Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur la politique de recours à la prévention et aux soins, Paris le 21 mai 2001.

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Circonstance : Rencontres nationales des Programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, à Paris le 21 mai 2001

Texte intégral

Mesdames Messieurs,
Ces rencontres nationales sur les Programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) constituent une occasion de faire avec vous le point sur un dispositif voulu par le gouvernement dans le cadre de loi exclusion du 29 juillet 1998.
La législation de notre pays donne aujourd'hui à chacun un droit d'accès à la santé : les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins pour les populations en situation de précarité et la CMU sont les deux outils mis en place pour faire reculer les inégalités de santé : la CMU vise à atténuer la barrière financière - près 5 millions de personnes en bénéficient aujourd'hui - et les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins visent à une approche globale des problèmes rencontrés par les personnes en situation de précarité pour lutter contre leurs difficultés d'accès à la prévention et aux soins - 26 régions ont mis en place un PRAPS.
Cependant l'expérience des pays qui ont une couverture maladie universelle depuis longtemps enseigne que cela ne suffit pas à régler le problème des inégalités de santé. Par ailleurs, une analyse fine montre que dans les faits certaines catégories de la population n'ont toujours pas un accès satisfaisant à la prévention et aux soins : femmes isolées, jeunes désinsérés, personnes âgées en milieu rural, personnes sortant de prison, étrangers en situation irrégulière, personnes se prostituant, etc.
D'une politique d'accès à la prévention et aux soins, qui repose surtout sur un dispositif de type quantitatif, il nous faut maintenant passer à une politique de recours à la prévention et aux soins, basée sur des actions de qualité et de proximité, permettant de développer, avec les plus démunis, une démarche de santé leur permettant, effectivement, de recourir à la prévention et aux soins.
Dans ce cadre, le concours des associations est fondamental ; elles sont seules à même d'accompagner, au quotidien, les personnes et les familles. La mobilisation des professionnels de santé - et pas seulement les médecins - est tout aussi indispensable ; ils doivent être davantage sensibilisés et associés à cette nécessité d'accompagner, d'aller vers les personnes les plus démunies, en très étroite collaboration avec les associations. Plus qu'un changement institutionnel, il s'agit de favoriser un changement culturel permettant aux professionnels des différents champs - le soin, la santé mentale, le social - de se rapprocher afin de pouvoir offrir - dans la proximité nécessaire : bassins de vie, quartiers- les réponses les plus adaptées.
1 - Vers une politique régionale de santé
Toutes les régions de France ont ainsi pu, grâce à votre travail et à la mobilisation que vous avez su créer, mettre en place un PRAPS. Cet outil s'avère être particulièrement important pour la politique de santé que je conduis. Votre démarche permet d'ailleurs de tracer les perspectives d'une politique régionale de santé tout en préparant la prochaine génération des PRAPS.
Le processus dynamique ainsi créé permet en effet de réunir les énergies locales et de tracer la méthode à venir. La régulation régionale sous l'égide de l'Etat doit être l'occasion de renforcer une politique régionale de santé, participative, innovante et prospective.
Les PRAPS ont permis d'impliquer 10.000 personnes et les crédits dégagés ont financés plus de mille actions, soutenues par de multiples partenaires (collectivités locales, organismes d'assurance maladie).
La progression de la démarche régionale doit beaucoup à ces PRAPS qui ont conforté les acteurs locaux en associant le niveau départemental et régional et en incitant les acteurs du social et du secteur santé à travailler ensemble.
Le rôle des coordonnateurs régionaux, le votre donc, a été déterminant dans cette dynamique. S'appuyant sur vos correspondants tant au sein des DDASS que des autres institutions, vous avez ainsi pu mettre en cohérence la nécessité de répondre aux besoins locaux dans une organisation régionale.
La qualité de cette concertation doit se poursuivre au sein du comité régional des politiques de santé créé par la loi de 1998.
C'est en effet le lieu déterminant pour stimuler les échanges entre les partenaires et notamment entre les partenaires financiers. Ce Comité régional doit devenir l'instance de pilotage de la politique régionale de santé, permettant à celle-ci d'acquérir cohérence et efficacité, en particulier en matière de prévention.
Dispositif stratégique, le PRAPS doit faire, comme tous les autres, l'objet d'une évaluation : nationale, régionale et locale. Et cette évaluation doit tenir compte de la parole des usagers, des bénéficiaires des actions.
C'est, avec l'éducation pour la santé, l'un des thèmes de vos journées.
2 - La participation des usagers
Je considère ce thème comme essentiel et les Etats généraux de la santé en ont apportés la preuve. Le projet de loi sur la modernisation du système de santé que je vais prochainement présenter en Conseil des Ministres devrait mettre en place un dispositif particulièrement novateur.
Aujourd'hui, dans tous les programmes de santé, la participation des usagers est un maillon encore trop faible. Cette dimension doit être favorisée avec l'aide des associations ayant un savoir-faire dans ce domaine.
La nécessité de redonner une place centrale aux habitants ou aux usagers confirme l'importance du niveau territorial - quartier, bassin de vie, commune notamment - comme espace d'expression collective favorable à une meilleure compréhension des besoins ainsi qu'à une approche plus globale de la santé.
Le comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 a conforté cette nécessité en instituant les " ateliers santé ville ". Cette mesure, que je vous invite à mettre en uvre, permet de développer une véritable coopération entre l'Etat et ses partenaires territoriaux, pour mettre en oeuvre, avec les habitants, des actions ciblées sur les quartiers identifiés comme prioritaires, dans le champ de la prévention primaire, de l'accès aux soins et de la prise en charge, ou de l'accompagnement vers la santé.
La mise en place des " ateliers santé ville " fait actuellement l'objet d'une expérimentation dans le département de Seine St Denis et dans la région Provence Alpes Côte d'Azur. Elle pourra vous être précisée au cours de ces journées.
Je rappelle à ce titre que la santé a été retenue comme thème prioritaire des nouveaux contrats de ville 2000-2006.
3 - L'éducation pour la santé
C'est le second thème de vos journées.
Je me réjouis de constater que de plus en plus d'acteurs s'impliquent de manière déterminée dans l'éducation pour la santé ; l'éducation nationale, certains professionnels de santé, l'assurance maladie et de nombreuses associations, thématiques ou non investissent ce champ de la santé publique trop longtemps méconnu. Parmi ces acteurs, le réseau du Comité français d'éducation pour la santé (CFES), occupe une place stratégique particulière : son implantation très large sur le territoire national - 120 comités régionaux et départementaux - et sa situation d'interface entre les institutions publiques et la société civile, concourent au développement cohérent des actions mises en uvre dans le cadre de la politique nationale de santé publique. L'expérience de partenariat avec les services de l'Etat acquise depuis leur création et notamment celle développée dans le cadre des PRAPS, doit être prise en compte lors de la mise en place des politiques régionales de santé à venir, et notamment dans le cadre des PRAPS de 2ème génération.
Je souhaite que ce partenariat soit renforcé. Le Programme national d'éducation pour la santé que j'ai annoncé le 28 février dernier en Conseil des Ministres prévoit la mise en uvre dans chaque région d'un schéma régional d'éducation et de promotion de la santé. Une circulaire d'instruction est en cours d'élaboration. Ce schéma aura comme objectif de rassembler et d'organiser sur une territoire donné les compétences en éducation pour la santé afin d'offrir de manière cohérente et coordonnée tant dans les méthodes, les objectifs que les moyens des actions d'éducation et de promotion de la santé de qualité et de proximité. Ces schémas s'appuieront sur des conventions pluriannuelles d'objectifs, conformément à la circulaire du Premier Ministre de décembre 2000, afin de donner à ce partenariat tout la force qu'il requiert et de construire ainsi un dispositif d'action régional plus stable.
4 - Un nouveau programme de lutte contre les exclusions
Comme vous le savez, puisque vous êtes en première ligne, malgré tout ce qui a été entrepris, il s'avère que les publics les plus précaires accèdent toujours avec difficulté au système de santé, principalement dans sa composante prévention.
Le récent rapport de l'INSERM sur les inégalités sociales de santé incite le gouvernement à dynamiser son programme d'actions en direction de ces publics ; il faut éviter l'accroissement des inégalités dans un système de santé guidé par l'excellence, certes, mais qui privilégie encore trop la réparation et les soins au détriment de l'éducation, de la prévention et de la promotion de la santé.
Pour le volet " soins ", je rappelle l'avancée indiscutable que constituent les Permanence d'accès aux soins de santé (PASS), installées dans près de 300 établissements de soins. Même s'il reste encore beaucoup à faire. Vous le savez.
Le nouveau programme en cours d'élaboration s'appuie en grande partie sur le travail que vous avez effectué. Il devrait permettre de renforcer les PRAPS, d'étendre les réseau des PASS et de donner plus de moyens à la lutte contre le saturnisme. Le Premier Ministre annoncera dans les prochains jours ce nouveau programme qui s'inscrit, suite au sommet de Nice, dans la volonté européenne de relancer les politiques nationales dans la lutte contre les inégalités sociales.
En guise de conclusion, et avant de vous laisser travailler, trois points :
1 - les deux thèmes principaux proposés lors de ces journées doivent permettre de préparer la prochaine génération de PRAPS sous l'angle de la participation des personnes aux actions de santé. Le réseau d'éducation pour la santé a mis en uvre des actions en ce sens et il faut en tirer les enseignements.
2 - La politique de la ville est un bon vecteur pour ancrer une approche territoriale de santé à développer. il est nécessaire d'approfondir ce thème en faisant appel au savoir faire des acteurs (associations nationales et locales, élus). Les ateliers santé ville comme outil novateur et structurant vont dans cette direction.
3 - L'expérience acquise par la préparation des PRAPS - sans oublier les acquis des programmes régionaux de santé (PRS) - est une aide précieuse dans la construction de l'approche régionale des problèmes de santé. En effet, l'émergence de politiques de santé régionales, dépend de la capacité locale à conjuguer de manière pertinente les actions de santé publique répondant aussi bien aux priorités régionales qu'aux priorités nationales de santé. Dans cette perspective, il est indispensable de préserver et de s'appuyer sur la dynamique d'animation et de suivi créée pour la mise en place des PRAPS.
A destination des coordonnateurs PRAPS, dont j'ai déjà souligné à la fois l'importance et la qualité du travail passé, je souhaite que votre implication et votre disponibilité soit confortée pour jouer pleinement votre rôle - rassembler les partenaires, soutenir la participation des habitants/usagers/citoyens, organiser les suivis, veiller à l'évaluation -
Si nécessaire cet aspect fera l'objet d'instruction.
J'ai demandé par ailleurs à la DGS de renforcer son dispositif d'animation nationale des PRAPS afin de soutenir votre action.
Je compte sur vous, coordinateurs PRAPS, membres du réseau de l'éducation pour la santé, acteurs associatifs pour, avec les élus et les autres partenaires, travailler à la prévention de l'exclusion en matière de santé.
Bon travail à tous pour ces trois jours ! Je serai attentif aux résultats de vos travaux
Merci
(source http://www.social.gouv.fr, le 23 mai 2001)