Interview de Mme Dominique Bertinotti, ministre de la famille, à La Chaîne Info le 1er juin 2012, sur le financement de l'allocation de rentrée scolaire, les fraudes à l'allocation de parent isolé et le mariage homosexuel.

Prononcé le 1er juin 2012

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

JULIEN ARNAUD De nombreux Français ont déposé hier leur déclaration de revenus, et ils ont coché la case « nombre d’enfants », évidemment vous voyez de quoi je veux vous parler, du quotient familial. La baisse du plafond du quotient familial et les répercussions fiscales, ça entrera en vigueur dès cette année, dès les revenus, enfin, la déclaration que l’on vient de déposer ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Non, en fait, pour être bien précise, vous savez que François HOLLANDE a voulu que toute nouvelle dépense engagée soit gagée par des recettes ou des économies, et ce qui est visé, pour financier l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, c'est la bisse de l’avantage fiscal, tiré du quotient familial, qui va passer comme plafond, de 2 300 € à 2 000 € et qui concerne 5 % des familles les plus aisées.
 
JULIEN ARNAUD Est-ce que ce sera, donc, le cas, dès cette année ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Non, ce sera le cas dès l’année 2013.
 
JULIEN ARNAUD D’accord. 2 000 € de plafond maximum, on s’arrête là ou bien c'est un avantage, vous parlez, vous, d’un avantage fiscal...
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Fiscal, absolument.
 
JULIEN ARNAUD Donc, ça veut dire que pour vous, c'est peut-être pas très juste ; est-ce que ça veut dire qu’il faut le supprimer, à terme ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Non, le problème, et on le voit bien au travers de cette mesure, c'est une forme de solidarité entre les familles.
 
JULIEN ARNAUD Oui.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Il s’agit qu’effectivement on puisse aider les familles les plus modestes, et comme nous sommes quand même dans un temps de crise, il faut que toute dépense puisse être gagée.
 
JULIEN ARNAUD Donc on s’arrête à 2 000 € de plafond.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Exactement.
 
JULIEN ARNAUD D’accord. Ça ne changera pas pendant le quinquennat.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Je ne pense pas.
 
JULIEN ARNAUD Je ne pense pas, mais pourquoi pas, d’accord.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Non, non, non, non, il ne faut pas inquiéter les gens, il s’agit d’une mesure de justice redistributive...
 
JULIEN ARNAUD D’accord.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Et de solidarité entre les familles.
 
JULIEN ARNAUD Alors, vous avez parlé de l’allocation de rentrée scolaire, elle augmente donc de 25 % dès cette rentrée-là, ce qui fait à peu près 70 € pour 3 millions de familles. Ça sera versé, enfin, c'est de l’argent qui est versé. Pourquoi ne pas prendre une autre procédure ? Pourquoi pas des bons d’achats, par exemple, voire une distribution de fournitures, directement ? Parce que, cet argent, les gens, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent, au fond.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI D’abord... Oui, sauf qu’il y a eu des rapports faits par les associations familiales, qui ont démontré que cette allocation est véritablement utilisée dans son intégralité, pour justement des fournitures scolaires, pour de nouveau vêtements, pour les cartables, et donc il n’y a pas de dévoiement.
 
JULIEN ARNAUD Il n’y a aucun abus, ça n’existe pas.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Il n’y a pas d’abus de l’utilisation de cette allocation. En plus, je veux dire que le système des bons d’achats, est vraiment à l’opposé de ce que veut François HOLLANDE. Il a parlé d’une France apaisée, où l’on arrête de stigmatiser des groupes, des familles...
 
JULIEN ARNAUD Ce n'est pas stigmatisant les bons d’achats.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Si. Si, si.
 
JULIEN ARNAUD Ah bon ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Moi je trouve que, pourquoi pointer dans un supermarché, le fait que l’on a des bons d’achats, parce qu’on a des revenus plus modestes...
 
JULIEN ARNAUD Alors pourquoi pas la distribution de fournitures par l’Education nationale ? En plus, le ministère pourrait acheter en gros, et donc achèterait moins cher.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Parce que je pense que nous ne pouvons pas être non plus dépensiers indifféremment, et que précisément, il s’agit d’aider ceux qui en ont le plus besoin. Je veux dire que la mesure d’allocation rentrée scolaire, c'est aussi une mesure, effectivement, de pouvoir d’achat, quand on sait que certaines familles sont à 30 € près pour finir leur mois, et c'est une mesure éducative. C'est une mesure éducative, parce que, quelquefois, lorsque les enfants arrivent à l’âge de 14/15 ans, des familles modestes hésitent à engager leur enfant dans des études plus longues, qui sont plus onéreuses, et que l’éducation étant au coeur de tout, et la jeunesse faisant partie, vraiment, des grands axes, de François HOLLANDE, c'est important de donner ce signal-là.
 
JULIEN ARNAUD Une autre aide, qui est soupçonnée d’être un petit peu dévoyée de temps en temps, c'est l’allocation de parent isolé. Je vais prendre un exemple concret, qui concerne la mandature précédente, le cas Lies HEBBADJ, près de Nantes, soupçonné de polygamie officieuse, plusieurs femmes qui chacune touche l’allocation de parent isolé. Est-ce que c'est normal, et est-ce que l’on peut y mettre un terme ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI De toute façon, vous trouverez toujours des cas ou des exceptions, ou des gens qui, voilà, peuvent vouloir détourner ce pourquoi c'est fait. Moi, ce que je veux dire, c'est que, quand même, le nombre de familles monoparentales est en forte augmentation...
 
JULIEN ARNAUD Oui, mais il y a quand même un certain nombre d’abus, même si on en trouve toujours, ça vous choque, ou pas, ça ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Bien sûr !
 
JULIEN ARNAUD La situation, le cas dont je vous ai parlé.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Bien sûr. Aucun abus, aucune fraude ne doit être...
 
JULIEN ARNAUD Mais on ne peut rien faire contre ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Je pense que, justement, il s’agit de repenser, peut-être de simplifier, les circuits des aides, et je tiens à dire qu’une bonne politique familiale, elle repose sur deux piliers, à la fois, peut-être, une simplification des aides, et facilité à aller vers ce que l’on appellerait, peut-être, une sorte de guichet unique, mais aussi, l’autre pilier de la politique familiale, c'est aussi le développement de services à la famille et à l’enfance, c'est comme ça que nous aurons une politique très efficace.
 
JULIEN ARNAUD Alors, en France, justement, Marisol TOURAINE a parlée de mesures ciblées pour les enfants en situation de pauvreté. Est-ce que par exemple on pourrait envisager la gratuité des cantines ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Alors, déjà, il faut savoir que dans certaines municipalités, la gratuité de la cantine existe.
 
JULIEN ARNAUD C'est déjà le cas. Est-ce qu’il faut le généraliser ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Il faut inciter à avoir un paiement, modulé selon les ressources, paiement de cantine. A Paris, c'est le cas, nous avons 8 tarifs, en fonction du niveau de ressources. Nous veillerons...
 
JULIEN ARNAUD Mais ça reste du ressort de la ville.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Ça reste du ressort de la ville, mais ça peut être fortement incitateur. Il y a d’autres mesures qui sont faites pour lutter, justement, contre les enfants qui sont en situation de pauvreté. Souvent, ils n’ont pas les conditions de logement pour pouvoir faire et accomplir leurs devoirs dans de bonnes conditions, il faut que nous puissions trouver des solutions.
 
JULIEN ARNAUD Autre mesure phare du quinquennat, dont vous êtes en charge, c'est évidemment le mariage gay. La première union gay, ça sera pour quand ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Ecoutez, si tout se déroule bien, nous espérons que, à la fin du premier semestre 2013, ce sera possible.
 
JULIEN ARNAUD Est-ce qu’il y a des relents d’homophobie, lorsqu’on est oppose à cette mesure, d’après vous ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Je pense qu’il y aura, forcément, des éléments de débats assez conflictuels. Ce que je tiens à dire...
 
JULIEN ARNAUD Homophobie, vous diriez... si quand par exemple...
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Oui, bien sûr, bien sûr...
 
JULIEN ARNAUD Oui ? Quand les grandes religions s’y opposent, pour vous, c'est un ferment homophobe qui guide leur opinion ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI D’abord, nous allons entamer une phase de discussions, de dialogue. Moi je veux être un ministre qui pratique l’ouverture, le dialogue, et j’entendrai toutes les positions. Mais je tiens à dire, d’abord, qu’il y a une évolution de la société. Quand vous regardez des sondages récents, le mariage pour tous, dont justement le mariage pour les homosexuels, est, je dirais, accepté par une majorité de Français, vous savez...
 
JULIEN ARNAUD Mais quand on est contre, on est homophobe ou pas ?
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Ah, on peut être contre, pour des raisons qui sont des raisons, vous l’avez dit, philosophiques...
 
JULIEN ARNAUD D’accord.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI Mais, la différence est, entre contres, et ce que la loi peut permettre, et moi je dis que le mariage pour tous, c'est une mesure d’égalité. On a dans notre devise « Liberté, égalité, fraternité », c'est une mesure d’égalité, et au fond, c'est de dire : il y a égalité entre les familles, mêmes droits, mêmes devoirs.
 
JULIEN ARNAUD Dernière chose : Bertrand DELANOË qui ne se représente pas en 2014, finalement ça ne semble pas aussi sûr que ça. Vous pensez qu’il va se représenter à la Mairie de Paris en 2014 ? D’après vous, Dominique BERTINOTTI, qui est en train de quitter votre mandat de maire du IVème arrondissement.
 
DOMINIQUE BERTINOTTI C'est une décision qui lui appartient, c'est un homme qui a toujours été fidèle à ses engagements et à ses propos, donc c'est à lui qu’il faut le demander. Il a dit qu’il ne se représenterait pas.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 1er juin 2012