Déclaration de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, sur les enjeux de la révision générale des politiques publiques (RGPP), Paris le 29 novembre 2011.

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Circonstance : Séminaire dédié à la Révision générale des politiques publiques (RGPP), à Paris le 29 novembre 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis d’être ici aujourd’hui pour évoquer avec vous la place et le rôle de la Fonction publique, celui des fonctionnaires, dans un monde qui a beaucoup évolué et qui s’inscrit dans un contexte budgétaire qui restera durablement tendu. Pour évoquer avec vous la révision générale des politiques publiques et plus largement l’avenir.
La révision générale des politiques publiques, la RGPP, c’est un défi qui nous est lancé, à nous et à nos administrations. D’abord c’est l’idée d’assurer durablement la qualité du service public, parce que c’est le rôle de la Fonction publique d’être au service du public. Avec des objectifs, des objectifs partagés, avec une ligne directrice qui a inspiré la RGPP, qui est l’évaluation, la recherche de l’efficience. Parce que j’ai une conviction toute simple, c’est que le contexte budgétaire dans lequel nous nous trouvons, nul ne peut s’en exonérer.
Cette évaluation permanente, cette recherche d’efficacité et d’efficience c’est donc une culture nouvelle, et c’est la culture qui doit être celle de la RGPP, celle qui fait coïncider impératifs budgétaires et nécessité de garantir la cohésion sociale et territoriale.
Parce que c’est ça le modèle français du service public.
Parce que c’est cela, le modèle français de réforme.
Et je veux le dire aussi en tant que Président d’un Conseil général, cette nécessité de l’évaluation, elle s’impose aussi dans nos collectivités.
Une culture nouvelle, ce sont des engagements nouveaux pour les agents, et en tant que Ministre de la Fonction publique, c’est ma responsabilité que de travailler à ce chaque agent soit accompagné dans cette période de grandes mutations.
La Révision générale des politiques publiques, c’est une réforme que nous devons mener avec les agents, pour eux et au service de notre conception de la société.
Pourquoi ?
Parce que c’est une évidence. Qu’il s’agisse de la qualité du service rendu aux usagers ou de l’efficacité de la dépense, nous n’avançons et nous ne pouvons avancer qu’avec le concours d’agents impliqués à tous les niveaux de nos administrations. La réforme elle-même ne peut être conduite et appliquée avec succès qu’avec l’appui de tous, d’agents qui doivent être en mesure d’en partager à la fois l’esprit et les finalités.
D’ailleurs, qui le sait mieux que vous, hauts-fonctionnaires qui assurez l’encadrement ? La réforme, j’en suis convaincu, ne peut se faire sans un encadrement supérieur et intermédiaire impliqué, attaché à la concertation comme à la pédagogie, à l’accompagnement humain. Je suis allé le dire aussi bien à l’ENA que dans les Instituts Régionaux d’Administration. La dimension nouvelle de l’encadrement, ce n’est pas simplement une relation hiérarchique, il la faut, mais c’est aussi une dimension de management des ressources humaines.
J’irai plus loin, car les agents ne sont pas de simples vecteurs de la réforme. Nous avons en France un atout considérable, c’est l’ambition de l’excellence qui s’attache à notre conception du service public. C’est celle des fonctionnaires.
Je veux le dire ici pour leur en rendre hommage, pas par commodité mais parce que je sais les changements auxquels vous êtes tous confrontés, jamais on n’a autant réformé l’Etat et la Fonction publique que depuis 4 ans. Ministre de la Fonction publique, j’ai l’occasion, à chacun de mes déplacements, de rencontrer des fonctionnaires dont je peux témoigner de l’engagement quotidien au service de nos concitoyens, des agents qui se font, chacun, une haute idée de leur mission. Devenir fonctionnaire, ce n’est pas en France, un choix comme un autre, c’est faire le choix de servir et de placer sa carrière professionnelle sous le signe de valeurs.
Ces valeurs, l’adhésion qu’elles suscitent chez les agents et l’ambition que nourrit chaque fonctionnaire sont autant d’atouts qu’il importe de mettre au service de l’avenir de nos services publics. Telle est, Mesdames et Messieurs, la voie sur laquelle s’est engagée le Gouvernement : associer et valoriser l’implication des agents dans la réforme, regarder ensemble vers demain.
Et je veux vous dire, c’est bien là l’une des différences fondamentales entre notre révision générale des politiques publiques et les réformes qui se mettent en place ailleurs en Europe. Chez nombre de nos partenaires européens, il s’agit de plans de licenciements et de diminutions sèches des traitements comme des pensions. Nous, nous avons choisi une autre méthode, celle du gagnant-gagnant. C’est le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux dans la Fonction publique d’Etat. Cela ne s’est pas fait, comme je l’entends parfois de manière uniforme, brutale.. Cela s’est fait en tenant compte des réalités territoriales et des priorités, je pense notamment à la justice.
Oui c’est le choix du gagnant-gagnant avec les fonctionnaires : 50 %, et même plus, regardez le rapport de la Cour des comptes, 50 % des économies générées ont ainsi bénéficié aux agents. Cela nous a permis de conduire une vaste rénovation des grilles indiciaires, sans équivalent depuis plus de 20 ans.
Je souhaite particulièrement insister sur ce point qui fait parfois controverse : c’est grâce en particulier à la RGPP que nous avons pu mener une politique dynamique d’amélioration des déroulements de carrières.
Oui, l’engagement présidentiel d’une fonction publique moins nombreuse, plus efficiente et mieux rémunérée a été tenu. Personne ne croit raisonnablement que nous pourrons demain avoir plus de fonctionnaires. La semaine dernière, encore, le ministre de l’Education nationale annonçait une deuxième augmentation des jeunes enseignants, qui désormais commenceront leur carrière à 2000 euros bruts, contre 1690 en 2007. Qui peut dire que cet effort n’est pas historique ? Qui peut dire que les 242 millions d’euros consacrés à ces revalorisations ne sont pas tangibles ?
Ce que nous souhaitons, c’est finalement une Fonction publique en mouvement, mieux rémunérée et aussi mieux accompagnée.
Et quand je dis mieux accompagner, il faut continuer de professionnaliser la gestion des ressources humaines dans la Fonction publique.
Professionnaliser notre gestion des ressources humaines c’est reconnaître l’engagement, la performance des agents.
Nous avions le système de la notation individuelle, trop impersonnel et inapte à rendre compte des mérites des agents. Lui a succédé un véritable entretien professionnel annuel, mécanisme plus responsabilisant et mieux à même d’identifier les pistes de progression de chaque agent et d’instaurer un véritable dialogue entre chaque agent et son responsable. C’est un point essentiel de notre politique, il n’est plus seulement un chef de service mais bien un véritable manager de proximité.
Au-delà, nous avons également mis en place de nouveaux outils de rémunération spécialement destinés à valoriser et aussi à récompenser la performance.
La prime de fonctions et de résultats (PFR), qui porte sur les performances individuelles des agents, et dont les premiers versements sont intervenus à l’été 2009 pour la filière administrative, est désormais une réalité. Au début de l’année 2012, ce sont ainsi 115 000 agents qui en bénéficieront.
J’ai souhaité que cet outil soit complété rapidement par un second dispositif d’intéressement, collectif, aux résultats d’un service.
Cette prime d’intéressement collectif, c’est ce que j’appelle la prime esprit d’équipe. Ce doit être conçu comme un nouvel outil de management qui vous est offert, puisque le montant versé sera le même, quel que soit le niveau de responsabilité exercé.
Là où nous l’avons expérimenté, cela fonctionne, comme c’est le cas ici à Bercy.
En fédérant les agents autour d’objectifs concrets et mesurables et partagés se répercutant sur la qualité du service rendu, la prime d’intéressement collectif, c’est aussi un exemple de réforme dont chacun, agent comme usager, doit sortir gagnant. Les premiers versements interviendront au début de l’année 2013 et je souhaite qu’elle soit appliquée dans la Fonction publique territoriale et hospitalière.
Mesdames et Messieurs, professionnaliser notre gestion des ressources humaines, c’est également ouvrir le recrutement et mieux accompagner les fonctionnaires en leur offrant de nouvelles perspectives de carrière, y compris par la valorisation des acquis d’expérience.
La réforme des concours avec moins d’épreuves académiques et plus d’épreuves professionnalisantes a permis de mieux tenir compte, lors du recrutement, des aptitudes et des compétences de chacun, en valorisant notamment les acquis de l’expérience professionnelle. Les écoles du service public se sont également ouvertes à la diversité et à l’égalité des chances à travers la création de classes préparatoires intégrées dont les premiers résultats sont à ce jour des plus encourageants.
Et pour être allé à la rencontre de ces élèves, je peux vous dire mon émotion devant les mots qu’ils ont employés pour parler de la République et de l’intérêt général. Les classes préparatoires intégrées, ce ne sont pas pas, Mesdames et Messieurs, des gadgets, c’est une exigence : si nous voulons que son action et que ses interventions soient comprises et respectées de tous, la Fonction publique se doit d’être à l’image de la population qu’elle sert.
Parler des carrières, c’est également accompagner les agents tout au long des âges de la vie. Le Premier ministre a récemment confié une mission à ce sujet au député Pascal Brindeau.
Sur le plan des carrières, la loi du 6 août 2009 nous a permis d’offrir aux agents la possibilité de construire leur propre parcours professionnel en facilitant les mobilités, qu’elles soient internes au secteur public ou faites d’aller-retour avec le secteur privé. Et il faut continuer d’améliorer ce système qui reste encore trop compliqué.
Nous avons conduit aussi une politique ambitieuse de fusion des corps, et c’était nécessaire, les résultats sont là : de 659 corps en 2007, nous atteindrons 250 corps en 2015.
Mesdames et Messieurs, fusionner les corps, c’est contribuer à jeter des passerelles, dans une Fonction publique qui, au coeur du changement, a plus que jamais besoin de mobilité. A ce titre, notre but est de développer le caractère interministériel de la gestion des ressources humaines de l’Etat.
Je voudrais insister sur ce point, le décloisonnement de nos administrations, c’est aussi l’une des clés de la révision générale des politiques publiques.
Je l’ai observé sur le terrain. Cette interministérialité ne va pas de soi. Elle constitue même un bouleversement culturel pour les agents.
Regardez ce qui s’est passé pour la réforme de notre administration territoriale, la RéATE, effective depuis le 1er janvier 2010. Au niveau départemental, nous sommes passés d’une dizaine de directions départementales à 2 ou 3 directions interministérielles.
Ce sont des repères et des identités profondément enracinées qu’il nous a fallu revisiter et parfois bousculer, ce sont aussi des communautés de travail qu’il a fallu recréer.
Réformer pour et avec les agents c’est donc aussi tenir compte de ces réalités, de ces pertes de repères parfois. Les communautés de travail ne pourront véritablement se recréer tant que perdureront entre les agents des différences de traitement héritées de leur ministère d’origine.
Les demandes de mobilité se heurtent à des difficultés liées au respect des plafonds d’emploi ministériels ou encore au caractère encore trop centralisé de la gestion des corps et des agents. J’ai ainsi vu des postes rester vacants plus de six mois, du fait de la gestion budgétaire des emplois, respectueuse de la ministérialité des budgets opérationnels de programme (BOP).
Et j’ajoute que dans le domaine indemnitaire, force est de constater que des disparités de traitement, parfois criantes, demeurent entre les agents des différents ministères, elles ne peuvent pas se justifier. Combien d’agents ai-je rencontrés qui, à fonctions et grades comparables, voyaient leurs primes s’élever du simple au double ? Il en résulte, vous le mesurez au quotidien, un sentiment d’injustice qu’il nous appartient de combattre.
Fort de ce constat, je me suis engagé sur la voie de la convergence. Il y a quelques semaines, avec l’appui du Premier ministre, j’ai avancé sur la convergence de certaines prestations d’action sociale, la restauration, les séjours d’enfants et les régimes d’astreinte. Et il faut désormais que nous avancions sur la voie de la convergence indemnitaire dans les nouvelles directions départementales interministérielles. Je mesure pleinement le défi que cela représente.
Mais je le dis ici solennellement, il nous faudra aussi tirer toutes les conséquences de la RéATE en termes de gestion des personnels au plan régional et départemental. La réussite de ce qui a été engagé dépendra du développement de l’interministérialité. Et c’est une réforme dont le Premier ministre a rappelé qu’elle devait faire des préfets des managers, et ça veut dire qu’on ne pourra se satisfaire durablement d’une gestion des effectifs qui reste ministérielle.
Il nous faudra mener cette réforme à son terme.
Dans cette logique, nous venons de franchir une étape importante avec la mise en place, à destination des attachés d’administration, du premier corps interministériel à gestion ministérielle, le CIGEM. C’est une avancée très concrète, la vocation interministérielle des attachés d’administration est désormais reconnue. Ils n’auront plus comme c’était le cas, à solliciter de détachement pour servir dans un autre ministère. Leur passage d’un ministère à l’autre pouvant désormais intervenir par simple mutation. Et vous le voyez bien que ce nouveau corps interministériel préfigure la constitution d’une filière administrative cohérente qui s’appuie sur trois corps correspondant à chacune des trois catégories statutaires : un corps de catégorie A qui regroupe les attachés d’administration, un corps de catégorie B pour les secrétaires administratifs, un corps de catégorie C rassemblant les adjoints administratifs.
Enfin, en conclusion de ce propos, je voudrais vous dire ma conviction qu’il nous faut aller plus loin dans l’accompagnement RH des agents de l’Etat. Le Président de la République l’a dit, le Premier ministre l’a dit : la RGPP ne se fera pas sans les agents.
Afin de donner corps à cette ambition, nous avons mis en place une série d’outils de gestion de ressources humaines. Il nous faudra mieux former les managers, mieux sensibiliser aux risques professionnels. Je tiens à souligner et à saluer le rôle central des plateformes RH et des conseillers mobilité carrière des ministères dans l’accompagnement de la RGPP.
Il faut que la gestion des ressources humaines fasse l’objet d’attentions de la part des managers centraux comme locaux. Je sais que vous êtes sollicités. Je connais, pour l’avoir vue dans les ministères et sur le terrain, que votre mobilisation est sans faille dans la conduite des réformes. Mais nous devons mieux prendre en compte la gestion des ressources humaines au quotidien, dans nos échanges avec nos subordonnés, dans nos échanges avec les agents. L’exemple doit venir du haut.
Car les enjeux de ressources humaines sont devant nous. J’ai ouvert un dialogue social sur la question des risques psychosociaux et je réunirai bientôt sur cette question le Comité des DRH public-privé, car je suis convaincu que le secteur privé a beaucoup à nous apporter dans la gestion des ressources humaines. J’annoncerai un plan de lutte et de prévention de ces risques avant la fin de l’année, comme je m’y suis engagé auprès des organisations syndicales. Plus que jamais, je compterai sur vous pour son effective mise en oeuvre dans les premiers mois de l’année 2012.
Mesdames et Messieurs, culturellement, la réforme est perçue comme une menace, il nous appartient à chacun de démontrer que c’est au contraire une nouvelle chance pour notre pays, pour ses services publics, pour ses fonctionnaires comme pour l’ensemble de nos concitoyens.
Dans les changements qui ont été conduits depuis quatre ans, l’Etat doit beaucoup à ses agents, il vous doit beaucoup à chacun. Ministre de la Fonction publique, c’est ma mission aussi que de faire savoir à nos concitoyens les efforts que vous avez fournis.
Je vous remercie.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 29 novembre 2011