Extraits de l'entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "Radio classique" et "Public Sénat" le 27 mars 2012, sur l'affaire Mohamed Merah et la question du terrorisme et la crise en Espagne et dans la zone euro.

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Média : Public Sénat - Radio Classique

Texte intégral

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Q - Alors, on va prendre les dossiers les uns après les autres. Il y a probablement une inquiétude, en tout cas vous concernant, sur ces fameuses images de Mohamed Merah, qui sont arrivées dans les locaux, à Paris, de la chaîne de télévision Al Jazeera. Avez-vous entamé une demande pour leur suggérer de ne pas les diffuser ?
R - À chacun son rôle ; il y a une procédure judiciaire et elle suit son cours. Le terrorisme est une menace qui est revenue au devant de la scène, mais je peux vous dire qu’au poste que j’occupe, je ne l’ai jamais perdu de vue. Il se manifeste partout en Europe, au Sahel en ce moment, où nous avons des intérêts. Je n’oublie pas les six otages que nous avons au Sahel et un autre en Somalie. Donc, le terrorisme est un défi pour toutes les démocraties. (…)
Q - Mais souhaitez-vous qu’ils ne passent pas ces images, à titre personnel ?
R - Bien sûr ! Je pense que sur des cerveaux souvent dérangés ou fragiles, cette incitation à la violence, au meurtre, est tout à fait détestable.
Q - Considérez-vous que les explications par la DCRI, qui a postériori a reconnu qu’ils avaient été peut-être un petit peu, pardonnez-moi l’expression, baladés par Mohamed Merah, sont des explications qui vous satisfont puisque vous avez été le premier justement à émettre des interrogations sur son suivi ?
R - Je n’ai pas été le premier. Je me suis exprimé sur une radio à la suite d’un politologue, François Heisbourg, qui soulevait la question de la faille. Et j’ai répondu : «je ne sais pas s’il y a faille, mais s’il y en avait une, il faut faire toute la transparence». Il est vrai que dans notre législation il peut y avoir eu des failles. Je crois que la réponse du président de la République est parfaitement adaptée. Je prends un exemple : aller dans un camp d’entraînement en Afghanistan, cela tombait sous le coup de la loi ; en revanche, aller dans une école coranique où on prêche le jihad contre l’Occident, c’est-à dire le terrorisme, la tuerie et la haine, ça ne tombait pas sous le coup de la loi. Là, il y a une faille et on va la combler.
Q - Et quand le père de Mohamed Merah souhaite porter plainte contre la France…
R - …qui est en Algérie.
Q - …en disant que on aurait pu finalement peut-être l’attraper vivant et non pas avec le résultat que l’on connaît, vous en pensez quoi, vous réagissez comment ?
R - Je ne vais pas me mettre à la place de qui que ce soit, mais si j’étais le père d’un tel monstre, je me tairais dans la honte.
(…)
Q - Vous avez mentionné l’Espagne il y a un instant. Vous êtes inquiet par la situation économique en Espagne ? Je parle des problèmes de dettes.
R - Oui, l’Espagne a du mal à tenir ses objectifs. Il faut donc, avec nos partenaires européens, que nous soyons vigilants et que nous essayions de l’aider à se sortir de cette très mauvaise passe. La situation de l’économie espagnole est bien pire que la nôtre ; le chômage en particulier.
(…)
Je pense qu’il n’y a aucune malédiction car, aujourd’hui, la zone euro est en train de sortir de la crise. Il faut bien voir que les marchés se stabilisent, que les pays en crise, - l’Espagne a des difficultés, on l’a vu tout à l’heure -, mettent en œuvre des programmes extrêmement sérieux ; l’Italie en particulier. Regardez ce qui se passe sur les marchés, les choses se calment. (…) J’écoutais tout à l’heure votre invité, M. Touati, qui parlait de l’explosion de la zone euro en s’empressant de dire que ce serait une catastrophe absolue pour la France s’il fallait sortir de la zone euro. Essayons donc de conforter la zone euro comme nous l’avons fait. Cela a pris du temps, parce que nous sommes vingt-sept États membres, -vingt-cinq si l’on tient compte de ceux qui n’ont pas signé les traités -, mais nous y sommes arrivés. C’est vraiment un acquis qu’il ne faut pas aujourd’hui remettre en cause.
(…)source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mars 2012