taxes sur les transactions financières, lidéal cest quelles soient imposées au niveau mondial ; vous avez bien compris que cette taxation ne touche pas léconomie réelle, donc ne touche pas la croissance ni lemploi, seulement les transactions financières.
Il est donc logique, voire moral, comme la dit le Président de la République, que les éléments constitutifs de la crise soient aussi des éléments qui puissent en partie la réparer.
Pour autant, cette conception nest pas partagée par le monde entier ; on sait que les États-Unis sont réticents, même si le Président Obama a émis des signes douverture ; on sait que la Grande-Bretagne ny est pas très favorable ; néanmoins, comme la dit le Président de la République, il faut avancer.
La France et lAllemagne y sont favorables : quest-ce quun bon impôt ? Tous les maires le savent, cest un impôt qui a une assiette très large et un taux très bas ; la taxe sur les transactions financières, si on la met à un taux très bas, de lordre non pas de ce qui a été fait en Suède, à 1 %, mais de 0, %, on a peu de chances de voir les marchés financiers se déplacer dune place européenne à une autre et on a un levier, qui peut selon le nombre dÉtats qui sy engageraient, atteindre de 40 à 50 milliards deuros ; cest un élément qui me paraît, à titre personnel, intéressant.
Si lEurope pouvait avoir des recettes propres sans créer dimpôt européen, ça lui donnerait aussi une capacité dagir sur la croissance et sur lemploi et sur la compétitivité alors que la plupart de nos États ont fait, ou sont en train de faire des plans de rigueur et de discipline budgétaire qui empêchent cette relance. LEurope de la relance, elle se fait aussi par des recettes propres.
Vous mavez posé la question sur la réciprocité : oui, bien évidemment ; pourquoi 11 % des pneus qui entrent dans lUnion européenne ne respectent pas les critères de lUnion européenne ? On établit des règles décologie, des règles sociales, des contraintes, des éléments de surveillance, et on accepte 10 à 11 % de produits qui viennent de lextérieur sans avoir les mêmes règles !
Imposer la réciprocité ce nest pas imposer un protectionnisme, cest simplement de la concurrence loyale ; cest : ne fermez vos marchés à lEurope, sinon lEurope vous fermera ses marchés.
Cest aussi ne pas accepter à lintérieur du territoire des produits qui ne correspondant pas aux critères que lon impose aux entreprises au sein de lUnion européenne : cette position est soutenue là encore par la France.
Il est inutile de dire que des pays comme la Grande-Bretagne ne sont pas très favorables à la réciprocité mais nous devons limposer car il en va de la validité de nos critères européens en matière de développement durable et en matière sociale. Je pense aussi, en ce domaine, quun jour on pourrait créer la taxe carbone si elle nétait pas limitée à la France ; si lEurope acceptait de limposer à ses frontières, je trouve que ce serait une avancée très positive parce quon pénaliserait ceux qui ne respectent pas les critères européens, tout en créant une recette.
Enfin, vous mavez parlé des fonds structurels : la PAC cest la ligne rouge, « touche pas à ma PAC » disent les Français. Donc nous naccepterons aucune perspective financière qui ne stabiliserait pas la politique agricole commune ; parce que nous sommes Français et parce que nous sommes Européens : on a désindustrialisé lEurope et il ne faudrait pas que maintenant lagriculture suive le même chemin et que lon soit dépendant dans un climat dans lequel, vous lavez vu, la sécurité sanitaire des produits alimentaires est importante mais leur volatilité lest aussi.
Si lon veut défendre lEurope et nos peuples européens, il faut quil y ait une politique agricole commune et cette PAC, cest une politique communautaire. Ce nest pas une politique partagée, cest une politique que fait lUnion européenne en tant quUnion européenne.
Je pense que tout le monde a bien compris que la France nacceptera pas une diminution significative de la PAC, elle nacceptera que la stabilisation de la PAC.
Expliquons nous : la France dit « il faut dépenser mieux plutôt que dépenser plus ». Tous les États membres font des efforts budgétaires. Comment pourrait-on accepter que dans ce contexte, on accepte un chiffre qui serait 9 ou 10 % daugmentation dun budget dans lEurope ? Comment expliquer à nos concitoyens que lEurope peut augmenter son budget de 10 % et que la France ou lAllemagne ne pourront pas augmenter les leurs de 1 à 2 % taux de linflation voire devront les diminuer ?
Est-ce que cette politique de cohésion ne doit pas être repensée en termes dagenda 2020 ? Cest se dire quon a dépensé de largent et quil ny a pas à le regretter : la politique des fonds structurels a permis à un certain nombre de régions, les plus pauvres, de sortir des difficultés dans lesquelles elles se trouvaient et dapporter aux populations un bien-être indubitable.
Mais posons-nous quand même la question : avons-nous tout fait pour que ces fonds servent exclusivement, ou principalement, à la croissance de demain, à lemploi et à la capacité de construire une Europe compétitive ? Lorsque je vois lEurope financer une bergerie qui crée des emplois et une activité et que cette activité permet à la fois au territoire de se refonder sur son authenticité et en même temps davoir une productivité positive et de la création demploi, je dis quelle a bien fait.
Je ne suis pas tout à fait sûr, et je ne citerai aucun exemple, que lon ait toujours employés les fonds structurels vers lemploi, la compétitive et la croissance.
Lobjectif de la France, cest de dire oui à une politique de cohésion, mais à une politique de cohésion orientée vers la croissance et lemploi pour quon ne se retrouve pas, dans cinq ou dix ans, à dire que lon nest pas compétitif vis-à-vis de lInde et de la Chine, que nous navons na pas été capables, même en nous regroupant, de créer la croissance de demain.
Je crois quen matière de recherche, de développement durable et de création demplois de proximité, davancée sur les territoires, lEurope doit continuer à faire ce quelle fait et bien, mais elle doit avoir cette obsession particulière.
Un mot sur les jumelages, puisque vous êtes maires, vous aurez droit à la séquence publicitaire du ministère des Affaires européennes, qui lance un concours qui ressemble un peu aux « Mariannes dOr » pour le jumelage des jeunes.
Si vous avez un jumelage avec une ville européenne qui permet des échanges fructueux entre des jeunes sur le plan culturel, linguistique, sur la compréhension de la diversité, vous pouvez participer aux villes « eurocitoyennes » et vous aurez le plaisir dêtre labellisé par le ministère et davoir une récompense en grande partie symbolique mais qui montrera que les villes sengagent dans cette proximité et dans cet avenir : la jeunesse des peuples européens, cest lavenir de lEurope et plus on développera la conscience que lEurope est notre deuxième espace de citoyenneté, plus on aura confiance dans lavenir des peuples européens.
Jai été un peu long, je vous prie de men excuser.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions, si vous le souhaitez.
Source http://www.amf.asso.fr, le 25 novembre 2011
Effectivement nos échanges étaient francs et sympathiques et il ne pouvait pas en être autrement puisque je suis maire depuis 16 ans et que je connais par conséquent le caractère passionnant du travail dun maire.
Mais je sais aussi tout ce quil comporte dexigences et éventuellement de contraintes. Et chaque fois que lon voit une réglementation apparaître, on a limpression quelle vient complexifier une tâche qui est désormais difficile, avec une exigence de nos concitoyens qui na cessé daugmenter.
Les services publics, pour nous les maires, ce sont plutôt des services de proximité. On les voit comme des éléments qui créent le lien, léchange ; cest même un des éléments moteurs de notre démocratie locale et de la capacité qua un élu local davoir un contact direct sur les préoccupations de ses concitoyens.
Enfin, vous le savez aussi, les services publics « à la française », ne recouvrent pas tout à fait la même notion que dans dautres lieux. Cette spécificité du service public a été mise en place dans le droit français, mais au niveau européen les services publics nont pas exactement la même définition, pas exactement les mêmes périmètres. Et la complexité et la difficulté de la construction européenne, cest dharmoniser des systèmes qui ne sont pas identiques mais qui doivent obéir à des principes, par contre, identiques.
La France, vous le savez, a une vision comment la qualifierai-je ? exigeante de la notion de service public ; cest inscrit dans notre tradition je dirais presque dans notre tradition républicaine et cest bien quon ait pu constater que dans le Traité de Lisbonne, il y avait des éléments positifs qui étaient des marqueurs importants.
Par exemple dans la Charte des droits fondamentaux, il y a le droit davoir accès aux services publics. Cest un élément important pour cette Europe qui ne doit pas être quéconomique, qui doit aussi être sociale, que lon pointe ainsi un élément fondamental : tout citoyen européen doit avoir accès au service public, cest dans le Traité de Lisbonne, on loublie quelquefois, et on peut légiférer à partir de larticle 14 du Traité sur les services publics. Cela na jamais été fait, mais cest lobjet de directives qui sont en cours de préparation.
Préoccupations ? Oui, disons les choses très clairement, le gouvernement était préoccupé, comme les collectivités territoriales, de ce que la Commission prépare ; vous venez dentendre Michel Barnier, est-ce utile de dire que lamitié et lestime profonde que jai pour lui ont fait que jai confiance ? Mais la confiance nexclut jamais la vigilance, surtout quand le commissaire ensuite est obligé de trouver un consensus avec un certain nombre dautres pays qui nont, comme je lai dit, pas tout à fait la même définition, la même conception, le même périmètre que nous sur le service public.
Donc inutile de dire que le gouvernement soutient Michel Barnier dans lavancée sur le marché unique, parce que ce marché unique, cest celui qui doit apporter la prospérité et la croissance pour notre pays et donc créer des emplois, mais en même temps, nous nacceptons pas, pardon de le dire comme ça, parce nous sommes Français, que lEurope soit simplement un régulateur financier ou un « harmoniseur » technique.
Jassume le « réenchantement » européen parce que je pense que lEurope, cest aussi des valeurs, des hommes, des services publics, cest une forme très particulière de démocratie et déquilibre, comme le disait Michel tout à lheure, entre une économie de marché et en même temps, une économie sociale de marché avec une concurrence libre et une transparence totale. Cest la raison pour laquelle, lorsquon aborde les textes qui vont arriver, on ne peut quaccueillir positivement lidée dune simplification des directives, simplification qui concerneraient les marchés publics, sur des problèmes sectoriels.
Je crois que ce que nous avons évoqué auparavant et le fait que cela sadresse aux secteurs verts, écologiques, au développement durable et aux secteurs innovants, cest un élément très important pour la structuration.
On le voit bien dans nos communes, combien ces éléments sont des préoccupations importantes de nos concitoyens, mais dans le même temps, des facteurs de croissance.
Ensuite, il y a la directive sur les concessions de service public. Je ne vais pas être alarmiste, jai entendu Michel Barnier, jai confiance dans son engagement. Dès janvier 2011, il disait : « en tout état de cause, cette initiative sur les concessions ne remettra pas en question les cadres législatifs nationaux là où ils fonctionnent bien et cest le cas dans notre pays ».
Donc, nous venons de lentendre, jaccueille très positivement le seuil de 5 millions deuros et surtout le maintien de la négociation. Il ne peut pas y avoir de négociation sans concurrence, mais il ne peut pas y avoir de concurrence sans négociation.
La délégation de service public cest quelque chose que vous pratiquez au quotidien, cest une démarche de concurrence et de transparence, au coeur de ce que nous concevons comme une démocratie vivante applicable et respectée ; cest vrai que la loi Sapin est arrivée dans un contexte de financement des partis politiques, rappelons-nous quelle est lélément qui protège les élus du contentieux qui peut survenir.
Il y a des règles, qui sont suivies étape par étape, et à la fin, il y a cette pression importante que le maire peut mettre pour obtenir, en négociation, ce quil nobtient quelquefois pas dans une situation dappel doffre dans laquelle il ny a pas de transaction possible.
On va donc attendre avec vigilance, confiance, un peu appréhension quand même, les concessions de service public, et sachez que le gouvernement pèsera de tout son poids, dans une identité totale de vue sur le sujet avec les collectivités territoriales et avec les parlementaires européens, qui sont présents ici.
Le deuxième problème est celui de lencadrement européen des financements des services publics, ou plus exactement, comme les appelle lEurope, les services dintérêt économique général ; les deux concepts ne recouvrent pas exactement la même chose.
Quand on dit en France service public local, on ne dit pas la même chose que lorsquon parle de service dintérêt économique général. Même sil est certain que les services publics ont un intérêt économique, nous savons, de toute évidence, quil y a une petite différence de conception.
Nous sommes les acteurs de ces services publics et nous savons que cela regroupe des aspects qui sont directement en relation avec la citoyenneté : le transport, les déchets, lassainissement, le logement social, la santé, nos CCAS ; ce sont tous des services publics et des services au public.
Notre conception, cest un service par le public et pour le public, et ce nest pas exactement la conception européenne, il faut bien le reconnaître, en tous cas, pas la conception de tous les pays européens.
Dans cette harmonisation, vous en avez déjà largement débattu, essayons de réfléchir comment doit réagir le citoyen, comment doit réagir le maire et le gouvernement ; le citoyen qui est un usager des services publics même sil nest pas que cela, attend lefficacité et la qualité ; mais jattire votre attention sur le fait que si on instaure un critère defficacité dans les services publics, sans le définir, ça fragilise évidemment la notion de services publics, parce que ça ouvre le contentieux.
Le deuxième élément est positif : cest exempter de contrôle préalable le financement des services sociaux de proximité. Cela nous met à labri de toute une série de complexité et de contentieux, mais pourquoi décider de diviser par deux sans explications, si ce nest de dire quon fait deux fois moins le seuil dexemption des contrôles préalables pour les petits services publics ? Cela ne crée que du travail supplémentaire or les mairies en ont suffisamment et donc la complexité, de la fragilité et du contentieux.
Sur ce point, en tant que maires, que voulons-nous ? Nous voulons organiser un service efficace, avec des règles simples, qui apporte ce que nos concitoyens attendent dun service équitable.
Mais il me semble que si nous voulons aussi que ce service soit au moindre coût pour les finances locales, il ne faut pas augmenter la complexité administrative. La Commission propose dexempter de contrôle les aides de lÉtat pour un règlement de minimis spécifique de 450 000 euros sur trois ans, donc 150 000 euros par an.
Cest un élément positif parce que la plupart des services sociaux, en particulier ceux dédiés aux associations, sont très inférieurs à ce seuil, et cela nous libère quand même de tout un champ de complexité.
Par contre, pourquoi mettre un seuil maximum de 10 000 habitants ? Le gouvernement exprime très clairement son désaccord, ce nest pas un seuil pertinent : le seuil pertinent cest le seuil du marché, ce nest pas le seuil de la commune. Comme la plupart des communes sont en intercommunalité, cela aboutit à ce que 80 % de la population se trouve dans cette difficulté supplémentaire.
Cest la raison pour laquelle nous souhaitons que les règles soient claires, simples et directement efficaces, mais que lon ne se retrouve pas avec des critères flous comme lefficacité qui puissent augmenter la complexité.
Dans ce constat préoccupant, il y a un élément rassurant, cest que 25 États membres sur 27 consultés ont émis des réticences, et jai cosigné avec six autres États, dont lAllemagne, une lettre qui faisait part des préoccupations qui sont les vôtres et qui sont les nôtres.
Jai rencontré, bien sûr, Michel Barnier, souvent, mais surtout le Commissaire Almunia, de la DG Concurrence, à qui jai expliqué quil y avait des problèmes que nous ne pouvions accepter sur les seuils. Je nai pas eu loccasion découter Françoise Castex, mais je sais quelle défend des positions qui sont quasiment identiques à celles du gouvernement français et je la remercie de son combat pour cette simplification et cette transparence.
Voilà ce que je voulais vous dire sur ce sujet.
Jai en même temps été interpellé sur dautres sujets : concernant le PAD (programme daide aux personnes défavorisées), Bruno Le Maire et moi-même étions chargés par le Président de la République, qui sétait clairement exprimé sur le sujet de laide aux plus démunis.
Je nentre pas dans les détails, mais, en clair, il y avait une politique agricole commune, il y avait des surplus, qui ont été donnés dans un cadre assez clair aux plus démunis. Ces surplus, qui étaient de lordre de 500 millions, sont tombés à 113 millions, et ne couvraient plus les besoins tels quils étaient antérieurement.
Nous avons acheté de quoi compenser la baisse des surplus et lAllemagne a porté le sujet devant les tribunaux, qui ont logiquement dit que seuls les surplus pouvaient être redistribués et quen aucun cas on ne pouvait acheter de faux surplus pour les redistribuer.
Dans ce contexte, nous avons essayé de trouver une solution avec le Parlement, qui a très largement soutenu cette démarche française, en mettant à contribution deux budgets différents ; cette solution est applicable pendant trois ans. Comme toujours, cest un compromis entre la France et lAllemagne, qui permet quand même davoir une visibilité jusquaux premières échéances du projet de financement pluriannuel 2014-2020.
Dici là, la France vous le savez, se battra pour quon trouve sur un autre budget, peut-être le fonds de solidarité européen, la capacité de continuer à aider les plus démunis ; je vous livre cela de manière un peu brutale, mais ce serait très anormal quon voie une Europe qui se débat avec des milliards et des banques à longueur de coupures de presse et qui ne serait pas capable de débourser une centaine de millions pour la France 60 à 70 millions deuros pour les plus pauvres et les plus démunis du continent européen.
En termes dimage, je continuerai à me battre pour que cette aide soit renationalisée.
Concernant les taxes sur les transactions financières, lidéal cest quelles soient imposées au niveau mondial ; vous avez bien compris que cette taxation ne touche pas léconomie réelle, donc ne touche pas la croissance ni lemploi, seulement les transactions financières.
Il est donc logique, voire moral, comme la dit le Président de la République, que les éléments constitutifs de la crise soient aussi des éléments qui puissent en partie la réparer.
Pour autant, cette conception nest pas partagée par le monde entier ; on sait que les États-Unis sont réticents, même si le Président Obama a émis des signes douverture ; on sait que la Grande-Bretagne ny est pas très favorable ; néanmoins, comme la dit le Président de la République, il faut avancer.
La France et lAllemagne y sont favorables : quest-ce quun bon impôt ? Tous les maires le savent, cest un impôt qui a une assiette très large et un taux très bas ; la taxe sur les transactions financières, si on la met à un taux très bas, de lordre non pas de ce qui a été fait en Suède, à 1 %, mais de 0, %, on a peu de chances de voir les marchés financiers se déplacer dune place européenne à une autre et on a un levier, qui peut selon le nombre dÉtats qui sy engageraient, atteindre de 40 à 50 milliards deuros ; cest un élément qui me paraît, à titre personnel, intéressant.
Si lEurope pouvait avoir des recettes propres sans créer dimpôt européen, ça lui donnerait aussi une capacité dagir sur la croissance et sur lemploi et sur la compétitivité alors que la plupart de nos États ont fait, ou sont en train de faire des plans de rigueur et de discipline budgétaire qui empêchent cette relance. LEurope de la relance, elle se fait aussi par des recettes propres.
Vous mavez posé la question sur la réciprocité : oui, bien évidemment ; pourquoi 11 % des pneus qui entrent dans lUnion européenne ne respectent pas les critères de lUnion européenne ? On établit des règles décologie, des règles sociales, des contraintes, des éléments de surveillance, et on accepte 10 à 11 % de produits qui viennent de lextérieur sans avoir les mêmes règles !
Imposer la réciprocité ce nest pas imposer un protectionnisme, cest simplement de la concurrence loyale ; cest : ne fermez vos marchés à lEurope, sinon lEurope vous fermera ses marchés.
Cest aussi ne pas accepter à lintérieur du territoire des produits qui ne correspondant pas aux critères que lon impose aux entreprises au sein de lUnion européenne : cette position est soutenue là encore par la France.
Il est inutile de dire que des pays comme la Grande-Bretagne ne sont pas très favorables à la réciprocité mais nous devons limposer car il en va de la validité de nos critères européens en matière de développement durable et en matière sociale. Je pense aussi, en ce domaine, quun jour on pourrait créer la taxe carbone si elle nétait pas limitée à la France ; si lEurope acceptait de limposer à ses frontières, je trouve que ce serait une avancée très positive parce quon pénaliserait ceux qui ne respectent pas les critères européens, tout en créant une recette.
Enfin, vous mavez parlé des fonds structurels : la PAC cest la ligne rouge, « touche pas à ma PAC » disent les Français. Donc nous naccepterons aucune perspective financière qui ne stabiliserait pas la politique agricole commune ; parce que nous sommes Français et parce que nous sommes Européens : on a désindustrialisé lEurope et il ne faudrait pas que maintenant lagriculture suive le même chemin et que lon soit dépendant dans un climat dans lequel, vous lavez vu, la sécurité sanitaire des produits alimentaires est importante mais leur volatilité lest aussi.
Si lon veut défendre lEurope et nos peuples européens, il faut quil y ait une politique agricole commune et cette PAC, cest une politique communautaire. Ce nest pas une politique partagée, cest une politique que fait lUnion européenne en tant quUnion européenne.
Je pense que tout le monde a bien compris que la France nacceptera pas une diminution significative de la PAC, elle nacceptera que la stabilisation de la PAC.
Expliquons nous : la France dit « il faut dépenser mieux plutôt que dépenser plus ». Tous les États membres font des efforts budgétaires. Comment pourrait-on accepter que dans ce contexte, on accepte un chiffre qui serait 9 ou 10 % daugmentation dun budget dans lEurope ? Comment expliquer à nos concitoyens que lEurope peut augmenter son budget de 10 % et que la France ou lAllemagne ne pourront pas augmenter les leurs de 1 à 2 % taux de linflation voire devront les diminuer ?
Est-ce que cette politique de cohésion ne doit pas être repensée en termes dagenda 2020 ? Cest se dire quon a dépensé de largent et quil ny a pas à le regretter : la politique des fonds structurels a permis à un certain nombre de régions, les plus pauvres, de sortir des difficultés dans lesquelles elles se trouvaient et dapporter aux populations un bien-être indubitable.
Mais posons-nous quand même la question : avons-nous tout fait pour que ces fonds servent exclusivement, ou principalement, à la croissance de demain, à lemploi et à la capacité de construire une Europe compétitive ? Lorsque je vois lEurope financer une bergerie qui crée des emplois et une activité et que cette activité permet à la fois au territoire de se refonder sur son authenticité et en même temps davoir une productivité positive et de la création demploi, je dis quelle a bien fait.
Je ne suis pas tout à fait sûr, et je ne citerai aucun exemple, que lon ait toujours employés les fonds structurels vers lemploi, la compétitive et la croissance.
Lobjectif de la France, cest de dire oui à une politique de cohésion, mais à une politique de cohésion orientée vers la croissance et lemploi pour quon ne se retrouve pas, dans cinq ou dix ans, à dire que lon nest pas compétitif vis-à-vis de lInde et de la Chine, que nous navons na pas été capables, même en nous regroupant, de créer la croissance de demain.
Je crois quen matière de recherche, de développement durable et de création demplois de proximité, davancée sur les territoires, lEurope doit continuer à faire ce quelle fait et bien, mais elle doit avoir cette obsession particulière.
Un mot sur les jumelages, puisque vous êtes maires, vous aurez droit à la séquence publicitaire du ministère des Affaires européennes, qui lance un concours qui ressemble un peu aux « Mariannes dOr » pour le jumelage des jeunes.
Si vous avez un jumelage avec une ville européenne qui permet des échanges fructueux entre des jeunes sur le plan culturel, linguistique, sur la compréhension de la diversité, vous pouvez participer aux villes « eurocitoyennes » et vous aurez le plaisir dêtre labellisé par le ministère et davoir une récompense en grande partie symbolique mais qui montrera que les villes sengagent dans cette proximité et dans cet avenir : la jeunesse des peuples européens, cest lavenir de lEurope et plus on développera la conscience que lEurope est notre deuxième espace de citoyenneté, plus on aura confiance dans lavenir des peuples européens.
Jai été un peu long, je vous prie de men excuser.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions, si vous le souhaitez.
Source http://www.amf.asso.fr, le 25 novembre 2011