Déclaration de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique, sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, le classement à la sortie de l'Ena et sur la place des femmes dans la Haute fonction publique, à l'Assemblée nationale le 7 février 2012.

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Circonstance : Discussion du projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique..., à l'Assemblée nationale le 7 février 2012.

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Lois,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui devant votre assemblée est le prolongement d’un accord syndical qui vise à lutter contre la précarité dans la Fonction publique.
Une forme de précarité qui est souvent méconnue de nos concitoyens mais qui est d’autant plus inacceptable qu’elle prend racine au coeur même de la République, c’est-à-dire dans nos services publics, dans nos administrations, dans nos collectivités et dans nos hôpitaux.
Cette précarité frappe aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers d’agents de la Fonction publique. Des agents employés avec des CDD renouvelés depuis des années, parfois près de 10 ans, sur des emplois correspondant pourtant à un besoin permanent du service public, et le plus souvent sans aucune garantie pour leur avenir.
Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle n’est acceptable. Depuis 1946, ce sont ainsi 16 plans de titularisations qui se sont succédés avec au final toujours la même incapacité à endiguer, sur le long terme, la multiplication des emplois précaires dans la Fonction publique.
Avec ce projet de loi, il s’agit, pour la première fois, de mettre un terme durable à ce phénomène, en répondant à la précarité d’aujourd’hui tout en posant des règles pour empêcher qu’elle ne fasse demain son retour dans nos services publics.
Avant d’entrer dans le détail des mesures je veux cependant préciser très clairement que tous les agents contractuels de la Fonction publique ne sont pas confrontés à des situations de précarité.
A l’heure actuelle, les agents non-titulaires sont près de 900 000, soit un peu moins de 17 % de l’ensemble des effectifs de la Fonction publique. Pour une large part, ces emplois correspondent à des emplois temporaires de l’administration, des remplacements, de surcroits de travail, de missions ponctuelles et nous avons besoin de ces contrats à durée déterminée.
Je veux être clair, il ne s’agit pas, avec ce texte, de remettre en cause la place du contrat dans la Fonction publique. Nous devrons, demain comme hier, avoir la possibilité de recourir à des agents contractuels pour répondre à des besoins temporaires, des surcharges de travail ponctuelles, des vacances d’emplois, des remplacements d’agents absents ou encore à des besoins spécifiques. Ce que nous ne pouvons cependant plus accepter, c’est un système qui a conduit sur des emplois permanents des dizaines de milliers de personnes à rester en CDD, depuis parfois plus d’une dizaine d’années.
C’est le sens, Mesdames et Messieurs les députés, des engagements pris en janvier 2010, par le Président de la République, des engagements réaffirmés il y a quelques jours à Lille lors de ses voeux à la Fonction publique. L’Etat ne peut s’exonérer, lorsqu’il est employeur, des règles qu’il veut faire respecter à d’autres. L’Etat se doit d’être exemplaire, et dans une période de crise telle que celle que nous traversons, il lui appartient en réalité de montrer la voie.
Dès 2010, le Gouvernement a engagé, sur cette question des emplois précaires, une négociation avec les partenaires sociaux.
Au cours de ces négociations, nous avons recherché avec les organisations syndicales une ligne de partage pour faire coïncider respect du statut de la Fonction publique et lutte contre la précarité.
Ce n’était pas un exercice facile mais le souci du compromis et la volonté d’avancer nous ont permis de conduire une négociation que je veux qualifier d’exemplaire, qui s’est inscrite pleinement dans le nouveau cadre du dialogue social dans la Fonction publique depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2010 portant rénovation du dialogue social dans la Fonction publique.
Ce cycle de négociation s’est conclu par un protocole d’accord le 31 mars 2011. Ce texte a été signé par 6 organisations syndicales représentatives sur 8 et je voudrai, devant vous, Mesdames et Messieurs les députés, saluer une nouvelle fois l’esprit de responsabilité dont ces organisations ont fait preuve tout au long de ces discussions.
Il nous appartient désormais de traduire cet accord dans la loi de la République.
En clair, les employeurs publics seront tenus d’accorder un CDI aux agents en CDD, dès lors qu’ils auront exercé pendant une durée minimale de 6 ans sur les 8 dernières années sur des emplois permanents.
Cette mesure pourrait concerner 100 000 personnes. Et c’est là la nouveauté, il ne s’agit pas d’un plan de titularisation mais bien d’un plan de lutte contre la précarité. Ce sera un passage automatique et cela règlera durablement la situation.
Par ailleurs, l’accord prévoit une possibilité de valorisation des acquis de l’expérience en ouvrant aux agents contractuels, en CDD ou en CDI, des voies d’accès spécifiques à l’emploi titulaire. Ce sera un dispositif limité dans le temps, pendant une durée de quatre ans à compter de la publication de la loi. Ces voies spécifiques pourront être ouvertes aux contractuels en CDI et aux agents en CDD ayant eu une durée de service totale de quatre ans sur une période de six années consécutives sur un emploi répondant à un besoin permanent. Je précise que c’est une possibilité. J’ajouterai pour être complet que sur ma proposition le Sénat a étendu les effets de cette disposition aux agents qui sont recrutés par contrats à durée déterminée de 10 mois sur 12 consécutifs, à l’instar des professeurs contractuels de l’Education nationale. Même dispositif, au-delà de six ans, passage en CDI.
Mais, je vous l’ai dit, la grande nouveauté du texte, c’est que le passage du CDI règlera la situation des personnes actuellement en CDD, mais aussi de ceux qui se trouveront à l’avenir dans cette situation.
Parallèlement, le Gouvernement a souhaité aussi harmoniser les conditions de recours à des agents contractuels. Les procédures de recrutement seront davantage formalisées et la durée maximale des contrats pour besoin temporaire sera précisée.
Enfin, le Gouvernement entend, par voie règlementaire, améliorer également la situation de l’ensemble des agents contractuels. Ils auront désormais accès aux dispositifs de formation professionnelle. Ceux qui sont recrutés sur des besoins permanents puissent bénéficier d’un entretien professionnel annuel. Enfin, et conformément à l’esprit de la loi du 5 juillet 2010, les agents contractuels bénéficieront désormais d’une garantie de représentation au sein de nos différentes instances de concertation.
J’ajouterai que cette garantie a d’ailleurs été mise en pratique lors des élections professionnelles du 20 octobre dernier, où, pour la première fois, les agents non-titulaires ont participé à la désignation de leurs instances. Le Sénat a souhaité qu’à l’instar de la fonction publique de l’Etat, la fonction publique territoriale se dote de commissions consultatives paritaires, distinctes des commissions administratives paritaires, pour examiner les situations individuelles des contractuels. C’est une avancée importante.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les députés, les grandes lignes de cet accord. Conformément aux engagements que le Gouvernement a pris en direction des organisations signataires, je souhaite que nos débats ne conduisent pas à dénaturer le contenu de cet accord.
J’en viens à présent aux autres questions traitées par ce projet de loi et d’abord à celle de la lutte contre les discriminations. Ma conviction, Mesdames et Messieurs les députés, c’est que pour que son action soit comprise et respect??e de tous, la Fonction publique se doit d’être à l’image de la population qu’elle sert.
Ma conviction, c’est que dans la lutte contre les discriminations, la Fonction publique se doit d’être exemplaire.
Au cours des dernières années, nous avons ouvert les portes de nos administrations à la diversité tant sociale que géographique de la population française en créant dans la plupart des écoles du service public, des classes préparatoires intégrées. J’ai eu l’occasion de saluer voici quelques semaines le premier élève d’une CPI à avoir réussi le concours de l’Ecole nationale d’Administration. C’est à mes yeux une parfaite illustration du succès qui est aujourd’hui celui de l’ensemble des classes préparatoires intégrées.
Conformément aux engagements pris par le Président de la République voici 3 ans à Palaiseau, la diversité est à présent en marche dans la Fonction publique, de même que la place des travailleurs handicapés avec un taux d’emploi à l’échelle de l’ensemble de la Fonction publique passé je veux le rappeler de 3,99 % en 2009 à 4,21 % en 2010.
C’est, Mesdames et Messieurs les députés, à l’aune de ces succès qu’il nous appartient désormais de répondre à une autre forme de discrimination tout aussi choquante, je veux parler cette fois du rôle et de la place faite aux femmes dans nos administrations.
Sur ce point le constat est aujourd’hui sans appel, si les femmes représentent 60 % des effectifs de la Fonction publique, elles restent encore extrêmement minoritaires, de l’ordre de 10 %, en ce qui concerne les emplois de direction.
Face à ces chiffres, nous avons un cap, c’est parvenir à l’égal accès des femmes et des hommes aux postes à responsabilité dans la Fonction publique. Cette égalité, c’est une égalité qui n’est pas simplement théorique mais bien une égalité à la fois concrète et active, qui se vérifie tant sur les organigrammes que sur les fiches de paie.
A l’image de ce qui a été réalisé ces dernières années en matière d’égalité professionnelle dans le secteur privé, avec notamment l’adoption de la loi dite COPE-ZIMMERMANN, l’heure doit désormais être aux actes dans la Fonction publique.
L’enjeu de ce débat, c’est bien, Mesdames et Messieurs les députés, de briser ce fameux plafond de verre qui empêche encore des femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités. Depuis plusieurs mois, j’ai souhaité ouvrir sur cette question une négociation avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs, et l’heure me semble désormais venue pour des mesures fortes.
Nos débats en Commission ont été l’occasion d’adopter une première série de dispositions ambitieuses, et je veux saluer ici le travail réalisé notamment par Marie-Jo ZIMMERMANN dans sa fonction de Présidente de la Délégation aux droits des Femmes de votre assemblée, ainsi que par Françoise GUEGOT, dans le prolongement du rapport sur l’égalité professionnelle dans la Fonction publique qu’elle avait, en mars dernier, remis au Président de la République.
Ces dispositions permettront d’accroître la présence des femmes dans toutes les instances de dialogue social de la fonction publique et dans les jurys de concours, mais aussi dans les conseils d’administration des établissements publics.
Comme je m’y étais engagé devant la Commission des Lois, je présenterai devant votre assemblée un amendement visant à instituer des quotas de femmes dans les flux de nominations aux plus hautes fonctions du service public. Conformément à la logique qui avait été retenue par le législateur pour le secteur privé dans le cadre de la loi COPE-ZIMMERMANN, ces quotas interviendraient dans un cadre permettant une certaine souplesse, puisqu’ils s’élèveront progressivement dans le temps, soit d’ici 2018, jusqu’à parvenir à un taux d’au moins 40 % de chaque sexe sur les flux de nominations.
J’entends bien les réserves que peut susciter une telle mesure, mais si les quotas ne constituent pas la panacée ils demeurent à ce jour le seul moyen de faire réellement changer les choses. C’est de cela que nous avons besoin aujourd’hui et notre débat sera l’occasion d’y revenir plus en détails.
Je veux à présent évoquer plusieurs questions soulevées par ce projet de loi.
J’aborderai tout d’abord une question qui ne figure pas dans ce projet de loi mais sur laquelle je connais vos attentes, celle du classement de sortie de l’Ecole nationale d’Administration. Sur ce point, le Gouvernement a fait le choix d’une solution concertée. J’ai réuni une Commission de réflexion et chacun a convenu que nous ne pouvions pas en rester au statu quo c'est-à-dire au système transitoire que nous connaissons aujourd’hui. Nous interviendrons par décret. L’idée c’est que le classement de sortie, dont beaucoup ne veulent pas la suppression, ne soit pas le préalable à l’affectation mais qu’il intervienne après un entretien professionnalisé entre élève et futurs employeurs, qui vaudra pour l’ensemble des élèves et pas simplement pour les administrateurs civils comme c’est le cas aujourd’hui. Cela concernera donc les grand corps comme les ministères. Enfin, le rôle de la Commission de suivi sera conforté.
Il y aura donc bien une évolution, et c’est ce que je souhaitais.
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer touche aux modifications que ce texte apporte à la loi du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la Fonction publique. C’est là un sujet qui me tient particulièrement à coeur car il importe à mes yeux que nous donnions à chaque agent de la Fonction publique la possibilité de construire un parcours professionnel, sur la base de ses compétences, et qu’il puisse bénéficier d’une carrière conforme à ses attentes et à celles aussi du service public. Les dispositions introduites par ce texte permettront ainsi de faciliter les mobilités au sein de chaque Fonction publique mais aussi entre elles.
Sujet très important également, celui des droits et moyens syndicaux. J’ai souhaité que nous puissions régler la question des moyens mis à disposition du dialogue social sur la base du résultat des élections professionnelles, c’est à dire sur la base de la représentativité. Aucun gouvernement ne s’était attaqué à ce problème depuis 30 ans. Nous sommes parvenus à un relevé de conclusions avec les organisations syndicales le 29 septembre dernier.
Il fixe le principe « à périmètre constant, moyens constants », il fixe également le principe d’une véritable transparence sur la mise à disposition et l’utilisation de ces moyens, dès le premier équivalent temps plein.
Cette réforme, à laquelle je tenais tout particulièrement, sera appliquée par voie réglementaire dans la Fonction publique d’Etat et dans la Fonction publique hospitalière mais elle nécessite une intervention législative en ce qui concerne la Fonction publique territoriale, laquelle figure désormais dans le texte adopté par le Sénat.
C’est une étape très importante de la rénovation du dialogue social qui a été engagée en application des Accords de Bercy de juin 2008 et de la loi du 5 juillet 2010.
S’agissant du chapitre sur les juridictions administratives et financières, j’ai noté au Sénat, une vraie inflation de cette partie, passée de 6 à 17 articles. Votre Commission des Lois a souhaité ajouter d’autres dispositions.
Comme je l’ai déjà indiqué, bien évidemment, ces juridictions doivent évoluer, et nombre des dispositions déjà adoptées ont sans doute leur utilité, mais ne perdons pas de vue la finalité première du projet de loi. Je resterai toutefois ouvert aux propositions de votre Commission des Lois.
Par ailleurs, ce texte contient également plusieurs dispositions concernant la réforme de l’encadrement supérieur de la Fonction publique territoriale, des dispositions qui sont là encore très attendues puisqu’elles répondent à des propositions formulées voici déjà plus de deux ans par le Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale, à l’initiative de son nouveau président, M. Philippe LAURENT.
Sur ce dossier, notre objectif a été double :
- Assurer une transposition harmonieuse de la réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique territoriale telle qu’elle a été mise en oeuvre dans la fonction publique de l’Etat. C’est une attente forte, y compris des employeurs.
- Et d’autre part, garantir la cohérence d’ensemble des carrières et des emplois dans la fonction publique territoriale.
Une modernisation similaire est également en cours et interviendra par voie réglementaire dans la Fonction publique hospitalière.
Enfin, en ce qui concerne les centres de gestion, j’ai réuni ce matin, comme je m’y étais engagé au Sénat, un groupe de travail destiné à rechercher les voies de la convergence sur la question notamment de la possibilité d’une adhésion volontaire des collectivités non affiliées à un bloc indivisible de compétences. Grace aux apports de chacun, je veux spécialement remercier MM. Jacques-Alain BENISTI et Bernard DEROSIER, un consensus a pu être trouvé à partir des propositions qui avaient été formulées au Sénat tant par le groupe UMP que par le groupe PS et je vous présenterai donc plusieurs amendements qui permettront à l’Assemblée nationale d’acter les termes de cet accord.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, constitue une réelle avancée, au service de la modernisation de la Fonction publique. La société change, les besoins évoluent, la recherche de l’efficience sera inscrite durablement dans le management et donc la Fonction publique doit changer, doit évoluer pour répondre aux nouvelles attentes et garantir la cohésion sociale et territoriale.
Rarement autant d’accords auront été conclus qu’au cours des 5 dernières années. Je veux rappeler le relevé de conclusions de février 2008 sur la politique salariale, les accords de Bercy de juin 2008 sur le dialogue social et l’accord sur la santé et la sécurité au travail de novembre 2009. 4 accords en 5 ans, c’est la preuve d’un dialogue social à la fois volontariste et responsable, celle aussi d’une démocratie sociale vivante et moderne.
L’année 2011 restera marquée par les élections professionnelles du 20 octobre dernier dans la Fonction publique d’Etat et la Fonction publique hospitalière, élections qui fondent désormais la représentativité.
Le dialogue social s’appuie désormais sur la légitimité démocratique issue de ces élections. Il s’appuie désormais sur une véritable transparence en ce qui concerne les moyens alloués aux organisations syndicales. Il s’appuie aussi sur une nouvelle architecture institutionnelle avec dorénavant trois conseils supérieurs Etat, territoriale et hospitalière, profondément rénovés, et sur un conseil commun, que j’ai installé le 31 janvier 2012 pour évoquer les problématiques transversales, je souhaite en faire un outil de modernisation de la Fonction publique.
Travailler avec les fonctionnaires, au service du public, c’est le sens de ce projet de loi. Il s’agit pour l’Etat et l’ensemble des collectivités publiques de France, d’assumer un devoir d’exemplarité qui doit inspirer tous les employeurs publics. C’est donc un signal fort, de responsabilité et de justice sociale que le Gouvernement vous propose aujourd’hui d’adresser à tous ceux qui, fonctionnaires ou non, ont fait le choix de s’engager au service de leurs concitoyens et de l’intérêt général.
Je vous remercie.
Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 13 février 2012