Interview de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, dans la "Gazette des communes" le 5 décembre 2011, sur les points essentiels du projet de loi sur les contractuels, la revalorisation de la carrières des cadres supérieurs territoriaux.

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Texte intégral

- Le projet de loi contractuels attend son examen au Sénat. Quels sont ses points essentiels ?
Ce projet repose sur deux piliers : la cd-isation et la titularisation. La nouveauté, en plus de possibilités offertes de titularisation, c’est la transformation automatique des contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI) pour ceux qui auront occupé pendant 6 ans des postes répondant à un besoin permanent. Cette mesure concernera plus 100 000 personnes dès promulgation de la loi mais au-delà c’est également une réponse pérenne à la précarité dans la Fonction publique puisque cette règle deviendra automatique. Enfin, j’ai souhaité un axe fort pour améliorer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la Fonction publique. Une fonction publique moderne, à l’image de la société qu’elle sert, passe par l’égal accès des femmes aux postes à responsabilité. Une négociation avec les organisations syndicales est en cours, je souhaite que nous aboutissions à un protocole d’accord. Les mesures législatives seront ainsi reprises à l’occasion du débat parlementaire. Je souhaite voir ce texte voté avant la fin de la mandature.
- Les contrats occasionnels répétés seront-ils pris en compte ? Quels amendements préparez-vous ?
Il ne s’agit pas avec ce texte de mettre fin à la place du contrat dans la Fonction publique. Qu’il s’agisse de remplacements occasionnels, de répondre à des besoins spécifiques ou de s’appuyer sur des compétences particulières, le service public doit pouvoir s’appuyer sur des contractuels. Il s’agit simplement d’éviter les abus et de mieux encadrer le recours aux CDD. L’Etat, 1er employeur de France, doit être exemplaire. Pour les contrats éducatifs « 10-12 » et recherche, je souhaite que le débat parlementaire nous permette d’avancer. Je serai d’ailleurs très ouvert aux amendements déposés par les sénateurs et les députés pour enrichir le texte.
Je présenterai par ailleurs, comme je l’ai annoncé, un amendement supprimant le mécanisme du classement de sortie pour les élèves de l’ENA. J’ai entendu les voix qui se sont élevées contre cette mesure, mais je souhaite que nous puissions sur ce sujet trouver les voies de la convergence.
- En dehors des CD-Isations, comment s’effectueront les titularisations ?
La titularisation par valorisation des acquis de l’expérience sera proposée durant quatre ans, dans le respect des statuts et concours, aux agents contractuels en poste depuis quatre ans. Cela concernera environ 40 000 agents. L’idée, c’est de valoriser les carrières, de permettre la mobilité et de tenir compte de l’allongement de la durée de la vie au travail en accompagnant les agents. Une mission a d’ailleurs été confiée par le Premier ministre au député Pascal Brindeau sur la gestion des âges de la vie dans la fonction publique.
- A Brest, en octobre, vous avez annoncé aux directeurs généraux la transposition de la réforme de l’encadrement supérieur, à parité avec l’Etat. Or ils demandent la comparabilité…
La réforme de l’encadrement supérieur pour la fonction publique territoriale, que j’ai annoncé au mois d’octobre avec mon collègue Philippe RICHERT, est pour moi un sujet essentiel.
Il est essentiel que les cadres supérieurs territoriaux, qui exercent ou ont exercé d’importantes responsabilités, puissent voir leur carrière mieux valorisée. L’idée également c’est de permettre la mobilité, de fluidifier les parcours, de les enrichir, en passant d’une fonction publique à une autre et pourquoi pas en permettant des allers retours avec le privé. Cet enrichissement est facteur d’épanouissement.
- Pouvez-vous détailler les mesures prévues ?
Le grade à accès fonctionnel (Graf) pour les administrateurs territoriaux, la création de nouveaux statuts d’emploi tel celui de directeur de projets, déjà présent à l’Etat, vont ainsi être présentés aux territoriaux à l’occasion de prochains conseils supérieurs de la fonction publique territoriale. Ces dispositifs offriront au management supérieur la possibilité d’avancer et de valoriser ainsi leur mérite et leur engagement professionnel.
La création d’un tour extérieur pour les administrateurs territoriaux permettra d’améliorer l’accès à ce cadre d’emplois, en donnant un cadre précis, bâti sur la base de la reconnaissance de l’expérience professionnelle. Il ne s’agira pas de créer un examen supplémentaire. Ce nouveau dispositif sera d’ailleurs accompagné d’une formation adaptée aux parcours des agents recrutés.
La diversité des parcours est également une chance à donner à la fonction publique territoriale. Les classes préparatoires intégrées (CPI) qui permettent la diversité des recrutements aux postes à responsabilité existent pour l’Etat, comme à l’Ena et dans les Ira, mais pas encore à l’Inet. Or ce besoin vaut pour la territoriale.
- Les cadres territoriaux revendiquent l’intégration des primes dans le calcul de leur retraite…
Je sais qu’il y a des attentes de l’encadrement supérieur pour mieux prendre en compte leur régime indemnitaire dans le calcul de leur retraite. Un nouveau rendez-vous sur la réforme des retraites est prévu en 2013, c’est à cette occasion que nous rediscuterons avec les organisations syndicales.
- Les présidents des trois grandes associations d’élus s’inquiètent du large champ de saisine du conseil commun et de la dilution de la spécificité territoriale. Que répondez-vous ?
Je dis aux employeurs territoriaux, n’ayez pas peur ! On ne peut pas se plaindre d’une situation et s’inquiéter de son évolution. Je souhaite que la spécificité territoriale soit reconnue. En même temps, il y a nécessité de convergence.
Les associations d’élus sont associées à toutes les réflexions et elles sont attentives à ce que nous définissions des règles communes. Je regrette qu’un communiqué ait évoqué une « recentralisation des pouvoirs » avec la création du futur Conseil commun. C’est tout le contraire.
Le conseil commun est la réponse aux critiques tout à fait fondées de nombreux élus selon lesquelles la fonction publique de l’Etat (FPE) imprimait son rythme à une fonction publique territoriale (FPT) qui, pour sa part, ne pouvait que difficilement s’exprimer. J’ai voulu changer de système et donner la parole aux élus.
Désormais, les employeurs territoriaux seront mieux représentés autour de la table en passant de 6 à 10 représentants, quand l’Etat n’en aura qu’un seul, le ministre de la Fonction publique, et l’hospitalière 5. Le président du conseil supérieur de la FPT présidera une formation spécialisée importante sur les carrières, les parcours professionnelles et l’égalité professionnelle où siégera un président de centre de gestion, un autre sera présent dans la formation sur l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail, le président du CNFPT aura un siège dans la formation compétente sur la connaissance statistique de la fonction publique.
Le Conseil commun que j’installerai début 2012 est une chance pour la fonction publique territoriale. L’avis des élus pourra être formulé dès qu’un texte ayant un objet commun sera examiné.
Ainsi le dialogue entre fonctions publiques s’enrichira, dans le respect de chacune. Et chaque conseil supérieur continuera à travailler avec ses spécificités sur les sujets le concernant directement.
- Quel message voulez vous passer aux fonctionnaires ?
Etre fonctionnaire, ce n’est pas un métier comme un autre. C’est être au service du public. C’est exigeant, mais en même temps on ne peut s’exonérer des contraintes financières qui supposent de rechercher l’efficience, tout en jouant gagnant-gagnant avec les agents. C’est la spécificité de la réforme à la française, à la différence d’autres pays qui baissent les traitements et pensions ou même qui licencient. En France, le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux demande des efforts. Je veux que ceux-ci soient mieux reconnus. La réforme se fera pour les agents et avec eux. Et l’efficience s’inscrira dans le temps. Nos compatriotes l’attendent, car la dépense publique doit être maîtrisée. Cela suppose de mieux accompagner les mutations. Le message s’adresse à toute la société, attachée au service public à la française, mais prompte à désigner ses fonctionnaires comme boucs émissaires. Chacun doit avoir conscience des efforts fournis par les fonctionnaires. J’ai d’ailleurs réuni récemment les directeurs des plateformes RH de l’Etat en région et je vais ouvrir des discussions sur les risques psycho-sociaux.
- La mandature s’achève. Quel bilan faites-vous ?
Notre objectif, c’est de garantir un modèle de service public et de service au public à la française. Quatre accords majeurs ont été signés avec les organisations syndicales depuis 2007. Les réformes que nous avons menées ont amélioré les services au public. J’ai entendu la critique des réformes qui auraient été faites de manière brutale et aveugle. J’oppose un démenti. Il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays qui n’ont pas fait ces efforts. Nous, nous utilisons 50 % des économies réalisées pour améliorer la situation des agents. Désormais, il nous faut poursuivre en matière de ressources humaines. Une fonction publique moderne, ce n’est plus seulement des liens hiérarchiques, c’est un management nouveau, des évolutions de carrières permettant la mobilité, une diversité de parcours et d’accès aux plus hautes responsabilités.. C’est une attente de nos compatriotes. Pour garantir ce modèle, Il faut continuer de le moderniser.
Propos recueillis par Martine Doriac et Sylvie Fagnart
source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 6 décembre 2011