Conférence de presse de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur la politique de sécurité sanitaire notamment en matière de lutte contre les infections nosocomiales, les maladies transmissibles et les risques liés à l'environnement, Paris le 14 mai 2001.

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Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Comme je m'y suis engagé en présentant mon programme de travail pour l'année qui vient à l'occasion de la conférence nationale de santé le 27 mars dernier, j'ai le plaisir de venir devant vous aujourd'hui pour tenir notre première réunion d'information sur l'actualité de la sécurité sanitaire et de la santé publique.
Je suis entouré des directeurs du ministère et des agences qui conduisent à mes côtés les politiques de sécurité sanitaire. C'est en quelque sorte, si vous me permettez l'expression, le " board " de la santé publique qui vous rencontre aujourd'hui et qui le fera régulièrement, tous les deux mois, comme je l'ai annoncé.
J'ajoute que les informations qui vous sont remises dans le dossier de presse seront disponibles dès aujourd'hui sur le serveur Internet du ministère de la santé. Cette procédure de transparence et de débat contradictoire est l'un des volets essentiel de la démocratisation de la prise de décision que j'ai souhaité définir dans le cadre de la politique de santé. Depuis 10 ans tous les rapports que je demande et qui me sont remis sont rendus publics.
Parmi les préoccupations des Français en matière de santé, la sécurité sanitaire constitue sans doute l'un des plus grands sujets d'inquiétudes. Il est vrai que les alertes sanitaires n'ont pas manqué toutes ces dernières années, parfois peut être de façon trop alarmiste, au point que le risque apparaît partout, dans l'air, dans l'eau, dans l'alimentation, et que nous, nous n'avons pas toujours une vision juste de la réalité du risque, du risque acceptable ou du risque librement choisi. L'idée que nous ne pouvons pas vivre dans une société où tout risque est exclu fait son chemin, car nous devons aussi savoir respecter, et permettre à chacun d'exprimer ses choix de vie, et toute forme de choix comporte un risque. Vive la pédagogie du risque. Au retour du Kosovo les alarmes des Français peuvent apparaître étranges.
L'objectif de cette réunion est donc d'évoquer l'avancement des principaux dossiers de sécurité sanitaire, de vous donner l'information dont nous disposons, de partager nos interrogations, d'écouter et de prendre en compte vos questions, vos commentaires et vos critiques afin que nous soyons toujours plus réactifs, toujours plus rapidement mobilisés pour réduire les risques sanitaires.
Il est de notre responsabilité, chaque fois que cela est possible, de traiter " à froid " les enjeux de santé publique, de rationaliser la prise de décision, de nous attacher à l'exercice, je le répète, d'une pédagogie du risque afin de ne rien négliger sans pour autant alarmer. Risque informé, risque choisi.
Notre système de santé est développé, l'OMS l'a classé au premier rang mondial, il est efficace, il est aussi sophistiqué, coûteux, inégal, et par certains aspects fragile. Notre politique de santé publique a pour ambition de le conforter, de prévenir, de garantir un égal accès au progrès médicaux et aux technologies nouvelles, de garantir les droits des personnes et d'assurer la bonne utilisation des 900 Milliards de francs que nos concitoyens y consacrent chaque année.
Je vous propose dans le cadre des réunions comme celle d'aujourd'hui d'évoquer en ouverture les sujets d'actualité immédiate. Un point plus exhaustif est fait dans le dossier de presse sur les principaux risques que les administrations de santé publique surveillent en permanence et je serai à votre disposition, à l'issue de cette présentation, pour répondre aux autres questions que vous poseriez comme aux problèmes que nous n'aurions pas évoqués. Nous avons deux heures. Je souhaite que tous mes collaborateurs puissent répondre aux questions précises que vous leur poserez.
LA LUTTE CONTRE LES INFECTIONS NOSOCOMIALES
La situation épidémiologique concernant les infections nosocomiales en France est comparable à celle que l'on observe dans la plupart des pays industrialisés, en Europe notamment. L'enquête de prévalence nationale conduite en 1996, qui avait mobilisé 830 hôpitaux, avait montré un taux de 8 %, dans la moyenne des données recueillies pour ce type d'enquête chez nos voisins européens.
Une nouvelle enquête de prévalence sera menée dans les semaines qui viennent (mai-juin 2001) sous l'autorité du CTIN (comité technique des infections nosocomiales) et de
l 'InVS, et coordonnée en pratique par les différents C-Clins (centres interrégionaux de coordination. Ses résultats seront connus au printemps 2002. Je note cependant dès à présent que plus de 1500 établissements de soins participent à cette enquête soit près du double de 1996 .
Notre vigilance sur le risque d'infection nosocomiale doit aller bien au-delà d'une simple enquête de prévalence. C'est pourquoi j'ai voulu que soit mis en place un système de signalement des infections nosocomiales qui puisse répondre à deux objectifs : alerter les autorités sanitaires, c'est à dire les DDASS, les Clins et l'InVS, des phénomènes nouveaux ou préoccupants justifiant des interventions à visée préventive ou nécessitant le déclenchement d'une alerte sanitaire, mais également permettre de disposer des données de surveillance indispensable dans tous les établissements de soins pour évaluer les tendances et l'impact des politiques de prévention.
La loi de sécurité sanitaire du 1er juillet 1998 en a fixé le principe et je peux vous annoncer que le décret précisant les modalités de ce signalement des infections nosocomiales sera publié dans les prochains jours. Il fait obligation à tous les professionnels de signaler au Clin les infections nosocomiales. Celui-ci transmettra aux DDASS et aux C-Clins (centres de coordination) celles qui présentent des caractéristiques de gravité ou d'importance justifiant leur signalement à l'échelon régional et national. Ce sera une première. Cette procédure sera étendue avec la loi de modernisation du système de santé aux accidents médicaux. Je note d'ailleurs que le Royaume-Uni a récemment annoncé son intention de suivre la même démarche.
Le respect des droits des usagers doit être un impératif de ce dispositif. Leur participation aux travaux des Clins est prévue par le décret de 1999. L'information des patients victimes d'infections nosocomiales doit être systématique, a fortiori dés lors que la gravité ou l'importance de cette infection justifie son signalement dans le cadre du décret que nous évoquons. Nous avions rédigé une disposition prévoyant cette information systématique pour les infections nosocomiales soumises à signalement. Le Conseil d'Etat a estimé qu'il n'existait pas de base légale à cette obligation de l'information des patients lors de la procédure de signalement et a supprimé cet article.
Aussi, une circulaire sera publiée en même temps que le décret afin de demander aux hôpitaux et aux professionnels de santé d'assurer systématiquement cette information des patients, dans l'attente de l'adoption de la loi de modernisation du système de santé qui donnera une base légale à cette obligation d'information.
L'amélioration de la qualité des activités de stérilisation et de désinfection s'inscrit bien sûr dans ce programme de lutte contre les infections nosocomiales.
En 1999, j'ai chargé Mme Sinégre et Mr Plassais d'une mission d'étude à ce sujet en vue d'accroître la sécurité des activités de stérilisation au sein des établissements de soins et des cabinets d'exercice libéral. Les conclusions de ce rapport m'ont été remises il y a quelques semaines. Elles ont été intégrées dans le plan d'action .
Ce plan comporte 4 axes de travail :
1. Le renforcement réglementaire de l'encadrement des pratiques et la diffusion de recommandations de bonnes pratiques
2. L'aide au financement pour la mise en conformité
3. Le renforcement de l'évaluation et du contrôle des dispositifs médicaux mis sur le marché
4. Le contrôle des activités de désinfection et de stérilisation.
Je soulignerai l'importance de la circulaire de mars 2001 qui actualise les mesures de prévention en prenant en compte le risque de transmission des ATNC c'est à dire les prions agents de la MCJ. Ces mesures sont complexes, elles ont aussi un coût qu'il faut savoir prendre en compte. Un plan d'accompagnement financier de 337 MF pour les hôpitaux publics et de 270 MF pour les cliniques privées sera consacré à la mise en conformité des services de stérilisation et à la prévention de la transmission des ATNC.
Ces mesures doivent s'accompagner d'un contrôle de leur application et je peux vous présenter les grands axes du plan de contrôle pour 2001 et 2002 des activités de désinfection et de stérilisation des dispositifs médicaux que j'avais annoncé le 27 mars.
Ce plan concerne l'ensemble des activités médicales -et c'est une innovation fondamentale- quel que soit le statut de ceux qui les exerce. Il concerne les hôpitaux et les cliniques mais aussi les cabinets libéraux.
Ce plan de contrôle permettra de vérifier l'application des règles de sécurité, en particulier l'utilisation des dispositifs à usage unique, mais également le contrôle de la désinfection des endoscopes .
Dès juillet 2001, la réalisation de visites d'inspection dans le cadre de la procédure d'autorisation des activités de stérilisation permettra de prolonger le plan d'inspection mené entre 1997-2000 sur l'ensemble des établissements publics et privés. Ces inspections utiliseront une grille d'analyse nationale.
Le plan de contrôle de la désinfection des endoscopes dans l'ensemble des hôpitaux et cliniques, débuté en 2000 selon un référentiel national, sera complété pour intégrer les nouvelles mesures de prévention ATNC.
En ce qui concerne l'activité libérale, un groupe de travail pluridisciplinaire, associant des libéraux et des sociétés savantes est chargé de préparer des recommandations adaptées à la médecine de ville.
Dès 2001, sera lancée après concertation avec les représentants de la profession une évaluation de la qualité de la désinfection des endoscopes dans les cabinets libéraux de gastro-entérologie.
Enfin, je voudrais vous signaler la parution cette semaine d'un arrêté fixant les bonnes pratiques hospitalières. Il précise les principes de qualité et de sécurité applicables au fonctionnement des pharmacies hospitalières. Ces bonnes pratiques comportent des chapitres généraux et une ligne directrice particulière consacrée à la préparation des dispositifs médicaux stériles.
LA LUTTE CONTRE LES LEGIONELLES
Nous avons connu ces dernières années plusieurs situations d'alertes préoccupantes vis à vis des légionelles. Vous le savez, ces bactéries sont présentes de façon très courante dans les réseaux d'eau. Le risque de développer une maladie, la légionellose, est lié à de nombreux facteurs individuels, âge, immunodépression, état respiratoire en particulier. C'est donc un risque particulièrement préoccupant pour les malades dans nos hôpitaux, et chacun a pu en prendre malheureusement la mesure avec la situation qui a prévalu à l'hôpital Georges Pompidou. De nombreux hôpitaux sont aujourd'hui confrontés aux difficultés de maîtrise de ce risque, tout récemment encore celui d'Aulnay-sous-Bois.
Le nombre de cas déclarés a triplé entre 1997 et 2000 sans doute en grande partie du à l'amélioration des techniques de diagnostics et à une meilleure sensibilisation des déclarants. Moins d'un quart des cas déclarés sont d'origine nosocomiale.
La maîtrise de ce risque constitue un impératif difficile en raison de la fréquence des légionelles dans l'eau du réseau sanitaire. Le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France a été chargé d'élaborer un rapport sur les risques dans les établissements accueillant du public, notamment les hôpitaux et les cliniques, mais aussi les établissements de cures thermales. Dès le mois de juin prochain de nouvelles instructions seront diffusées sur les mesures de prévention et de contrôle des légionelles.
A ce jour, nous suivons tout particulièrement les deux cas de légionellose signalés en Guadeloupe.
BON USAGE DES ANTIBIOTIQUES
La maîtrise des risques infectieux passe également par un usage cohérent des antibiotiques. L'usage immodéré de ceux ci conduit à de multiples problèmes. Dans les hôpitaux le recours systématique à des antibiotiques à large spectre, ou à des posologies insuffisantes, ou pour des durées trop prolongées favorise le développement et l'émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques. Cette pression de sélection peut également être le fait de la prescription de ville, mais également liée à l'usage des antibiotiques dans la chaîne alimentaire.
Le constat que nous dressons aujourd'hui est que cette consommation qui n'est pas toujours conforme aux bonnes règles de prescription participe à l'émergence d'une forte résistance des bactéries aux antibiotiques. La situation épidémiologique que nous connaissons en France nous situe parmi les pays d'Europe où le problème est le plus préoccupant, place que nous partageons avec les pays de l'Europe du sud, Italie, Espagne et Grèce. Une rationalisation de l'usage des antibiotiques est absolument indispensable. Je peux vous avancer que j'ai confié une mission d'expertise sur ce sujet au Professeur Benoît Schlemmer, Anne-Claude Crémieux (MCU-PH) et Olivier Reveillard -médecin généraliste-. Ils sont chargés sur la base des travaux de l'ANAES, de l'AFSSAPS et de l'InVS de faire des propositions concrètes d'action concernant l'hôpital comme la médecine de ville. J'attends leurs conclusions pour septembre et leur lettre de mission est dans le dossier de presse.
MALADIE DE CJ ET ESB
La transmission de l'encéphalopathie subaiguë spongiforme bovine à l'homme par l'intermédiaire de la chaîne alimentaire constitue l'une de nos plus grandes crises de santé publique.
La situation épidémiologique demeure stable en ce qui concerne la MCJ classique, avec 80 à 90 cas par an. Le risque de transmission en milieu de soins a été considérablement réduit par un ensemble de mesures concernant l'usage des tissus, notamment la dure mère, le contrôle des greffes, de cornée en particulier, et l'arrêt de l'utilisation de l'hormone extractible de croissance. Il reste à maîtriser le risque lié à l'utilisation des dispositifs médicaux utilisés chez des patients atteints de MCJ.
C'est l'objectif de la circulaire du mois de mars dernier relative à la prévention de la transmission des ATNC en milieu de soins. Cette circulaire prend en compte le risque lié au nouveau variant de MCJ (nv-MCJ ) qui pose des risques nouveaux en matière de transmission du fait de sa répartition tissulaire différente. En effet ce nouveau variant est retrouvé dans les tissus lymphoïdes, notamment les amygdales. Le risque de transmission à l'occasion des pratiques de soins en ORL, et par endoscopies s'en trouve accru. Les pratiques de désinfection et de stérilisation doivent donc prendre en compte le risque prions.
La question majeure demeure bien entendu la transmission de l'ESB à l'homme par la voie alimentaire. Il n'est pas dans mon propos de reprendre l'ensemble des dispositions retenues en France sur le plan de la sécurité sanitaire. Je veux seulement souligner que la mise en uvre du test de dépistage systématique chez les bovins de plus de 30 mois, depuis le début de l'année 2001, a permis le dépistage de 15 cas nouveaux. Les modélisations qui permettraient de prévoir le nombre de cas humains susceptibles de survenir dans les années à venir restent très aléatoires. Vous le savez, il y a en France 3 cas de nouveau variant, le 3ème cas venant hélas de décéder. Cette terrible maladie pour laquelle nous ne disposons toujours d'aucune thérapeutique doit faire l'objet de mesures d'aide et d'accompagnement des familles atteintes. La circulaire de mars 2001 renforce la prise en charge médico sociale, avec l'octroi d'aides d'urgence pour ces familles. Ces aides ne sauraient remplacer l'accompagnement nécessaire des malades, et de leurs familles, par les équipes médicales. Je regrette profondément que, comme en a fait état la famille de la dernière victime de cette maladie, la présence des médecins n'ait pas été effective jusqu'au bout. Cette apparente démission du corps médical dans ces situations de fin de vie me choque au plus haut point. Elle renforce ma détermination à agir pour une plus grande dignité de la fin de vie, et un plus grand respect des volontés des malades.
Pour finir sur le risque iatrogène vis-à-vis de la MCJ, je voudrais mentionner qu'il nous reste encore quelques points à régler, notamment la suppression de tous les produits d'origine bovine dans la fabrication des médicaments. Ce point concerne en particulier l'utilisation de la gélatine pour la préparation des gélules. Le risque paraît extrêmement hypothétique mais, principe de précaution oblige, il faudra trouver des solutions de remplacement. La procédure de certification européenne pour les médicaments contenant des gélatine d'origine bovine nécessite la révision de toutes les AMM.
LES MALADIES TRANSMISSIBLES.
Deux maladies constituent des priorités reconnues : l'infection à VIH et les hépatites, notamment l'hépatite C. Toutes deux posent des questions importantes dans le domaine de la sécurité sanitaire. Il n'est pas dans mes intentions de présenter aujourd'hui l'ensemble du programme d'action pour ces 2 maladies, certains points sont d'ailleurs encore en discussion, notamment avec les milieux associatifs. Nous organiserons un point de presse spécifique pour chacun de ces programmes.
Quelques mots toutefois sur l'actualité de ces deux pathologies.
La situation de l'infection à VIH a été marquée ces dernières années par l'essor important des thérapeutiques et le recul de la mortalité, en France, comme dans la plupart des pays pour lesquels l'accès aux traitements est possible. Ainsi le nombre de décès dus au sida est passé de 2 000 en 1994 à 600 en 1999. Ces bons résultats apparents ne doivent pas masquer la réalité de l'importance du problème ; au contraire il nous faut prendre en compte les nouvelles donnes concernant cette maladie.
Sur le plan épidémiologique, le nombre de personnes atteintes est estimé entre 90 000 et 110 000. Le nombre de nouvelles infections (incidence) est estimé entre 2 000 et
4 000. Nous avons là un premier problème qui est l'imprécision de notre système de surveillance de la maladie, puisqu'à ce jour, seuls les cas de sida faisaient l'objet d'une déclaration. La parution prochaine du nouveau décret relatif à la surveillance des maladies déclarées à l'autorité sanitaire doit permettre, dans le respect de l'anonymat par sécurisation des fichiers, de répondre à nos besoins d'informations épidémiologiques.
Un mot également pour alerter sur le relâchement des comportements de prévention, en particulier dans les lieux de rencontres homosexuels. Ce relâchement témoigne d'une banalisation du risque, en particulier chez les jeunes. L'exposition des femmes en situation de vulnérabilité sociale ou économique, est un autre aspect préoccupant du développement de la maladie, la transmission hétérosexuelle étant devenue le mode le plus fréquent de transmission du virus. La situation dans les communautés migrantes, ou issues de la migration, doit également faire l'objet d'une attention et d'une démarche spécifiques.
Dans ce contexte a été conçue la campagne d'information et de prévention qui débutera dans la 2ème quinzaine de juin. Cette campagne associera des messages télévisés et des messages radios. Un guide sur la sexualité est en cours d'écriture et devrait être diffusé à l'automne prochain. Je souhaite que dans ces domaines nous puissions renforcer nos actions d'information au niveau des écoles ; des actions communes avec l'éducation nationale seront mises en uvre.
Parallèlement à cet effort renouvelé de prévention, il faut accompagner les personnes séropositives ou malades.
La baisse de la mortalité du fait de l'efficacité des thérapeutiques, l'amélioration concomitante de l'espérance de vie, a conduit a une forte augmentation de la demande d'assistance à la procréation pour les couples séro discordants. Jusqu'à ce jour cette démarche de AMP ne pouvait se faire que dans le cadre étroit des processus de recherches, ne permettant pas de répondre à la demande. Prenant en compte les recommandation du groupe de travail sur ce sujet, en particulier la définition des bonnes pratiques dans le cadre de ce risque viral, j'ai signé l'arrêté autorisant cette activité. Il sera publié demain au Journal Officiel. Cette activité devra se développer, conformément aux recommandations, dans des centres bénéficiant d'une équipe formée et dédiée à cette activité.
En ce qui concerne l'Hépatite C la priorité doit être d'améliorer le dépistage en sensibilisant la population à cette question. Conformément aux recommandations des experts de l'ANAES (rapport de janvier 2001), nous allons opter pour un dépistage ciblé sur les groupes à risque et non plus un dépistage généralisé de toute la population. C'est le sens de la campagne que nous allons lancer très prochainement dans la presse régionale et dans la presse nationale. La diversité des groupes à risque rend le message complexe à faire passer. Il faut d'ailleurs souligner que dans au moins
20 % des cas connus d'hépatite C, l'origine de la contamination reste inconnue.
Ce dépistage n'a de sens, bien entendu, que si parallèlement nous sommes en mesure d'assurer un accès aux traitements. Les résultats obtenus avec les bithérapies, et peut être bientôt des tri thérapies, ouvrent la voie de la maîtrise de cette infection. Une conférence de consensus sera conduite par l'ANES sur les stratégies thérapeutiques d'ici la fin de l'année.
Notre objectif pour 2002 est que plus de 80 % des personnes relevant d'une indication thérapeutique soient sous traitement.
Le renforcement de cette démarche ne doit pas se faire au détriment de la prévention. Il nous faut agir sur les risques de contamination.
En matière de transfusion sanguine, le risque résiduel apparaît aujourd'hui extrêmement faible, de l'ordre de 1 par million d'unités transfusée. Il sera encore réduit, dès juillet prochain, avec l'introduction du dépistage génomique viral, qui réduit de 53 à 6 jours la durée de la phase muette de dépistage lors d'une séro-conversion.
En matière d'hygiène hospitalière l'ensemble des mesures évoquées précédemment couvre le risque viral, notamment la circulaire relative aux précautions concernant les dispositifs médicaux.
En revanche les risques liés aux soins corporels, tatouages, piercing , et autres techniques invasives au niveau de la peau constituent des voies de pénétration possible du virus. C'est pourquoi nous allons diffuser une brochure de recommandations à tous les professionnels concernés pour leur rappeler les mesures d'hygiène qui doivent impérativement entourer leurs pratiques .L'information des usagers se fera par une campagne de messages radio avant l'été.
La réduction des risques concerne également au premier plan les usagers de drogues par voie IV : il nous faut favoriser également l'accès aux kits de prévention, récemment amélioré pour mieux répondre à la transmission du VHC. Pour les détenus, notre programme national de lutte comporte le renforcement des mesures d'hygiène en milieu carcéral. Je viens de participer aux troisièmes journées de médecine en milieu carcéral.
LES RISQUES LIES A L ENVIRONNEMENT
Les questions de santé liées aux contrôles de l'environnement apparaissent bien comme un des enjeux prioritaires de la sécurité sanitaire .Les phénomènes de pollution et de contamination de notre environnement constituent des risques parfois importants , qu'il s'agisse de pollution chimique, bactériologique, toxique, souvent liés à des modes de production ou d'industrialisation excessifs, ou dont les risques sont mal évalués, ou mal contrôlés.
Je voudrais à cet égard souligner l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale est créée ; la loi a été publiée au Journal Officiel du 10 mai 2001.
Elle vient justement compléter notre dispositif de sécurité sanitaire et répondre aux besoins d'analyse des interactions santé-environnement. Elle s'intègre au Conseil national de sécurité sanitaire qui, sous l'autorité du ministre de la santé rassemble les différents services et établissements de sécurité sanitaire. Je les réunirai conjointement au plus vite.
Nous avons vu les conséquences de l'introduction des farines animales dans la chaîne alimentaire. Mais il n'y a pas que les prions dans notre assiette qui posent des problèmes. La listériose par exemple a été à l'origine de plusieurs épidémies ces dernières années. Un projet spécifique est en cours de définition : il vise à améliorer l'identification des aliments contaminés dés qu'un cas de listériose est identifié pour favoriser le retrait des produits suspectés et prévenir la survenue des autres cas.
La maîtrise des risques d'expositions professionnels doit également être renforcée.
Nous avons appris à connaître les risques importants liés à l'usage de l'amiante dans le bâtiment. Un projet de décret, actuellement soumis au Conseil d'Etat, vise à renforcer notre politique de prévention, en réduisant les seuils d'exposition, et en améliorant la démarche de repérage des matériaux amiantés.
La mesure de l'importance de l'exposition est parfois difficile, et les seuils souvent théoriques ; c'est pourquoi la mise en uvre de la surveillance épidémiologique demeure l'un de nos impératifs. C'est dans ce contexte que j'ai demandé à l'InVS de mettre en place une surveillance des cancers de la thyroïde pour prendre la mesure des conséquences de l'accident de Tchernobyl. Je ne suis pas alarmé. J'ai rencontré mon collègue italien qui confirme la même évolution ayant commencé avant Tchernobyl. Nous comparerons l'ensemble des données. Ces études nous permettront de disposer d'une analyse complète et d'assurer la transparence sur ces questions.
De même nous avons décidé, avec le ministère du travail, de renforcer la traçabilité des expositions aux éthers de glycols, et de renforcer également les dispositions de protection des travailleurs exposés (décret du 1 février 2001). L'objectif est ici la substitution de ces produits dangereux. Un forum sera organisé cette année pour en étudier les possibilités.
Permettez moi d'évoquer encore la question de la qualité de l'air que nous respirons. L'industrialisation et l'urbanisation, avec son cortège inévitable de trafic automobile et de transports en commun, s'accompagnent d'un accroissement important des émissions particulaires dans notre environnement. Plusieurs rapports ont récemment souligné l'importance de cette question (HCSP, Académie des sciences).
Le plan régional de la qualité de l'air en Ile-de-France a mis en évidence des niveaux élevés de particules en suspension dans le métro et le RER. Là encore nous devons étudier les conséquences de ces émissions et dans tous les cas les réduire ; l'InVS est saisi de cette question.
Enfin, pour terminer je voudrais évoquer la situation des personnes victimes des inondations que nous connaissons, et tout particulièrement les habitants du département de la Somme. Le gouvernement n'a malheureusement pas encore la maîtrise des phénomènes météorologiques. Mais nous devons assurer, dans les meilleurs conditions possibles la maîtrise de leurs conséquences. Sur le plan sanitaire, c'est dans les semaines qui viennent que différents risques sont à évaluer et à prévenir, en particulier les phénomènes de contamination des réseaux d'eau. Une surveillance très rigoureuse est actuellement conduite par la DDASS, notamment aux points de captage. Des fiches d'informations sur ces risques ont été diffusées, à l'attention de la population et des professionnels de santé. Une cellule "santé des populations" a en charge le contrôle de ces actions. A ce jour il n'y a pas de complication sanitaire signalée, mais je le redis la vigilance s'impose surtout avec la décrue. Les conséquences sociales de ces inondations sont bien sûr à prendre en considération, et la commission d'action sociale d'urgence s'est déjà réunie à plusieurs reprises pour mettre en place les aides nécessaires .
Pour terminer je voudrais profiter de l'occasion que nous réunit pour évoquer quelques questions d'actualités qui mettent en évidence les nécessités d'évolution de notre système de soins.
Je pense tout d'abord à la question du cannabis à des fins thérapeutiques. Le cannabis ou ses dérivés de synthèse ne disposent pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM) en France. Aucune demande n'a été faite ; leur utilisation n'est possible que dans le cadre d'essais cliniques. Plusieurs indications sont à ce jour validés, notamment comme antiémétique en complément des chimiothérapies anticancéreuses, et comme antalgique. Cet usage s'inscrit très directement dans le contexte de la lutte contre la douleur à laquelle vous le savez j'attache le plus grand prix. C'est pourquoi j'ai décidé que des études seraient conduites pour évaluer les indications et les résultats de l'usage thérapeutique du cannabis. Plusieurs centres à Paris ont donné leur accord pour cette recherche ainsi que d'autres hôpitaux à Marseille, Toulouse, Lyon notamment.
A propos de ces recherches cliniques, je voudrais vous informer de la mission que j'ai confiée au Professeur F. Lemaire pour que des propositions soient faites sur l'évolution du cadre législatif applicable à la recherche clinique.
Notre société est vous le savez particulièrement exigeante dans le domaine de la santé ; ne pas souffrir est une de ces demandes que nous devons impérativement entendre. Ne pas vieillir, c'est déjà plus difficile !
Pourtant c'est l'espoir de beaucoup, tous ceux qui se précipitent sur ces molécules qui promettent beaucoup, mais qui déçoivent souvent. Aujourd'hui, nous sommes confrontés dans ce domaine à un engouement pour des produits qui échappent à toutes nomenclatures en France et dont nous ne pouvons toujours clairement mesurer les effets bénéfiques, ou néfastes : je parle en l'occurrence de la DHEA. Cette hormone stéroïde n'a pas le statut de médicament, ni en France, ni ailleurs. Elle est censée, pour ses promoteurs, restaurer le bien être, ou réduire le vieillissement de la peau ou même lutter contre la maladie d'Alzheimer ! Plusieurs essais cliniques sont menés en France : aucun n'est à ce jour concluant sur les bénéfices, et l'AFSSAPS appelle notre attention sur les effets indésirables possible, notamment cardio-vasculaires. Il faut absolument clarifier la réalité de ces risques, d'autant qu'elle est de plus en plus consommée, par achat auprès des pharmaciens, ou sur internet. J'avais demandé il y a 3 ans qu'un programme de recherche soit développé sur la DHEA. Les bénéfices de son usage ne sont pas démontrés. Je viens de saisir l'AFSSAPS d'une part de la question des risques possibles de son utilisation, de la réalité des bénéfices allégés et, d'autre part, de la clarification du statut de telles molécules. Il faut sortir de cette situation ridicule.
Cette longue énumération des risques sanitaires qui nous environnent, et encore la liste ici est loin d'être exhaustive, pourrait nous laisser penser que nous n'avons jamais été aussi menacés, que notre système de soins génère plus de problèmes qu'il n'en résout.
Mais ne perdons pas de vue l'extraordinaire capacité de ce système à prendre en charge ceux qui sont malades dans des conditions d'accès qui restent celles d'une société exceptionnellement privilégiée.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 mai 2001)