Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à France 2 le 31 janvier 2012, sur la date éventuelle de l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy, l'annonce de l'augmentation de 30% des capacités de construction de logements et le rapport de la Cour des comptes sur le coût de la filière nucléaire.

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG Le président Nicolas SARKOZY doit-il accélérer, c’est la question que se pose le Figaro ce matin à la Une, le Figaro, c’est un journal qui est plutôt proche de l’UMP, en fait moi je vous pose aussi la question, Nicolas SARKOZY peut-il encore attendre des semaines, voir un mois avant de déclarer officiellement sa candidature alors qu’elle ne fait plus aucun doute aujourd'hui ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, l’actualité, c’est la lutte contre la crise et la lutte pour l’emploi. Non, non, je réponds directement à votre question, moi j’entends aussi ces commentaires là, je les entends beaucoup parmi les très proches de l’UMP, parmi par exemple les militants de l’UMP. Oui, c’est normal quand vous êtes militant vous avez envie que votre candidat descende dans l’arène, je ne les entends pas tellement parmi les Français, eux ils me parlent d’emploi, ils me parlent de crise, ils me parlent des mesures que le président a annoncé dimanche.
 
JEFF WITTENBERG On va en parler.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Est-ce qu’ils y croient, ils n’y croient pas, comment ils voient les choses, qu’est ce qu’il y a précisément dedans, c’est de ça qu’ils me parlent, c’est ça leur actualité.
 
JEFF WITTENBERG Vous ne pensez pas que les Français, les citoyens, les électeurs veulent savoir si le président va effectivement descendre dans l’arène et va être effectivement candidat à cette réélection, c’est une question légitime tout de même à moins de 90 jours maintenant de l’élection du premier tour ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ils le sauront, mais l’élection elle est dans trois mois et je crois que l’actualité aujourd'hui c’est la question de l’emploi, et c’est surtout de ça qu’ils ont envie de parler. Ils sont éventuellement angoissés pour eux, ils sont de toute façon au moins angoissés pour les autres, c’est une particularité française vous savez, quand on regarde les sondages sur le moral, les gens ont moins peur pour eux que pour ceux qui sont autour d’eux.
 
JEFF WITTENBERG Alors ces mesures sur l’emploi, précisément, Nicolas SARKOZY en a parlé longuement dimanche à la télévision, est-ce qu’il n’y a pas tout de même une forme d’ambigüité pour ne pas dire plus, lorsque l’on annonce des mesures très importantes en faveur de l’emploi dans l’économie, dans les mois qui viennent alors qu’on n’est pas sûr d’être encore au pouvoir ? Comment Nicolas SARKOZY peut-il faire cela, et est-ce que ce n’est pas aux Français de trancher s’ils veulent ou non de ces mesures ? La TVA sociale, je le rappelle, doit s’appliquer le 1er octobre, bien après l’élection.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET La question, c’est est-ce qu’on a les moyens d’attendre ? Je prends l’exemple de la TVA sociale qui est une mesure pour la compétitivité, pour l’emploi, pour lutter contre les délocalisations. On met forcément plus de six mois à la mettre en oeuvre. Si on attend les élections, quelle qu’en soit l’issue, ça ne pourra pas être mis en oeuvre avant l’été, donc ça veut dire qu’en fait on attend presque un cycle d’un an. Et puis il faudrait que les socialistes choisissent leurs critiques, soit c’est trop tard ou trop tôt, soit ce n’est pas bien, mais ce n’est pas les deux. On ne peut pas juste dire, c’est trop tard, il aurait fallu le faire plus tôt, ou c’est trop tôt comme si on allait le faire plus tard. Non, soit c’est un problème de calendrier, soit c’est un problème de fond et sur la question du fond, là aussi j’aimerai qu’ils purgent le débat entre eux ?
 
JEFF WITTENBERG Mais vous n’êtes pas déconnectée des élections puisque le Parti socialiste a déjà annoncé qu’il reviendrait sur cette mesure si François HOLLANDE est élu, donc vous êtes conscient de ce paramètre, de cette donnée ? On a l’impression quand même, François FILLON a annoncé deux projets de loi hier, un petit peu d’un passage en force, on fait comme s’il n’y avait pas d’élection ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Vous savez les socialistes disent beaucoup au début qu’ils reviendront sur nos mesures s’ils sont élus et puis après c’est une affirmation qui s’effrite dans le temps. Regardez l’émission de François HOLLANDE jeudi dernier, on lui demandait s’il reviendrait sur le service minimum qui est une des grandes mesures prises par cette majorité, il a dit, « ah non le service minimum, c’est pas mal ». S’il reviendrait sur l’immigration choisie, il a tourné en rond, il a fini par dire, je suis pour l’immigration intelligente, personne ne sait très bien ce que c’est, en fait c’est manifestement la même chose. Et puis il faudra aussi que Manuel VALLS nous dise s’il est pour la TVA sociale comme c’était le cas en septembre et en octobre, où il nous disait, il faut la faire très forte pour pouvoir dégager des marges, ou il est contre. Il faudra que Pierre MOSCOVICI qui est aujourd'hui le directeur de campagne de François HOLLANDE nous dise si, comme il y a un an, il était pour l’augmentation de la TVA pour financer le budget européen, alors il est pour l’augmentation de la TVA pour financer le budget européen, mais pas pour lutter contre les délocalisations en France. ON veut des explications là dessus.
 
JEFF WITTENBERG Alors des mesures sont spécifiquement des mesures annoncées par le président SARKOZY, sont spécifiquement attachées à votre ministère de l’Equipement, du Logement notamment, le président a annoncé qu’il y aurait 30 % supplémentaires de droits à construire, on n’a pas toujours compris ce que cela voulait dire, on a surtout compris que des propriétaires pourraient faire agrandir leur maison ou leur appartement, mais en quoi cela va-t-il intéressé les locataires ou ceux qui bénéficient de logement social par exemple ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET C’est une mesure très simple et forte. On veut plus de logements et moins chers. Aujourd'hui dans la grande chaine de production des logements, il y a un goulet d’étranglement, un point de blocage, c’est le foncier, les terrains. Il n’y en a pas assez, il n’y a pas assez de droit à construire. Et on a deux solutions à partir de là, soit on fait de l’étalement urbain, on construit, on construit de plus en plus large avec tous les problèmes de transport, les problèmes d’essence, de voiture que ça pose, soit on essaie de reconstruire en densifiant, de construire un peu la ville sur la ville, c’est l’augmentation des droits à construire. Il y aura concrètement deux situations, vous l’avez dit, une personne qui a un pavillon sur un terrain, qui va pouvoir faire une extension pour la famille…
 
JEFF WITTENBERG Ce ne sont pas les personnes les plus défavorisées, en quoi je répète ma question cela va concerner…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET D’abord vous avez les Français, pas très défavorisés qui sont de petits propriétaires.
 
JEFF WITTENBERG Mais ceux qui cherchent un logement ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Et les personnes qui ont des terrains, ou les terrains qui sont déjà achetés par les promoteurs parce qu’en fait c’est ça probablement les cas les plus nombreux, c’est déjà des projets qui sont lancés là-dessus, la constructibilité va augmenter de 30 %. Donc il y avait un projet sur lequel on allait pouvoir faire 100 logements, eh bien on va faire 130 logements, étant donné que la constructibilité augmente, c’est tous les paramètres, le gabarit, la hauteur et ce qu’on appelle le coefficient d’occupation des sols.
 
JEFF WITTENBERG Certains professionnels disent que cela va faire augmenter plutôt les prix de l’immobilier encore.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On ne peut pas tout dire là aussi, ça fait des années qu’on dut que les soutiens publics massifs aux logements, 40 milliards par an, 40 milliards par an d’aides à la pierre, d’aides à la personne, il faut augmenter le prix de l’immobilier. Là on dit d’accord, on change le braquet, on met le paquet sur le point bloquant qui est la libération des terrains et on met plus de terrains sur le marché, la constructibilité et les terrains publics, puisqu’on va multiplier la mise à disposition des terrains publics.
 
JEFF WITTENBERG On revient à la politique, à l’élection présidentielle, est-ce que vous faites partie des 70 % de Français si on en croit un sondage publié aujourd'hui par le Parisien qui souhaitent que Marine LE PEN ait ses 500 signatures à l’élection présidentielle. Elle dit avoir du mal à les réunir aujourd'hui.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Et moi je fais partie des très nombreux Français qui entendent depuis 30 ans la famille LE PEN, père ou fille, à chacune des élections, expliquer qu’ils ne vont pas avoir leurs signatures et finalement les avoir à chaque fois.
 
JEFF WITTENBERG Vous n’y croyez pas.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET A chaque fois, ça fait le même buzz médiatique, à chaque fois les médias reprennent ça abondamment et à chaque fois in fine, ils sont l’un ou l’autre dans l’élection.
 
JEFF WITTENBERG Donc vous pensez que c’est un bluff, qu’il n’y a pas de problème aujourd'hui pour le Front National pour réunir ses signatures ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On l’entend depuis 30 ans, j’ai envie de vous dire, ce n’est pas mon problème.
 
JEFF WITTENBERG Une dernière question, un débat qui pour l’instant a été un peu mis de côté mais qui reviendra surement pendant l’élection présidentielle, la Cour des Comptes doit rendre aujourd'hui son rapport sur le coût de l’énergie nucléaire, vous pensez qu’il est toujours plus intéressant de garder les centrales quitte à les rénover, ça va coûter beaucoup d’argent, plutôt que d’en fermer certaines. Qu’est-ce qui coûte plus cher au fond, on a très peu de temps Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET C’est un rapport qui a été commandé par le président de la République pour sortir du débat sur « ça coute cher, ça ne coûte pas cher », donc on a demandé un rapport à des financiers, pas à des ingénieurs, à la Cour des Comptes, sur l’ensemble des couts du nucléaire. Ce qui ressort du rapport à ce stade, de ce que j’en ai vu, c’est qu’il y a des incertitudes sur certains des couts, et il va falloir préciser pour être sûr que tout soit bien intégré. Maintenant le nucléaire reste même avec ces incertitudes, une énergie relativement peu chère, l’enjeu pour moi, c’est de développer les filières d’énergies renouvelables avec des filières industrielles et de l’emploi en France pour pouvoir leur faire prendre leur essor. Une énergie ou l’autre, tant que c’est de l’emploi en France, il faut que ce soit de l’emploi en France.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 31 janvier 2012