Texte intégral
Madame la ministre,
Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs,
Je me félicite dêtre parmi vous aujourdhui à linvitation de Claude Bartolone, tant les débats et discussions auxquels vous vous êtes consacrés depuis le début de cette journée sinscrivent dans le droit fil des réflexions que javais pu développer en tant quélue et qui me concernent au quotidien de mon action ministérielle.
Eduquer, former, transmettre, ces actes essentiels sont au cur de mon engagement politique et sont des objectifs prioritaires pour tout maire, de commune modeste comme de grande agglomération, pour tout acteur qui accepte dassumer des responsabilités dans le destin de la cité.
Il est de notre devoir de citoyen de nous interroger sur les solutions à mettre en uvre pour que léducation progresse dans notre société et il est pour cela plus que jamais nécessaire de mobiliser toutes les compétences : la présence à Tours de quatre ministres du gouvernement de Lionel Jospin témoigne de notre volonté commune dagir ensemble. Léducation est affaire de responsabilité, de responsabilité partagée par tous les adultes, face à une jeunesse souvent inquiète, en proie au doute ou au scepticisme.
Mes responsabilités de ministre de la culture et de la communication me confrontent quotidiennement à ces questions, tant laccès à la culture passe, on le sait, par un accès à léducation, lune et lautre senrichissant mutuellement pour offrir louverture nécessaire aux multiples sensibilités et aux savoirs qui travaillent notre monde.
On a trop longtemps dissocié éducation et culture de façon manichéenne, lécole de la pédagogie étant opposée à lécole de la sensibilité. Aujourdhui, ce temps est révolu. Les frontières se déplacent, tant il est vrai que la culture est une ouverture sur le monde quand dautres portes se ferment, tant il est vrai quil ne saurait y avoir accès aux uvres de lhumanité sans clefs de compréhension, sans repères spatio-temporels, sans maîtrise des savoirs de notre temps.
Cest la raison pour laquelle jai placé la démocratisation au centre de mon action : il ne suffit pas de multiplier loffre, si intelligente soit-elle ; encore faut-il que chacun puisse, que chacun ait le désir de se saisir des livres, de la musique, du théâtre, des arts plastiques.
Pour éveiller ce désir, il faut agir, selon moi, dans deux directions.
Tout dabord, nous devons respecter, reconnaître et encourager les pratiques culturelles des habitants et plus particulièrement des jeunes.
Ne méprisons plus les pratiques en amateur, sachons recevoir la force et lénergie créatrice des nouvelles formes dexpression artistique de celles que nous appelons les cultures urbaines.
Ne considérons plus que nous sommes quittes de leffort de démocratisation en multipliant les équipements culturels. La proximité territoriale nest pas la proximité sociale. Et une structure culturelle sans projet éducatif est une structure qui se condamne à ne sadresser quaux héritiers de la culture.
Cest pourquoi jai demandé aux établissements culturels dinscrire dans leurs missions cette priorité de léducation. Des musées, des scènes nationales, des centres dart, des théâtres ont déjà su se doter de services éducatifs. Je serai particulièrement attentive au développement de ces actions dans tous les établissements financés par mon ministère.
Mon département ministériel porte également une part importante de cette responsabilité éducative au travers du soutien aux réseaux constitués par des initiatives individuelles et collectives, au premier rang desquelles celles des collectivités locales. Il le porte aussi au travers des écoles dart et des écoles darchitecture, qui forment les artisans de la cité de demain, et au travers de léducation artistique quavec Claude Allègre, je parviens à mettre enfin au cur de lécole, des collèges et des lycées.
En ouvrant les portes de leurs établissements aux artistes et aux professionnels de la culture, en réalisant des espaces dédiés à lart et à la culture, les enseignants assument les enjeux de formation mais aussi de transmission et déchange, qui fondent la tolérance essentielle au « vouloir-vivre ensemble ». Ils travaillent ainsi au respect du principe dégalité des citoyens et des plus jeunes : éducation à limage, accès au livre et aux oeuvres, sont autant de priorités auxquelles les établissements culturels travaillent avec les écoles.
En proposant des activités artistiques aux enfants et aux jeunes, en marge et en dehors du temps scolaire et de lécole, le contrat éducatif local, que jai cosigné avec le ministre de léducation nationale, de la recherche et de la technologie, la ministre de la jeunesse et des sports et le ministre de la ville, offre désormais un cadre nouveau pour développer ces actions.
Jai encore engagé un programme spécifique de soutien aux espaces culture multimédia, qui sont autant doutils daccès à la culture et aux savoirs, à lexpression et à la création, mis à la disposition des jeunes.
Je memploie enfin à favoriser léducation à la ville, en amplifiant laction patiente et déterminée développée par les CAUE. En partenariat avec lEducation nationale, lenseignement de larchitecture fait son apparition dans le cursus scolaire, à titre expérimental encore, mais jespère bien en généraliser la pratique.
Au-delà de ces actions, cest dans les sites-pilotes proposés par le ministère de la ville pour mieux appréhender les échelles dintervention croisée de tous les acteurs vers les secteurs de ville les plus en déshérence que le Ministère de la culture et de la communication semploiera à définir les modalités daction culturelle les plus appropriées, sachant toutefois quil ny a pas daction à deux vitesses, et que lidentification de la spécificité des problèmes rencontrés dans certains quartiers ne doit pas conduire à les traiter en ghettos : lenjeu majeur de toute politique culturelle demeure bien lidentification et lappropriation des lieux de culture comme un bien commun, où quils soient situés, quils soient payants ou gratuits. Cest pourquoi je demande à tous les acteurs culturels de semployer à faire reculer les frontières, symboliques et économiques, qui entravent laccès à ce bien commun.
Mais le ministère de la culture et de la communication, qui a réintégré dans ses murs la direction de larchitecture, assume aussi la responsabilité de redonner au patrimoine bâti et à larchitecture la place qui leur revient de droit dans la société.
Lintérêt public de larchitecture est inscrit dans la loi. Larchitecture appartient donc à tous. Prendre en compte les aspirations des habitants, répondre à leurs attentes ou leurs demandes, recomposer les espaces de vie pour y restaurer une urbanité perdue est aussi une question de transmission, déducation.
En prenant quelque liberté avec le thème de nos rencontres - léducation dans la ville - je voudrais pour ma part signifier létroite relation qui existe entre léducation et la ville, tant la ville cristallise aujourdhui avec acuité les mutations de la société au point den révéler les excès.
Il est vrai que dans un passé récent, une partie de la ville a été abandonnée, délaissée devrais-je plutôt dire, au point de se produire en dehors de toute référence, par constructions massives de grands ensembles dans des espaces vierges, sans aucun lien avec les centres-villes anciens.
Il sagissait de construire beaucoup, pas cher et vite. Lurbanisme des chemins de grues était constitué. Le résultat ? Des logements identiques exactement superposés souvent dans des petits plots ou barres construites sur des rez-de-chaussée en grande partie aveugles, répétés en alignements à perte de vue, des cellules logements aux volumes simplifiés jusquà labsurde, des surfaces minimales, des façades vidées de toute identité.
Quant à lenvironnement extérieur, les équipement programmés dans les plans-masse initiaux nont souvent pas été construits ... Comment pourrions-nous ici nous bercer de lillusion que léducation puisse trouver en ces lieux ses lettres de noblesse ? Plus quaucun autre groupe, les enfants ressentent avec acuité linjustice dun cadre de vie ingrat et triste. La misère du monde qui les environne devient leur propre souffrance. Comment pourraient-ils se reconnaître dans un système éducatif qui ne peut transcrire dans les faits leur désir de vivre dans lharmonie et la dignité ? Comment pourraient-ils se départir de cette rage qui fonde leur identité collective sur le rejet de ce qui les a préalablement rejeté ? Comment pourrait-on devenir citoyen sans éducation à la citoyenneté ?
Pourtant, est-il nécessaire de rappeler que la ville reste avant tout un élément de notre patrimoine culturel et un vecteur de la civilisation ? Quelle ne saurait à ce titre renoncer à tout ou partie de ce qui la constituée comme fait culturel ? Larchitecture est un fait culturel et donc un fait de société. En tant que citoyenne et habitante, je suis personnellement touchée par lexpression formelle de tel ou tel ensemble ou construction, par lambiance qui sen dégage, par sa relation à lespace construit environnant. Je suis sensible à la place que prend larchitecture dans la vie quotidienne des habitants comme aux règles implicites de vie quelle induit. Aussi, larchitecture doit participer de ce mouvement profond de prise en compte des aspirations individuelles et collectives pour oeuvrer à une éducation de tous. La ville de demain, comme la ville dhier, sera aussi le produit de nos choix collectifs et de notre engagement présent dans léducation de tous.
Mais peut-être plus encore que la ville, cest la civilisation urbaine quil nous faut aujourdhui construire. Par les bouleversements en cours de réalisation tant dans le domaine de linformation, que de la globalisation des marchés ou des évolutions des modes de vie et dorganisation du travail, le monde nouveau qui souvre à nous exige un effort sans précédent dans la recherche et lexpression de la qualité de vie. Cest pourquoi la culture, au sens large du terme, doit détenir une place toute particulière dans notre débat sur léducation et la ville. La culture unit, met en relation ce qui existe et ce qui pourrait advenir, affirme les identités mais permet aussi aux communautés le dialogue des « hommes de bonne volonté ». Produire de la qualité dans tous les domaines du champ culturel permettra de réapprendre à se parler, à échanger et écouter. La restauration du dialogue constructif offrira les conditions de penser notre destin collectif.
La politique du patrimoine, qui relève de mon ministère, est aussi un facteur de recomposition sociale. A travers elle, une nouvelle relation porteuse didentité et de culture collective se bâtit entre passé, présent et avenir. Cest pourquoi mes services semploient à rechercher les moyens de restaurer la qualité architecturale des bâtiments et des espaces urbains quils soient de centre ou de périphérie, de fabriquer la ville sur la ville. Chaque projet de construction, chaque projet daménagement urbain, chaque projet dinfrastructure doit être lobjet dune recherche de qualité.
Je ne voudrais pas clore mon propos sans remercier tous ceux qui, nombreux, se sont associés à cette manifestation essentielle. Je vois là les conditions de mise en oeuvre dun dialogue constructif pour refonder le rôle de léducation dans la cité, pour favoriser une conception démocratique de la culture, respectueuse de la diversité des sensibilités et des expressions.
Car noublions jamais que laction culturelle se fonde sur lacceptation et la valorisation des différences et des singularités, contribue à ce que les manières dêtre de chacun soient prises en compte comme ressources dun patrimoine commun, contribuant ainsi à la construction dune histoire collective.
A tous, jadresse mes plus vifs encouragements dans la poursuite de vos échanges et réflexions. Je vous remercie.
(Source http ://www.culture.gouv.fr, le 31 mars 1999)
Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs,
Je me félicite dêtre parmi vous aujourdhui à linvitation de Claude Bartolone, tant les débats et discussions auxquels vous vous êtes consacrés depuis le début de cette journée sinscrivent dans le droit fil des réflexions que javais pu développer en tant quélue et qui me concernent au quotidien de mon action ministérielle.
Eduquer, former, transmettre, ces actes essentiels sont au cur de mon engagement politique et sont des objectifs prioritaires pour tout maire, de commune modeste comme de grande agglomération, pour tout acteur qui accepte dassumer des responsabilités dans le destin de la cité.
Il est de notre devoir de citoyen de nous interroger sur les solutions à mettre en uvre pour que léducation progresse dans notre société et il est pour cela plus que jamais nécessaire de mobiliser toutes les compétences : la présence à Tours de quatre ministres du gouvernement de Lionel Jospin témoigne de notre volonté commune dagir ensemble. Léducation est affaire de responsabilité, de responsabilité partagée par tous les adultes, face à une jeunesse souvent inquiète, en proie au doute ou au scepticisme.
Mes responsabilités de ministre de la culture et de la communication me confrontent quotidiennement à ces questions, tant laccès à la culture passe, on le sait, par un accès à léducation, lune et lautre senrichissant mutuellement pour offrir louverture nécessaire aux multiples sensibilités et aux savoirs qui travaillent notre monde.
On a trop longtemps dissocié éducation et culture de façon manichéenne, lécole de la pédagogie étant opposée à lécole de la sensibilité. Aujourdhui, ce temps est révolu. Les frontières se déplacent, tant il est vrai que la culture est une ouverture sur le monde quand dautres portes se ferment, tant il est vrai quil ne saurait y avoir accès aux uvres de lhumanité sans clefs de compréhension, sans repères spatio-temporels, sans maîtrise des savoirs de notre temps.
Cest la raison pour laquelle jai placé la démocratisation au centre de mon action : il ne suffit pas de multiplier loffre, si intelligente soit-elle ; encore faut-il que chacun puisse, que chacun ait le désir de se saisir des livres, de la musique, du théâtre, des arts plastiques.
Pour éveiller ce désir, il faut agir, selon moi, dans deux directions.
Tout dabord, nous devons respecter, reconnaître et encourager les pratiques culturelles des habitants et plus particulièrement des jeunes.
Ne méprisons plus les pratiques en amateur, sachons recevoir la force et lénergie créatrice des nouvelles formes dexpression artistique de celles que nous appelons les cultures urbaines.
Ne considérons plus que nous sommes quittes de leffort de démocratisation en multipliant les équipements culturels. La proximité territoriale nest pas la proximité sociale. Et une structure culturelle sans projet éducatif est une structure qui se condamne à ne sadresser quaux héritiers de la culture.
Cest pourquoi jai demandé aux établissements culturels dinscrire dans leurs missions cette priorité de léducation. Des musées, des scènes nationales, des centres dart, des théâtres ont déjà su se doter de services éducatifs. Je serai particulièrement attentive au développement de ces actions dans tous les établissements financés par mon ministère.
Mon département ministériel porte également une part importante de cette responsabilité éducative au travers du soutien aux réseaux constitués par des initiatives individuelles et collectives, au premier rang desquelles celles des collectivités locales. Il le porte aussi au travers des écoles dart et des écoles darchitecture, qui forment les artisans de la cité de demain, et au travers de léducation artistique quavec Claude Allègre, je parviens à mettre enfin au cur de lécole, des collèges et des lycées.
En ouvrant les portes de leurs établissements aux artistes et aux professionnels de la culture, en réalisant des espaces dédiés à lart et à la culture, les enseignants assument les enjeux de formation mais aussi de transmission et déchange, qui fondent la tolérance essentielle au « vouloir-vivre ensemble ». Ils travaillent ainsi au respect du principe dégalité des citoyens et des plus jeunes : éducation à limage, accès au livre et aux oeuvres, sont autant de priorités auxquelles les établissements culturels travaillent avec les écoles.
En proposant des activités artistiques aux enfants et aux jeunes, en marge et en dehors du temps scolaire et de lécole, le contrat éducatif local, que jai cosigné avec le ministre de léducation nationale, de la recherche et de la technologie, la ministre de la jeunesse et des sports et le ministre de la ville, offre désormais un cadre nouveau pour développer ces actions.
Jai encore engagé un programme spécifique de soutien aux espaces culture multimédia, qui sont autant doutils daccès à la culture et aux savoirs, à lexpression et à la création, mis à la disposition des jeunes.
Je memploie enfin à favoriser léducation à la ville, en amplifiant laction patiente et déterminée développée par les CAUE. En partenariat avec lEducation nationale, lenseignement de larchitecture fait son apparition dans le cursus scolaire, à titre expérimental encore, mais jespère bien en généraliser la pratique.
Au-delà de ces actions, cest dans les sites-pilotes proposés par le ministère de la ville pour mieux appréhender les échelles dintervention croisée de tous les acteurs vers les secteurs de ville les plus en déshérence que le Ministère de la culture et de la communication semploiera à définir les modalités daction culturelle les plus appropriées, sachant toutefois quil ny a pas daction à deux vitesses, et que lidentification de la spécificité des problèmes rencontrés dans certains quartiers ne doit pas conduire à les traiter en ghettos : lenjeu majeur de toute politique culturelle demeure bien lidentification et lappropriation des lieux de culture comme un bien commun, où quils soient situés, quils soient payants ou gratuits. Cest pourquoi je demande à tous les acteurs culturels de semployer à faire reculer les frontières, symboliques et économiques, qui entravent laccès à ce bien commun.
Mais le ministère de la culture et de la communication, qui a réintégré dans ses murs la direction de larchitecture, assume aussi la responsabilité de redonner au patrimoine bâti et à larchitecture la place qui leur revient de droit dans la société.
Lintérêt public de larchitecture est inscrit dans la loi. Larchitecture appartient donc à tous. Prendre en compte les aspirations des habitants, répondre à leurs attentes ou leurs demandes, recomposer les espaces de vie pour y restaurer une urbanité perdue est aussi une question de transmission, déducation.
En prenant quelque liberté avec le thème de nos rencontres - léducation dans la ville - je voudrais pour ma part signifier létroite relation qui existe entre léducation et la ville, tant la ville cristallise aujourdhui avec acuité les mutations de la société au point den révéler les excès.
Il est vrai que dans un passé récent, une partie de la ville a été abandonnée, délaissée devrais-je plutôt dire, au point de se produire en dehors de toute référence, par constructions massives de grands ensembles dans des espaces vierges, sans aucun lien avec les centres-villes anciens.
Il sagissait de construire beaucoup, pas cher et vite. Lurbanisme des chemins de grues était constitué. Le résultat ? Des logements identiques exactement superposés souvent dans des petits plots ou barres construites sur des rez-de-chaussée en grande partie aveugles, répétés en alignements à perte de vue, des cellules logements aux volumes simplifiés jusquà labsurde, des surfaces minimales, des façades vidées de toute identité.
Quant à lenvironnement extérieur, les équipement programmés dans les plans-masse initiaux nont souvent pas été construits ... Comment pourrions-nous ici nous bercer de lillusion que léducation puisse trouver en ces lieux ses lettres de noblesse ? Plus quaucun autre groupe, les enfants ressentent avec acuité linjustice dun cadre de vie ingrat et triste. La misère du monde qui les environne devient leur propre souffrance. Comment pourraient-ils se reconnaître dans un système éducatif qui ne peut transcrire dans les faits leur désir de vivre dans lharmonie et la dignité ? Comment pourraient-ils se départir de cette rage qui fonde leur identité collective sur le rejet de ce qui les a préalablement rejeté ? Comment pourrait-on devenir citoyen sans éducation à la citoyenneté ?
Pourtant, est-il nécessaire de rappeler que la ville reste avant tout un élément de notre patrimoine culturel et un vecteur de la civilisation ? Quelle ne saurait à ce titre renoncer à tout ou partie de ce qui la constituée comme fait culturel ? Larchitecture est un fait culturel et donc un fait de société. En tant que citoyenne et habitante, je suis personnellement touchée par lexpression formelle de tel ou tel ensemble ou construction, par lambiance qui sen dégage, par sa relation à lespace construit environnant. Je suis sensible à la place que prend larchitecture dans la vie quotidienne des habitants comme aux règles implicites de vie quelle induit. Aussi, larchitecture doit participer de ce mouvement profond de prise en compte des aspirations individuelles et collectives pour oeuvrer à une éducation de tous. La ville de demain, comme la ville dhier, sera aussi le produit de nos choix collectifs et de notre engagement présent dans léducation de tous.
Mais peut-être plus encore que la ville, cest la civilisation urbaine quil nous faut aujourdhui construire. Par les bouleversements en cours de réalisation tant dans le domaine de linformation, que de la globalisation des marchés ou des évolutions des modes de vie et dorganisation du travail, le monde nouveau qui souvre à nous exige un effort sans précédent dans la recherche et lexpression de la qualité de vie. Cest pourquoi la culture, au sens large du terme, doit détenir une place toute particulière dans notre débat sur léducation et la ville. La culture unit, met en relation ce qui existe et ce qui pourrait advenir, affirme les identités mais permet aussi aux communautés le dialogue des « hommes de bonne volonté ». Produire de la qualité dans tous les domaines du champ culturel permettra de réapprendre à se parler, à échanger et écouter. La restauration du dialogue constructif offrira les conditions de penser notre destin collectif.
La politique du patrimoine, qui relève de mon ministère, est aussi un facteur de recomposition sociale. A travers elle, une nouvelle relation porteuse didentité et de culture collective se bâtit entre passé, présent et avenir. Cest pourquoi mes services semploient à rechercher les moyens de restaurer la qualité architecturale des bâtiments et des espaces urbains quils soient de centre ou de périphérie, de fabriquer la ville sur la ville. Chaque projet de construction, chaque projet daménagement urbain, chaque projet dinfrastructure doit être lobjet dune recherche de qualité.
Je ne voudrais pas clore mon propos sans remercier tous ceux qui, nombreux, se sont associés à cette manifestation essentielle. Je vois là les conditions de mise en oeuvre dun dialogue constructif pour refonder le rôle de léducation dans la cité, pour favoriser une conception démocratique de la culture, respectueuse de la diversité des sensibilités et des expressions.
Car noublions jamais que laction culturelle se fonde sur lacceptation et la valorisation des différences et des singularités, contribue à ce que les manières dêtre de chacun soient prises en compte comme ressources dun patrimoine commun, contribuant ainsi à la construction dune histoire collective.
A tous, jadresse mes plus vifs encouragements dans la poursuite de vos échanges et réflexions. Je vous remercie.
(Source http ://www.culture.gouv.fr, le 31 mars 1999)