Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à La Chaîne Info LCI le 30 janvier 2012, sur l'urgence des mesures à prendre, notamment en matière de TVA, et les dépenses des collectivités locales.

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Circonstance : Entretien télévisé du président de la République le 29 janvier 2012

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

GUILLAUME ROQUETTE Alors, cette fois-ci ça y est, le président s'est lancé.
 
CLAUDE GUEANT Mais, il n'est pas candidat, comme vous l’avez entendu, mais j’ai l’impression que son propos a bien campé le décor. Nous avons le projet de quelqu’un qui pourrait devenir un candidat, nous avons en face le projet de François HOLLANDE, qui a été dévoilé largement la semaine dernière. Le projet de Nicolas SARKOZY, c'est de donner de la compétitivité à notre pays, c'est un sujet qui n’a jamais été évoqué par François HOLLANDE. Nous avons un problème majeur, qui est un problème d’emploi, le problème de l’emploi dans l’immédiat mais aussi dans la durée. Il faut recréer de l’activité en France, il faut donc gagner de la compétitivité. Pour résoudre les problèmes d’emploi, François HOLLANDE propose des stages parking, c'est-à-dire la dépense publique et stages qui ne débouchent sur aucune perspective.
 
GUILLAUME ROQUETTE Pour vous, les emplois jeunes, ce sont des stages parking, des emplois d’avenir.
 
CLAUDE GUEANT Eh bien, les emplois d’avenir, on en a vu déjà la démonstration dans le passé, à l’initiative du Parti socialiste. Les collectivités locales ont eu les pires peines du monde, ensuite, à gérer la décrue du dispositif, tout simplement parce que les jeunes n’avaient reçu aucune formation et n’avaient aucune perspective. Il y a une différence, une divergence fondamentale, entre les deux, ni pense que...
 
GUILLAUME ROQUETTE Entre les deux programmes, on peut le dire maintenant.
 
CLAUDE GUEANT Entre les deux programmes. Nicolas SARKOZY pense que la richesse doit être créée par les entreprises, c'est l’activité qui crée la richesse et il faut par conséquent abaisser le coût du travail, c'est un des éléments de la compétitivité, sans réduire les salaires. Un autre élément de la compétitivité, réside dans toute la politique qu’il a mise en oeuvre ces dernières années, je pense au crédit d’impôt recherche, je pense à l’autonomie des universités, à l’augmentation des moyens des universités, au programme des grands investissements.
 
GUILLAUME ROQUETTE Mais Nicolas SARKOZY est aussi un politique. Augmenter les impôts, comme la TVA, trois mois avant une élection présidentielle, ça ne s’est jamais vu, c'est presque suicidaire.
 
CLAUDE GUEANT Mais, il annonce, effectivement, une augmentation de la TVA de 1.6. Alors, si je compare encore à François HOLLANDE, lui, constatant cependant le problème que pose le coût du travail dans notre pays, je le signale, je le rappelle aux Français, a proposé la semaine dernière, une nouvelle augmentation des charges. Pour ce qui est de la TVA, c'est vrai, c'est un élément qui compense en partie l’allègement des charges sur les salaires. Cela étant, il y a une conséquence à l’allègement des charges sur les salaires, cette conséquence c'est une réduction des coûts, donc, potentiellement, une réduction des prix, il ne faut pas oublier ça. Outre les questions de concurrence que Nicolas SARKOZY a rappelées hier, et qui brident l’augmentation des prix, il a rappelé que l’Allemagne, en pratiquant l’augmentation d’une TVA de 3 %, eh bien l’Allemagne n’a pas connu d’augmentation des prix du tout.
 
GUILLAUME ROQUETTE Arrêtons-nous un instant à la méthode. Est-ce qu’il est très démocratique de faire voter comme ça, un peu en catastrophe, par le Parlement, des mesures aussi importantes, quelques semaines avant une élection ?
 
CLAUDE GUEANT Un Parlement est toujours légitime. Le Parlement est légitime jusqu’au dernier jour de son mandat, de même que le président est légitime jusqu’au dernier jour. Il n’a pas été élu pour 4 ans et demi, il a été élu pour 5 ans, et je dirais même que c'est son devoir. Nicolas SARKOZY a une conception très exigeante de son devoir de président, il y a aujourd'hui des problèmes aigus qui se posent à la France, il ne faut pas attendre pour les régler. On ne va quand même pas attendre que le gouvernement soit en mesure de fonctionner après les législatives, c'est-à- dire dans six mois, pour prendre les mesure qui s’imposent.
 
GUILLAUME ROQUETTE Mais l’opposition répond déjà qu’on a attendu 5 ans.
 
CLAUDE GUEANT Mais, l’opposition répond ce qu’elle veut, mais ce qui est sûr, c'est que les mesures, les mesures difficiles en particulier, peuvent se prendre lorsque les choses sont mures. Il y a un certain nombre de décisions qu’on ne peut pas prendre à froid. Déjà, il y a des décisions très importantes qui ont été prises, qui n’étaient pas faciles à prendre. Il y a eu la réforme des retraites, c’était une réforme considérable et qui illustre bien, d’ailleurs, la politique de Nicolas SARKOZY. C'est une politique d’attachement à nos systèmes sociaux, ils doivent être préservés, mais pour les préserver, eh bien il faut qu’ils soient financés de façon pérenne. Il n’était pas possible de faire la même année, la réforme des retraites et ce qui est prévu en ce moment, avec l’augmentation du taux de la TVA et l’allègement des charges.
 
GUILLAUME ROQUETTE Parmi les mesures annoncées...
 
CLAUDE GUEANT Mais maintenant, nous sommes au pied du mur, eh bien il faut le faire.
 
GUILLAUME ROQUETTE Parmi les mesures annoncées hier par le président de la République, il y a un assouplissement du temps de travail dans les entreprises. Ça veut dire que c'est réservé au privé ? Est-ce que vous, vous allez aller voir vos policiers en leur disant : « Eh bien, écoutez, vous aussi vous allez devoir travailler plus » ?
 
CLAUDE GUEANT C'est ce que je fais déjà. Pour partie, les RTT sont rachetés, dans la police, ça c’est depuis 2002 que ça se fait, et lorsque Nicolas SARKOZY était ministre de l’Intérieur, pour une raison très simple, c'est qu’en arrivant en 2002, nous avons trouvé l’application des 35 heures dans la police, ça se traduisait par une suppression de 8 000 emplois. Donc, nous avons fait cela, et je propose par ailleurs aux policiers, afin d’augmenter leur présence sur la voie publique, des heures supplémentaires et cela leur convient bien.
 
GUILLAUME ROQUETTE François BAYROU est-il dans l’opposition ? Il a parlé hier, à propos des mesures présidentielles, d’affolement, d’improvisation. Vous lui avez tendu une perche dimanche, hier, dans LE PARISIEN en disant : « Il fait partie de la famille ». Pour quelqu’un qui fait partie de la famille, il n'est pas très aimable avec son cousin ou son oncle ou...
 
CLAUDE GUEANT Il n'est pas aimable, mais ce que je remarque, c'est que François HOLLANDE dit beaucoup de mal de lui, lui pourfend – et à juste titre – les propositions de François HOLLANDE, donc je le trouve idéologiquement, et face aux décisions qui sont à prendre pour l’avenir de la France, proche de nous.
 
GUILLAUME ROQUETTE Très rapidement, les collectivités locales vont-elles être mises sous tutelle ? Le président a dit hier : « Si elles dépensent trop, nous remettrons en questions leurs dotations ».
 
CLAUDE GUEANT Oui, il n'est pas question de mettre les collectivités locales sous tutelle, ce serait contraire à la constitution, qui dit très expressément que les collectivités locales s’administrent librement, mais nous avons un problème. La dépense publique est faite de trois tiers, qui sont inégaux d’ailleurs. Il y a les dépenses du budget, un gros tiers qui est la dépense sociale et un petit tiers qui et la dépense des collectivités locales. Il y a aujourd'hui une anomalie, c'est que l’Etat serre la vis, pour ce qui le concerne, il fait des économies considérables...
 
GUILLAUME ROQUETTE Et par les collectivités locales.
 
CLAUDE GUEANT Et les collectivités locales ne le font pas. En matière d’emploi, c'est particulièrement patent.
 
GUILLAUME ROQUETTE Alors, comment est-ce que vous pouvez leur imposer ces économies ?
 
CLAUDE GUEANT En matière d’emploi, nous supprimons, l’Etat, dans le budget, 30 000 emplois par an, les collectivités locales en créent, sans qu’il y ait transfert de compétences du tout, autant. Donc il y a un problème. Alors, nous allons le rencontrer, nous allons discuter avec elles, et je pense que nous pouvons trouver un certain nombre des responsables de bonne volonté, qui nous permettent d’arriver dans la concertation, sinon eh bien nous pourrons effectivement moduler les dotations, afin de parvenir à une meilleure discipline collective. Il ne faut pas...
 
GUILLAUME ROQUETTE Donc, d’abord on discute, et après, éventuellement, on module.
 
CLAUDE GUEANT Oui. Il ne faut pas oublier que les collectivités locales font partie de l’ensemble national. On n'est pas dans un pays où l’Etat est contre les collectivités locales, ou les collectivités locales contre l’Etat. Nous formons un seul pays, une seule Nation.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 6 février 2012