Interview de Mme Eva Joly, candidate d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) à l'élection présidentielle de 2012, à RMC le 30 mars 2012, sur le thème de l'écologie dans la campagne électorale et l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN Merci d’être avec nous, ce matin. Alors, c’est rare, rare vraiment, dans une campagne électorale, un candidat ou une candidate qui parle franchement, directement.
 
EVA JOLY Qui dit ce qu’elle pense, oui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, qui dit ce qu’elle pense et qui dit, et je vous lis, « Je veux bien l’admettre, je suis très différente, mais je pense aussi qu’il y a un refus de la personne qui ne vient pas du moule, c’est mon cas », c’est votre cas.
 
EVA JOLY Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN « Je ne pense pas que les gens m’en veulent pour mes idées, mais je pense plutôt qu’ils m’en veulent parce que je suis Eva JOLY. Peut-être ne veulent-ils pas de la combinaison des idées écologistes avec Eva JOLY ». C’est quand même extraordinaire, ça ! Vous croyez ça, franchement ?
 
EVA JOLY Je pense que ce qui est important aujourd’hui c’est de faire le constat que l’écologie n’est pas la préoccupation n° 1.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ah oui, ça c’est…
 
EVA JOLY Alors que tout autour de nous indique que ça devrait l’être.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais pourquoi ça n’est pas la préoccupation n° 1 ?
 
EVA JOLY Mais nous vivons, par exemple, un pic de pollution incroyable, avec des particules fines parce que nous avons un parc automobile absurde.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, justement, que proposez-vous ? Il y a de la pollution, que proposez-vous ?
 
EVA JOLY C’est ça. Et donc, ce que je dis c’est que nous faisons cette constatation, et vous, les auditeurs, vous le savez bien, puisque vos enfants ont de l’asthme, que vous-mêmes vous souffrez de problèmes respiratoires, et, moi, je vous dis cela n’est pas inéluctable, nous pouvons faire autrement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, comment ?
 
EVA JOLY C’est d’abord le moteur diesel qui est le problème. Et là, il y a des décisions politiques qui ont été prises d’utiliser l’arme fiscale en faveur de PEUGEOT et CITROËN qui avaient…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …mais vous êtes présidente de la République, vous faites quoi ?
 
EVA JOLY Alors, donc, on fait des mesures immédiates.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Lesquelles ?
 
EVA JOLY On interdit au trafic lourd de traverser Paris, on oblige au contournement. On prend des mesures énergiques, par exemple on interdit la circulation un jour sur deux. On réduit effectivement la circulation, la vitesse de la circulation, mais ce qui compte c’est les mesures à long terme, c’est de ne pas favoriser le diesel parce qu’en fait les Français se sont fait piéger deux fois pour ça.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est-à-dire, par exemple, on relève les taxes sur le diesel, sur le gasoil ? Vous savez que les taxes sur le gasoil, les taxes sur l’essence, ne sont pas les mêmes.
 
EVA JOLY Mais c’est justement ce que je vous dis, la situation absurde dans laquelle nous sommes. Aux Etats-Unis, il n’y a que 1 % du parc immobilier en diesel…du parc des moteurs…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …oui, automobile.
 
EVA JOLY …automobile en diesel. C’est donc par une décision politique que nous sommes dans cette situation qui nous coûte à chacun sept ou huit mois d’espoir de vie. C’est une décision politique. Donc, il faut revenir sur cette décision, il ne faut pas favoriser cette technologie qui est si polluante. Et l’Europe va interdire de différencier la fiscalité sur le diesel et l’essence. Donc, ce que je dis c’est que les Français se sont fait piéger.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous proposez, vous ? Tiens, est-ce que vous proposez, ce matin, de remonter la fiscalité du diesel et de remettre la fiscalité du diesel au niveau de celle de l’essence ?
 
EVA JOLY Dans l’intérêt de notre santé, c’est ce qu’il faut faire.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Il faut faire !
 
EVA JOLY Il faut faire, oui !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui !
 
EVA JOLY Et donc, il faut prendre des mesures dans l’immédiat qui est de protéger les grandes agglomérations.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc, le gasoil doit coûter plus cher, quoi.
 
EVA JOLY Il doit être au même prix, et nous devons arrêter…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …même prix que l’essence, donc plus cher.
 
EVA JOLY Et nous devons arrêter de favoriser une technologie qui nous rend malade.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais 80 % des Français roulent au gasoil, et déjà que nous avons des problèmes de pouvoir d’achat.
 
EVA JOLY Monsieur BOURDIN, ce que je vous dis, il faut bien comprendre, chacun voit bien que nous souffrons de cette pollution, de ces particules fines, que c’est dangereux pour nos poumons et pour nos enfants. Ce n’est pas une décision écologique, ce n’est pas une décision où la santé des Français ont été mises au centre, mais où l’intérêt de l’industrie automobile a été mis au centre. Et c’est ça qu’il faut changer. Et l’écologie c’est ça, c’est de mettre l’intérêt commun, l’intérêt des Français au centre de toutes les décisions.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Cela dit, il y a une solution peut-être, c’est de baisser les taxes sur l’essence et les ramener au niveau du gasoil aussi, non ? Non !
 
EVA JOLY De toute façon, les hydrocarbures, vous voyez bien, monsieur BOURDIN, il y a un accident majeur en Mer du Nord, face à l’Ecosse, TOTAL a un problème avec une plate-forme.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca vous inquiète ça ?
 
EVA JOLY C’est très inquiétant. Et je me dis surtout combien d’accidents nous faudrait-il pour comprendre que nous devons arrêter de chercher les dernières gouttes d’hydrocarbure et nous mettre aux énergies renouvelables qui, elles, ne sont pas dangereuses ni pour la santé, ni pour l’environnement ?
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, moi, j’ai trouvé formidable ce que vous avez dit parce que, encore une fois c’est une sincérité qu’on rencontre peu, je le dis franchement, en dehors de toute idée politique préconçue, mais vous dites, « Je sais que je ne suis pas formatée comme les autres candidats, je n’ai ni l’humour tonitruant de MÉLENCHON, ni l’art de la synthèse de François HOLLANDE, je n’ai pas comme François BAYROU la certitude d’être née pour accomplir un destin, je n’ai pas la haine en héritage comme Marine LE PEN, ni l’ambition qui guide chacun de mes pas comme Nicolas SARKOZY. Je sais que j’ai ma part de responsabilité dans le peu d’écho qu’on accorde à mes propos ». Et vous ajoutez même, « Je me dis que j’ai été très mauvaise ».
 
EVA JOLY Non, j’ai dit…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN …vous avez été très mauvaise depuis le début de cette campagne ?
 
EVA JOLY Là, vraiment, cette citation est tronquée.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ah bon ! Allez-y !
 
EVA JOLY J’ai dit que je n’ai pas été assez bonne pour trouver les images qui frappent l’imaginaire des Français, pour leur faire comprendre combien les questions environnementales sont importantes. Nous sommes en pleine période de sécheresse, je voudrais faire comprendre aux Français que cette sécheresse elle n’est pas un accident, elle résulte des changements climatiques et que nous ne sommes pas assez performants dans la lutte contre le changement climatique, et que cela va avoir une incidence sur leur pouvoir d’achat, parce que les récoltes vont être moins bonnes, pas simplement en France, mais dans toute l’Europe, et que la nourriture va être plus chère, et donc il y a un lien entre l’absence de lutte contre le changement climatique et le porte-monnaie en direct. Et la citation que vous m’avez opposée, elle veut dire cela. Je n’ai pas trouvé les images assez parlantes. Mais, ce qui est important, c’est qu’il reste encore trois semaines et avec cette prise de conscience je vais devenir bien meilleure.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien ! Eva JOLY, on va parler de chômage, de pouvoir d’achat, on va parler de politique, de politique.
 
EVA JOLY Oui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN A la fois à travers les affaires judiciaires, l’affaire BETTENCOURT. Vous avez envie, je le sais, de vous exprimer sur ce sujet. Et puis, et puis, et puis, on va parler des accords électoraux. On approche du premier tour, ensuite il y aura un second tour. On va voir tout ça dans deux minutes.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 2 avril 2012