Texte intégral
L'EST REPUBLICAIN :
La secrétaire générale de la CFDT rencontre aujourd'hui les militants cédétistes de Lorraine à l'abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson. Pour elle, Lionel Jospin sème des illusions en surfant sur l'émotion suscitée par les plans sociaux.
Le Premier ministre a déclaré vouloir discuter avec les syndicats et les parlementaires des mesures à adopter face aux entreprises qui réalisent des bénéfices et licencient. Comment recevez-vous sa proposition ?
Je perçois un grand désarroi de la classe politique. Lionel Jospin le sait bien, même en période de croissance et lorsque qu'ils réalisent des bénéfices, les groupes ne sont pas à l'abri de réorganisation de leurs capacités de production. Décisions qui peuvent avoir des répercutions sur les effectifs et les localisations. Cela choque bien sûr, et la réaction de colère et de révolte des salariés victimes est naturelle et légitime. Mais on attend des responsables politiques qu'ils ne soient pas le simple amplificateur de l'émotion immédiate. Leur responsabilité est d'éclairer, de permettre la compréhension des phénomènes actuels, pas de semer des illusions sur l'ordre du possible. C'est pourtant ce que fait Lionel Jospin quand il laisse entendre que la bonne santé d'une entreprise ne devrait pas la conduire à des ajustements d'effectifs. En revanche, quand il dit qu'il faut mieux garantir par la loi la qualité des plans sociaux, il fait ce qui est nécessaire. Le rôle d'un gouvernement est de ne pas tomber dans le piège de la diabolisation de la mondialisation. Il faut la comprendre pour agir en trouvant les bons lieux et les bons leviers de sa régulation.
L'Europe joue-t-elle pleinement ce rôle ?
Insuffisamment encore. Elle est pourtant un outil décisif pour organiser cette mondialisation en diffusant son modèle de développement qui conjugue la performance économique mais aussi sociale.
Vous ne condamnez donc pas ces entreprises qui font des bénéfices et qui licencient ?
Il faut les condamner si leurs décisions sont infondées, si aucune solution alternative n'a été recherchée et évidemment si elles s'exonèrent de l'information et de la consultation des salariés, et si elles n'assument pas les responsabilités sociales envers les salariés et les territoires qu'elles quittent. Il y a un devoir de vigilance, de résultat et une nécessaire pression à exercer.
Mais vous n'êtes pas d'accord avec le boycott de Danone et le contre-pouvoir des consommateurs ?
Les consommateurs peuvent jouer un rôle positif. La CFDT participe à la campagne " l'éthique sur l'étiquette " qui labellise les produits fabriqués dans les pays respectant les droits sociaux fondamentaux.
Mais Danone ?
Le boycott ne me semble pas la meilleure défense pour les salariés et j'ai l'impression que c'est un piège pour les politiques. Je me pose d'ailleurs la question de la motivation et du but poursuivi par certains élus. Faire que Danone renonce ? A l'évidence, ça n'en prend pas le chemin. Les politiques auront du mal à faire la preuve que leur action est efficace, ce qui entraînera encore plus de déception envers l'action politique. A vouloir prendre une position démagogique et le moindre risque électoral, les hommes politiques sont conduits à surfer sur les mécontentements et les émotions. A moyen terme, c'est une posture qui peut avoir des effets boomerang. - Les fonctionnaires ont reçu une fin de non recevoir de la part du Premier ministre.
Quelle sera leur réaction ?
L'exaspération chez les fonctionnaires grandit. Ils ont le sentiment (ce qui est une réalité) que ce gouvernement en appelle au dialogue, à la négociation dans les entreprises privées alors que dans les fonctions publiques ils ont la modération salariale, pas de créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail et pas de conclusions aux négociations. Ce comportement est incompréhensible et insoutenable. Sans doute y aura-t-il des actions sectorielles, en particulier chez les agents territoriaux pour lesquels l'absence de cadre national conduit à l'émiettement des situations et donc à l'accentuation des inégalités.
Le temps est-il revenu aux revendications salariales dans les entreprises ?
Celles-ci sont en meilleure santé et la question salariale trouve naturellement toute sa place. Il faut un meilleur équilibre dans la répartition de leurs profits et pas seulement à travers la négociation salariale. Il faut intégrer les techniques d'intéressement et généraliser d'épargne salariale.
Quel bilan faites-vous de la refondation sociale, à mi-parcours ?
Quand le président du Medef est arrivé, il prêchait l'abandon de la négociation collective et le tout entreprise en matière de relations sociales. Sur ce terrain, ses idées ont été mises en brèche. Après les menaces de désertion sociale, la confrontation et la négociation entreprises-salariés ont retrouvé une réalité au niveau interprofessionnel et dans les branches. C'est bien mieux que le seul face-à-face inégal entre le salarié et l'employeur.
Sur les accords auxquels elle a abouti ?
Trois accords ont été conclus. Sur l'assurance-chômage, c'est un très bon accord. Quand Lionel Jospin affirme qu'il faut des reclassements, il faut savoir que 85 % des salariés licenciés le sont sans aucun plan social ! Le Pare pour le retour à l'emploi est pour eux le pendant, plus modeste certes mais réel des exigences que le Premier ministre attend des grandes entreprises faisant des profits. Sur la santé au travail, c'est un accord qui fera bouger les choses dans la façon de traiter des conditions de travail et des risques professionnels. Sur les retraites, la reconduction du régime complémentaire et l'amélioration des pensions est un bon accord transitoire. Nous avons aussi posé des jalons d'une réforme d'envergure nécessaire, dans l'attente d'un accord plus général.
Quelle est votre position sur ce sujet ?
Depuis 1998, nous appelons à une réforme pour sauver l'acquis social de la retraite par répartition. Compte-tenu de la démographie et de l'espérance de vie, le statu quo est la plus lourde menace sur l'avenir des retraites. Plus tôt nous agirons, moins chirurgicales seront les décisions. Car il faut que le niveau de pension ne baisse pas. Or, il est déjà grignoté et on compte sur l'épargne individuelle pour compenser. Pour garantir un bon niveau de retraite dans la durée, il faut réformer le système.
Alors, comment ?
Jouer sur plusieurs paramètres, le niveau et la durée des cotisations en faisant de cette dernière le critère d'accès à la retraite à taux plein sans condition d'âge. Aujourd'hui certains salariés cotisent plus de quarante ans s'ils n'ont pas 60 ans. Nous préconisons un système à la carte en maintenant le choix de prendre sa retraite à 60 ans.
Propos recueillis par Armelle Rousseau
(source http://www.cfdt.fr, le 20 avril 2001)
LE REPUBLICAIN LORRAIN :
La secrétaire générale de la CFDT s'est rendue en Lorraine pour rencontrer les militants et inaugurer les nouveaux locaux CFDT à Metz. Elle répond aux questions du quotidien régional Le Républicain Lorrain.
Le Républicain Lorrain : Danone, Marks et Spencer, peut-être demain Usinor qui emploie environ 6 000 personnes en Lorraine, est-il inéluctable selon vous que la réorganisation mondiale des entreprises se traduise par des suppressions massives d'emplois ?
Nicole Notat : L'économie est une matière vivante. L'industrie a ravi la première place à l'agriculture, le secteur des services prend aujourd'hui de plus en plus d'importance. Au fil de ces changements, les activités et les emplois se déplacent. On en connaît particulièrement le poids dans cette région si touchée par les restructurations, les fermetures de site. La nouveauté tient à l'organisation mondiale des groupes : les phénomènes se reproduisent à une autre échelle. Mais plus encore, les restructurations d'hier se produisaient dans un contexte de crise, celles d'aujourd'hui interviennent dans des entreprises dont certaines affichent une bonne santé. Ce paradoxe renforce la colère et le désespoir de ceux qui sont directement touchés, l'incompréhension de l'opinion. La CFDT a toujours été très exigeante sur les responsabilités que les entreprises doivent assumer à l'égard des salariés et des territoires concernés, elle le sera d'autant plus dans ce contexte. Les entreprises doivent dégager des moyens afin que là où il y a suppression de postes de travail, il n'y ait pas de chômeurs supplémentaires.
Privatisation possible de la SNCF, celle de Gaz de France freinée mais toujours dans les cartons, La Poste qui se pose des questions avant l'ouverture à la concurrence, à votre avis les services publics sont-ils condamnés à cette évolution pour sauver leur peau ?
Il faut distinguer deux choses : l'accès de tous, dans les mêmes conditions tarifaires à des services universels, ne peut être remis en cause. Quelques soient les évolutions que les entreprises publiques françaises sont amenées à conduire, leurs missions de service public ne peuvent être mises à mal. Mais la nouvelle donne européenne interdit le monopole, la règle de la concurrence s'impose à tous les pays membres. Ces entreprises ont ainsi des possibilités de développement à l'étranger avec, en conséquence, un phénomène de réciprocité. C'est dans ce cadre que se pose la question de l'ouverture de leur capital, déjà engagée à Air France et à France Télécom. Si cela provoque un changement dans le statut de l'entreprise, cela ne peut pas, pour la CFDT, se traduire par une menace sur les relations et les garanties sociales.
En Lorraine les entreprises transfrontalières se livrent à une concurrence acharnée pour attirer les salariés français. Ils sont mieux payés en Allemagne et au Luxembourg car les prélèvements obligatoires sont plus faibles. Y a-t-il des solutions pour harmoniser les législations européennes ?
C'est plutôt un bon signe qui traduit un redémarrage de l'emploi. On sait bien que les conditions de salaire sont meilleures en Allemagne qu'en France, mais au-delà de ce cas particulier, c'est la question de l'harmonisation sociale et fiscale en Europe qui est posée. A cet égard, l'euro va constituer un levier décisif. Des différences de situations salariales, de prix, de coût de la vie en général, et pour les entreprises, de niveau des charges sociales et fiscales auxquelles elles sont assujetties, vont apparaître plus clairement. Il faudra sans doute réguler certaines différences législatives ou réglementaires qui ne reposent pas sur des raisons économiques et sociales.
En Allemagne, cinq syndicats de la métallurgie ont fusionné pour faire poids. Est-ce envisageable en France ?
Cette fusion a concerné plusieurs syndicats membres du DGB ainsi qu'un syndicat affilié à une autre confédération. C'est Verdi. Elle obéit à plusieurs objectifs : rationaliser et optimiser les moyens, affirmer une identité syndicale Services. Notre propre réflexion nous conduit à envisager des regroupements de champs professionnels actuels : nous sommes ainsi engagés dans celui de l'actuelle Fédération des Postes et Télécommunications avec la Fédération de l'Information et de la Communication. Pour autant nous ne pensons pas opportun de procéder à des regroupements aussi vastes que ceux que viennent de faire les Allemands.
Dans les entreprises les militants CFDT sont de plus en plus souvent traités de collabos et le syndicat que vous dirigez agit souvent comme un parti politique. Cette mutation est-elle, selon vous, indispensable pour défendre les salariés ?
A quelques occasions les militants CFDT ont du affronter des jugements peu amènes au motif qu'ils portaient des positions non partagées par tous. Quand la CFDT signe un accord avec les employeurs dans une entreprise, une branche ou au niveau interprofessionnel, elle remplit la fonction naturelle et essentielle d'un syndicat. La négociation est l'exercice qui organise la confrontation entre des intérêts conflictuels et divergents pour obtenir des avancées et des garanties pour les salariés, sans lesquels le pouvoir unilatéral du chef d'entreprise s'exercerait à leur endroit. Et quand nous signons c'est que les résultats atteints sont un bénéfice pour les salariés. Car la signature ne se fait pas sur n'importe quoi, mais l'absence de signature est toujours un constat d'échec. Les salariés semblent apprécier. En onze ans nous avons connu une progression cumulée de plus de 65% du nombre de nos adhérents.
(source http://www.cfdt.fr, le 20 avril 2001)
EUROPE 1 :
J.-P. Elkabbach - La gauche et les syndicats sont les plus critiques à l'égard du Gouvernement. Est-ce que le temps est venu de pousser L. Jospin vers la sortie ?
- "Diable, telle idée ne m'effleure pas ! Il y a des problèmes à résoudre aujourd'hui. Nous attendons donc d'un Premier ministre qui est à la barre qu'il assume ses responsabilités et qu'il prenne les décisions qui doivent être prises pour engager notre pays dans le plein-emploi, dans un avenir qui soit un avenir porteur."
Vous ne dites pas que quatre ans, c'est long, bientôt cinq ans : "merci au revoir."..
- "Nos institutions sont ainsi faîtes qu'elles conduisent à des temps longs dans la vie politique. Les temps longs peuvent aussi aider pour faire des réformes en profondeur."
Justement, que peut suggérer la CFDT pour éviter que l'année qui vient ne soit une année morte ou une année vide d'attentes ?
- "Tout simplement que le Gouvernement réponde aux problèmes qui se posent. J'ai d'ailleurs entendu le Premier ministre dire cela il n'y a pas si longtemps. Un gouvernement est là pour résoudre les problèmes et pour donner du sens. Si le Gouvernement s'y attache pendant une année, cette année aura été une année utile."
La France se débrouille apparemment plutôt bien en Europe. On voit qu'avec 3 % de croissance, c'est une bonne croissance, durable ; une perspective de 8 % de chômage d'ici à 2002, des emplois perdus certes douloureusement, mais plus d'emplois créés - Le Figaro de ce matin parle de 355 000 en 2001, c'est-à-dire plus que la moyenne des dix dernières années... Pourquoi ce printemps est-il aussi gris et lourd que le ciel ?
- "Notre économie va mieux, les emplois se créent, la confiance est revenue, mais ceci a deux conséquences. D'abord, cela n'entraîne pas que des bonnes nouvelles pour tout le monde. L'économie a son rythme et les entreprises ne sont pas à l'abri, bien que dans un contexte de développement et de croissance, d'opérer des modifications dans leur organisation du travail, de faire des ajustements dans leurs capacités de production et donc d'effectifs. C'est une donnée, c'est une loi de l'économie et de la vie d'entreprise..."
Si je comprends bien, vous acceptez l'idée que face à la concurrence mondiale, des chefs d'entreprises restructurent, suppriment des emplois, réembauchent ?
- "C'est la loi de l'économie depuis toujours ! Avant ou pendant la mondialisation, il y a toujours eu des entreprises qui étaient contraintes d'améliorer, par rapport à leur marché, par rapport à la concurrence qui aujourd'hui est mondiale mais qui existait quand même hier, d'adapter leurs capacités de production et leurs effectifs. La question n'est donc pas sur cette réalité-là, sur cette donnée de la vie des entreprises ; elle est sur la légitimité des restructurations et des choix stratégiques des entreprises. Y a-t-il parfois un peu de légèreté dans la manière dont ils fonctionnent ?"
Votre réponse ?
- "Dans certains cas, oui, il y a de la légèreté, il y a des erreurs de gestion et d'appréciation des marchés dans la stratégie des entreprises. Là, on a envie de condamner les chefs d'entreprises. Dans d'autres cas, il y a tout simplement des questions qui sont posées aux dirigeants, par rapport à la concurrence, par rapport aux marchés, et ils doivent prendre un certain nombre de décisions. Nous voulons discuter de ces choix qu'ils font."
Avec l'Etat ou avec les chefs d'entreprises ?
- "Avec les chefs d'entreprises ! L'information, la consultation des salariés, doit être quelque chose de fort qui permet aux salariés de faire reculer le plus possible les mauvaises décisions, qui leur permet aussi de comprendre celles qui sont éventuellement justifiées et d'exiger des chefs d'entreprises, surtout quand ils ont des situations florissantes, d'assumer toujours plus et mieux leurs responsabilités sociales."
Est-ce que frapper ou punir des actionnaires, parce que les entreprises font des profits, est le meilleur moyen de protéger les salariés ?
- "Je ne sais pas si on peut punir les actionnaires. En tout cas, la réalité d'aujourd'hui qui, effectivement, affiche des entreprises aux profits assez importants, choque. On voit les profits et on voit les licenciements. Il est donc tout à fait normal que les salariés, face à ces situations, expriment colère, émotion et révolte. Le problème nouveau dont il va bien falloir discuter avec les chefs d'entreprises est qu'à partir du moment où il y a des profits - la question n'est pas de savoir s'il en faut : il vaut mieux une entreprise en bonne santé et qui fait des profits plutôt qu'une entreprise qui n'en fait pas et qui met la clé sous la porte ..."
... Mais qui fait monter le chômage...
- " ...qui profite du profit ? Les actionnaires ? Oui, bien sûr, il faut les rémunérer, c'est la loi de l'économie. Mais il faut aussi que les salariés puissent bénéficier de ces profits, par des politiques salariales ambitieuses, mais aussi par des retours, par exemple avec les politiques d'intéressement, avec des généralisations d'épargne salariale qui va pouvoir se faire en France grâce à la loi présentée par Fabius. Il faut que les salariés touchent aussi les dividendes des profits des entreprises car finalement, les salariés sont les premier créanciers d'une entreprise."
Vous dites ce matin dans L'Est Républicain - vous allez en sortant d'ici en Lorraine - que "les responsables politiques ne doivent pas être le simple amplificateur de l'émotion immédiate."
- "J'ai eu le sentiment, à voir la réaction d'un certain nombre d'élus politiques - et honnêtement j'ai été un peu déçue de la prestation de L. Jospin sur cette question -, qu'ils semblaient laisser penser que les entreprises confrontées à de telles situations étaient quelque chose qui ne devait pas exister. Le Premier ministre sait bien que l'économie est ainsi faite que les entreprises doivent s'adapter etc. On attend des hommes politiques qu'ils fassent autre chose que d'être un groupe de pression ! Ils ont des responsabilités..."
Vous voulez dire que ce sont eux les acteurs qui ont la décision entre les mains, en principe ?
- "Il y a des acteurs dans la société, les syndicats, mais aussi les consommateurs qui sont de plus en plus en capacité de se faire entendre. Que les politiques assument leurs responsabilités de politiques..."
Il y a justement des menaces de grève chez AOM, Air Liberté, Moulinex ; il y a des crises dans les hautes technologies avec des vagues successives de licenciements, par exemple chez Philips et bientôt chez Bull. Que doit faire un gouvernement ? On nous dit qu'il faut qu'il y ait des textes, peut-être des lois, pour forcer un meilleur reclassement, renchérir le coût des licenciements pour les entreprises qui font des bénéfices... Que doit faire un gouvernement quel qu'il soit ?
- On attend d'abord d'un gouvernement qu'il permette aux citoyens, aux salariés, de comprendre ce qu'est aujourd'hui la réalité de l'économie, de la mondialisation. Nous n'attendons pas des politiques qu'ils diabolisent la mondialisation."
C'est un fait.
- "Il y a des actions à conduire pour la réguler, pour l'organiser... C'est là que nous les attendons. Ensuite, c'est à eux de garantir que, même dans les difficultés, l'équilibre entre la recherche de la performance industrielle et financière et la performance sociale soient à tous les coups garanti."
Maintenant, nous allons prendre des cas concrets. Le meilleur moyen d'aider Danone et ses salariés, est-ce de consommer encore plus de biscuits et de yaourts Danone, ou comme l'a recommandé ce qu'A. Genestar appelle dans Paris-Match "la gauche yaourt", de les boycotter ?
- "A la CFDT, nous avons, à tous les niveaux, été complètement opposés à cette idée de boycott, tout simplement parce que c'est rajouter des problèmes supplémentaires à des salariés qui en ont déjà assez à résoudre. Nous sommes donc partisans, avec les salariés de Danone, d'organiser leur défense. Nous sommes partisans d'exiger de l'entreprise les engagements qu'elle a pris pour obtenir zéro chômeur à Danone."
Est-ce que vous allez samedi à la manifestation de Lu à Calais ?
- "Non, la CFDT chez Danone n'a pas appelé à cette manifestation, tout simplement parce que cette manifestation est organisée en faveur du boycott et que ce n'est pas le mode d'action que nous choisissons. Nous pensons même que c'est une impasse."
Il paraît que je vais bientôt recevoir, comme la plupart des Français, une carte postale signée CFDT ?
- "Oui, notre fédération va inciter les salariés, les consommateurs, à envoyer une carte postale au président de Danone, en lui disant qu'ils apprécient les produits Danone, qu'ils veulent défendre les salariés de Danone, en demandant au PDG de garantir leur avenir et d'assurer zéro chômeur."
Autre exemple : la grève de la SNCF va coûter un milliard de francs. Son patron, L. Gallois, maintient son projet de réforme "Cap clients" pour mieux affronter l'Europe. Faut-il sauver le capitaine Gallois et la SNCF ? Est-ce que vous lui donnez raison ?
- "Il faut surtout sauver la SNCF, lui permettre de rester performante dans l'Europe de demain. Il ne faut pas automatiquement - et il faut obtenir des garanties pour cela - être sûr que quand on réforme, quand on modernise une entreprise, cela veut dire "privatisation", "régression" ou "recul sur les acquis sociaux." Il faut pouvoir concilier modernisation de l'entreprise et maintien des garanties sociales."
Autre exemple : E. Guigou va réunir le 10 mai la Commission de la négociation collective avec les syndicats et le patronat. Il s'agira de s'accorder ou pas sur une revalorisation des bas salaires. Que pensez-vous de la méthode, des objectifs ? Qu'en attendez-vous ?
- "J'ai de temps en temps tendance à me dire que décidément, ce Gouvernement pense aux partenaires sociaux quand il a quelques difficultés à résoudre. Là, le Gouvernement est face à un problème difficile par rapport au Smic. On sait bien qu'avec la mise en oeuvre des 35 heures, nous sommes aujourd'hui face à deux Smics. Et le paradoxe est que plus les Smicards attendent de passer aux 35 heures - c'est-à-dire plus les entreprises ne mettent pas les 35 heures en place -, plus l'écart entre la rémunération des Smicards qui sont aux 35 heures et ceux qui n'y sont pas s'accroît, et elle s'accroît au détriment de ceux qui sont aux 35 heures ! C'est quand même un paradoxe..."
Que fait-on alors ?
- "Il faudrait mieux que le Gouvernement dise qu'il n'est pas bon de creuser cet écart, donc que le Gouvernement ne laisse pas miroiter que l'augmentation et les coups de pouce vont être une bonne chose pour tous les Smicards, puisque que ce ne sera une bonne chose que pour ceux qui ne sont pas aux 35 heures."
Est-ce que ce doit être l'Etat qui décide ou les syndicats et le patronat peuvent-ils se mettre d'accord dans les branches ?
- "Le Smic est de la responsabilité de l'Etat. Cela vaut peut-être le coup de discuter d'une question, qui a déjà été discutée au début des années 90, qui supposerait que des négociations s'ouvrent dans les branches. Mais il faut du temps pour cela. On ne peut pas le faire en trois mois. Il faut qu'on ait un objectif de repositionnement des minima conventionnels, qu'on ait des politiques salariales pour les bas de grilles qui soient plus ambitieuses. Mais à ce moment-là, il faudrait que le Gouvernement éclaire le jeu sur la politique qu'il entend tenir par rapport au Smic à cet égard."
Depuis combien de temps n'avez-vous pas vu L. Jospin ?
- "Pas mal de temps..."
Cela vous manque-t-il ?
- "Oui, cela manque toujours de faire le point avec les ministres et les Premiers ministres."
Croyez-vous que L. Jospin pourrait, le moment venu, ne pas être candidat à la présidentielle ?
- "Je ne lis pas dans les marcs de café, c'est de la responsabilité de L. Jospin et du Parti socialiste. J'attends de voir les suites des ces affaires."
Pensez-vous qu'il attend qu'on lui chante ou qu'on lui susurre "ne me quitte pas" ? P. Devedjian dit qu'il "joue la coquette" !
- "Le Premier ministre a en tout cas laissé entendre qu'il avait besoin qu'on l'aime, peut-être qu'on lui dise qu'on avait besoin de lui !"
Ah, les hommes !
- "Il y a un peu de cela !"
Des élus de droite et du centre estime que le meilleur Premier ministre après 2002 serait N. Notat.
- "Il y a parfois de drôles d'idées dans les têtes de drôles de gens !"
Mais vous ne l'avez pas dans la tête, vous ?
- "Pas du tout, vous le savez bien !"
L'Express dit que vous allez avoir à la CFDT une nouvelle progression du nombre des adhérents pour 2000. A combien êtes-vous ?
- "C'est vrai, nous l'annoncerons la semaine prochaine, les comptes n'étant pas encore complètement fixés. Nous devrions avoir à nouveau une bonne progression de notre nombre d'adhérents, je pense entre 6 et 7 %."
C'est-à-dire 850 000 ou 860 000 ?
- "On peut espérer approcher ce nombre."
Vous allez faire rêver les partis politiques !
(source http://www,cfdt,fr, le 14 janvier 2003)