Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, sur les axes du projet de loi de finances rectificative prenant en compte les défis de la croissance et du désentettement, à l'Assemblée nationale le 13 février 2012.

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Circonstance : Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012, à l'Assemblée nationale le 13 février 2012

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur général,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les députés,
La France, comme la plupart des pays européens, est aujourd’hui confrontée à deux défis : celui de la croissance et celui du désendettement. Et au coeur de ces deux défis, il y a une notion essentielle : la compétitivité.
Il n’y aura pas de croissance forte et durable, il n’y aura pas d’amélioration possible de l’emploi, il n’y aura pas de désendettement possible, si nous ne mettons pas tout en oeuvre pour rendre notre économie et nos entreprises plus compétitives.
La Cour des Comptes le soulignait encore il y a quelques jours dans son rapport sur la situation des finances publiques, en rappelant que, sur le chemin du désendettement, la compétitivité est aujourd’hui une exigence incontournable, et qu’elle relève de décisions nationales.
Mesdames et Messieurs les Députés, la compétitivité, elle est au coeur de ce collectif. Loin de faire le choix, comme tant d’autres avant nous, de prendre prétexte des échéances électorales pour reporter les décisions incontournables, nous assumons des décisions fortes, parce que la croissance et l’emploi des français en dépendent. Dans ce domaine comme dans bien d’autre, l’attentisme ne peut pas être une politique.
I. Ce collectif va donc nous permettre de réaliser une nouvelle avancée majeure en matière de compétitivité.
Car il faut regarder les chiffres en face :
- nos performances commerciales se dégradent depuis plus de 10 ans. Nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l’Allemagne. Notre part dans les exportations de la zone euro est passée de 15,8% en 2000 à 12,9% aujourd’hui. Et nous importons de plus en plus : la part des produits importés dans la consommation des ménages en produits manufacturés est passée de 28% à 42% ;
- nos emplois industriels reculent. Nous avons perdu 500 000 emplois dans l’industrie depuis 10 ans ;
- notre déficit extérieur se dégrade continûment depuis 15 ans.
Face à cette situation, depuis 2007, nous n’avons eu de cesse d’agir. Nous le savons tous ici, la compétitivité est une notion complexe, large, protéiforme, et nous avons agi sur deux de ses paramètres essentiels.
Premier paramètre, l’innovation. En triplant le crédit impôt-recherche, en réformant en profondeur le fonctionnement de notre appareil de recherche, en lançant un programme d’investissements d’avenir de 35 Md€, nous avons posé les bases d’une amélioration considérable de notre capacité d’innovation. Naturellement, cette amélioration sera progressive. Mais elle se diffuse largement dans notre tissu productif, 80 % des bénéficiaires du CIR étant en effet des PME.
Deuxième paramètre, l’investissement. En réformant la taxe professionnelle, nous avons supprimé une taxation pesant exclusivement sur l’investissement de nos entreprises. Cet effort, de 5 Md€ annuel, est là encore une avancée majeure dont bénéficient principalement les PME, qui représentent 80 % des bénéficiaires. Il s’ajoute aux 30 Md€ investis depuis 2007 par l’intermédiaire du FSI et d’OSEO pour aider nos entreprises à se financer.
Le troisième acte des réformes de compétitivité, c’est celui de la baisse du coût du travail. Et pour comprendre à quel point il est au coeur de notre problème de compétitivité, là encore, il faut regarder les chiffres :
- le coût du travail par unité produite a augmenté entre 2000 et 2009 de 20% en France et de 7% seulement en Allemagne ;
- pour un même coût du travail, 4000€, l’entreprise française paye 1217€ de charges patronales alors que l’entreprise allemande n’en paye que 695€. C’est près du double. Et le salarié français a un salaire net de 2400€, alors que le salarié allemand a un salaire de 2615€. Résultat : ce sont les salariés français et l’emploi en France qui sont pénalisés.
Nier notre problème de coût du travail, comme le fait aujourd’hui l’opposition, n’est tout simplement pas possible. Il y a 15 ans, la gauche disait d’ailleurs strictement l’inverse, lorsque Monsieur JOSPIN écrivait à Edmond MALINVAUD que le niveau de prélèvements sur le travail était l’un des problèmes majeurs de l’économie française, ou encore lorsqu’il faisait figurer en 6ème proposition du programme du parti socialiste pour 2002 la réduction du coût du travail.
Et que dire de la proposition de François HOLLANDE, qui, en augmentant les cotisations sociales d’au minimum 1 point pour financer un retour en arrière sur la réforme des retraites, va détruire des dizaines de milliers d’emplois. Aucun Gouvernement en Europe, de gauche ou de droite, ne s’aventure à proposer un tel contresens.
A l’inverse, le Gouvernement propose donc, Mesdames et Messieurs, de réduire le coût du travail en supprimant totalement les cotisations famille pour les salaires allant jusqu’à 2,1 SMIC, puis de les réduire de manière dégressive jusqu’à 2,4 SMIC.
Cette réduction des charges sociales, qui représente un avantage de compétitivité de 13,2 Md€ sera financée par une augmentation de 1,6 point de la TVA à taux normal (10,4 Md€) et, dans un souci permanent d’équité, par une augmentation de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (2,6 Md€) qui pèsent sur les plus aisés.
1. Ce basculement représentera un gain de compétitivité majeur.
Cette mesure, c’est une baisse de la masse salariale pouvant aller jusqu’à 5,4 %. Ses effets seront immédiats. Dans un contexte de croissance ralentie et de concurrence accrue, l’intérêt des entreprises sera, dans la grande majorité des cas, de répercuter immédiatement la baisse des charges sur les prix afin de gagner des parts de marché. Le résultat, Mesdames et Messieurs, c’est que les produits français seront avantagés par rapport aux produits importés, puisque les produits fabriqués en France verront leur prix baisser, sur le marché national et à l’exportation, alors que les produits importés subiront la hausse de la TVA sans bénéficier de la baisse de charges.
2. Le ciblage que nous avons retenu renforce la simplicité et l’efficacité de notre mesure.
Cette mesure, elle doit d’abord être simple pour pouvoir s’appliquer facilement aux PME et aux TPE. C’est pourquoi nous avons prévu une suppression intégrale des charges sociales familiales jusqu’à 2,1 SMIC et dégressive jusqu’à 2,4 SMIC.
Notre barème nous permet donc de donner aux PME et aux TPE un avantage plus important qu’aux grands groupes. Les PME bénéficieront de la moitié de la baisse du coût du travail : 6,5 Mds d’euros immédiatement pour les PME et les TPE. L’essentiel des salariés des TPE sera couvert. Or on le sait, ce sont d’abord elles qui créent l’emploi en France.
Nous avons en outre ciblé la baisse des charges sur les secteurs les plus exposés à la concurrence. Nous couvrons en effet 80% des salariés de l’industrie, 75% de ceux de l’automobile et près de 97% de ceux de l’agriculture. J’entends dire que l’industrie serait insuffisamment concernée. C’est faux. Elle reçoit deux fois plus d’allègements que son poids dans l’économie française.
Le barème que nous avons retenu nous permet donc de viser à la fois la compétitivité et l’emploi.
C’est pourquoi, au total, cette réforme devrait créer environ 100.000 emplois, des emplois qui bénéficieront prioritairement aux salariés des classes moyennes.
3. Enfin, pour terminer sur cette réforme, j’ajoute qu’elle n’aura aucun impact significatif sur les prix, contrairement à ce qu’en dit l’opposition.
L’opposition aime à dénaturer cette réforme, probablement pour faire oublier que son programme augmenterait le coût du travail et donc détruirait de l’emploi marchand. La première des caricatures, c’est de faire croire que cette réforme est une hausse des taxes au profit de l’Etat. Mais non, cette réforme est une réforme pour l’emploi. Ca n’est pas une réforme anti-déficit. Pas un euro supplémentaire n’ira dans les caisses de l’Etat. La baisse du coût du travail est strictement égale au produit de la hausse de la TVA et de la CSG sur les revenus du patrimoine. Il n’y aura pas de hausse d’impôt.
La deuxième caricature, c’est d’évoquer le spectre d’une inflation galopante. Mais cette réforme aura en réalité un très faible impact sur les prix et le pouvoir d’achat des ménages :
- D’abord parce que la baisse du coût du travail est supérieure à la hausse de la TVA.
- Ensuite parce que 60 % de la consommation des Français se fait à taux de TVA nul ou à taux réduit, c’est le cas notamment des loyers, des produits alimentaires, des médicaments. Et ces produits bénéficieront en large partie de la baisse du coût du travail, et donc devraient voir leur prix baisser ;
- Enfin parce que pour les 40 % restants, les trois quarts des produits achetés sont fabriqués en France et verront leur prix hors taxe baisser. Certes les produits importés qui représentent 10% de la consommation des ménages subiront une hausse de TVA « sèche » sans baisse du coût du travail. Mais c’est justement l’objectif de cette réforme, qui vise à dissuader les délocalisations et à améliorer la compétitivité des produits français par rapport à ceux fabriqués chez nos voisins européens. Nous pensons néanmoins que les produits importés soumis à la pression très forte de la concurrence ne devraient pas augmenter significativement leurs prix.
Les expériences étrangères, en particulier au Danemark ou en Allemagne, nous confirment qu’une telle réforme a peu d’effet sur les prix et nous invitent à poursuivre dans la même voie.
Alors comprenez Mesdames et Messieurs les députés, que je n’accepte pas l’idée selon laquelle cette réforme grèverait le pouvoir d’achat des Français. Je l’accepte d’autant moins que les députés socialistes soutiennent l’augmentation des cotisations retraites proposée par Monsieur HOLLANDE qui représente une perte annuelle de salaire net de 230 euros pour un couple à 1500 euros chacun. Qui, dans ces conditions, porte atteinte au pouvoir d’achat des ménages ?
Augmenter les cotisations sociales salariales et patronales de 5 milliards, raboter les allègements de charges sur les bas salaires, revenir sur la réforme de la taxe professionnelle, voilà le projet de l’opposition pour les PME. Des charges, encore des charges au détriment de leur compétitivité et de l’emploi. Qui, dans ces conditions, porte atteinte au pouvoir d’achat des ménages ?
Notre projet est radicalement différent. Alléger les charges pour donner aux entreprises la compétitivité qui leur fait défaut, afin qu’elles produisent en France, qu’elles exportent et qu’elles créent des emplois.
En matière de compétitivité, je l’ai dit, les coûts ne sont cependant pas l’unique déterminant. C’est la raison pour laquelle ce collectif contient également des avancées en matière de compétitivité hors prix : le financement des entreprises et la formation des jeunes.
Dans le prolongement de notre action de financement des PME, nous proposons de créer une nouvelle branche d’Oséo qui sera spécifiquement dédiée au financement des PME et établissement de taille intermédiaire industriels. Cette banque de l’industrie sera dotée d’un milliard d’euros de fonds propres et viendra compléter le socle déjà très puissant des moyens que nous consacrons au financement de l’industrie.
Nous souhaitons par ailleurs accentuer notre effort en matière de formation en alternance, dont on sait qu’elle est un véritable tremplin vers l’emploi, contrairement aux différentes formules d’emplois jeunes, quel que soit leur nom. Avec le plan de développement de l’apprentissage, nous avons déjà obtenu de très bons résultats – près de 500 000 jeunes sont entrés en alternance en 2011 – mais, il faut aller plus loin. Clairement, dans notre pays, les grandes entreprises ne font pas assez d’efforts : la plupart d’entre elles comptent moins de 1% d’apprentis alors que nous avons fixé un quota de 4%.
C’est pourquoi, dans ce PLFR, nous proposons deux choses : d’une part de doubler les pénalités pour ces grandes entreprises qui ne respectent pas la règle du jeu et d’autre part de relever le quota de jeunes en alternance à 5%. A terme, avec le respect de ce nouveau quota, les entreprises devraient embaucher 270 000 jeunes de plus qu’aujourd’hui.
II. Au côté des mesures de compétitivité, ce collectif vise à garantir le respect de notre engagement de déficit 2012, en dépit d’une croissance plus faible que prévue
François BAROIN le dira dans quelques minutes : le ralentissement plus marqué que prévu au 4ème trimestre nous conduit à réviser notre prévision de croissance de 1 % à 0,5 % en 2012. Au total, l’impact de cette révision, pèsera sur le solde des administrations publiques à hauteur de 5 milliards d’euros.
Mais cet impact sur les recettes sera intégralement compensé, sans avoir besoin, contrairement à ce que les Cassandre de l’opposition avaient prédit, d’un 3ème plan de rigueur.
Si nous ne demandons pas le moindre euro supplémentaire aux Français, c’est grâce à la très bonne gestion qui a caractérisé l’exercice 2011 et à la prudence de nos hypothèses pour 2012.
1. La bonne gestion d’abord.
En 2011, alors que l’opposition nous a dit pendant des mois que nous ne tiendrions pas nos objectifs, nos résultats seront meilleurs que prévu d’au minimum 4 Md€. Nous attendions un déficit public de 5,7 % ; il devrait être inférieur à 5,5 %. Ce bon résultat a naturellement des prolongements en 2012, à hauteur de 3,6 Md€ et explique en grande partie pourquoi nous pouvons absorber le ralentissement de la croissance sans avoir besoin d’un plan d’effort supplémentaire.
En matière de gestion, nous avons par ailleurs fait des choix importants. Mettre aux enchères l’actif immatériel que représentent les fréquences 4G, ce qui nous procure 800 M€ de recettes supplémentaires en 2012. Deuxièmement, nous affectons toutes les recettes exceptionnelles intégralement à la réduction du déficit.
2. A côté de la bonne gestion, il y a la prudence.
Cette prudence, l’opposition nous a reproché pendant des mois d’en avoir manqué. Sur ce point encore, elle est démentie :
- notre estimation des taux d’intérêt, très prudente, nous permet de bénéficier de marges de manoeuvre supplémentaires. Sur la base des taux court terme constatés (0,17% à trois mois) et d’un scénario de remontée progressive, l’économie potentielle sur la charge de la dette dépasse théoriquement largement le milliard d’euros. Nous proposons à ce stade de ne retenir qu’une partie de cet effet attendu sur la dette à court terme, soit 700 millions d’euros, afin de nous prémunir des conséquences qu’aurait un éventuel risque inflationniste ;
- la décision que nous avons prise en août d’augmenter la réserve de précaution, pour la porter à 6 Md€, nous permet là encore de gérer la moindre croissance sans difficulté. Nous annulons sur cette réserve 1,6 milliards d’euros de crédits, dont 400 millions sont redéployés pour financer les mesures en faveur de l’emploi annoncées lors du sommet sur la crise du 18 janvier dernier. Il reste donc des marges de manoeuvre à hauteur de 4,4 Mds d’euros pour faire face aux aléas d’exécution du budget. Je rappelle que nous avons annulé plus de 2 Mds d’euros de la réserve en 2011.
3. Ce collectif contient par ailleurs deux décisions importantes en matière de recettes.
D’abord, nous disposerons dès 2012 des gains liés à la mise en place de la taxe sur les transactions financières, dont François Baroin vous parlera dans un instant. Cette année, cette taxe génèrera des recettes de 500 millions d’euros en droits constatés. En année pleine les recettes estimées sont de 1,1 milliard d’euros.
Ensuite, nous durcissons encore notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, ce qui devrait accroître nos recettes de 300 millions d’euros. Conformément à notre stratégie volontairement répressive, je vous propose dans ce collectif de décupler les amendes liées à la fraude et à l’évasion fiscale, qui n’ont pas été revalorisées depuis des décennies, et de faire de l’évasion fiscale un facteur aggravant dans l’échelle des peines applicables.
Voilà, Mesdames et Messieurs, comment sera intégralement compensé l’impact de la révision de la croissance sur nos recettes. De la même manière que nous avons tenu notre objectif 2011 en dépit de 2 révisions de la croissance, nous tiendrons l’objectif 2012 avec une croissance moindre que prévu.
Le candidat socialiste François Hollande a dit que si la croissance n’était pas au rendez-vous, il ne tiendrait pas ses engagements de retour à l’équilibre budgétaire. Nos engagements sont intangibles. C’est toute la différence. Nous engageons la parole de la France en toute responsabilité.
Mesdames et Messieurs les députés, ce collectif s’inscrit, avec une parfaite cohérence, dans la stratégie globale de notre Gouvernement. Il repose sur les deux piliers fondamentaux de notre action, qui sont autant d’engagements envers les Français : garantir le retour à l’équilibre budgétaire en réduisant nos déficits publics et réamorcer la croissance en restaurant notre compétitivité.
Cette stratégie, c’est celle que préconisent la Commission Européenne, le FMI ou encore dernièrement la Cour des Comptes. C’est celle qui nous permettra de sortir renforcés de la crise. C’est celle qui a fait ses preuves ailleurs en Europe. C’est celle qui fait le choix de la lucidité et du courage.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 14 février 2012